Opinion
Afrique : le
débarquement étasunien
Nazim Rochd
Photo :
AFP/SEYLLOU DIALLO
Samedi 29 juin 2013
Ça
se confirme, les Etats-Unis sont bel et
bien décidés à s'octroyer l'Afrique aux
dépens de leurs satellites européens. La
démonstration est impressionnante : «600
personnes, dont bon nombre
d'investisseurs potentiels, font partie
de la délégation» qui accompagne le
président Barack Obama qui s'y est
offert un petit tour du propriétaire. En
ces temps de vaches maigres il n'était
pas question de continuer à jouer la
carte de la «chasse gardée». Il y
a déjà eu des visites du même niveau,
mais cette fois-ci cela relève du fait
du prince. De plus c'est au Sénégal que
le Potus a cru bon de marquer le coup.
C'est-à-dire dans le fleuron de la
Francophonie. Combien symbolique est le
geste ! Peu importe les autres pays dans
lesquels il se sera rendu. Mais il a une
excuse de taille. Afin de donner le
change à la Françafrique il n'aura qu'à
arguer qu'elle se trouve dans une
profonde décrépitude, supplantée par les
Chinois et grignotée par d'autres, non
moins avides d'expansion économique.
Pourtant, malgré son déploiement
d'intentions prédatrices, il ne
s'encombre pas de scrupules. Il est
venu, dit-il, parler de démocratie et de
paix pour les Africains. Et certains le
croient, les autres font semblant de le
faire ou n'y peuvent rien puisque de
toutes les manières leurs voix seront
inaudibles. Le site de la Maison-Blanche
peut donc allègrement y aller de ce
couplet : «le voyage souligne les
efforts du président pour élargir et
approfondir la coopération entre les
Etats-Unis et la population de l’Afrique
subsaharienne afin de faire avancer la
paix et la prospérité mondiale». La
preuve de cette profession de foi réside
dans le fait qu’Obama aurait «choisi
avec soin» les pays à visiter de ceux où
il ne mettra pas les pieds, pour
non-respect des «principes» énoncés. Des
pieds qui sont chargés de bons points
pour les «bons élèves». Aux
«putschistes» et aux «présidents à vie»
de ruminer leur disgrâce. Pas tous tout
de même. Par exemple pas Alassane
Ouattara de Côte d’Ivoire qui a été
certifié par les Nations unies et par
Washington suivie de ses obligés, après
son intronisation par les troupes
françaises. Lui, il n’a rien à se
reprocher. Il fait partie de ceux qui
répondent le mieux aux desiderata. Ceux
qui ne posent pas de problèmes
particuliers, en termes de gouvernance
économique, aussi, peuvent être rassurés
et vaquer à leur pouvoir en paix. Cette
paix qui est si bien assurée par la
«communauté internationale», partout où
elle juge qu’il faut «démocratiser» et
«libérer» les peuples. Ensuite, à côté
des cours de bonne conduite et de
promesses régaliennes, le Potus sert un
trémolo bien à propos. Il évoque Nelson
Mandela dans des termes dithyrambiques,
avec une sacré dose de vérité, pour une
part. Voici ce qu’il a dit : «c’est l’un
de mes héros personnels, mais je ne suis
pas le seul. Il est le héros pour le
monde entier. Lorsqu’il nous quittera,
nous saurons tous que son bilan et son
héritage seront pour des siècles».
Passons-lui le début qui ne regarde que
sa conscience et sa bonne foi, pour le
reste il ne croit pas si bien dire.
Article publié sur
Le Jour d'Algérie
Le dossier Afrique noire
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