Analyses
D'un Mur à l'autre
Ennasri Nabil
Samedi 14 novembre 2009 Ces derniers jours ont
vu les célébrations commémorant les 20 ans de la chute du Mur de
Berlin. Le monde entier s’est joint à la joie et au bon souvenir
des Allemands. Plus largement, c’est l’Europe toute entière qui
réaffirmait son unité. La destruction du “Rideau de fer“ a
permis au vieux continent de se libérer du joug soviétique et
d’entamer une réunification dont les retombées bénéfiques ne
sont plus à démontrer.
Ces commémorations laissent pourtant un goût
amer. A l’heure où beaucoup se souviennent de la destruction du
“Mur de la Honte“, un autre Mur, tout aussi honteux, s’est
récemment érigé mais dont peu de personnes semblent se soucier.
Comme à Berlin, il défigure des villes, sépare des familles,
rend la vie impossible à tout un peuple. Il symbolise la
politique de ségrégation menée par un Etat - Israël - qui s’est
rendu maître dans l’art de bafouer quotidiennement le droit
international. Un exemple parmi tant d’autres : la construction
de ce mur a été jugée “illégale“ par la Cour Internationale de
Justice en juillet 2004. Les gouvernements israéliens successifs
n’en ont nullement tenu compte. Cette décision ne les a pas
empêchés de poursuivre leur entreprise de colonisation.
Aujourd’hui, le Mur - en phase finale d’édification - va achever
de défigurer la Cisjordanie anéantissant ainsi toute perspective
d’un Etat palestinien.
Comme à Berlin, on aurait souhaité que la
communauté internationale s’insurge contre cette violation du
droit. Comme à Berlin, on aurait aimé qu’un vent de liberté et
de solidarité s’élève pour mettre un terme à l’une des dernières
expériences coloniales de notre époque. Comme à Berlin, on
aurait espéré que certains rappellent à Israël que toute ligne
de démarcation destinée à asservir un peuple est condamnée à
disparaître. Rien de tout cela n’a vu le jour. De discours
d’éloges en messages de félicitation, le monde a baigné dans une
belle atmosphère d’euphorie générale trahissant du même coup les
principes pour lesquels ils se congratulaient.
Mais à quoi sert le devoir de mémoire si on
est incapable de tirer les leçons du passé ? A quoi sert de
célébrer l’anniversaire de la destruction d’une barrière si on
se rend complice, dans le même temps, de l’édification d’une
autre ? Les années passent et la situation ne fait qu’empirer.
Car au Mur de séparation qui transperce la Cisjordanie, il faut
ajouter les murs de la prison à ciel ouvert qu’est devenue la
bande de Gaza, victime depuis près de trois ans d’un infâme
blocus.
Quelques heures après les commémorations à
Berlin, Nicolas Sarkozy recevait à Paris Benyamin Netanyahou
avec les honneurs. Barack Obama l’avait reçu la veille dans un
entretien où le tout nouveau Prix Nobel de la Paix a du
s’incliner devant l’intransigeance du faucon israélien. Aucune
mention de ce nouveau Mur de l’Apartheid. On baigne dans
l’oubli, l’insouciance et l’illusion que la paix arrivera comme
un miracle. Le préjudice moral de telles compromissions n’a
d’égal que l’incurie et la déficience de dirigeants qui, outre
le mépris de l’histoire, mènent leur population à l’abîme.
Le mur de Berlin avait été construit en
catimini par les Soviétiques dans la nuit du 12 au 13 août 1961.
Aujourd’hui, le Mur en Cisjordanie, tout comme l’univers
carcéral de la bande de Gaza s’érigent en direct et s’offrent à
voir sous nos yeux. Triste monde dont les commémorations et
autres célébrations ne servent qu’à dissimuler une amnésie
collective
Chronique
publié par le site
www.saphirnews.com le 12 novembre 2009.
Ennasri Nabil, Diplômé de l’Institut
d’études politiques d’Aix-en-Provence, Nabil Ennasri étudie
actuellement la théologie musulmane à l’Institut européen des
sciences humaines de Château-Chinon (IESH) ; il est membre du
Collectif des musulmans de France (CMF).
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