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The Forward
Soros et les poids lourds des médias s'en
prennent à l'influence du lobby
pro-israélien sur la politique américaine
Nathan Guttman
in
The Forward, vendredi 23 mars 2007
http://www.forward.com/articles/soros-and-media-heavyweights-attack-pro-israel-lob/
Washington
– La controverse qui mijotait depuis quelque temps autour de la
politique américaine vis-à-vis d’Israël et du rôle joué par
la communauté juive dans la définition de ladite politique a
explosé avec la force d’une bombe nucléaire, cette semaine.
Plusieurs des commentateurs de la politique étrangère américaine
les plus connus ont tiré des salves contre les lobbyistes
pro-israéliens, et les défenseurs d’Israël ont répliqué
avec une furie encore jamais vue. En trois jours, des critiques
impitoyables du lobbying juif ont été publié par le
milliardaire controversé [tiens, là-bas aussi ? ndt] George
Soros, l’éditorialiste lauréat du prix Pulitzer Nicholas
Kristof, le vénérable hebdo britannique de l’économie The
Economist et un site ouèbe très populaire : Salon.
Les
répliques furent furieuses. Le New York Sun a accusé Kristof et
Soros de diffuser une « énième diffamation sanglante ».
Le directeur de l’American Jewish Committee, David Harris, a écrit
dans une tribune d’opinion du Jerusalem Post que Kristof souffre
de « cécité partielle » et qu’il a « fait la
leçon à Israël d’une manière scandaleusement autoritaire ».
Le
rédacteur en chef de The New Republic, Martin Peretz, a renouvelé
ses attaques contre Soros, qu’il avait entamées depuis un mois
déjà, en qualifiant ce survivant de l’Holocauste d’origine
hongroise de « dent dans la roue d’engrenage hitlérienne ».
Le
tollé autour de la décision politique concernant le Moyen-Orient
avait été déclenché en partie par la conférence annuelle,
tenue à Washington la semaine dernière, de la centrale énergétique
du lobbying pro-israélien, l’American Israel Public Affairs
Committee [Aipac]. Cet événement très médiatisé avait eu le
don de mettre l’influence pro-israélienne sous les projecteurs.
Une parade d’hommes politiques, notamment de candidats à la présidence
des Etats-Unis, étaient venu y assister, déclarant leur soutien
indéfectible à Israël, tandis que le lobby lui-même réaffirmait
son agenda inflexible, incluant la coupure de tous liens avec le
nouveau gouvernement palestinien [d’union nationale, ndt]
par les Etats-Unis.
En
même temps, les dernières attaques et contre-attaques représentaient
également une continuation – et une escalade – d’un débat
en cours à Washington autour du rôle supposé du lobby pro-israélien
dans la détermination de la politique américaine au
Moyen-Orient, qui fait l’objet d’un débat de plus en plus
vif. Ces attaques atteignirent un apex de venimosité, l’an
dernier, avec la publication d’un document controversé par deux
spécialistes majeurs des sciences politiques, Stephen Walt, de
l’Université d’Harvard, et John Mearseheimer de l’Université
de Chicago, qui accusèrent un « lobby israélien »
puissant et envahissant d’avoir poussé les Etats-Unis dans le
conflit en Irak.
Parmi
le dernier groupe des détracteurs [dudit Lobby], Soros, le
milliardaire philanthrope et trader de devise, fut le plus dur.
Dans un article de la New York Review of Books, publié lundi
dernier, il avance que les Etats-Unis rendent à Israël un très
mauvais service en l’autorisant à boycotter le gouvernement
palestinien Hamas-Fatah d’union nationale et de rejeter
l’initiative de paix saoudienne. Or, a-t-il écrit, on
n’assiste à aucun débat sensé sur ce type de politique.
« Alors
que d’autres régions à problèmes du Moyen-Orient sont discutées
ad libitum, la critique de notre politique vis-à-vis d’Israël
est, de fait, totalement occultée », a ainsi écrit Soros,
ajoutant que les activistes pro-israéliens ont été « remarquablement
efficace à étouffer dans l’œuf toute critique ».
Soros
a pointé un doigt accusateur contre l’Aipac, source clé du
problème, accusant ce lobby de promouvoir un programme faucon sur
les questions israélo-palestiniennes. « L’Aipac, sous sa
direction actuelle, a manifestement outrepassé sa mission. Loin
de garantir l’existence d’Israël, il l’a mise en danger »,
a-t-il écrit.
L’article
de Soros est remarquable notamment en ceci qu’il brise sa
pratique de longue date consistant à éviter de s’identifier
publiquement avec les causes juives. Alors qu’il a distribué
des centaines de millions de dollars, au cours de la décennie écoulée,
à des fins de démocratisation de l’ex-bloc communiste, il
n’a pratiquement rien donné aux causes juives. Dans son article
de la semaine passée, toutefois, il a déclaré – apparemment,
pour la première fois – qu’il a « beaucoup de sympathie
pour ses coreligionnaires juives » et qu’il est « profondément
soucieux de la survie d’Israël ».
Il
a précisé que tout en ayant désapprouvé la politique israélienne
par le passé, il ne s’était pas manifesté car il « ne
voulait pas apporter d’eau au moulin des ennemis d’Israël ».
Toutefois, a-t-il dit, la gestion calamiteuse des événements récents,
tant par Washington que par Jérusalem, exigeait un débat réellement
public, lequel, a-t-il estimé, est étouffé par des associations
[de lobbying] telle l’Aipac.
Il
a aussi volé au secours de ses amis juifs libéraux, critiquant
un essai sur « La Pensée juive de gauche », écrit
par l’historien Alvin Rosenfeld, de l’Université de l’Indiana
et publié par l’American Jewish Committee, en raison de ses
attaques contre les détracteurs d’Israël.
Soros
écrit notamment qu’il n’est pas « suffisamment engagé
dans les affaires juives pour être impliqué dans la [nécessaire]
réforme de l’Aipac », et il a exhorté la communauté
juive américain à « reprendre le contrôle d’une
organisation qui se targue de la représenter. »
Un
porte-parole de l’Aipac a fait savoir que l’organisation ne
ferait aucun commentaire sur les observations de Soros.
Un
argument se faisant l’écho de celui de Soros a été affiché,
le lendemain, sur le site ouèbe populaire Salon, sous la forme
d’un article : « Les juifs américains sont-ils
susceptibles de débrancher le lobby israélien ? ».
Son auteur, Gary Kamiya, y exhorte les juifs américains à
« se lever », à dire « pas en notre nom ! »
et à contester l’idée que les opinions exprimées par l’Aipac
seraient représenteraient celles de la communauté juive dans son
ensemble.
Moins
ciblée, mais bien plus largement diffusée, est la critique du
processus de décision politique publiée dimanche dernier par
l’éditorialiste d’opinion Nicholas Kristof dans le New York
Times. Ce journaliste bardé de décorations, célèbre pour sa
couverture déterminée du génocide au Darfour, y avance que les
hommes politiques américains se « sont eux-mêmes muselés »
dès lors qu’il s’agit d’Israël et qu’il n’y a « aucun
débat politique sérieux, ni chez les démocrates, ni chez les républicains,
au sujet de notre politique envers les Israéliens et les
Palestiniens. »
Tant
Kristof que Soros ont comparé la discussion politique de l’Amérique
au sujet du Moyen-Orient en des termes très défavorables, en
comparaison avec le débat extrêmement vif, en Israël, autour de
la politique gouvernementale. Les deux auteurs ont affirmé
qu’alors que les Israéliens se sentent les coudées franches
pour critiquer leur gouvernement et remettre en question sa
politique, les hommes politiques américains sont effrayés à la
seule idée de l’aborder.
The
Economist, cet hebdomadaire britannique internationalement respecté,
a résumé, vendredi dernier, dans un article prémonitoire, le
« changement de climat » auquel est confronté le
lobby pro-israélien. Il a mentionné les défis lancés à l’Aipac
par les Américains d’origine arabe, les juifs de gauche
certains experts ès politique étrangère préoccupés par le
prestige des Etats-Unis dans le monde arabe. « L’Amérique
a besoin d’un débat ouvert autour de son rôle au Moyen-Orient,
et l’Aipac doit adopter une position positive dans ce débat,
s’il veut rester une force aussi puissante qu’actuellement
dans le monde politique américain », conclut l’article.
Cette
explosion de critiques contre le lobby israélien et son rôle
dans la détermination de la politique américaine vis-à-vis d’Israël
a été immédiatement contrée par des articles allant dans le
sens opposé de la part de partisans de l’Aipac et de la
politique pro-israélienne [actuelle] des Etats-Unis.
Un
édito du New York Sun, publié lundi dernier, fut la plus dure de
toutes ces ripostes. Il compare les critiques formulées par Soros
et Kristof à ce qu’il est convenu d’appeler les « diffamations
sanglantes » lancées contre des juifs, dans l’Europe médiévale.
« Le fait est qu’ils écrivent juste en un temps où une
guerre contre les juifs est en cours », écrit ainsi The
Sun. « C’est une guerre dans laquelle le peuple américain
s’est tenu aux côtés d’Israël, depuis trois générations…
La raison en est que les Américains sont assez intelligents pour
comprendre quel camp, dans la guerre contre les juifs, partage nos
valeurs – et pour faire le tri entre la vérité et les
diffamations. »
Mais
le détracteur le plus acharné de Soros est sans conteste le rédacteur
en chef de New Republic, qui a publié seulement une brève réaction
à l’article de Soros sur son blog perso, promettant de développer
sa pensée à son retour d’un déplacement à l’étranger.
Peretz avait attaqué Soros, en février, pour avoir dit que les
Etats-Unis auraient besoin d’une « bonne dénazification »
après le départ du président George Deubeuliou Bush, Peretz
accusant Soros lui-même d’avoir collaboré avec les nazis,
alors qu’il n’avait pas encore vingt ans, en Hongrie. Soros
avait répondu, dans le même magazine, que cette accusation était
totalement fausse, et Peretz avait quelque peu reculé. Mais
c’est fini, maintenant : il s’est juré de revenir à la
charge tous flingues dehors, à son retour de voyage
outre-Atlantique.
« Etant
donné qu’il s’est lui-même arraché la croûte de son propre
bobo, cette fois-ci, je ne serais pas aussi gentil », a
ainsi averti Peretz.
David
Harris, directeur de l’American Jewish Committee s’est lui
aussi mêlé au débat, dans une tribune d’opinion publiée dans
le Jerusalem Post. Harris a rendu hommage au talent largement célébré
de Kristof en tant que grand reporter, mais en faisant la réserve
qu’il aurait « une macula aveugle » en ce qui
concerne Israël, ajoutant qu’ « Israël n’a pas
besoin des leçons de journalistes bien intentionnés, en ce qui
concerne le besoin d’une paix. Ce dont Israël a besoin, en
revanche, c’est de partenaires de paix qui le soient, eux, bien
intentionnés ! »
Le
round actuel de la controverse sur le lobby pro-israélien est
d’ores et déjà en train de déborder dans le système
politique. Le candidat à la présidence Barack Obama, considéré
jusqu’ici comme soutenu financièrement par Soros, a pris ses
distances du milliardaire, à la suite de son article attaquant
l’Aipac.
« Sur
cette question, Soros et le sénateur Obama ne sont pas d’accord »,
a indiqué une déclaration émanant mardi dernier du staff de
campagne d’Obama. Il est désormais peu clair de savoir dans
quelle mesure les candidats démocrates qui y étaient prêts vont
accepter des contributions financières de Soros à leur campagne,
bien que celui-ci soit un des plus généreux sponsors des groupes
de relations publiques favorables au parti démocrate.
Tandis
que ce débat est en passe d’atteindre le degré d’ébullition
dans la sphère publique, le travail, sur le terrain, en vue de créer
un nouveau réseau de lobbying, cette fois-ci d’organisations et
de personnalités juives pacifistes semble considérablement
ralenti.
L’initiative avait été initialement baptisée par des articles
de presse du nom de « Lobby Soros », le financier
ayant assisté à une réunion exploratoire [à cet effet], à
l’automne dernier, à New York. Depuis cette réunion,
toutefois, Soros n’avait pas manifesté d’intérêt ultérieur
pour cette action, ont fait savoir ses organisateurs.
« Il
s’est joint à nous une seule fois, et puis ce fut terminé… »
a dit Jeremy Ben-Ami, un des principaux protagonistes de cette
initiative. Ben-Ami a souligné le fait que Soros n’avait pas
encore promis une quelconque aide financière au nouveau groupe de
relations publiques et que l’initiative avait encore besoin de
donateurs. Beaucoup, dans cette association en formation, la désignent
désormais, en plaisantant : « Le lobby sans Soros »…
Traduit
de l’anglais par Marcel Charbonnier
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