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Crise sociale en Égypte : Une aubaine pour les investisseurs de Wall Street et les spéculateurs
Y-a-t-il une intention cachée derrière la décision de Moubarak de ne pas se retirer ?
Michel Chossudovsky

Dimanche 6 février 2011

La décision de Moubarak de ne pas démissionner a été prise en collaboration étroite avec Washington. L’administration étasunienne, y compris les services de renseignement étasuniens, ont soigneusement identifié les scénarios probables. Si Washington avait ordonné à Moubarak de se retirer, il aurait promptement obéi.

 

Sa décision de ne pas se retirer sert remarquablement les intérêts des États-Unis. Cela crée une situation de chaos social et d’inertie politique, générant en retour un vide dans le processus décisionnel au niveau gouvernemental.

 

La crise sociale persistante a également provoqué une fuite massive de capital monétaire. De manière plus concrète, cela signifie que les réserves égyptiennes en devises sont confisquées par les grandes institutions financières.

Le pillage de la richesse monétaire du pays fait partie intégrante du programme macro-économique. Le nouveau gouvernement formé selon les instructions de Washington n’a pas pris de mesures concrètes visant à restreindre la fuite massive de capital monétaire. Le prolongement de la crise sociale signifie que d’importantes sommes d’argent seront dérobées.

 

Selon des sources officielles, la Banque centrale d’Égypte détenait 36 milliards de dollars en devises (avant le début du mouvement de protestation), ainsi que 21 milliards de dollars additionnels en dépôts dans des institutions financières internationales, lesquels constituent, dit-on, ses soi-disant « réserves non officielles » (Reuters, 30 janvier 2011).

 

La dette extérieure de l’Égypte, laquelle s’est accrue de plus de 50 pour cent dans les cinq dernières années, est de l’ordre de 34,1 milliards de dollars (2009). Cela signifie que ces réserves de la Banque centrale sont de facto basées sur de l’argent emprunté.

 

Au début de 2010, un afflux massif de capitaux spéculatifs a servi à acheter des titres de créance du gouvernement égyptien.

 

Les devises affluent dans le pays et sont échangées pour des livres égyptiennes, lesquelles sont ensuite utilisées par des investisseurs institutionnels et des spéculateurs pour acheter des obligations d’État et des bons du Trésor à rendement élevé (libellés en livres égyptiennes) avec des taux d’intérêts à court terme de l’ordre de 10 pour cent.

 

Le taux d’intérêt sur les obligations d’État à long terme est monté en flèche jusqu’à 7,2 pour cent lorsque le mouvement de protestation a pris naissance. (Egypt Banks to Open Amid Concern Deposit-Run May Weaken Pound, Lift Yields - Bloomberg, 2 janvier 2011)

 

Au début de la crise, les investisseurs internationaux détenaient environ 25 milliards de dollars en obligations et en bons du Trésor égyptiens, soit presque un cinquième du marché de bons du Trésor et environ 40 pour cent du marché intérieur des obligations d’État. Par ailleurs, les investisseurs étrangers représentaient environ 17 pour cent du chiffre d’affaires de la bourse et possédaient approximativement 5 à 6 milliards d’actions égyptiennes. (Ibid)

 

Dans le cadre de son accord avec le Fonds monétaire international (FMI), l’Égypte n’a pas le droit de mettre en œuvre des contrôles des changes. Ces dépôts en capitaux spéculatifs quittent maintenant le pays dans l’anticipation d’une dévaluation de la livre égyptienne. Dans les jours qui ont précédé le discours de Moubarak, l’évasion de capitaux roulait au rythme de plusieurs centaines de millions de dollars par jour.

 

Ironie amère du sort, l’Égypte dépose d’une part 21 milliards de dollars dans des banques commerciales à titre de « réserves non officielles » et d’autre part les banques commerciales acquièrent une valeur de 25  milliards de dollars en dette égyptienne, avec un rendement de l’ordre de 10 pour cent. Cela suggère que l’Égypte finance son propre endettement.

 

Le mouvement de protestation a pris naissance lors d’un jour férié pour les banques. Même si la fermeture de la bourse du Caire et des systèmes bancaires du pays a temporairement limité l’exode de capital monétaire, de grandes institutions financières avaient déjà orchestré la fuite d’énormes sommes durant les jours qui ont mené aux manifestations.

 

Le système bancaire égyptien a rouvert le 5 février, entraînant à nouveau un processus d’évasion de capitaux, ce qui a épuisé les réserves de la Banque centrale et accru proportionnellement la dette extérieure de l’Égypte.

 

Une dévaluation d’au moins 20 pour cent est envisagée. Selon la section de la monnaie des marchés émergents d’UBS, « la livre pourrait "facilement" chuter encore de plus ou moins 50 pour cent pour atteindre 9 LE pour un dollar étasunien ». (FT.com / Currencies - Banks weigh risk of capital flight, 1er février 2010)

 

Une dévaluation de plus de 10 pour cent serait socialement dévastatrice. Les prix égyptiens de la nourriture sont dollarisés et si la livre égyptienne était dévaluée, cela déclencherait inévitablement une nouvelle hausse des prix des produits alimentaires de première nécessité, entraînant encore un processus d’appauvrissement.

 

Un scénario de dévaluation de la monnaie, de hausse de la dette extérieure combinée à un nouveau forfait de mesures d’austérités financé par le FMI mènerait immanquablement à une intensification de la crise sociale et à une nouvelle vague de protestations.

Le ministre des Finances nouvellement nommé, Samir Radwan, a un engagement ferme envers le consensus de Washington, lequel a servi à appauvrir la population égyptienne. Dans une déclaration contradictoire le 3 février, M. Radwan a confirmé que « le gouvernement ne réduira pas les subventions même si les prix de la nourriture et des marchandises augmentent. Les dépenses publiques serviront d’instrument pour "parvenir à la justice sociale", a-t-il mentionné lors d’une conférence de presse au Caire ». (Bloomberg, 5 février 2011)

Radwan se conforme aux directives du FMI et de la Banque mondiale : il n’y aura aucune restriction sur la fuite de capitaux. La Banque centrale garantira la conversion des dépôts de capitaux spéculatifs en monnaie forte par de grandes institutions financières. Les coffres de la banque centrale seront pillés.

Avec l’évasion de capitaux, la dette intérieure est transformée en dette extérieure et le pays se retrouve étranglé par les créanciers extérieurs :

 

M. Radwan a dit que le pays honorera ses titres de créances et a exhorté les investisseurs étrangers à avoir confiance en l’Égypte. « Toutes les obligations, tout sera honoré à temps », a déclaré M. Radwan le 4 février au Caire lors d’une entrevue téléphonique. « Nous ne manquerons à aucun de nos engagements. » (Bloomberg, 5 février 2011)

 

Ironiquement, la décision de Moubarak de demeurer à la tête de l’État avec l’accord de Washington a servi les intérêts d’investisseurs institutionnels, de cambistes et de spéculateurs.

 

Bouleversement financier, hausse de la dette, augmentation en flèche des prix des aliments : avant que l’on ait réclamé des élections « démocratiques » l’Égypte aura été soumise aux règles rigides d’une nouvelle série de conditions du FMI.

Article original en anglais : Egypt's Social Crisis: Financial Bonanza for Wall Street Investors and Speculators, Hidden Agenda behind Mubarak's Decision Not to Resign?, publié le 6 février 2011.

Traduit par Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.

 

Michel Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation et professeur émérite de sciences économiques à l'Université d'Ottawa. Il est l'auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre et de la Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller international publié en 12 langues). 

© Copyright Michel Chossudovsky, Global Research, 2011
Publié le 8 février 2011 avec l'aimable autorisation de Michel Chossudovsky

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Source : Mondialisation.ca
http://www.mondialisation.ca/...


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