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Analyses
Le pétrole des pays du Golfe
Nabil Ennasri
Mardi 4 mai 2010
Arrêtons-nous aujourd’hui sur un sujet dont les dimensions
mettent en jeu l’avenir de la planète. Nous allons parler du
pétrole, matière première qui a ceci de particulier que
l’ensemble de l’économie mondiale repose dessus…
Élément indispensable pour le fonctionnement de tous nos moyens
de transport quotidiens, le pétrole est aussi une matière
première pour des milliers d’objets usuels, des cosmétiques aux
disques, en passant par les matériaux de construction et
jusqu’aux médicaments. Sa présence n’a jamais été aussi massive
et notre dépendance à son égard révèle chaque jour son caractère
stratégique.
Ce pétrole joue un rôle si éminent dans l’économie
mondiale, notamment aux États-Unis, que les dirigeants
américains n’ont pas hésité par le passé à utiliser le glaive
pour imposer leur vue. Il est vrai qu’avec à peine 5 % de la
population de la planète mais une consommation qui équivaut
presque au quart de la production mondiale, on comprend aisément
comment un déficit dans l’approvisionnement de pétrole mettrait
en péril la première économie du monde. Il faut donc s’assurer
qu’un pétrole bon marché puisse continuellement couler à flots
et, pour ce faire, on jettera aux oubliettes protocole de Kyoto,
droits de l’homme et souveraineté des États. Et pour ceux qui ne
seraient pas d’accord, l’invasion de l’Irak est encore là pour
le leur rappeler…
Dans ces conditions, la région du Golfe demeure l’un des espaces
géostratégiques qui suscitent le plus d’intérêt et de
convoitises auprès des grandes puissances. Les réserves des
différents pays de cette région représentent plus des deux tiers
des réserves mondiales. Dans la compétition acharnée qui
s’annonce entre les États-Unis et la Chine, l’omniprésence des
premiers dans cet espace est un atout majeur, dont la sauvegarde
est une priorité absolue pour toute administration américaine.
Les monarchies du Golfe l’ont bien compris, elles dont
l’histoire récente nous enseigne que leur évolution est due non
pas seulement à des dynamiques internes, mais plutôt au rôle que
joue leur pétrole dans l’économie étasunienne.
En dehors de cette souveraineté limitée, les pays du Golfe
possèdent, du fait de leur rente, des moyens financiers
considérables. Les recettes tirées de l’exploitation de leur
pétrole génèrent des surplus qui alimentent à leur tour des
fonds souverains, dont les montants donnent le vertige.
Le plus grand d’entre eux, l’Abu Dhabi Investment Authority
(ADIA), gèrerait la coquette somme de 900 milliards de dollars
US. Si on veut vendre des Rafales et autres centrales
nucléaires, on sait vers qui se tourner. D’ailleurs, à part le
Brésil, les seuls pays intéressés par ce joyau de l’industrie
militaire française que presque aucun pays du monde ne veut
acheter sont les Émirats arabes unis et le Koweït.
Pourtant, l’argent ne règle pas tout. Les pays du Golfe vont
devoir faire face à des enjeux cruciaux qui pourraient mettre en
péril l’équilibre de leur société. Un débat qui suscite bien des
interrogations a récemment été lancé et illustre parfaitement
cette problématique : quelle identité donner pour des sociétés
dont parfois plus de 80 % des habitants sont des étrangers ?
Malgré la ségrégation institutionnalisée, condamnée par diverses
associations de défense de droits comme Amnesty International,
et dont – fait suffisamment rare dans cette région pour être
souligné – certains médias comme la chaîne Al Jazeera ont
largement fait écho, comment parvenir à une articulation qui ne
bousculerait pas trop l’équilibre des sociétés transformées par
plusieurs décennies de développement tous azimuts ? Pourtant, le
roi Faysal d’Arabie Saoudite les avait prévenus : « En une
génération, nous sommes passés du chameau à la Cadillac. Mais à
voir notre façon de gaspiller l’argent aujourd’hui, je crains
fort que la prochaine génération ne revienne au chameau… »
Chronique publié par le site
www.saphirnews.com
le 4 mai 2010.
Nabil Ennasri
est diplômé de l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence,
est actuellement étudiant en théologie musulmane à l’Institut
européen des sciences humaines (IESH) de Château-Chinon. Il est
également membre du Collectif des musulmans de France (CMF).
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