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Aujourd'hui le Maroc
Bernard
Kouchner face aux protestations de la gauche
Mustapha Tossa
Bernard Kouchner
14
décembre 2007 Suite à la
visite officielle du président libyen en France, l’opposition
socialiste, qui n’a jamais pardonné à Bernard Kouchner sa
trahison, a senti tout le bénéfice politique qu’il y avait à
gratter sur la cicatrice. Pour qu’un
ancien ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas, qui a
pendant longtemps honoré de sa médiatique présence les
tribunaux de la république et fait la fortune des chroniqueurs
judiciaires, puisse accuser l’actuel chef de la diplomatie française,
de «double lâcheté», «de ne pas être là et de ne pas donner
des raisons», cela en dit long sur la pénible vie que mène
Bernard Kouchner dans l’ère Sarkozy. Cela s’est passé à
l’hôtel parisien du Ritz où le leader libyen Mouammar Kadhafi
avait choisi de donner une réception à ses fidèles français et
arabes les plus proches. Roland Dumas y jouait le maître de cérémonie.
La visite du Raïs libyen à Paris aura, sans conteste, été pour
Bernard Kouchner le plus dur calvaire jamais vécu depuis que
Nicolas Sarkozy a choisi de l’installer au Quai d’Orsay.
Heureux de figurer, avec le président français, à Tripoli, sur
la photo de la libération des infirmières bulgares et du médecin
palestinien, le voilà qui a passé toute cette semaine libyenne
à jouer les faux-semblants, à pratiquer le grand écart, à se
glisser entre les ombres chinoises d’une diplomatie partagée
entre l’irrésistible tentation du chéquier et
l’incontournable exigence des droit de l’Homme et de la démocratie.
L’opposition socialiste, qui n’a jamais pardonné à Bernard
Kouchner sa trahison, a senti tout le bénéfice politique qu’il
y avait à gratter sur la cicatrice. Un de ses talentueux
flibustiers, Arnaud Montebourg, a choisi l’Assemblée nationale
comme théâtre pour se livrer à une exécution en règle: «la
République française est en train d'offrir une réhabilitation
retentissante et dorée sur tranche au colonel Kadhafi» et de déplorer
une «pénible visite officielle tourne à la farce tragi-comique»
avant de s’interroger, dans un effet de manche dévastateur : «Jusqu'où
irez-vous dans la négation de vous-même?».
Bernard Kouchner, visiblement déstabilisé, tente de resservir
une argumentation sur la nature évolutive du régime libyen et
des réserves qu’il suscite : «Cette évolution est
suffisamment importante pour que nous ayons pu juger, pratiquant
une diplomatie de la réconciliation, que c'était suffisant au
moins pour qu'il nous visite (…) Lorsqu'il a dit que le
terrorisme était l'arme des pauvres, ça n'était pas suffisant.
La pauvreté pousse parfois au terrorisme, mais justifier le
terrorisme (...) nous le condamnons (…) Lorsqu'il a dit qu'il n'était
pas pour des accords de paix entre Israël et la Palestinienne, il
a eu tort. Lorsqu'il a parlé des droits de l'Homme ici, c'est-à-dire
des droits de l'Homme dans notre pays et en Europe, c'était assez
pitoyable et nous le condamnons».
Bernard Kouchner a reçu un terrible coup de vieux de la part de
sa jeune et dynamique secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme,
Rama Yade qui avait rué dans les brancards avec son enthousiasme
et sa sincérité. Nicolas Sarkozy qui réfléchit en ce moment à
la meilleure manière de redessiner son ouverture, ne doit pas être
insensible à la situation de Bernard Kouchner. Le ministre des
Affaires étrangères a fait preuve d’une double incapacité,
celle de ne pas assumer clairement les choix gouvernementaux et
celle de ne pas pouvoir trouver les arguments adéquats pour désarmer
les milieux contestataires de cette action, notamment sur le plan
des droits de l’Homme. Le choix du «French doctor» au poste de
ministre des Affaires étrangères était, semble-t-il d’abord
dicté par cette préoccupation.
Bernard Kouchner, l’homme qui sur le dossier iranien disait
qu’«il fallait se préparer au pire c’est à dire à la
guerre contre l’Iran» et que beaucoup pressentent comme indésirable
dans les capitales du Maghreb pour des raisons différentes, n’a
pas réussi l’exploit attendu au Proche-Orient notamment dans la
crise libanaise. Au bout d’un long séjour à Beyrouth, la
situation libanaise, vue de Paris, n’est que plus inextricable.
Nicolas Sarkozy a été obligé de dépêcher deux de ses plus
proches collaborateurs, Claude Guéant et Jean-David Levitte, à
Damas pour ébaucher un retour de dialogue avec le régime syrien.
Bernard Kouchner, la star de l’ouverture, est ne train de voir
ses rayons scintiller avec moins d’éclats. Les grincements du
grand écart se sont fait entendre plus vite que prévu. Par :
Mustapha Tossa
DNCP à Paris
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© Aujourd’hui le Maroc 2007
Publié le 15 décembre 2007 avec l'aimable autorisation de : Aujourd'hui le Maroc
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