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Explosion de joie à Lanzarote
Aminatou Haïdar
rentre chez elle à Laâyoune
Mohand Aziri
Photo: Amnesty
Samedi 19 décembre 2009
Les Sahraouis ne pouvaient rêver meilleur épilogue. Une
happy-end. Une apothéose. Après 32 jours de grève de la faim à
l’aéroport de Lanzarote (archipel canarien), Aminatou Haïdar
s’est envolée, dans la nuit de jeudi à vendredi, à bord d’un
avion médicalisé affrété par le gouvernement espagnol, vers son
pays, le Sahara occidental.
Lanzarote (îles Canaries). De notre envoyé spécial
C’est le triomphe du droit international, des droits de
l’homme, de la justice internationale et de la cause
sahraouie », a déclaré la pasionaria sahraouie à sa sortie de
l’hôpital de Arrecife, capitale de Lanzarote. L’annonce, jeudi
en début de soirée, du retour imminent d’Aminatou Haïdar à
Laâyoune, rendu public par les représentants du gouvernement
espagnol, a été suivie par une explosion de joie. La communauté
sahraouie établie dans les îles Canaries, les militants et
sympathisants de toutes nationalités présents sur les lieux ont
fêté, jusqu’à tard dans la nuit, la victoire de la plus célèbre
des activistes sahraouis, présidente du Collectif des défenseurs
sahraouis des droits de l’homme. Une éruption de joie dont l’île
– habituée à d’autres explosions, plus volcaniques – a très
rarement vue et vécue. L’aéroport international de Lanzarote, où
la militante sahraouie a observé sa grève de la faim depuis le
14 novembre dernier, jour de son expulsion de Laâyoune,
l’hôpital d’Arrecife où elle a été admise dans la nuit de
mercredi à jeudi suite à des crises de nausées, ont été pris
d’assaut dès que la nouvelle est tombée, relayée par les médias
locaux et la presse internationale. Les foules en liesse
scandaient à tue tête le nom d’Aminatou. Des youyous, des « Libertà
Sahara » et même des « One, two, three, viva l’Algérie »
faisaient vibrer les abords de l’aéroport.
Vers 22h30, l’ambulance transportant la militante sahraouie a
fait son entrée sur la piste de l’aéroport où attendait un jet
médicalisé dans lequel se trouvaient déjà des membres de la
famille de Aminatou, Domingo de Guzman Perez, le médecin de la
plateforme de soutien à Aminatou et des représentants du
gouvernement espagnol. Derrière le grillage séparant le tarmac,
quadrillé par un important dispositif de la Guardia civile, de
l’esplanade du parking de l’aéroport, les fervents adorateurs d’Aminatou
applaudissaient le décollage, à 22h45, de l’avion de la
pasionaria sahraouie. A l’heure du décollage, la militante pro-polisario
observait encore sa grève de la faim. « Si cela se produit de
nouveau (son refoulement) je resterai à bord de l’avion et je
continuerai ma grève de la faim », avait-elle averti quelques
heures auparavant. La presse espagnole parle d’un « accord »
hispano-marocain, les responsables du Polisario, les animateurs
de la plateforme réfutent. « Le Maroc a accepté sans condition
aucune le retour d’Aminatou et la restitution de son
passeport », souligne Omar Boulsane, un des représentants du
front Polisario, chargé de la communauté sahraouie dans les îles
Canaries.
…et tombe le mur du silence
Carmelo Ramirez, un des plus fervents militants de la cause
sahraouie et membre de la plateforme de soutien, est aux anges.
« Le retour à Laâyoune s’est fait sans condition, alors qu’il y
a quelques jours seulement, les représentants marocains avaient
exigé d’Aminatou qu’elle demande pardon au roi… C’était
incroyable. C’est une grande victoire que nous venons d’obtenir.
Par son culot, sa détermination, Aminatou a pu raviver la
question sahraouie qui était tombée complètement dans les
oubliettes de la communauté internationale ». « La grève de la
faim d’Aminatou Haïdar a cassé le mur du silence qui entoure le
drame sahraoui », jubile le porte-parole de la plateforme de
soutien à Aminatou, Fernando Peraïta, qui ajoute : « Ces
derniers jours, nous avons entretenu beaucoup d’espoirs. Ça n’a
pas été vain. Des négociations ont eut lieu à Washington entre
une délégation marocaine dirigée par le patron des services
marocains et l’Administration Obama. Le Parlement européen
était, jeudi dernier, sur le point d’adopter une résolution
condamnant le Maroc pour les violations des droits de l’homme au
Maroc et au Sahara occidental. Les socialistes, opposés à cette
résolution, ont promis de régler dans les 24 heures l’affaire
Aminatou. Zapatero, dans sa dernière déclaration, a aussi
affirmé que le cas Haïdar allait bientôt trouver une solution.
Alors qu’on était à l’hôpital (de Lanzarote) la conseillère du
président du gouvernement espagnol nous appelle et nous annonce
la bonne nouvelle. Elle nous écrit même une lettre où le
gouvernement espagnol s’engage à assurer le retour, dans de
bonnes conditions, d’Aminatou Haïdar. C’est une grande
délivrance. Une immense victoire. »
Le coordinateur du Front Polisario auprès de la Minurso, M’hamed
Khedad, est également sur place. M. Khedad, qui fut un des
négociateurs de Manhasset, ne cache pas sa satisfaction. « On se
félicite de ce dénouement heureux. Aminatou rentre chez elle,
dans son pays, auprès des siens, de ses enfants. Nous tenons à
remercier tous ceux et celles qui se sont mobilisés autour de la
cause sahraouie. Une mobilisation sans précédent. Cela étant,
même si Mme Haïdar rentre aujourd’hui à Laâyoune, il ne faudrait
pas oublier les dizaines de détenus politiques sahraouis qui
risquent la peine de mort dans les prisons marocaines.
N’oublions pas aussi que le calvaire, le drame que vit le peuple
sahraoui impose désormais, plus que jamais, à la communauté
internationale d’exiger l’avènement d’une solution juste,
respectant le droit à l’autodétermination et à l’indépendance du
peuple sahraoui, et ce, conformément aux résolutions des Nations
unies. » Une vingtaine de minutes après son décollage de
l’aéroport de Lanzarote, l’avion d’Aminatou a atterri à
l’aéroport Hassan II, dans Laâyoune occupée. 140 km séparaient
la « Gandhi sahraouie » de sa patrie qu’elle voulait retrouver à
tout prix, « morte ou vivante », disait-elle. 32 jours d’une
grève de la faim qui a passionné le monde et forgé une légende à
la hauteur des idéaux de liberté qu’elle défend. « Il y a
beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir, mais
aucune cause pour laquelle je suis prêt à tuer », disait le
Mahatma Gandhi, la Grande Ame.
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Publié le 19 décembre 2009
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