Le Grand Soir
Boycott et
résistance: Israël et Afrique du Sud
Nadine ROSA-ROSSO
affiche
http://www.campusact.org
Lundi 26 octobre 2009
Le boycott d’Israël prend une ampleur jamais vue
grâce à la campagne BDS (Boycott, Désinvestissements et
Sanctions), portée par des militants du monde entier. Il
s’élargit de jour en jour.
Certains arguments pour le boycott international
d’Israël le présentent comme le moyen nouveau et ultime pour
faire aboutir les droits du peuple palestinien, tous les autres
ayant échoué. Selon ces pacifistes, le boycott est moyen plus
efficace que la résistance armée des Palestiniens. Cette
argumentation s’appuie généralement sur le modèle du boycott
contre l’apartheid en Afrique du Sud. Dans cette optique,
l’abolition de l’apartheid et la libération de Nelson Mandela
auraient essentiellement été le résultat du boycott
international.
La vérité historique est un peu plus nuancée.
Rappelons d’abord que le boycott d’Israël est un
mot d’ordre très ancien. Dans les années 80, les
anti-impérialistes boycottaient de la même façon les
pamplemousses de Jaffa ou les avocats de Carmel que les oranges
d’Outspan ou les pommes du Cap. Ce qui a rendu aujourd’hui le
boycott d’Israël plus massif et populaire, c’est avant tout le
massacre sauvage de la population de Gaza par Tsahal et la
résistance acharnée des combattants palestiniens. La victoire de
la résistance libanaise de 2006, dirigée par le Hezbollah, avait
déjà préparé le changement dans l’opinion internationale.
La lutte pour l’abolition de l’Apartheid en
Afrique du Sud peut effectivement servir de référence à la lutte
actuelle pour la Palestine, à condition que son histoire soit
restituée fidèlement. La place du boycott international dans
cette histoire doit être correctement évaluée.
Nelson Mandela a forgé sa réputation
internationale en 1963, alors qu’il était l’avocat de douze
combattants Sud-Africains emprisonnés, dont lui-même, inculpés
de sabotage. Lors de ce procès, il affirma avec force que « sans
violence, aucune voie de permettait au peuple africain de
triompher dans sa lutte contre la suprématie des Blancs (…) Nous
avons choisi de défier la loi. Tout d’abord, par des moyens qui
évitaient tout recours à la violence ; puis, quand cette forme a
elle aussi été interdite par la loi, nous avons alors décidé de
répondre à la violence par la violence » (procès de Rivonia).
C’est Mandela, qui trois ans auparavant, a créé
la branche armée de l’African National Congress ( ANC), l’Umkhonto
We Siswe (« lance de la Nation »). Quand il est arrêté en 1962,
après dix-sept mois de clandestinité, c’est sous l’inculpation
de sabotage et de tentative de renversement violent du
gouvernement. C’est grâce à sa défense sans compromis de la
lutte révolutionnaire de son peuple que Mandela a reçu un large
soutien international et qu’il est devenu le plus célèbre
prisonnier politique du monde.
Après le massacre de Soweto, en 1976, Nelson
Mandela adresse une lettre au peuple sud-africain, dans laquelle
il affirme prier avec lui pour les martyrs tout en appelant la
jeunesse à s’engager massivement dans la lutte. Suite à cet
appel, des milliers de jeunes sud-africains partiront
s’entraîner pour la lutte armée au Mozambique et en Angola.
A plusieurs reprises, inquiet de la popularité
toujours croissante du prisonnier Nelson Mandela, le
gouvernement sud-africain lui proposera sa libération, à
condition que Mandela rejette la lutte armée comme arme
politique. La réponse de Mandela a toujours été très claire :
c’était non.
La jeunesse d’aujourd’hui a le droit de savoir
que l’arme du boycott international contre l’apartheid en
Afrique du Sud a fonctionné comme un soutien à la lutte
révolutionnaire du peuple et de ses organisations nationales.
Que le peuple sud-africain a utilisé tous les moyens à sa
disposition pour renverser le régime raciste, allié d’Israël, et
mis en place par la colonisation. Et que c’est cette lutte de
masse, y compris la lutte armée, qui a permis au boycott
international de fonctionner comme un puissant levier de
solidarité mondiale.
La jeunesse d’aujourd’hui a le droit de savoir
que le résistant Mandela, chrétien d’abord pacifiste puis
organisateur de la lutte armée et allié des communistes, a été
un des premiers combattants à recevoir le titre honorable de
« terroriste ». Son organisation, l’ANC, dont il était membre
depuis 1943, a été mise hors-la-loi en 1960 par le gouvernement
sud-africain. Condamné en 1964 pour terrorisme, l’administration
Bush ne le retirera de sa « Terror watch list » qu’en juillet
2008 !
La jeunesse d’aujourd’hui a le droit de savoir
qu’au nom de cette lutte contre le terrorisme, le gouvernement
sud-africain, tout comme le gouvernement israélien aujourd’hui,
a non seulement emprisonné des centaines de combattants mais
également commandité l’assassinat ciblé, par des escadrons de la
mort, de dizaines de responsables politiques du mouvement de
libération sud-africain.
Tout comme le massacre de Gaza et la résistance
armée de l’hiver 2008-2009, c’est le massacre de Soweto et le
développement de la lutte de masse qui s’ensuivit, en 1976, qui
a donné son ampleur internationale au mouvement de boycott, dont
les premières sanctions avaient commencé dès la fin des années
soixante.
La liquidation de l’apartheid en Afrique du Sud
a ainsi été le résultat d’une combinaison constante entre tous
les moyens de lutte sur le terrain et la solidarité
internationale, dont le boycott fut le point culminant.
Le boycott du sionisme existe depuis sa mise en
œuvre par la Ligue arabe en … 1945 ! Et depuis 1948, c’est avant
tout la résistance acharnée du peuple palestinien, par tous les
moyens dont il dispose, qui tient en échec le colonialisme et
les guerres permanentes du sionisme. Et c’est parce que le
peuple palestinien continue de résister que nous devons
développer de toutes nos forces le mouvement de boycott d’Israël
qui commence enfin à prendre l’ampleur nécessaire.
Le boycott n’est pas une alternative à la
résistance, c’est un soutien à la résistance. Et pour que ce
soutien soit complet et cohérent, il doit comprendre l’appel à
retirer le Hamas, le FPLP et toutes les organisations
palestiniennes de résistance des listes d’organisations
terroristes, avec autant de passion que nous avons chanté et
crié pendant des années « Free Nelson Mandela ».
Nadine Rosa-Rosso
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