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Opinion
Les dérives des
extrêmes
Mustapha Cherif
Lundi 11 octobre 2010
Un hebdomadaire titre à la Une « L’Occident face
à l’islam », de nombreux citoyens sont choqués, lassés par cet
alarmisme et la dichotomie inappropriée qui exacerbent les
crispations. Ils sont en colère contre les extrêmes de tous
bords. La colère est saine, mais parfois elle est mauvaise
conseillère. Il faut savoir garder raison, rester serein et
tenir au droit à la différence et au respect d’autrui. D’autant
que la base, les citoyens, de toutes croyances ou non croyances,
malgré des inquiétudes et des interrogations légitimes, ne sont
pas dupes et ne tombent pas dans le piège de la confrontation et
des polémiques.
Alors que la société a besoin d’apaisement, ce
sont surtout des « élites » médiatiques qui s’agitent et donnent
la parole aux extrémistes. Quand on prétend informer et
contribuer à résoudre les problèmes, il est contradictoire de
les poser de manière sciemment tronquée. L’air du temps délirant
perturbe, mais au fond la vie suit son cours et nul ne peut
empêcher les êtres humains de se rencontrer, de partager et de
s’estimer.
Des médias donnent la parole aux extrémistes du
dénigrement qui redoublent de férocité. Qu’ils cherchent, à
partir de l’islam, comme de toute autre source, de se concocter
une religion hybride, pour eux seuls, un « self islam »,
conforme à la logique faustienne ou à leurs fantasmes, c’est
leur affaire, libre à eux. Ce n’est ni les premiers, ni les
derniers individus qui folklorisent et infantilisent la pratique
de la foi. Certes, ils se prévalent de l’islam, se présentent
comme « intellectuels musulmans » et en même temps ils le
dénigrent de manière schizophrénique. C’est un signe de
dérèglement, ne leur donnons pas d’importance.
Ces « nouveaux intellectuels », dits de culture
musulmane, qui affirment que « l’islam est foncièrement
violent », que « Dieu » s’est définitivement retiré, que
l’au-delà est une fiction et le Coran un texte sacralisé
archaïquement, semblent souffrir. Les plus virulents adversaires
de l’islam ne parlent pas comme eux, avec une telle désinvolture
et surtout un tel masochisme. C’est une faille incommensurable.
En outre, ils ne cessent de répéter qu’ils sont « illuminés »,
qu’il faut les laisser travailler et qu’ils vont révolutionner
le monde spirituel. On se demande s’il faut en rire ou pleurer,
ou s’il faut en porter un quelconque regard ? Il faut les
ignorer et que les croyants prient pour eux.
De par leur position de dénigrement, ils sont
sollicités par des médias qui, n’en croyant pas leur chance,
s’accrochent à eux, les définissent comme « courageux », en vue
périodiquement de sortir l’antienne de l’occident (« civilisé »)
face à l’islam (« barbare »). Ces médias cultivent la
religiophobie, excluent toute autre interlocuteur que les
« révoltés » contre leur communauté et n’ont plus d’arguments
que la répétition de mensonges insidieux, adeptes de l’idée
qu’en les répétant il en restera toujours quelque chose. Surfant
sur l’exaspération face à des comportements fondamentalistes
marginaux mis sur le devant de la scène, ils gomment la
frontière abyssale entre islam et extrémisme, amplifient la
culture de la peur et sponsorisent ceux qui renient leur
« origine », sous prétexte de « moderniser » l’islam.
Pour ces « intellectuels musulmans » extrêmes,
mi-consciemment, mi-inconsciemment, c’est la spirale de la
surenchère : qui dira le plus du mal de l’islam et des
musulmans ? Par eux, les musulmans sont sommés de se nier, sinon
ils sont diabolisés. De par leur aveuglement ces
« intellectuels » décrédibilisent la logique, pourtant
incontournable, de la critique, de l’interprétation et de la
réforme. De plus, il ne s’agit pas pour nous de remettre en
cause le droit de critiquer la religion y compris avec virulence
et de manière infondée. Nul de sensé ne peut soustraire la
religion à l’examen critique, mais vouloir stigmatiser, heurter,
injurier gratuitement, de manière obsessionnelle et ouvertement
discriminatoire, n’est pas digne d’une société démocratique.
L’immense majorité des croyants accepte la
critique sans limite, prouve le mouvement en marchant, vit avec
son temps, sait c e qu’elle croit et ce qu’elle veut et refuse
le dénigrement outrancièrement offensant, la stigmatisation et
l’amalgame. Elle refuse tous les extrêmes. Elle sait que les
extrémistes qui rejettent la critique, instrumentalisent la
religion et s’enferment dans le repli sont une infime minorité,
qui donnent de l’eau au moulin à d’autres extrêmes : ceux qui
dénigrent de manière pathologique et contribuent à l’invention
d’un nouvel ennemi. Les dérives ne sont pas d’un seul bord, les
extrêmes se nourrissent. L’immense majorité des croyants sait
que les extrémistes, de tous bords, ne peuvent pas tromper tout
le monde tout le temps. De plus, ce qui est si grand et si haut,
en l’occurrence pour les croyants leurs références fondatrices,
parlent d’eux mêmes et ne peuvent être atteint. Par la hauteur
de vue et le bel-agir, le besoin de partage et le vivre ensemble
l’emporteront.
Publié le 12 octobre 2010 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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