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UJFP
La
conférence du suivi de Durban
L'instrumentalisation de la lutte contre le racisme, une manière
de diviser le monde
Mireille Fanon-Mendes France
Mireille Fanon-Mendes France.
Photo Festival.com - Remi Boisseau
Genève 20 au 24 avril 2009
5 jours d'une conférence, très formelle sans aucune remise en
cause de la façon dont certains pays l'ont boycottée ou ont
tenté de le faire.
5 jours qui ont été l'occasion pour la plupart des Etats
présents de focaliser, avec l'aide des médias, l'attention du
monde sur les propos du Président de l'Iran et qui ont permis
aux pays européens, la France en tête, de quitter la salle des
Assemblées, sous le regard ahuri des ONG présentes. Rien, en
effet, dans les propos du Président ne concernait la remise en
cause de l'extermination juive.
Rien, sauf qu'ont été dénoncés le racisme et la xénophobie
légalisés de l'Etat d'Israël à l'égard du peuple palestinien.
Rien que de très exact. Curieusement, une demi heure après
l'intervention d'Ahmadinejad, le texte transmis par le
secrétariat de la conférence contenait certaines phrases qui
n'avaient été ni entendues ni traduites ...
De là à penser que tout était prévu d'avance il n'y a qu'un pas.
En effet, Ahmadinejad avait rencontré juste avant de prendre la
parole, la Haut commissaire aux Droits de l'Homme, Madame Navi
Pillay. Renseignement pris, il avait été convenu qu'il ne
tiendrait aucun propos négationniste. Il a tenu, le temps de sa
déclaration, ses engagements.
Dès lors, comment le secrétariat a-t-il pu distribuer un texte
en partie non prononcé? Quel jeu, dans cette partition, a joué
la conférence et plus largement le Haut Commissariat des Droits
de l'Homme, organe subsidiaire de l'Assemblée générale des
Nations unies?
Il suffit de signaler aussi que contrairement à Durban en 2001 ,
où les Etats avaient accepté qu'il y ait un forum des ONG, lors
de la conférence de suivi, à Genève, aucun forum n'a pu être
organisé. Il a fallu la volonté de quelques ONG pour imposer un
forum de la société civile qui n'a existé qu'en amont de la
conférence, sur une durée de 3 jours. Ce forum a émis une
déclaration finale qui n'a pu être transmise aux Etats. Ces
derniers avaient refusé, avec la dernière énergie, l'existence
d'un forum des ONG au prétexte que c'étaient elles qui avaient
fait échouer le processus de Durban.
Or, ce qui s'est joué à Durban n'était ni plus ni moins que
l'instrumentalisation du racisme à des fins de division du
monde. D'un côté les soutiens de l'Etat d'Israël, dont de
nombreux pays occidentaux mais aussi arabes et africains, et de
l'autre ceux qui affirment que le racisme et la discrimination
sous toutes leurs formes, la xénophobie et l'intolérance
associés doivent être combattus partout dans le monde afin de
gagner l'universalité des droits humains pour toutes et tous.
C'est sur cette rupture que les Etats occidentaux et leurs
alliés voulaient renforcer la division du monde. C'était compter
sans la volonté des ONG, de certains Etats et celle de Mary
Robinson , grâce à qui, malgré la violence des Etats, il a été
possible d'obtenir la Déclaration et le Programme d'action de
Durban .
Durant tout le processus de préparation de cette conférence de
suivi, les Etats occidentaux n'ont eu de cesse de le faire
échouer. L'antisémitisme a été porté sur le devant de la scène
de façon à paralyser tous les Etats qui auraient quelque
velléité de critiquer la politique raciste, discriminatoire et
xénophobe de l'Etat d'Israël à l'égard aussi bien des citoyens
palestiniens de 1948 que des Palestiniens des territoires
illégalement occupés.
Ainsi, si cette volonté se manifestait alors il était facile à
ces Etats de demander l'annulation, pure et simple, du processus
de suivi du dit Durban.
Il faut d'ailleurs signaler que l'utilisation de la référence à
Durban n'est pas innocente et participe de la volonté de montrer
que c'est à partir de ce lieu, quelques jours avant le 11
septembre , que s'est jouée la division du monde, avec d'un côté
ceux qui soi-disant combattent le terrorisme et de l'autre, ceux
qui sont prétendus le nourrir.
Il est curieux que les Etats puissants utilisent le Conseil des
Droits de l'Homme, donc ce qui vise à l'universalité des droits
humains, pour toutes et tous, partout dans le monde, quels que
soient le régime politique et la religion, pour renforcer leur
position de dominants et exclure tous les Etats qui ne répondent
pas à leurs exigences ou qui veulent que toutes les voix des
victimes, y compris celle du peuple palestinien, soient
entendues, sans oublier celles dont on ne parle plus comme la
voix du peuple tchétchène ou celles que l'on refuse d'écouter,
ainsi des peuples autochtones et des Dalits.
Avec cette conférence de suivi se confirme le fait que les Etats
puissants ont imposé, à l'ensemble du monde, leurs conceptions
de la lutte contre le racisme, les discriminations et la
xénophobie avec un terrain dont les limites ne comprennent
aucune critique à l'égard d'Israël et d'où la question de la
diffamation religieuse a été écartée.
Dès lors, nous sommes bien loin de l'universalité des droits
-pour laquelle une grande partie de la société civile se
mobilise et que la plupart des Etats prétendent revendiquer pour
leur peuple- d'autant que les Etats s'inscrivant contre cette
organisation du monde peinent à faire entendre leur voix, par
manque de volonté politique ou par peur de représailles.
Force est de constater que ce sont, en fait, les droits humains
qui sont fortement questionné et plus généralement les organes
onusiens créés par les Nations unies pour obtenir leur respect
et leur effectivité qui sont remis en cause et après de telles
conférences, même si la Déclaration finale est à peu près
correcte et a au moins le mérite d'affirmer le bien fondé de la
déclaration et du plan d'action de Durban 2001, nous sommes en
droit de nous interroger sur la pérennité de ces organes et sur
le rôle que leur fait jouer une grande partie de la communauté
internationale.
Forum formel, communauté internationale en désaccord sur la
nature du racisme, de la discrimination et de la xénophobie à
dénoncer, société civile exclue et dont la participation s'est
limitée à assister au défilé des déclarations de certains Etats.
Seules cent vingt ONG ont pu s'adresser aux Etats, dans une
salle relativement vide.
Ce forum montre que la division du monde se construit sur la
base de principes concernant le racisme très différents d'Etat à
Etat mais aussi de l'instrumentalisation qui en est faite au
détriment des peuples.
Cette division du monde, organisée à partir de la lutte contre
le racisme, la discrimination, la xénophobie et l'intolérance
qui y est associée, vient renforcer le discours élaboré à partir
de septembre 2001 pour lutter contre le terrorisme, avec la mise
en place d'un discours sur les «bonnes valeurs» et les dites
bonnes pratiques de la démocratie prise en otage par les Etats
dominants.
Ce nouvel ordre du monde vient de conforter son équilibre en
s'adjoignant, en ce temps de crise économique mondiale, un
nouveau pilier, celui qui clame, haut et fort, que la seule
issue possible à cette crise, repose sur la restauration du
système tel qu'il était juste avant la crise.
Tout cela est évidemment à mettre en relation avec le
relégitimation de l'OTAN, par le retour de la France en son sein
par exemple, mais surtout de son élargissement à l’Europe
centrale et orientale, dans le but de définir un « nouveau
concept stratégique » pour l’OTAN.
Ce concept, adopté en 1999 lors du Sommet du cinquantenaire
précise, -§ 56- sa nature et son objectif : « la sécurité de
l'Alliance doit s'envisager dans un contexte global… les forces
de l’Alliance peuvent être appelées à opérer au-delà des
frontières de la zone de l’OTAN. » Ainsi s’opère un changement
de cadre, la mission de l‘OTAN, jusqu’ici organisme de défense
régional, devient le bras armé de la mondialisation.
Tout est dit, l’OTAN est en passe de devenir et ce contre
l'Organisation des Nations unies un élément essentiel du réseau
d’organisations mis en place par les grandes puissances qui
décident de la guerre et de la paix, des choix politiques et
économiques, des respects ou non des droits humains ou
syndicaux, de la survie de la planète.
L’Alliance atlantique qualifiée de « symbole d’une identité
occidentale », constitue dans le domaine politico militaire,
comme le sont le Conseil de sécurité, le G8 et maintenant le G20
ou le Groupe de la Banque mondiale, dans les domaines
politiques, économiques et financiers, un directoire où les
Puissances imposent leurs visées hégémoniques et le maintien du
nouvel ordre social mondial.
Dès lors, cette conférence de suivi de Durban et la façon dont
elle s'est déroulée, avec la mise au ban de la société civile,
porte en elle tous les dangers pour les Peuples des Nations
unies qui vont avoir de plus en plus de mal à faire valoir ce
qu'ils affirment dans le Préambule de la Charte des Nations
unies.
L'axe du bien veut bien pratiquer la tolérance mais à partir de
sa propre conception ethno-centrée. Il veut bien vivre en paix
avec l'autre dans un esprit de bon voisinage mais à condition
qu'il puisse piller, utiliser les ressources naturelles de
l'autre sans que celui-ci y trouve à redire.
Avec cette conférence de suivi, l'ensemble du monde a perdu bien
plus qu'il ne croit. Nous sommes face au danger. Une façon d'y
échapper serait de revenir aux principes contenus dans la Charte
des Nations unies pour la préservation de la paix et de la
sécurité internationales.
L'applicabilité et l'effectivité des normes impératives partout
et par tous permettrait d'allier, de rallier et de relier tout
ce qui se trouve, de par la volonté des puissants, désolidarisé.
C'est à partir d'un vrai désir de justice de paix et de sécurité
internationale qu'il nous sera donné de faire peuple et nation,
d'entrer en dignité face au monde, car nous serons autant de
femmes et d'hommes debout.
Voir le site de la conférence:
http://www.un.org/french/durbanreview2009
2 3ème conférence mondiale contre le racisme sous l'égide des
Nations unies.
3 Dont United against racism, Youth united against racism, et
toutes celles qui ont rejoint ce forum dès le vendredi 17 avril
4 Voir Politis du 29 mai 2008, Pour une nouvelle conférence de
Durban
5 À l'époque Haut commissaire aux droits de l'Homme et
secrétaire générale de la Conférence de Durban, 2001
6 Publié par le département de l'information de l'ONU, New York,
2002,
www.un.org
7 Durban est donné comme si c'était la première conférence
mondiale contre le racisme, c'est inexact, c'était la troisième
et celle qui vient d'avoir lieu à Genève est la quatrième
8 La conférence de Durban a pris fin le 9 septembre 2001
Mireille Fanon-Mendès France
Fondation Frantz Fanon
membre de l'UJFP
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