RIA Novosti
Armes russes: Moscou soigne son statut au
Proche-Orient
Nikita Petrov
Photo RIA Novosti
26
août
2008 Trois événements importants ont coïncidé par un pur
hasard. Mais ils ont mis en émoi pendant quelques jours les
hommes politiques et les médias du Proche-Orient. Ces événements
sont les suivants: le Salon international des armements et
matériels de guerre MVSV-2008 s'est tenu à Moscou. Le Roi
Abdallah II de Jordanie a effectué une visite en Russie, lors de
laquelle il s'est rendu à ce salon, où il a pu rencontrer des
producteurs d'armes russes. Il s'est également entretenu avec le
président du pays Dmitri Medvedev et le premier ministre
Vladimir Poutine. Quelques jours avant cela, c'est le président
syrien Bachar al-Assad qui s'était rendu en Russie afin de mener
des négociations avec Dmitri Medvedev. Les journaux et la
télévision d'Amman, de Damas et, naturellement, de Tel-Aviv ont
porté une grande attention à ces événements, en particulier à la
visite du leader syrien.
Les médias israéliens ont affirmé que Bachar al-Assad s'était
rendu en Russie pour acheter des armes et du matériel de guerre,
et qu'en plus des systèmes de missiles de DCA Pantsir-S1 et Buk-M2,
des chasseurs Su-30, MiG-29SMT et MiG-31E, la principale
transaction porterait sur des missiles opérationnels tactiques
Iskander-E. Il n'y a pas si longtemps, en 2001, Moscou l'avait
promis à Damas, mais ce système de missiles n'avait finalement
pas été vendu à la Syrie suite à une requête personnelle du
premier ministre israélien Ehud Olmert adressée à l'ancien
président Vladimir Poutine. A présent, écrivent les médias de
Jérusalem et de Tel-Aviv, étant donné qu'Israël a participé à
l'entraînement des commandos géorgiens et livré certains
armements à l'armée géorgienne qui a attaqué l'Ossétie du Sud,
Moscou aurait parfaitement le droit de rendre la pareille à
Israël et de livrer ce système à Damas.
Mais le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov
a clairement indiqué aux journalistes, au cours de la visite de
Bachar al-Assad, que Moscou était "prêt à livrer à la Syrie de
nouveaux modèles d'armements, mais uniquement des modèles
défensifs qui ne perturberont pas le rapport des forces dans la
région". Cela signifie que, comme cela avait été promis à
Tel-Aviv, Damas ne recevra pas l'Iskander. En ce qui concerne
les systèmes de DCA, aussi bien terrestres qu'aériens, y compris
les chasseurs intercepteurs, ils n'entrent pas dans la catégorie
des armes offensives et ne sont donc pas concernés par les
ententes russo-israéliennes.
Le fait que la coopération militaire entre Moscou et Damas
ait besoin d'être sérieusement améliorée est une autre histoire.
La Syrie doit à la Russie environ 3 milliards de dollars pour
des livraisons de matériel de guerre. Moscou a effacé la dette
syrienne de 10 milliards de dollars pour les armements vendus à
l'époque soviétique en échange, entre autres, de la promesse de
dépenser, au cours des cinq prochaines années, encore 2
milliards de dollars pour l'achat d'armements russes. Les futurs
contrats sont à l'étude. Comme on l'a appris, il s'agit
effectivement de systèmes de missiles de DCA Pantsir-S1 et Buk-M2,
ainsi que de chasseurs issus des firmes Sukhoi et MiG, mais pas
d'Iskander. Les deux pays mènent également des négociations sur
l'extension de la base militaire russe d'entretien dans le port
syrien de Tartous.
Bien entendu, les principales forces de la Flotte russe de la
mer Noire de Sébastopol ne seront pas transférées en Syrie,
comme l'ont prétendu certaines publications proche-orientales.
Mais un poste d'approvisionnement matériel et technique et de
réparation pour les navires pénétrant en mer Méditerranée afin
d'accomplir telle ou telle mission sera utile pour Moscou et ses
marins. D'autant que le port de Tartous avait été activement
utilisé à l'époque soviétique par la 5e Escadre méditerranéenne
de la Marine de guerre de l'URSS.
La visite du Roi Abdallah II de Jordanie à Moscou n'a pas
suscité autant de réactions que la visite de Bachar Al-Assad à
Sotchi. Peut-être parce que la Jordanie et Israël n'ont pas de
problèmes aussi graves que ceux existant entre Tel-Aviv et
Damas. Ou bien parce qu'il était clair que l'entretien porterait
davantage sur la coopération militaire réelle entre Moscou et
Amman que sur le règlement des problèmes au Proche-Orient. Cette
coopération connaît actuellement un essor, ce que n'a pas manqué
de faire remarquer Dmitri Medvedev au cours de sa rencontre avec
Abdallah II.
"Nos rapports se développent avec succès, c'est notre
troisième rencontre en six mois, ce qui témoigne de l'intensité
de nos contacts et des rapports de bon voisinage", a expliqué le
président au début de son entretien avec le souverain jordanien.
"Les échanges commerciaux entre nos pays s'intensifient, mais
les deux parties souhaitent les renforcer encore davantage", a
ajouté Dmitri Medvedev.
Les faits sont là. Ces dernières années, la Jordanie a acheté
à la Russie deux avions de transport militaires Il-76MF pour un
montant total de 100 millions de dollars et six hélicoptères
polyvalents légers Ka-226 (le contrat est évalué à 25 millions
de dollars) qu'il est prévu d'assembler sous licence dans des
entreprises jordaniennes. D'ailleurs, la firme commune
Oboronprom Middle East créée à cet effet poursuit l'objectif de
produire entre 15 et 20 hélicoptères de ce type par an.
Il est également prévu de créer une coentreprise de
production de lance-roquettes multicalibres RPG-32 Hashim. Ce
lance-roquettes a été conçu par l'entreprise Bazalt à la demande
du Roi Abdallah II. Il peut perforer les blindés et détruire des
postes de tir bien protégés et situés jusqu'à environ 700 m avec
des grenades de calibre 72 et 105 mm. Leur fabrication en série
est prévue aussi bien en Russie qu'en Jordanie. Des
lance-roquettes d'entraînement RPG-32 Hashim ont déjà été livrés
à Amman. Ils ont été très appréciés, et un contrat portant sur
l'achat de la licence pour leur fabrication en série devrait
être signé prochainement. La Jordanie a même reçu de la Russie
un crédit spécial de 350 millions de dollars, bien que cette
somme couvre également l'entretien et la modernisation de
matériel de guerre déjà livré à Amman.
Ce matériel se compose de véhicules blindés légers et de
transports de troupes, de systèmes de missiles antichars Kornet
et de DCA Igla, ainsi que d'armes destinées aux opérations
spéciales: renseignement et protection du palais royal. Le Roi
Abdallah a lui-même servi dans des unités spéciales, et s'y
connaît par conséquent en armes: le fait qu'il ait acheté pour
ses unités d'élite des fusils à lunette russes avec silencieux
et des pistolets PSS représente une bonne publicité pour les
armuriers russes. Il n'est pas exclu que le système de missiles
de DCA Pantsir-S1, considéré comme l'un des armements
antiaériens les plus efficaces en zone restreinte, soit
également envoyé depuis Moscou à Amman après la visite du Roi de
Jordanie.
Mais les armes russes n'intéressent pas seulement les
acheteurs du Proche-Orient. Samedi 23 août, le président russe a
adressé un message au président nicaraguayen Daniel Ortega. Il y
est également question de la coopération militaire. "Nous sommes
intéressés, en premier lieu, par le renforcement des rapports
dans les domaines économique, commercial et dans le cadre des
structures de force, a fait savoir le président russe au
dirigeant du Nicaragua. La coopération militaire entre nos pays
peut s'avérer fructueuse". Cela signifie que le matériel de
guerre livré par l'Union soviétique au Nicaragua qui a besoin
d'être réparé ou modernisé pourrait être remplacé par du
matériel plus moderne, si Managua le souhaite. Les contacts
étroits qu'entretiennent Daniel Ortega et Hugo Chavez attestent
de ce désir. Le président vénézuélien est très content des armes
russes.
Quant à l'objectif fixé par le Service fédéral pour la
coopération militaire - porter les livraisons d'armements russes
à l'étranger en 2008 à 8 milliards de dollars, contre 6,2
milliards de dollars en 2007 - il semble désormais un peu moins
irréaliste.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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Novosti
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