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Analyse
Juif
et antisioniste : une perversion ?
Michel Staszewski
Janvier 2006
Pour répondre
à cette question, il faut d’abord s’entendre sur le sens
qu’on donne aux termes « juif », « sioniste »
et « antisioniste », car une grande confusion règne
actuellement sur le sens de ces mots.
« juif » ou
« Juif » ?
Pour beaucoup
de gens, les juifs (dans ce cas écrit avec un « j »
minuscule) sont les adeptes du judaïsme, une religion monothéiste,
un point c’est tout. Le problème est, particulièrement en
Europe, que de nombreux Juifs ont perdu la foi ou n’ont jamais
cru en Dieu mais continuent à se définir comme juifs. Comment
l’expliquer ?
A la différence
du christianisme ou de l’islam, la religion juive n’est pas
prosélyte : les juifs ne cherchent pas à convertir les
non-juifs à leur religion.
Car il s’agit, selon la bible, de la religion d’un peuple et
non d’une religion universelle. Il y a donc, dans ce cas, un
lien fort entre sentiment d’appartenance religieuse et sentiment
d’appartenance nationale ou communautaire. Et si, dans de
nombreuses familles juives, les parents voient encore d’un
mauvais œil leurs enfants se marier avec des non-juifs, en
Europe, c’est souvent plus parce qu’ils redoutent la
disparition de leur communauté culturelle que celle de la
religion que, souvent, ils ne pratiquent que très peu ou pas du
tout. Même si tous ont conscience, dans une mesure variable, que
la religion et l’hébreu ancien, langue sacrée, sont les seuls
éléments culturels communs aux Juifs du monde entier.
En Europe, le
sentiment d’appartenance à une « communauté de destin »
a été considérablement renforcé du fait des persécutions et
du génocide commis par les nazis et leurs alliés. Rappelons que
les nazis ne considéraient pas les Juifs comme les adeptes
d’une religion particulière mais comme les membres d’une
« race inférieure » particulièrement nuisible.
Cependant, leurs critères raciaux pseudo-scientifiques ne
permettant évidemment pas de déterminer qui était juif, les
nazis se basèrent, pour ce faire, sur les registres des
consistoires
israélites ou sur des listes de membres d’associations juives,
religieuses ou non. Etait de plus considérée comme juive toute
personne dont les parents ou les grands-parents étaient eux-mêmes
considérés comme tels.
Les persécutions antisémites concernèrent donc une population
bien plus large que les seuls Juifs religieux. Ceci explique
pourquoi, aujourd’hui encore, de nombreux agnostiques et athées,
nés après la Deuxième Guerre mondiale, vivent intensément leur
appartenance à cette communauté juive, en tant que descendants
de personnes persécutées parce que désignées comme juives par
les nazis et leurs complices. L’auteur de ces lignes en est un
exemple.
Si, dans cet
article, le nom « Juif » est écrit avec un « j »
majuscule c’est donc parce qu’il y est question de
l’ensemble des personnes se considérant comme juives,
qu’elles soient croyantes ou non.
Sionismes
Pour « Le
Petit Robert » le sionisme est un « mouvement
politique et religieux, visant à l’établissement puis à la
consolidation d’un Etat juif (la nouvelle Sion) en Palestine ».
Denis Charbit a réuni dans un volumineux ouvrage de nombreux écrits
et discours émanant de penseurs et de dirigeants sionistes.
S’y manifeste à la fois la diversité de la pensée sioniste
mais aussi ce qui fait son unité : « Le programme
commun admis par tous les courants dits sionistes découle en
premier lieu d’une affirmation de principe essentielle :
les Juifs constituent une nation. » Sur cette base, le
sionisme « se résume, toutes tendances confondues, par :
1)
L’aspiration au rassemblement national des Juifs sur un même
territoire.
2)
La revendication d’« Eretz Israël »
comme le lieu unique, nécessaire et désirable, de ce
rassemblement (…).
3)
La revendication d’un régime d’autonomie la plus large
possible afin de permettre aux Juifs de déterminer leur destin
collectif.
4)
Enfin, l’adoption de l’hébreu comme langue de
communication quotidienne entre les Juifs installés en Palestine ».
Je fais mienne
cette définition résumée.
Notons
cependant qu’aujourd’hui, de nombreux partisans déclarés du
sionisme le présentent comme le « mouvement de libération
nationale du peuple juif ». Sur base d’une telle définition,
tout opposant au sionisme peut être taxé d’antisémitisme
puisque opposé à la « libération des Juifs ».
Antisionismes
Le Petit
Robert ne comporte pas de définition de l’antisionisme.
On peut tout de même déduire de la définition qu’il propose
du sionisme que l’antisionisme serait l’opposition au « mouvement
politique et religieux, visant à l’établissement puis à la
consolidation d’un Etat juif (la nouvelle Sion) en Palestine ».
Les sionistes
définissent en général les antisionistes comme des partisans de
la destruction de l’Etat d’Israël. Mais qu’entendent-ils
par là ? Que les opposants au sionisme veulent « jeter
les Juifs (israéliens) à la mer » comme on l’entend
souvent dire ? En réalité les choses sont plus complexes.
Exemples :
- Dans
son programme politique de 1969, le Fatah, parti dirigé par
Yasser Arafat, prônait la fin de l’Etat d’Israël et
son remplacement par un Etat palestinien « indépendant
et démocratique dont tous les citoyens, quelle que soit leur
confession, jouiront de droit égaux ».
Ceci signifiait une acceptation des Juifs établis en
Palestine en tant que communauté religieuse mais non en tant
que nation.
- A
la même époque, le Front Démocratique pour la Libération
de la Palestine, parti marxiste dirigé par Nayef Hawatmeh,
proposait quant à lui « un Etat palestinien de démocratie
populaire où vivront sans discrimination Juifs et Arabes, un
Etat opposé à toute domination de classe et de nationalisme
et dans lequel le droit des Arabes et des Juifs à perpétuer
et développer leur propre culture sera respecté ».
Dans ce cas, même si, contrairement aux partis communistes,
le FDLP ne prônait pas alors l’édification d’un Etat
binational (c’est le cas maintenant), il reconnaissait tout
de même une identité nationale et plus seulement religieuse
aux Juifs de Palestine.
- Un
mouvement comme le Hamas affirme encore aujourd’hui sa
volonté de remplacer l’Etat d’Israël par un Etat
palestinien islamique. Ce qui n’équivaut pas non plus à
« jeter les Juifs à la mer » mais plus
probablement à en faire des citoyens « de seconde
classe ».
- Certains
courants juifs religieux prônent la disparition de l’Etat
d’Israël parce qu’ils le jugent hérétique. Ils estiment
que sa fondation est en contradiction flagrante avec
l’enseignement de la Torah
qui interdit toute proclamation d’un État juif. La Torah
contraindrait les Juifs à rester en exil jusqu’à la délivrance
divine (annoncée par l’arrivée du Messie) qui annoncera la
paix éternelle à toutes les nations du monde. Notons que
pour la plupart des Juifs religieux, l’exil n’est pas un
concept géographique, mais spirituel. Selon eux, même si le
mouvement sioniste parvenait à organiser le rassemblement de
tous les Juifs du monde dans l’Etat d’Israël, les Juifs
continueraient à vivre un exil intérieur car ce résultat
aurait été obtenu contre la volonté divine. Les grandes
difficultés dans lesquelles se débat aujourd’hui l’Etat
d’Israël constitueraient des preuves de la non acceptation
divine de la recréation, par des hommes, d’un Etat juif en
Palestine.
Aucun de ces courants ne demande pour autant le départ des
Juifs établis en Palestine. L’un d’entre eux, Lev
Tahor (Cœur pur) a même fait sien le premier
programme politique de l’OLP : une Palestine laïque et
démocratique ou coexisteraient, sur pied d’égalité des
citoyens adeptes de diverses confessions religieuses.
- Un
peu partout dans le monde, d’autres personnes ou
associations juives fondent leur opposition à l’idéologie
sioniste non sur des convictions religieuses mais bien éthiques
et politiques ; sans prôner pour autant la disparition
de l’Etat d’Israël. C’est mon cas, sur lequel je
reviendrai dans la dernière partie de cet article.
Pourquoi,
aujourd’hui, tant de Juifs adhèrent-ils au sionisme ?
Dans le
dernier quart du XIXe et au début du XXe siècle, les communautés
juives d’Europe furent victimes de nombreuses manifestations
d’antisémitisme dont les pires furent les pogroms perpétrés
dans l’Empire russe, qui coûtèrent la vie à des milliers de
personnes. Contemporain de ces tragiques événements, Theodor
Herzl (1860-1904), journaliste juif hongrois, fut un témoin
privilégié des violences antisémites qui ponctuèrent, en
France, l’affaire Dreyfus.
Il en conclut que si même le pays de la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen de 1789 pouvait être touché à ce
point par des manifestations de haine antisémite, il ne restait
qu’une seule solution aux Juifs pour vivre en paix : la séparation
d’avec les non-juifs par le regroupement des Juifs dans un Etat
qui leur serait propre. Son ouvrage, L’Etat des Juifs,
publié en 1896, fut le livre fondateur du sionisme politique. Le
premier congrès sioniste fut réuni à Bâle en 1897.
Ce projet
politique fut donc fondé sur la conviction qu’une cohabitation
harmonieuse entre les minorités juives et les populations non
juives majoritaires dans les Etats où ils vivaient était décidément
impossible.
Mais
jusqu’au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l’idéologie
sioniste resta minoritaire parmi les Juifs européens et quasi
absente des autres communautés juives dont les membres vivaient généralement
en bonne entente avec leurs voisins non juifs. Le sionisme n’est
devenu l’idéologie dominante dans la plupart des communautés
juives qu’après la Deuxième Guerre mondiale.
Comment
l’expliquer ?
Beaucoup de gens sous-estiment les effets psychologiques à
long terme que peuvent générer des persécutions graves visant
une communauté humaine tout entière. Le ralliement à l’idéologie
sioniste de la majorité des Juifs européens au lendemain de la
Deuxième Guerre mondiale s’explique avant tout par une vision
du monde transformée par l’expérience traumatisante du judéocide.
Et ces traumatismes transmettent une partie de leurs effets aux générations
suivantes : tout Juif dont les parents ou les grands-parents
ont vécu la guerre sous le joug nazi est, d’une manière ou
d’une autre, psychologiquement « marqué » par cet
atavisme. Ce qui explique, au moins en partie, pourquoi la vision
sioniste du monde est encore dominante aujourd’hui dans la
diaspora juive européenne ou
d’origine européenne. Le « complexe de Massada » ou
de la « citadelle assiégée »
est caractéristique de cette vision du monde : les Juifs ne
pourraient compter que sur eux-mêmes pour se défendre contre des
populations non juives généralement hostiles. C’est ainsi que
l’Etat moderne d’Israël est considéré par de nombreux Juifs
de la diaspora comme « le dernier refuge », le lieu où
l’on pourrait se réfugier « au cas où … ». D’où
l’importance vitale, à leurs yeux, de le préserver en tant
qu’Etat juif, ce qui implique que les Juifs y restent, à tout
prix, majoritaires.
Ceci permet de
comprendre pourquoi la majorité des Israéliens et un grand
nombre de Juifs de la diaspora, pourtant partisans inconditionnels
de la « loi du retour » qui permet aux Juifs du monde
entier de devenir citoyens de l’Etat d’Israël, refusent
d’admettre le principe du droit au retour des exilés
palestiniens victimes des guerres successives ayant opposé Juifs
et Arabes en Palestine-Israël depuis 1947. Le fait que les représentants
palestiniens se déclarent depuis longtemps prêts à négocier la
mise en œuvre de ce principe n’y change rien.
En réalité,
depuis sa création, Israël est le pays où les Juifs sont le
moins en sécurité. Ce constat ne semble pas ébranler la
conviction qu’il constitue un refuge pour les Juifs. C’est même
le contraire qui se produit : plus la politique de l’Etat
juif se heurte à la résistance des Palestiniens et à la réprobation
de l’opinion publique internationale, plus la majorité de
l’opinion publique juive israélienne et diasporique, confortée
dans le sentiment que les Juifs sont encore et toujours les
victimes de l’hostilité des non juifs, se raidit dans une
attitude intransigeante. Ce qui, d’une part, amène les électeurs
israéliens à se choisir des dirigeants de plus en plus
intraitables avec les Palestiniens et, d’autre part, fait
grandir chez ceux-ci des sentiments de colère, d’humiliation,
voire de haine et de désespoir,
ce désespoir qui amène de jeunes Palestiniens, ne trouvant plus
de sens à leur vie, à chercher à en donner un à leur mort, en
perpétrant des attentats-suicides au cœur du territoire israélien.
Nous sommes là dans un tragique cercle vicieux.
Mais
aujourd’hui les descendants des victimes du judéocide sont
devenus minoritaires parmi les Juifs israéliens. Il reste donc à
expliquer pourquoi le raidissement décrit ci-avant concerne l’écrasante
majorité de la population juive d’Israël.
Dans son livre
Le Septième Million,
l’historien israélien Tom Segev
nous donne la clé de cette énigme. Il y montre comment
les dirigeants israéliens ont utilisé la mémoire du génocide
des Juifs par les nazis pour façonner une identité collective
israélienne. Dès leur plus jeune âge, les enfants israéliens,
quelle que soit l’histoire de leurs ancêtres, sont élevés
dans le souvenir et le culte du passé tragique des communautés
juives européennes. C’est donc l’ensemble de la population
juive israélienne qui porte le poids du passé, qui se voit
transmettre le traumatisme et ses effets secondaires, à commencer
par le « complexe de Massada ».
Le « complexe de Massada »
à l’œuvre en Belgique : un exemple
En juin 2004,
quatre jeunes Juifs religieux sortant d’une école talmudique
située à Wilrijk (banlieue d’Anvers) étaient agressés par
plusieurs jeunes dont l’un blessa grièvement un des écoliers,
d’un coup de couteau. Dès le lendemain, de nombreuses
manifestations d’indignation témoignèrent d’une émotion
partagée par une grande partie de l’opinion publique face à
cette agression très vraisemblablement de nature antisémite.
Trois jours après le drame, une manifestation de protestation eut
lieu à Bruxelles. Elle fut organisée par le Comité de
Coordination des Organisations Juives de Belgique (C.C.O.J.B.) qui
regroupe la majorité des associations juives de ce pays. Cet événement se déroula au « Mémorial
aux Martyrs Juifs de Belgique ». Ce monument, inauguré en
1970, est un lieu hautement symbolique puisqu’on y trouve, gravés
dans la pierre, les noms de plus de 24.000 Juifs déportés vers
Auschwitz au départ de Malines et qui n’en sont pas revenus. Le
mémorial est situé au cœur d’un quartier populaire d’Anderlecht
(commune de l’agglomération bruxelloise), où les familles de
Juifs immigrés habitaient jadis nombreux ; actuellement ce
sont des familles d’origine maghrébine qui constituent la
majorité des habitants d’origine étrangère de ce quartier.
Bien que des
policiers encadraient cette manifestation (un certain nombre de
personnalités politiques étaient présentes, parmi lesquelles
des ministres), les organisateurs avaient fait appel à un service
d’ordre privé, composé de jeunes gens aux lunettes noires,
communiquant apparemment entre eux par téléphones mobiles. Avant
la manifestation, ces gardes privés prièrent de manière très
insistante les participants de ne pas s’arrêter devant l’entrée
du mémorial (il faisait particulièrement beau ce matin-là) mais
d’y entrer sans attendre, comme s’ils redoutaient une
agression. Pendant la manifestation, ils montèrent une garde
vigilante tout autour du monument. Et à la fin de celle-ci, ils
encadrèrent de près la sortie, par groupes, en donnant la
consigne aux personnes présentes de rester groupées et de ne pas
s’attarder aux abords de ce lieu.
Tout crime
raciste, parce qu’il porte atteinte aux fondements mêmes du
« vivre ensemble » dans une société multiculturelle
et démocratique, devrait, à mon avis, susciter la protestation
des citoyens, indépendamment de l’appartenance communautaire
des victimes et des agresseurs. J’ai regretté que
l’organisation de la principale manifestation publique de
protestation fût laissée à des associations émanant de la
seule communauté dont la victime était issue. A mon sens,
auraient dû être parties prenantes de cette organisation, des
associations citoyennes non communautaires comme la Ligue des
Droits de l’Homme ou le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme
et la Xénophobie (M.R.A.X.). J’aurais aussi préféré que
cette manifestation fût organisée dans un lieu moins
communautaire (même s’il témoigne d’un événement
internationalement reconnu comme un crime contre l’humanité
toute entière), plus central et symbolique non pas seulement
d’une compassion envers la victime mais aussi d’une
indignation générale en réaction à une agression contre un
fondement de toute la société. Ce lieu aurait, par exemple, pu
être le Palais de Justice.
Je ne connais
pas les circonstances exactes qui ont abouti à ce que le
C.C.O.J.B. organisa seul cette manifestation mais je sais que ni
les dirigeants du C.C.O.J.B., ni aucun représentant d’autres
organisations juives n’ont critiqué publiquement cette
situation, comme si cela était dans l’ordre des choses. Le fait
que cette action de protestation contre un crime raciste ait été
organisée uniquement par des Juifs, dans un lieu spécifiquement
juif, le fait surtout que les organisateurs aient cru utile de
faire appel à leur propre service d’ordre (c’est devenu
coutumier depuis quelques années dans la communauté juive
organisée) et que celui-ci se soit donné pour tâche essentielle
d’alerter les participants quant à la prétendue dangerosité
des alentours, tout cela témoigne, selon moi, de ce qui est de
plus en plus à l’oeuvre dans les communautés juives : le
repli sur soi engendré par la peur de l’Autre.
Soixante ans
après l’arrêt du judéocide, ses séquelles psychologiques
restent importantes dans les communautés juives européennes. On
peut même dire que la peur de l’Autre grandit. J’en vois pour
preuve l’utilisation par de nombreuses institutions (écoles,
synagogues, musées) et associations juives de dispositifs sécuritaires
de plus en plus impressionnants pour protéger leurs lieux
d’activités, qu’ils soient permanents ou occasionnels.
Cette évolution
s’explique bien sûr en partie, pour ce qui concerne les
relations entre les communautés juive et arabo-musulmane, par
l’exacerbation du conflit israélo-palestinien et ses répercussions,
en Europe et ailleurs. Mais elle ne peut être séparée d’une
situation plus générale, qui ne concerne pas que les Arabes
musulmans et les Juifs.
Les ravages du « sécuritisme »
Dans le
contexte de l’« après 11 septembre 2001 » et de la
« guerre contre le terrorisme international », cette
tendance au repli sur sa communauté, au refus de rencontrer l’Autre
ou certains « Autres » perçus comme inquiétants
voire menaçants est un phénomène qui se développe, bien au-delà
de la communauté juive. L’idéologie « sécuritaire »
fait des ravages. Si au XIXe siècle, les nantis qualifiaient de
« classes dangereuses » l’immense majorité pauvre
de la population, la seconde moitié du XXe siècle a vu apparaître
le concept de « quartiers difficiles » et aussi la réalité
des quartiers riches séparés, parfois hermétiquement, de leur
environnement plus « populaire ».
En ce début
de XXIe siècle, le fossé entre riches et pauvres ne cesse de se
creuser, tant au niveau de chaque pays qu’entre les différentes
parties du monde. Avec son « axe du bien » et son
« axe du mal », l’administration américaine
transpose à l’échelle planétaire les concepts de « classes
dangereuses » et de « quartiers difficiles ».
Ces vocables témoignent d’une vision manichéenne de
l’humanité qui, quand elle est le fait de dirigeants politiques
et militaires, débouche inévitablement sur des affrontements armés.
Un peu partout dans le monde, y compris dans l’Union Européenne,
se retrouvent au pouvoir des dirigeants politiques qui partagent,
avec des nuances, cette vision des choses. Elle implique que
l’appareil d’Etat laisse au second plan la solidarité
sociale, l’éducation et le dialogue pour privilégier la manière
forte, que ce soit dans la manière dont il traite les jeunes, les
pauvres, les minorités, ou les étrangers. Et depuis le 11
septembre 2001, dans le « monde occidental », les
préjugés anti-arabes et anti-musulmans se sont considérablement
développés.
L’évolution
récente de la politique israélienne et de l’opinion publique
dans les communautés juives s’explique aussi, en partie, par ce
contexte international.
Pourquoi beaucoup de Juifs,
qu’ils soient israéliens ou non, confondent-ils antisémitisme
et antisionisme ?
Certains
opposants au sionisme sont antisémites, cela ne fait aucun doute.
Mais il existe aussi des sionistes antisémites. En effet,
nombreux sont les non juifs qui se proclament sionistes et, depuis
la naissance du mouvement sioniste, des antisémites ont souvent
applaudi des deux mains à l’idée du regroupement des Juifs
dans un Etat qui leur serait propre (« qu’ils rentrent
dans leur pays ! »). Aux Etats-Unis, de puissants
groupes de chrétiens fondamentalistes s’affirment sionistes et
soutiennent l’Etat d’Israël … comme la corde soutient le
pendu : ils militent pour le rassemblement de tous les Juifs
en Palestine, préalable indispensable, selon eux, au jugement
dernier auquel ils aspirent … mais à l’occasion duquel ne
seront sauvées que les âmes de ceux qui auront adhéré au
christianisme. Il est donc faux de considérer que tout partisan
du sionisme serait l’« ami des Juifs ».
Il n’est pas
vrai non plus que tout opposant à cette idéologie est leur
ennemi. Certaines personnes ou courants se présentant comme
antisionistes aspirent sans doute à ce que les Juifs soient
chassés du Proche-Orient.
Mais ce n’est certainement pas le cas de la majorité d’entre
eux. Ce que les opposants au sionisme ont en commun n’est pas
l’opposition à l’existence de l’Etat d’Israël mais
bien à sa définition comme « Etat juif » ou « Etat
des Juifs »,
autrement dit au fait que les Juifs du monde entier y soient les
bienvenus alors que les Arabes palestiniens y sont ou bien tolérés
(il s’agit des descendants de la minorité demeurée sur place
après la première guerre israélo-arabe, celle de 1948) ou bien
interdits de séjour.
Mais un grand
nombre de Juifs considèrent de bonne foi que le fait d’être
partisan de la transformation d’Israël d’un « Etat juif »
en un « Etat de tous ses citoyens » est une
manifestation d’antisémitisme. Comment l’expliquer ?
Tout
simplement parce qu’ils sont imprégnés de l’idéologie
sioniste. Rappelons qu’au cœur de cette doctrine on trouve la
conviction que l’antisémitisme ne peut être éradiqué des
peuples du monde. De quelque tendance qu’ils se réclament, tous
les partis et mouvements sionistes de notre époque considèrent
que la sécurité et même la survie des Juifs dépendent de
l’existence d’un « Etat juif » en Palestine-Israël,
considéré comme un refuge destiné à accueillir tous les Juifs
du monde qui le souhaiteraient. Mais pour garantir le « caractère
juif » de l’Etat d’Israël, il faut que les Juifs y détiennent
le pouvoir politique. Et pour ceux des sionistes qui se veulent démocrates
(la majorité d’entre eux), il est absolument nécessaire que
les non-juifs y restent minoritaires de manière à ce que ne
puissent être démocratiquement remis en question les fondements
inégalitaires de cet Etat, à savoir la « loi du retour »
qui permet aux Juifs du monde entier de devenir citoyens d’Israël,
les mesures qui empêchent au contraire le retour des exilés
palestiniens et de leurs descendants ainsi que les autres lois
favorisant les citoyens juifs d’Israël aux dépens des autres,
à commencer par celles qui concernent l’accès à l’usufruit
et à la propriété immobilière et terrienne.
Notons que
pour beaucoup de Juifs, l’existence d’un Etat juif constitue
aussi une protection contre un autre « danger mortel »
qui les guetterait : l’« assimilation ». Vivant
au sein d’une population majoritairement non juive, les Juifs
perdraient leur identité en quelques générations, du fait des
mariages « mixtes ». Le judaïsme cesserait
d’exister.
L’affirmation
répétée depuis des décennies par les sionistes selon laquelle
l’Etat d’Israël serait « la seule démocratie du
Moyen-Orient » m’inspire les remarques suivantes :
o
Ce jugement ne tient
certainement plus face à l’évolution politique récente du
Liban.
o
C’est l’Etat israélien
qui empêche, par son occupation militaire (non démocratique !),
la naissance d’un Etat démocratique palestinien.
o
Une particularité de
la « démocratie » israélienne la différencie
nettement de ce qu’en Europe l’on considère généralement
comme une société véritablement démocratique. Pour les
dirigeants politiques israéliens, la démocratie semble être
comprise comme la domination de la majorité sur la minorité. Cet
Etat est en effet dépourvu d’une Constitution qui garantirait
à chaque citoyen des droits démocratiques individuels tels que
l’égalité devant la Loi ou le droit à l’éligibilité : « En
Israël, personne n’a de droits acquis par le seul fait d’être
citoyen. Les droits peuvent être abolis par un vote majoritaire :
l’immunité parlementaire aux députés arabes, l’éligibilité
de quiconque ne répond pas à certains critères politiques ou idéologiques
(qui peuvent changer en fonction de telle ou telle majorité
parlementaire), la légalité d’un parti qui considère dans son
programme qu’Etat juif et Etat démocratique sont des notions
contradictoires, la citoyenneté d’Arabes qui auraient des liens
avec « le terrorisme », etc. ».
Pour que l’Etat
d’Israël ne soit plus celui des Juifs du monde entier, pour
qu’il devienne l’Etat de tous ses
citoyens, traités sur pied d’égalité (autrement dit
une démocratie digne de ce nom), il faudrait que soit abrogée la
« loi du retour ». Dans ces conditions, il fait peu de
doute qu’à moyen terme les Juifs israéliens deviendraient
minoritaires dans leur pays. C’est cela que les sionistes ne
peuvent accepter. Car ils sont obsédés par la démographie :
dans leur vision du monde il y a les Juifs, très minoritaires
(ils sont vraisemblablement aujourd’hui entre 15 et 16 millions)
et les autres, au nombre approximatif de 6 milliards et demi,
parmi lesquels les musulmans sont plus de 1,2 milliard et les chrétiens
plus de 2 milliards. Selon Denis Charbit, les nationalistes juifs
modérés, conscients de l’injustice qu’engendrerait pour les
Palestiniens la création d’un Etat juif en Palestine ont,
depuis longtemps, résolu leur dilemme moral en considérant que
pour les Juifs, en dehors de la Palestine, « il n’est
« point d’autre centre ni d’autre patrie » alors
que la nation arabe s’étend de Damas à Bagdad, et jusqu’à
la Mecque. Autrement dit : « si nous perdons ce pays,
nous avons tout perdu », ce qui n’est pas vrai pour
l’autre camp : seule l’intégrité de la patrie et de la
nation arabe en serait affectée, pas sa totalité ; à peine
un vingtième du territoire et de la population. »
« Si
nous perdons ce pays, nous avons tout perdu » :
cette idée est actuellement partagée par un grand nombre de
Juifs de la diaspora. Imaginer le monde sans un Etat-refuge réservé
aux Juifs les remplit d’angoisse … alors qu’en même temps
de moins en moins de Juifs voudraient voir leurs enfants
s’installer en Israël, persuadés qu’ils sont qu’ils y
risqueraient leur vie !
Cette angoisse
conduit de très nombreux Juifs ne vivant pas en Israël à perdre
tout esprit critique vis-à-vis de « leur » Etat et à
fermer les yeux sur la politique qu’il mène « dans
l’intérêt des Juifs du monde entier ». Ceci alors que le
souci des dirigeants israéliens de maintenir à tout prix la
domination juive sur un maximum de territoires de Palestine les
conduit à mener une politique qui bafoue continuellement les résolutions
de l’O.N.U., les Conventions de Genève concernant les
obligations d’une puissance occupante vis-à-vis des victimes de
cette occupation et les plus fondamentaux des Droits humains.
Au-delà de la
question du « péril démographique », le fait de
considérer les non-juifs comme potentiellement dangereux conduit
les tenants de toutes les tendances du sionisme contemporain à prôner
un « développement
séparé » des Juifs et des Palestiniens. C’est largement
le cas en deçà de la « ligne verte »
où la cohabitation de membres des deux communautés nationales
dans les mêmes localités est rarissime. Et la séparation est
totale dans les territoires occupés où règne un apartheid de la
pire espèce matérialisé aujourd’hui par les routes réservées
aux colons, les « check points » et la « clôture
de sécurité ». La « dangerosité » potentielle
des Palestiniens implique aussi que les sionistes ne peuvent
envisager leur existence étatique que désarmée. Si la « gauche »
sioniste défend ardemment l’« Initiative de Genève »
c’est que ce plan de paix entérine la vision sioniste de la
co-existence entre Juifs et non-juifs en Israël-Palestine :
séparation physique, maintien du surarmement israélien et démilitarisation
de l’Etat palestinien.
Mon antisionisme
Le sionisme
a-t-il réussi ?
A première
vue oui puisque son objectif était la création d’un « Etat
des Juifs » en Palestine et que cet Etat existe et est
reconnu par la Communauté internationale depuis plus d’un
demi-siècle.
En réalité,
si on y regarde de plus près, c’est un échec cuisant :
o
Le but fondamental
des sionistes était, par la création de cet Etat, de mettre
les Juifs européens à l’abri de l’antisémitisme. Or
l’endroit où les Juifs sont le moins en sécurité est, depuis
sa fondation, l’« Etat des Juifs ».
o
Les deux tiers des
Juifs vivent hors de la Palestine/Israël et sont plus en sécurité
que les Juifs israéliens.
o
Tout en prétendant
créer un « homme nouveau », le mouvement sioniste se
voulait le garant de la préservation de l’héritage culturel
juif, particulièrement celui des Juifs européens. Mais
l’identité culturelle juive israélienne est très différente
et surtout très diversifiée. Ce qui ne va pas sans de fortes
tensions : sur le plan religieux, entre pratiquants et non
pratiquants, entre ashkénazes (originaires de l’Europe non méditerranéenne)
et sépharades (originaires des pays méditerranéens), entre
Africains et Asiatiques. Des querelles interminables opposent différents
groupes pour définir les critères permettant de décider qui est
juif et qui ne l’est pas.
o
La société israélienne
se militarise : à l’exception des membres de certaines
communautés religieuses, chaque jeune Juif israélien, qu’il
soit fille ou garçon, est soumis, depuis l’âge de dix-huit
ans, à de lourdes obligations militaires tandis que de plus en
plus d’anciens militaires de carrière occupent des postes clés,
particulièrement dans les domaines politique et celui de l’éducation.
De sorte que les valeurs militaires d’héroïsme et de sacrifice
patriotique imprègnent fortement la jeunesse.
o
La société israélienne
connaît un naufrage moral, souligné dès les années 1970 par
Israël Shahak, alors président de la Ligue Israélienne des
Droits de l’Homme
: discriminations, exploitation économique, oppression, tortures.
Depuis sa
fondation, les choix politiques effectués par l’Etat d’Israël,
au nom de la conception sioniste de « l’intérêt des
Juifs du monde entier », l’ont amené à bafouer sans
cesse la légalité internationale. Cela n’a été possible que
moyennant la protection et le soutien indéfectible des Etats-Unis
d’Amérique, tant sur le plan politique, qu’économique et
militaire. Il ne fait aucun doute que, sans ce soutien, l’Etat
israélien ne pourrait survivre qu’à condition de se conformer
enfin au Droit International.
En février
2001, les Juifs israéliens se sont choisi comme premier ministre
un général qu’ils avaient eux-mêmes chassé du pouvoir en
1982 pour sa responsabilité, en tant que Ministre de la Défense,
dans les massacres de Sabra et Chatila. Ariel Sharon a mené une
politique d’une agressivité jamais vue à l’encontre des
Palestiniens des territoires occupés ; il n’a apporté aux
Israéliens ni la paix, ni la sécurité ; la situation économique
de l’Etat d’Israël n’a fait qu’empirer et la fracture
sociale n’a cessé de grandir. Pourtant, durant les cinq années
que Sharon a passées à la tête du gouvernement, les deux tiers
des Israéliens, persuadés que leur pays était en guerre, ont
continué à soutenir ce général « qui les protégeait des
terroristes » … ou à le trouver trop conciliant vis-à-vis
des Palestiniens.
Il fut un
temps ou des militants sionistes (donc partisans d’un
rassemblement national des Juifs en Palestine), défendaient le
principe de l’égalité complète entre Arabes et Juifs vivant
en Palestine. Ce fut le cas, dans les années 1920-1930, du
mouvement Brit Shalom (L’Alliance pour la Paix),
qui se battait avec acharnement pour « parvenir
à un accord entre Juifs et Arabes sur la forme de leurs
relations sociales en Palestine, sur base de l’égalité absolue
des deux peuples culturellement autonomes »,
autrement dit pour la constitution d’un Etat binational. Mais dès
le début des années 1940, Brit Shalom avait définitivement
perdu son combat. Il n’existe actuellement aucun mouvement ou
parti se réclamant du sionisme et défendant l’égalité complète
des droits des deux peuples vivant en Israël-Palestine.
Aujourd’hui,
l’idéal sioniste d’un Israël, « Etat des Juifs »
sert à justifier l’injustifiable :
o
les nombreuses
discriminations à l’encontre du million de Palestiniens qui
sont citoyens de l’Etat d’Israël ;
o
l’occupation et la
colonisation des territoires conquis en 1967 que sont Jérusalem-est,
la Cisjordanie et le plateau syrien du Golan ;
o
les confiscations de
terres ;
o
le pillage des
ressources en eau ;
o
les destructions de bâtiments ;
o
les arrachages de
dizaines de milliers d’arbres ;
o
les couvre-feux ;
o
les « bouclages »
des villes et villages palestiniens de Cisjordanie
;
o
l’interdiction pour
tout citoyen Israélien de se rendre dans ces villages et ces
villes : cette mesure, officiellement justifiée par des
raisons de sécurité, contribue efficacement à empêcher les
rencontres entre Israéliens et Palestiniens de Cisjordanie ;
rien de tel pour favoriser encore plus la peur de l’Autre et sa
diabolisation ;
o
la construction, en
territoire occupé, d’une « barrière de sécurité »
de plusieurs centaines de kilomètres au prix d’immenses
destructions, d’encore plus de confiscations de terres et de réserves
d’eau ainsi que de très sévères restrictions à la liberté
de circuler pour les Palestiniens;
o
les arrestations et
les emprisonnements arbitraires ;
o
les mauvais
traitements infligés aux prisonniers ;
o
les assassinats
« ciblés » et leurs « dégâts collatéraux ».
Les défenseurs
de ces abominations soutiennent que c’est l’attitude agressive
des Palestiniens à l’égard des Juifs qui ont amené les
autorités israéliennes à de telles extrémités. Ils ajoutent
souvent que rien de tel ne serait arrivé si les Palestiniens
avaient accepté le plan de partage de la Palestine décidé par
l’O.N.U. en 1947. Mais, outre le fait qu’il ne fait
aujourd’hui aucun doute que les dirigeants sionistes n’avaient
alors nullement l’intention de se satisfaire de ce plan de
partage,
quel peuple aurait pu accepter que plus de la moitié du
territoire où il vivait devienne l’Etat d’un autre peuple
venu d’ailleurs ?
Toujours au
nom de ce qu’ils présentent comme une nécessité vitale pour
les Juifs, les sionistes voudraient que les Palestiniens renoncent
à ce que leur soit reconnu le principe du droit au retour des
exilés (principe reconnu par le Droit International et, pour ce
qui concerne le cas palestinien, par plusieurs résolutions des
Nations Unies). Ils ne peuvent admettre que si les Palestiniens
sont prêts, depuis fort longtemps, à négocier la manière de
concrétiser la reconnaissance de ce droit (lieux d’établissement,
compensations, dédommagements, …), ils ne pourront jamais
accepter qu’il ne leur soit pas reconnu.
Cependant, même
s’il s’est constitué sur base d’une profonde injustice
commise envers le peuple palestinien, le peuple juif israélien
est aujourd’hui une réalité incontournable. Mais 20 % des
citoyens israéliens font partie d’un autre peuple. Cette réalité-là
est également à prendre en compte. La co-existence égalitaire
de deux peuples (ou plus) dans un même Etat ne constitue pas du
tout un problème insoluble, comme le prouvent de nombreux cas
existant dans des Etats démocratiques tels que … la Belgique.
Même si,
d’accord sur ce point avec les militants sionistes de Brit
Shalom, je crois qu’à terme, la solution politique la plus démocratique
et la plus viable, économiquement et humainement sera l’Etat
binational, je ne suis pas opposé, dans le contexte actuel, à la
co-existence, sur le territoire de la Palestine mandataire de deux
Etats, l’un à majorité juive, l’autre à majorité
palestinienne. A condition que l’un comme l’autre renoncent à
discriminer leurs minorités nationales. Mais dans les faits,
depuis 1988 (année de la reconnaissance par le Conseil National
Palestinien de l’existence de l’Etat d’Israël dans ses
frontières du 4 juin 1967) les opposants les plus résolus à la
solution à deux Etats sont les gouvernements israéliens
successifs qui n’ont jamais cessé, depuis la conquête de la
Cisjordanie en 1967, d’occuper ce territoire et d’y développer
une colonisation de peuplement.
*****
Je m’oppose
à l’idéologie sioniste parce que la création, en Palestine,
d’un « Etat-refuge » pour les Juifs du monde entier
s’est faite aux dépens du peuple palestinien alors que, dans
les faits, l’existence de cet Etat ne met absolument pas les
Juifs, qu’ils soient israéliens ou non, à l’abri des persécutions
antisémites.
Je m’y
oppose aussi parce que sa seule réponse à l’antisémitisme est
le repli sur soi, concrétisé par l’appel au « retour »
de tous les Juifs en « Terre promise ». Cette position
s’accorde parfaitement aux discours xénophobes prônant le
« chacun chez soi ».
Je ne suis pas
opposé à l’existence de l’Etat d’Israël mais partisan de
sa « désionisation ». Ceci implique qu’il renonce
à être l’Etat des Juifs du monde entier pour devenir, comme
toute démocratie digne de ce nom, un Etat traitant tous ses
citoyens de la même manière.
Si je combats
l’idéologie sioniste c’est parce qu’elle sert à justifier
une politique contraire aux Droits de l’Homme qui a provoqué et
aggrave sans cesse l’interminable malheur du peuple palestinien
tout en conduisant à terme le peuple juif israélien tout droit
vers l’abîme.
Eretz Israël : « Terre d’Israël »
ou « Pays d’Israël » : Ce terme couvre
tous les territoires qui ont à un moment ou l'autre fait
partie d'un des Royaumes juifs à l'époque du Premier et du
Second Temple, c'est-à-dire en plus de la Palestine, une
partie importante de l'actuelle Jordanie. Aujourd’hui, rares
sont cependant les sionistes qui revendiquent encore
l’ensemble de ces territoires.
Article
paru dans Les Cahiers du Libre Examen,
revue du Cercle du Libre Examen de l’Université Libre de
Bruxelles, n° 43 - mars 2006, pp. 15 à 34
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