Syrie
Syrie : En
prévision des élections présidentielles
de 2014, l'Occident cherche les voix des
« électeurs syriens déplacés » !
Nasser Charara
Dimanche 6 octobre 2013
La carte de
l’option militaire est tombée des mains
des ennemis occidentaux et régionaux du
Président Bachar al-Assad, déterminés à
l’éliminer du pouvoir dans l’espoir
évident de détruire l’État syrien comme
ce fut le cas pour tant d’autres États
avant lui. Mais pour Washington reste
une autre option ; celle de l’éliminer
politiquement lors des prochaines
élections présidentielles prévues en
2014, à condition de pouvoir compter sur
l’ « électeur syrien déplacé » plongé
dans l’environnement pro-opposition de
divers pays, bien obligés de souffrir
l’accueil de la « diaspora syrienne »
qu’ils continuent à encourager...
Avant de vous
livrer la traduction de l’article de M.
Charara traitant de ce sujet, j’aimerais
raconter une petite histoire à tous ces
politiciens qui se justifient en
prétendant vouloir sauver le « Liban
ami » des griffes de la « Syrie
ennemie ». Elle m’est revenue en mémoire
lorsque j’ai lu la liste des membres du
dernier né des « clubs de
calomniateurs » apparemment chargé de
cette besogne de détournement de
l’électorat syrien à l’étranger, sous
l’égide de Madame Elizabeth Guigou en
personne. En quoi notre ex-ministre de
la Justice est-elle directement
concernée par la destruction de la
Syrie ? Mystère !?
En bref, une
réunion débat a été organisée le 1er
Octobre à l’Assemblée nationale pour
soi-disant « Soutenir le peuple
syrien... Faire entendre les voix de la
Syrie libre... Faire entendre la voix de
l’opposition démocratique en
Syrie... » ! Les liens [1] et [2]
donnent la liste de ces valeureux
démocrates qui appellent à frapper leur
patrie ou tentent de mettre en échec les
attendus de la Conférence de Genève 2,
parmi lesquels une
animatrice d’une prétendue « radio libre
syrienne Rozana » émettant de Paris.
Rozana !!! Une fois la surprise
passée, l’on se dit qu’elle porte bien
son nom.
En effet, à l'époque de l'occupation
ottomane, un navire chargé à Izmir s’est
dirigé vers la ville de Beyrouth avec
pour seul objectif d’inonder son marché
de denrées de première nécessité,
notamment alimentaires, vendues à très
bas prix pour en étrangler l’économie.
Cette invasion surprise aurait pu être
catastrophique pour les commerçants de
Beyrouth, si la « Chambre de commerce
d’Alep » n’avait envoyé ses délégués
pour acheter, au plus haut prix, leurs
marchandises devenues invendables et à
la limite de la péremption [3]. Ensuite,
c’est par camions entiers que ces
denrées prirent la route vers les villes
syriennes... Le navire prédateur ottoman
était surnommé « Rozana » !
Depuis, Rozana est aussi le titre de
l’une des chansons les plus populaires
au Liban et en Syrie. Elle a été écrite
en reconnaissance de la solidarité des
commerçants d’Alep pour leurs frères
beyrouthins. M. Eric Chevallier,
ex-ambassadeur de France en Syrie devant
honorer de sa présence ce club de
calomniateurs, n’a pas pu ne pas
l’entendre au décours de l’une ou
l’autre des nombreuses soirées
chaleureuses où il était reçu en ami.
Écoutez cette version originale de
l’incomparable Sabah Fakhri, devenue
l’un des symboles d’Alep, aujourd’hui
détruite par les bons soins des
néo-ottomans avec l’approbation du
gouvernement français [4]. Puis, écoutez
cette deuxième version moderne
interprétée par une citoyenne arménienne
[5], alors que les Syriens arméniens
déplacés en Arménie ont fui une guerre,
peut-être pour une autre... [6].Merci. [NdT].
Une sorte de guerre
froide règne au sein des relations
internationales quant à la question de
la candidature du Président Bachar al-Assad
pour un nouveau mandat en 2014. En
effet, depuis le début des événements en
Syrie, les prétendus « Amis du peuple
syrien » font une fixation sur sa
destitution ; ceci, après avoir échoué à
modifier ses positions selon l’agenda
formulé par l'ancien secrétaire d'Etat
américain, Colin Powell, lors de leur
célèbre rencontre en 2003.
Nombre de
conversations entre diplomates indiquent
que suite à l’échec de l’option
militaire pour l’écarter du pouvoir
comme le voulait la théorie de Robert
Ford, ex-ambassadeur des USA à Damas,
Washington se dirige aujourd’hui vers
une nouvelle option consistant à le
renverser politiquement, soit en
l’empêchant de se porter candidat aux
élections présidentielles prévues en
2014, soit
en mobilisant tous les moyens qui
pourraient les lui faire perdre si
l’Occident n’arrivait pas à empêcher la
tenue de ces élections avec Bachar Al-Assad
comme candidat.
Ce n’est plus un
secret pour personne que la Russie,
l'Iran et les Etats-Unis sont divisés
sur cette candidature mais, jusqu’à
présent, beaucoup ignoraient que
Washington et ses alliés occidentaux et
arabes cherchent à dépasser cet obstacle
en travaillant secrètement et de
concert, au sein de leurs « salles
d’opération » respectives, à échafauder
des plans susceptibles de leur garantir
la défaite du Président syrien au cas où
ces élections auraient lieu.
Sondages
occidentaux payés avec l’argent du Qatar
L'année dernière,
la « Fondation du
Qatar »
supervisée par
Cheikha Mozah,
l'épouse de l'ex-Émir,
a commandé une enquête d’opinion ciblant
les résultats
probables d'une
élection
présidentielle « libre »
en Syrie. À remarquer
que c’est une entreprise et une équipe
US qui ont été chargées de cette
enquête, et que le sondage devait porter
sur deux échantillons de citoyens
syriens : les électeurs de l’intérieur
de la Syrie, et les électeurs de
l’extérieur de la Syrie déplacés ou
réfugiés dans
les pays du Golfe, d’Afrique, et
dans les États du
Levant.
Le sondage avait
montré que 54 % des Syriens de
l’intérieur étaient pour la candidature
du Président Al-Assad et son maintien
pour un nouveau mandat, alors que 46%
étaient contre. En revanche, 83% des
Syriens déplacés dans les pays du Golfe,
93% de ceux déplacés en Afrique, et 64%
de ceux déplacés dans les pays du Levant
étaient contre.
Cette première
enquête a été suivie par d'autres
sondages non publiés, commandés auprès
de sociétés françaises et étatsuniennes,
et toujours financés avec l’argent
arabe. Ces sondages auraient montré
sensiblement les mêmes résultats : plus
de 50% des Syriens de l’intérieur
étaient favorables à Al-Assad, et plus
de 60% des Syriens déplacés à l’étranger
étaient défavorables.
Ces pourcentages sont
fondamentalement très importants, car
ils ont poussé Washington à insister sur
deux questions particulières dans son
approche de la crise syrienne : empêcher
Al-Assad de se porter candidat en 2014
de peur qu’il ne gagne les élections sur
la base de ces chiffres considérés
fiables, et poursuivre une politique
encourageant les pays voisins de la
Syrie à accueillir encore plus de
déplacés syriens. Politique justifiée
par des considérations humanitaires
mais, en réalité, liée au fait que la
coalition anti-Assad a été obligée
d’accepter la solution politique qui
implique des élections présidentielles
avec sa participation. Dans ce cas, le
« meilleur électeur » pour renverser Al-Assad
devient « l’électeur déplacé » !
D’autre part, ces
sociétés de sondage occidentales
estimant que 83% des Syriens résidant
dans les pays du Golfe et que 68% des
Syriens résidant dans les pays du Levant
s’opposeraient à cette réélection, cela
explique l'insistance de Washington pour
que le Liban ouvre ses frontières à tous
les Syriens sans aucune restriction...
Les USA cherchent donc à augmenter au
plus haut ces chiffres d’opposants de
sorte que le moment venu, les réfugiés
syriens représentent le bloc capable de
démentir les prévisions de victoire de
Bachar Al-Assad. La Turquie et la
Jordanie refusant de recevoir davantage
de réfugiés pour des raisons de sécurité
intérieure, le Liban reste le seul pays
susceptible de leur permettre
d’atteindre cet objectif.
Ainsi, l’un des plans
actuellement avancés par les USA, en
prévision de la Conférence de Genève 2
et de la
« transition politique par la
mise en place d’un organe de
gouvernement transitoire », serait
d’imposer un accord octroyant aux
réfugiés le droit de voter à partir de
l’étranger et d’organiser les bureaux de
vote dans les pays où ils résident. Mais
Damas insistera pour que le vote ait
lieu en territoire syrien et s’il faut
une supervision internationale, elle
sera syrienne et internationale à la
fois !
Ceci, parce que le
conflit est désormais essentiellement
centré sur le climat dans lequel les
réfugiés devront voter. Il est certain
que la plupart des pays qui accueillent
un nombre significatif de réfugiés
syriens sont hostiles à Al-Assad, en
particulier les pays du Golfe et la
Turquie qui travaillent à sa défaite. En
outre, les réfugiés en Jordanie et au
Liban sont volontairement poussés à
s'installer dans les zones où
l’environnement politique est
défavorable au gouvernement syrien et
qui sont ouvertement impliquées dans le
soutien de l'opposition syrienne.
D’ailleurs, le
Premier ministre libanais Najib Mikati a
déclaré, en public et en présence de
diplomates, que le flux des Syriens vers
le Liban était traité en dehors des
normes internationales régissant
l'accueil des réfugiés. Un diplomate
aurait rétorqué : « D’après les
déclarations de M. Mikati, il est clair
que cette manière de traiter le flux
entrant de réfugiés n'est pas
innocente ! ».
Washington et ses
alliés réalisent parfaitement que le
climat politico-électoral en Syrie
s'oriente de plus en plus en faveur du
régime actuel, ce qui signifie qu’ils ne
peuvent pas compter sur les électeurs
syriens à domicile. La meilleure preuve
en est que le Dollar a chuté de 50% par
rapport à la Livre syrienne depuis que
Washington a retiré sa menace de frappe
aérienne sur la Syrie [le Dollar est
passé de 300 Livres syriennes à 150]. La
lecture politique de ce fait, entre
autres faits, indique que l'élite
urbaine syrienne, majoritairement
sunnite, est soulagée maintenant que la
menace du renversement du gouvernement
par la force s’est dissipée, et
considère que le retour partiel à la
stabilité est dû à la continuité et à la
solidité du gouvernement qui s’est
imposé sur la scène internationale.
Par conséquent, si le
« meilleur électeur » anti-Assad est le
« l’électeur déplacé », reste un
électeur encore meilleur ; celui qui
appartient à un bloc plus important
qu’il n’est plus possible de manipuler
pour le pousser à voter contre un
nouveau mandat du Président syrien. Un
bloc fondé sur une base sociale large et
plurielle qui n'a qu'un seul ennemi ; à
savoir, « le substitut inconnu » et le «
terrorisme » qui promet à la Syrie le
destin de l’Afghanistan, de la Libye, et
de Irak.
La force d'Al-Assad
vient de l’intérieur
Il est donc clair que
la théorie de la destitution du
Président syrien consiste désormais à
créer un « levier électoral » à
l’extérieur du territoire syrien pour
qu’il vote en chœur avec son
environnement pro-opposition. Mais
d’autres facteurs sont à prendre en
compte.
L’un des facteurs
principaux relève du fait que de larges
zones du territoire syrien sont sous
contrôle direct ou indirect du dit État
Islamique d'Irak et du Levant [EIIL], du
Front al-Nosra ou d'autres groupes de
terroristes radicaux pour lesquels voter
ou participer à des élections est
interdit par la religion !
Par conséquent, il est probable que
le jour du scrutin en Syrie, l’EIIL
puisse commettre contre les bureaux de
vote le même genre d'attentats-suicides
sanglants qu’en Irak ; cela aurait une
incidence sur le taux de participation
dans les zones tenues par les
terroristes.
Un autre facteur
qu’il faut appréhender est qu’Al-Assad
risque de se retrouver le seul candidat
« pro-stabilité » contre plusieurs
candidats représentant l'inverse. De
plus, il sera facile pour des pays comme
la Turquie, l'Arabie saoudite, la
France, et les Etats-Unis de se mettre
d'accord sur un seul candidat anti-Assad
pour éviter la dispersion des voix de
l’opposition ; ceci, si ces pays
arrivent à faire en sorte que les
opposants votent à partir de leurs
territoires respectifs ou de pays sur
lesquels ils exercent leur influence.
Certaines sources rapportent que Riyad
prêche pour des élections à deux tours
parce que cela servirait justement à
s’entendre sur un candidat unique anti-Assad,
une fois que nombre de candidats de
l'opposition auront été éliminés au
premier tour.
Une chaîne de
télévision pour les « minorités »
Des rapports récents
indiquent que dans le cadre des
préparatifs électoraux du camp anti-Assad,
une figure marquante de l'opposition
syrienne envisage - à la demande de
l'Arabie saoudite et de la France - de
mettre en place un réseau de télévision
par satellite destiné à ceux qu’elles
considèrent comme des « minorités » en
Syrie et au Moyen-Orient. L'objectif
serait d'attirer un plus grand nombre de
voix chrétiennes et kurdes, et surtout
de contrer le discours du Vatican
soucieux de l'avenir des chrétiens en
Syrie et au Moyen-Orient depuis le
soi-disant printemps arabe.
Nasser Charara
04/10/2013
Article traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Article original :
Al-Akhbar [Liban]
http://www.al-akhbar.com/node/192615
Notes :
[1] Invitation à
la réunion débat à l’Assemblée
nationale : les voix de la Syrie libre !
http://www.inscription-facile.com/form/cxtHEwA8PqT362KRDCne
[2] Le blog de
Philippe Baumel
http://www.philippebaumel.fr/Reunion-debat-Les-voix-de-la-Syrie
Extrait de l’invitation justifiée, entre
autres, par
l’’administration
« des zones soustraites au contrôle du
pouvoir ». Autrement dit les fameuses
« zones libérées » par les zombies
assassins et voleurs de pétrole vendu à
bas prix dans le Nord de la Syrie... qui
ont peut-être échappé au contrôle de
leurs commanditaires. Mais ça, Monsieur
Baumel s’en fiche. Il est dans le vent
et prétend amener le progrès là où on ne
l’a pas attendu :
« La politique de
fermeté prônée par le Président de la
République à l’égard du régime de Bachar
Al-Assad, qui n’a pas hésité à lancer
des attaques au gaz massives contre les
populations civiles, a favorisé la mise
au point d’un plan de contrôle de ses
armes chimiques, négociée à Genève entre
les Russes et les Américains. Sans la
menace d’un recours à la force, qui a
convaincu Moscou de faire pression sur
Damas et de renouer le dialogue avec
Washington, ce plan redeviendra vite
lettre morte, comme les accords
précédents. Sans préjuger de ses chances
de réussite dans un pays à feu et à
sang, force est de constater que le
dictateur a résolument repris les
bombardements et les massacres, les
arrestations et les tortures.
Aucune solution
politique ne saurait prévaloir si elle
ne prend pas en compte les aspirations
du peuple syrien et les souffrances
qu’il endure depuis deux ans et demi
dans sa quête de liberté. Il faut aider
l'opposition démocratique syrienne à se
faire entendre davantage. Luttant pied à
pied contre les apologues de la
répression et les fanatiques du djihad,
elle s’efforce malgré tout de défendre
et d’administrer les zones soustraites
au contrôle du pouvoir, en tentant de
tracer les perspectives d’une société de
tolérance et de progrès en Syrie. Ses
appels à l’aide peuvent-ils être ignorés
? »
[3] As-Safir du
27/09/2013 : La dette morale des
Beyrouthins envers Alep...
http://www.assafir.com/Article.aspx?ArticleId=2636&EditionId=2576&ChannelId=62249#.Uk_3575OLSc
[4] Rozana :
version interprétée par Sabah Fakhri
dans Alep
http://www.youtube.com/watch?v=tHUpcCMCfP4&feature=related
[5] Rozana :
version moderne interprétée par Lena
Chemamian
http://www.youtube.com/watch?v=9VEFaIE_0zg&hd=1
« Que Dieu punisse Rozana pour ce
qu’elle nous a fait...
Vous qui partez pour Alep, mon amour
s’en est allé avec vous...
Sous les raisins que vous transportez,
des pommes... »
[6] AFP :
L'Azerbaïdjan
accuse l'Arménie d'installer des
réfugiés syriens au Nagorny Karabakh
http://www.lorientlejour.com/article/835827/lazerbaidjan-accuse-larmenie-dinstaller-des-refugies-syriens-au-nagorny-karabakh-.html
Monsieur
Nasser Charara
est analyste politique et journaliste
libanais.
Le
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