Opinion
Un juif américain
aborde un sujet tabou : Israël
Matthew Hays
Philip B.
Roth
Jeudi 20
septembre 2012
Philip Roth
s’attaque au tabou auquel ne touchera
pas Charlie Hebdo
Charlie Hebdo
vient de publier de nouvelles
caricatures représentant le prophète de
l’Islam. Je ne vais pas gloser longtemps
là-dessus parce que si de nombreux
clients sont tombés dans le panneau en
se ruant, dit-on, dans les kiosques pour
s’en procurer un exemplaire, les
commentateurs portent cette fois un
jugement plus mitigé sur la politique
éditoriale de ce magazine . J’écoutais
en effet tout à l’heure sur France Info
une petite brochette de commentateurs
évoquer un coup marketing dénué de
l’esprit de responsabilité qui doit
caractériser la profession
journalistique.
Mais
Charlie Hebdo aurait
tort de se gêner
vu que c’est si facile de taper sur les
Musulmans en France, une «communauté»
[selon moi il n'y a pas ou pas encore de
communauté musulmane], encore fortement
marquée par l’appartenance au
prolétariat voire par la pauvreté ,
objet du discours politique mais non
représentée politiquement.
Le magazine a mis
la barre très bas. Pour montrer son
courage, je lui propose de mettre la
barre très haut et de s’attaquer avec
virulence et détermination aux
véritables tabous de cette société, par
exemple l’holocauste, l’Etat prétendu
juif ou encore le rôle des dirigeants
Juifs Français pendant l’occupation et
sous le régime de Vichy (parce qu’il y
avait les Juifs résistants avec de
Gaulle et dans les maquis mais il y
avait aussi les autres).
C’est
pas demain la veille,
parce que Charlie-Hebdo se retrouverait
cloué au pilori et rapidement privé de
ressources financières.
Djazaïri
Un Juif
américain aborde un sujet tabou : Israël
Par Matthew Hays,
The Globe & Mail (Canada) 25 août
2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
Phillip Roth an parle comme d’un des
moments les plus marquants de son
enfance. C’était en 1978, et le
cinéphile de 12 ans a regardait la
cérémonie de remise des Oscars à la
télévision quand
VanessaRedgrave a dénoncé les
«voyous sionistes» tout en acceptant son
Oscar pour le meilleur second rôle
féminin.
«Ce discours a eu un impact énorme
sur moi», dit Roth, un cinéaste basé à
Los Angeles (qui n’a pas de rapport avec
le romancier du même nom). “C’était
probablement la première fois que je
réalisais qu’il y avait des gens, pas
seulement des terroristes, qui étaient
vraiment critiques à l’égard d’Israël.”
Le discours mémorable de Redgrave avait
été accueilli par des huées et des
sifflements lors de la cérémonie, et sa
co- vedette dans Julia, Jane Fonda,
avait reçu une standing ovation.
Roth, qui a grandi dans une famille
juive à Los Angeles, explique que les
questions qui entourent la relation de
la communauté juive américaine à Israël
continuent de le fasciner – l’une
d’entre elles en particulier. “Les Juifs
américains ne sont pas vraiment
autorisés à dire quoi que ce soit de
critique sur Israël”, soutient-il. “Si
vous regardez la presse israélienne, il
ya un débat vigoureux, qui se poursuit
sans interruption. Les Israéliens sont
autorisés à être très critiques envers
Israël. Les Américains, semble-t-il, ne
le sont pas. Parmi mes amis et ma
famille, je pouvais trouver des gens qui
étaient très ouverts sur tous les sujets
imaginables, sauf quand on touchait à
Israël et au Moyen-Orient. “
Roth d’ajouter, «Quand le sujet
arrivait sur Israël, c’était presque
comme si la discussion était coupée.”
Ce constat a incité Roth à réaliser
son propre documentaire à la première
personne sur ce sujet ; le résultat est
un mélange grisant de considérations
personnelles et politiques. Les
Confessions d’un Juif Honteux, qui sort
en première mondiale ce weekend au
Festival Mondial du Film de Montréal et
traite de l’itinéraire de Roth dans sa
confrontation avec l’écheveau complexe
de liens personnels, historiques et
politiques que la diaspora juive possède
avec l’Etat d’Israël.
Rorh a interviewé un grand nombre de
personnes pour son documentaire – de sa
propre grand-mère à Phyllis Chesler,
auteure du livre The New Anti-Semitism,
dans lequel elle avertit de la montée
inquiétante du préjugé antijuif au début
du 21ème siècle. Les
résultats sont fascinants et Roth prend
soin de donner longuement la parole à
ceux avec qui il est en désaccord.
Il reconnaît que certains l’ont
critiqué pour avoir entrepris un tel
projet. «Je suis un homosexuel qui
enseigne le yoga à des apprenants tout
nus à Los Angeles. Je ne suis jamais
allé au Moyen Orient. Mais j’ai vraiment
aimé l’idée que quelqu’un comme moi, qui
n’a rien d’un spécialiste, puisse se
pencher sur ces questions et les poser
très franchement. Après tout, deux tiers
des Juifs Américains ne sont jamais
allés en Israël. Mais si nous nous
interrogeons sur les relations et le
soutien de notre gouvernement à Israël,
nous sommes taxés de [Juifs] honteux.»
Au cours de ses recherches pour
Confessions d’un Juif Honteux – qu’il
appelle le fruit de «cinq ans de travail
de l’amour» – il s’est découvert des
affinités particulières avec une des
personnalités historiques dont il
retrace l’histoire. «Hannah Arendt,
elle-même survivante des camps nazis
[Hannah Arendt n’a jamais séjourné dans
un camp nazi, note de Djazaïri], avait
écrit des textes assez critiques du
sionisme après le jugement d’Adolf
Eichmann. Elle avait été alors accusée
d’être une juive honteuse simplement
parce qu’elle soutenait que la vision
initiale du sionisme s’était égarée.
Vers la fin du film, Roth se retrouve
plaidant pour une version de la solution
controversée à un seul Etat dans lequel
Israéliens et Palestiniens vivraient
dans le même pays, avec une personne, un
vote. Une des personnes qu’il interviewe
conteste fermement cette idée en
affirmant qu’un tel système signifierait
un «suicide national pour Israël. »
Roth soutient que, «Tant que vous
avez autant de colonies juives en
Cisjoordanie, tant que vous donnez aux
Russes et aux Américains et à d’autres
immigrants autant d’incitations
financières pour vivre là-bas, et tant
que vous avez des palestiniens condamnés
à la pauvreté qui vivent à côté d’eux,
je pense que vous devez accorder à ces
Palestiniens le même accès à la
citoyenneté, mais si vous ne le faites
pas, alors c’est vraiment comme
l’apartheid.»
Et il concède qu’il y a une certaine
ironie de voir Confessions of a Self-Hating
Jew projeté en première mondiale au
Canada où le gouvernement conservateur
s’est avéré être un chaud partisan
d’Israël.
«Je ne prétends pas que les sionistes
vont entrer dans la salle de cinéma et
que leur mentalité sera changée par mon
film», dit Roth. “Mais nous devons en
parler. Ces politiques de construction
de nouvelles colonies en Cisjordanie:
sont-elles vraiment dans l’intérêt
d’Israël? N’ont-elles pas tout
simplement créé une situation
impossible?
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