|
L'opposition guinéenne fait
état de 128 morts
Sanglante répression à Conakry
Merzak Tigrine
Photo Echos de Centrafrique
Mercredi 30 septembre 2009
C’est à un véritable bain de sang qu’auront eu droit, lundi, les
manifestants contre la junte militaire en place à Conakry, qui a
donné l’ordre de tirer sur la foule
qui s’opposait à l’éventuelle candidature du capitaine Dadis
Camara à l’élection présidentielle, alors qu’il avait assuré
qu’il n’y postulerait pas lors de sa prise de pouvoir le 23
décembre 2008.
Au moins 128 personnes ont été tuées lors de la répression,
lundi, dans la capitale guinéenne, d'une manifestation de
l'opposition par les forces de sécurité.
C’est ce qu’affirme un communiqué rendu public hier à Dakar par
le parti de l'opposant guinéen Sydia Touré, l'Union des forces
républicaines. La junte militaire a réprimé férocement un
rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de manifestants
dans un stade de Conakry, qui avait pour objectif de protester
contre la probable candidature du capitaine Dadis Camara à
l’élection présidentielle.
Selon un premier bilan, révélé par une source proche de la
police, “il y a 87 corps qui ont été ramassés dans et autour du
stade après le passage des militaires”, venus évacuer le stade.
“En ce moment, il y a 47 corps au camp (militaire) Samory Touré
(à Conakry), dont 4 femmes, qui seront enterrés cette nuit (de
lundi à mardi)”, a précisé cette source.
Un médecin du Centre hospitalier universitaire de Donka avait
lancé un peu plus tôt dans la journée : “C'est la boucherie ! Un
carnage !” Une autre source médicale, à l'hôpital Ignace Deen de
Conakry, a assuré qu'un camion militaire était venu pour
ramasser des “dizaines de corps”, emmenés vers “une destination
inconnue”. Dans la matinée, les forces de sécurité avaient
d'abord dispersé des opposants à coups de matraques et de
grenades lacrymogènes et arrêté des dizaines de personnes. Ces
chiffres sont contestés par l’opposition, dont le communiqué
précise qu’“à la suite de la manifestation (...), on compte déjà
70 morts à l'hôpital Ignace Deen et 58 à l'hôpital Donka”.
La même source ajoute que “de plus, des militaires ont été vus
en train de ramasser des corps dans les rues pour les emmener au
camp Alpha Yaya Diallo, siège de la junte, probablement pour
éviter un comptage précis du nombre de tués qui révélerait
l'ampleur du massacre”, souligne le parti d'opposition, dont le
président a lui-même été blessé à la tête. “Mais les crimes de
l'armée guinéenne ne s'arrêtent pas là : des femmes ont été
violées par la garde prétorienne de Dadis Camara (chef de la
junte) aux abords du stade où la foule s'était donnée
rendez-vous”, lit-on dans le même document. Par ailleurs, les
informations en provenance de Conakry indiquent que le stade —
qui compte officiellement 25 000 places — s'était empli d'une
foule débordant jusque sur les pelouses et aux abords, et des
tirs avaient été entendus. L'ex-Premier ministre Cellou Dalein
Diallo, candidat à l'élection présidentielle et dirigeant de
l'Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG, opposition), a
raconté à l'AFP que des militaires lui avaient “cassé deux
côtes” et blessé à la tête “à coups de crosse”. Le même sort a
été réservé à l’opposant Sydia Touré, également blessé à la
tête. Ces deux opposants ont été conduits au camp militaire
Alpha Yaya Diallo, siège de la junte, puis transportés dans une
clinique pour y être soignés. Leurs maisons ont ensuite été
pillées par des militaires, selon des témoins. Dans un entretien
diffusé lundi soir par Radio France Internationale (RFI), le
chef de la junte a déclaré attendre qu'“on (lui) donne les
chiffres (des morts)”. “C'est malheureux, c'est dramatique.
Effectivement, il y a eu des morts, mais je n'ai pas encore les
chiffres. Je suis là et j'attends qu'on me fasse le point de la
situation. Très franchement parlant, je suis très désolé, très
désolé”, a-t-il ajouté. L’ONU, l’UA et l’UE, ainsi que de
nombreuses capitales ont condamné ce bain de sang et attendent
les explications de la junte guinéenne au pouvoir.
Copyright © 1998-2008 Tous droits réservés LIBERTE.
Publié le 30 septembre 2009 avec l'aimable autorisation de
Liberté.
|