Les mensonges de
la propagande de guerre française au
Mali Mohamed
Tahar Bensaada
Lundi 14 janvier
2013
Cocorico ! La
France aura bien eu sa « tempête de
désert ». Hollande a pris la «
courageuse » décision d’envoyer les
hélicoptères Gazelle des forces
spéciales de l’armée de terre, des
Mirage 2000D et des Rafale contre les
colonnes des djihadistes qui menacent la
sécurité de l’Europe.
Dans cette guerre, la
France n’a pas besoin de justification
supplémentaire, il suffit qu’elle
ressasse la propagande rôdée désormais
au fil des dernières guerres de
l’Empire, elle intervient pour sauver le
peuple malien et pour les droits de
l’Homme. Les intérêts de la France, au
premier rang desquels le contrôle des
mines d’uranium du Niger voisin, ne
viendraient qu’en second lieu. Comme
d’habitude, les médias de l’hexagone ont
rivalisé dans le rôle qui leur est
dévolu : la fabrication de mensonges
éhontés en vue de justifier une guerre
de rapine et de domination néocoloniale.
Retour sur les mensonges les plus
grotesques.
Premier
mensonge. Les apparences
diplomatiques sont sauves. Le président
français a justifié sa décision
d’intervenir au Mali en prétextant
l’appel à l’aide du gouvernement malien.
En effet, le président intérimaire
malien, Dioncounda traoré, a lancé un
appel au secours à la France pour
stopper l’avancée des rebelles d’Ansar
Dine qui avaient pris le contrôle de la
ville stratégique de Konna. Mais ce que
le gouvernement et les médias français
ont oublié de rappeler c’est que ce
président malien ne dispose d’aucune
légitimité pour appeler à l’intervention
militaire d’une puissance étrangère sur
le sol malien.
Il s’agit d’un
président intérimaire désigné en
concertation avec l’Union africaine et
les Etats de l’Afrique de l’ouest pour
retourner au plus vite à l’ordre
constitutionnel après le coup d’Etat du
capitaine Amadou Sanogo et en vue de
préparer des élections. Aussi bien le
commandement de l’armée malienne que de
larges secteurs de la société civile et
politique malienne, même s’ils sont
attachés au recouvrement par leur pays
de son intégrité territoriale et à son
unité nationale, s’opposent légitimement
à l’intervention étrangère dans des
conditions qui n’assurent pas au Mali le
contrôle des opérations et de la suite
des évènements.
Second
mensonge. Le gouvernement
français justifie son opération Serval
par le souci de contrer les rebelles d’Ansar
Dine qui ont lancé la semaine dernière
une offensive contre des localités
situées au centre du pays en direction
du sud. Ce faisant, le gouvernement
français tente de donner à cette
opération un caractère défensif. Rien
n’est plus faux. Depuis que le nord du
mali a échappé au contrôle du
gouvernement central de Bamako pour
tomber entre les mains du mouvement
Ansar Dine et des autres mouvements
djihadistes, on le sait, la France n’a
pas cessé d’appeler à la guerre en
poussant en avant les Etats de la CEDEAO
pour donner un semblant de légitimité
africaine à cette guerre néocoloniale.
Après avoir réussi
à torpiller les efforts de médiation du
gouvernement algérien en vue de trouver
une solution politique à la crise et à
arracher une résolution du conseil de
sécurité de l’Onu autorisant le
déploiement d’une force africaine mais
dans le cadre d’un plan de résolution
politique globale de la crise, la France
a continué en coulisses à pousser le
gouvernement malien et les autres
gouvernements de l’Afrique de l’ouest à
vider cette résolution onusienne de son
contenu et à se préparer à la guerre.
De son côté,
l’Algérie a réussi récemment à amener
les deux principaux protagonistes du
mouvement national touareg Ansar Dine et
le MNLA à trouver un accord en vue de
négocier une solution politique avec le
gouvernement de Bamako. Des délégations
de ce mouvement ont rencontré le
ministre des affaires étrangères du
Burkina Faso à Ouagadougou. Mais sous la
pression française, le gouvernement
malien a ignoré ces bons offices et a
continué en secret à préparer
l’offensive armée qui était planifiée
entre l’été et l’automne 2013 comme en
témoigne le recrutement tous azimuts et
l’entraînement de mercenaires de tous
les coins d’Afrique, étant entendu que
les 3000 hommes de la CEDEAO n’allaient
pas suffire à déloger les mouvements
touareg de leurs positions. Le mouvement
Ansar Dine n’avait plus d’autre choix
que d’attendre que l’adversaire se
prépare à son aise et qu’il se fasse
écraser ou alors d’anticiper sur
l’action de ses adversaires et lancer
une offensive militaire pour rappeler à
Bamako son existence et le forcer à
négocier sérieusement.
La France a
compris l’enjeu et a dû changer son plan
initial. Au lieu d’attendre encore
quelques mois le temps de préparer ses
supplétifs africains pour la sale
besogne, elle a dû intervenir
directement. En apparence, Ansar Dine et
ses alliés d’Aqmi et du Mujao ont mal
calculé leur coup en provoquant cette
intervention française prématurée qui
pourrait leur coûter cher. Mais d’un
autre côté, les masques sont tombés. La
France est intervenue directement dans
un conflit dont il n’est pas sûr qu’elle
s’en sorte sans perdre beaucoup de
plumes.
Troisième
mensonge. Le gouvernement
français prétend qu’il mène cette guerre
contre les djihadistes qui contrôlent le
nord du Mali et menacent désormais le
territoire de la France et de l’Europe.
En reprenant cet argument officiel, les
médias français usent d’un mensonge
grossier. D’abord, ils sont bien culotés
de servir pareil argument à leurs
téléspectateurs La France qui n’a pas
hésité à armer et soutenir les
djihadistes en Libye et qui n’hésite pas
aujourd’hui à soutenir les djihadistes
en Syrie se découvre subitement une âme
laïque et démocratique au Mali ! La
laïcité ici n’est qu’un cache-sexe
servant à cacher de sordides desseins
stratégiques et économiques.
Le mouvement Ansar
Dine est avant tout un mouvement de
libération touarègue. Ses membres
fondateurs et ses cadres, à commencer
par leur leader Iyad Agh Ghali,
proviennent tous du mouvement de
libération touareg qui a lutté les armes
à la main durant les années 80 contre le
gouvernement central de Bamako et qui
ont déposé les armes dans le cadre des
Accords d’Alger en 1991.
Que ce mouvement
ait connu par la suite une évolution
idéologique fondamentaliste est une
chose que seul une islamophobie aveugle
pourrait confondre avec le djihadisme
terroriste dans lequel excellent des
groupes comme Aqmi et le Mujao.
Justifier une guerre au Mali au nom de
la lutte contre le fondamentalisme d’Ansar
Dine c’est comme si l’Etat italien
justifiait dans les années 70 et 80 une
mise hors-la loi du parti communiste
italien sous prétexte que les groupes
terroristes des Brigades rouges et de
Prima Linea usaient de la même
rhétorique marxiste-léniniste !
Quatrième mensonge. La
propagande française met l’accent sur le
fait qu’il n’y a pas de différence
fondamentale entre Ansar Dine et les
autres groupes djihadistes. La preuve
c’est que Ansar Dine a gardé des
contacts avec ces mouvements. Ansar Dine
se défend en disant qu’il n’a rien à
voir avec ces mouvements mais comme ils
sont sur le même terrain, il est normal
qu’il ait des contacts avec eux.
D’ailleurs, les
services français entretiennent des
contacts officiels sous la couverture du
Quai d’Orsay avec ces groupes comme
vient de le dévoiler un des chefs d’Aqmi
au Mali, Abdelhamid Abou Zeid et ce,
dans le but de libérer les otages
français contre des rançons qui se sont
avérées ces dernières années un mode
bien commode de financer ces groupes
terroristes dans leurs actions contre
l’adversaire inavoué de la France dans
la région : l’Algérie. Pire, rien
n’interdit de penser que les services
français regardent avec une certaine
complaisance le jeu que certains
protagonistes régionaux jouent avec les
narcoterroristes du Mujao pour affaiblir
l’encombrant voisin algérien…
Parmi les
arguments servis pour justifier la
soi-disant collusion d’Ansar Dine avec
les groupes terroristes, la propagande
française relayée malheureusement par
certains médias algériens, il y a le
fait qu’Ansar Dine refuse de combattre
Aqmi et le Mujao en avançant que ce
n’est pas son rôle à lui de les
combattre, en tout cas pas avant la
résolution du conflit avec Bamako et le
retour de la paix et de la stabilité
dans la région. Et dans ce cas, les
djihadistes étrangers seront bien
obligés de quitter le territoire malien
de gré ou de force. Comme le rappelle à
juste tire un porte-parole d’Ansar Dine,
pourquoi les gouvernements occidentaux
qui mettent aujourd’hui la pression son
mouvement pour combattre Aqmi n’ont pas
usé des mêmes pressions sur le régime du
président malien déchu Amadou Toumani
Touré dont la collusion avec les groupes
narcoterroristes était avérée ?
Que le programme
et l’interprétation rigoriste de la
Charia islamique d’Ansar Dine posent
problème, sans doute. Mais ce sera une
affaire interne à la société touarègue
et malienne et ce n’est en tout cas pas
l’affaire de la France et des
gouvernements africains à sa botte. Si
l’application de la Charia devait
constituer un objet de casus belli, la
France devrait entrer sans tarder en
guerre contre les pétromonarchies du
Golfe et bientôt contre les pays arabes
dont la nouvelle constitution devrait
s’inspirer explicitement de la Charia :
Egypte, Tunisie, Libye et bientôt Syrie
!
Non content de
semer la confusion au sein de l’opinion
publique et d’essayer de diaboliser
coûte que coûte Ansar Dine parce qu’il
ne s’inscrit pas dans leur stratégie
néocoloniale, les services français
cherchent à faire diversion via les
sites franco-israéliens amis qui font
passer Ansar Dine pour une création
tantôt saoudienne tantôt qatarie, en
laissant aux sites makhzéniens le loisir
de vendre la thèse éculée qui voit dans
le DRS algérien le nouveau démiurge de
la géopolitique sahélo-saharienne.
Cinquième
mensonge. Le gouvernement
français a monté toute sa campagne
diplomatique en direction de l’union
africaine, l’union européenne et l’Onu
en vue de justifier une guerre au Mali
au nom de la défense de l’intégrité et
de l’unité territoriale du Mali menacée
par la déclaration d’indépendance
unilatérale de l’Azawad proclamée par le
MNLA. C’est peut-être le plus gros
mensonge de cette guerre tant il est
archi-connu que la France a toujours
tenté de manipuler les mouvements
séparatistes touarègues au Mali et au
Niger pour faire chanter les
gouvernements de Bamako et Niamey en vue
de les amener à accepter ses conditions
de « coopération » néocoloniales.
Il ne faut pas
oublier que le mouvement séparatiste
appelé MNLA a été créé dans la
précipitation par Mohamed Ag Najem qui
commandait un millier de mercenaires
touarègues maliens au service du régime
de Kadhafi et qui a été retourné par les
services français quelques semaines
avant la chute de Tripoli. Ag Najem
aurait-il accepté de trahir Kadhafi et
de retourner au Mali s’il n’avait pas eu
les assurances de Paris pour pouvoir
rentrer chez lui avec armes et bagages
remplis d’or et de dollars pour jouer le
nouveau rôle qui lui a été dévolu ?
C’est quand le
MNLA a été chassé de ses positions
conquises au nord par les combattants d’Ansar
Dine et des autres groupes djihadistes
que le gouvernement français a changé de
fusil d’épaule et s’est mis à défendre
hypocritement la thèse de l’intégrité
territoriale du Mali. En fait, la
diplomatie française est en train de
réchauffer un vieux plan colonialiste
visant à diviser l’Afrique et les
Africains pour mieux régner.
Elle agite
notamment l’épouvantail de l’islamisme
pour faire passer la manipulation
sordide des élites et des populations
bambara au sud contre les tribus
berbères et maures du nord qu’elle juge
moins dociles et plus enclines à
s’allier avec les nouveaux régimes qui
sont en train d’émerger en Afrique du
nord à la faveur des mouvements de
contestation que les officines
impérialistes cherchent à
instrumentaliser et à dévoyer mais en
vain. L’opposition entre populations
musulmanes et populations chrétiennes
et/ou animistes est en train de devenir
un nouveau cheval de bataille
idéologique impérial en Afrique comme
l’illustre à merveille le laboratoire
soudanais appelé à servir de modèle pour
toute la région.
Sixième
mensonge. Les médias français
ont abreuvé les téléspectateurs d’images
et de reportages bidon montrant des
citoyens maliens dans la capitale qui
applaudissent l’intervention française.
Bien-sûr, il se trouvera toujours des
Maliens qui se rappellent l’esclavage
d’avant-hier des esclavagistes
touarègues et maures et oublient
l’esclavage moderne d’hier et
d’aujourd’hui des colons et des
capitalistes français mais la majorité
des Maliens ne sont pas dupes du jeu de
la France. Les médias français montrent
ce qu’ils veulent montrer et s’imposent
le silence sur les manifestations des
patriotes maliens, réunis au sein de la
COPAM (coordination des organisations
patriotiques du Mali) qui ont appelé au
lendemain de l’intervention française au
départ du président malien qui n’a
aucune légitimité démocratique.
Septième
mensonge. Au lendemain de
l’intervention française, les médias
reprennent les communiqués
triomphalistes du ministère français de
la défense. Une centaine de djihadistes
auraient été éliminés et leur avance
vers le sud aurait été stoppée. Les
pertes françaises sont minimisées. La
perte d’un hélicoptère Gazelle a été
attribuée au début à un crash. Mais
voilà que les nouvelles moins
rassurantes commencent à tomber. Ce
n’est pas un hélicoptère mais deux qui
ont été abattus dès le premier jour de
l’opération. Le pilote d’un hélicoptère
Gazelle, le lieutenant a été
mortellement touché.
Mais le fait qui
témoigne de la grossièreté des mensonges
de guerre français est qu’on apprend au
troisième jour de l’opération Serval que
l’offensive des combattants d’Ansar Dine
n’est pas totalement stoppée alors qu’on
nous a assuré la veille qu’elle a été
stoppée. Pire, le gouvernement français
vient de renforcer son dispositif
d’intervention militaire de manière
spectaculaire et inquiétante comme s’il
s’agissait d’une guerre contre une armée
conventionnelle. A en croire le site
spécialisé dans les questions militaires
« Mer et marine » les forces françaises
engagées actuellement au Mali
proviennent du dispositif Epervier basé
au Tchad et qui ne comprend pas moins
que six Mirage 2000D, deux Mirage F1 CR,
trois C135, un C130 Hercule et un C160
Transall. Et aux dernières nouvelles, on
apprend l’engagement des Rafale ! La
facture risque d’être très salée pour un
Hollande qui cherchait à faire des
économies mais surtout pour le peuple
fra,çais appelé à se serrer encore plus
la ceinture pour contribuer à cette
guerre coloniale !
Mais comme un
malheur n’arrive jamais seul. On apprend
en même temps que l’opération d’un
commando de la DGSE en vue de libérer un
des leurs détenu par les miliciens du
groupe Chabab en Somalie s’est soldée
par un fiasco. L’otage aurait été tué et
deux membres du commando de la DGSE
éliminés. La propagande française
voudrait faire croire que le commando de
la DGSE a éliminé 17 djihadistes mais
n’arrive pas à expliquer comment ils
n’ont même pas pu récupérer les corps de
leurs camarades tués. Les djihadistes
somaliens ont même déclaré qu’ils
détiennent un membre du commando
français blessé mais vivant ! Ces
déboires risquent d’annoncer d’autres
conséquences beaucoup plus dramatiques
pour les populations civiles du nord
Mali et pour la vie des otages français
eux-mêmes. Au lieu d’assurer sa sécurité
et celle de ses ressortissants, la
France est bien partie pour vivre
quelques aventures que ne lui
envieraient pas ses alliés de l’Otan qui
lui ont promis jusqu’ici bien timidement
leur soutien logistique. Tout cela pour
l’uranium du Niger et les milliards de
bénéfices d’AREVA et de SUEZ et leurs
banquiers !
Publié le 14
janvier 2013 avec l'aimable autorisation
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