Chrétiens du
Moyen-Orient : Le
Patriarche, les
catacombes et la
révolution
Les chrétiens du
Moyen-Orient ont
suivi avec le plus
grand intérêt la
visite protocolaire
du Patriarche
maronite Mar Boutros
Béchara Raï en
France [1].
On n’en revenait pas
d’entendre de la
bouche du Pasteur ce
que chacun d’entre
nous aurait souhaité
dire au monde. Pour
quelques jours les
chrétiens se sont
sentis dignes et
libres, loin de
toute récupération
du langage et de
toute sophistication
des idées qui les
obligeait à se
contenter de vivre
dans les catacombes
de l’actualité.
Il faut avoir vécu
la guerre du Liban,
celle de l’Irak ou,
le génocide
arménien, pour
savoir ce que c’est
que d’être
court-circuité par
les moyens de (dés)
information et de ne
plus faire partie du
consensus mondial,
et de subir ainsi
l’injustice tout en
étant vilipendé. En
ces temps-là-les
chefs religieux
devaient, par égard
pour leurs ouailles,
relativiser les
sévices commis
contre elles. Ultime
humiliation : il
fallait ne jamais
transgresser le
politiquement
correct même pour
stigmatiser une
injustice, une
répression ou un
génocide.
Que les régions
chrétiennes soient
bombardées jour et
nuit par une armée
arabe venue pour
instaurer la paix,
au Nom de Dieu on
réclamait le silence
et la patience ; que
les chrétiens soient
chassés de leur
région, massacre
aidant, dans le
cadre d’une
redistribution
démographique
programmée, on
insistait sur la
nécessité de
pardonner ; qu’ils
soient persécutés au
point de prendre le
chemin de l’exil
laissant à d’autres
leurs biens meubles
et immeubles, on
leur disait qu’il
était inutile de
réclamer. En ces
temps-là, leurs
pasteurs ne se
permettaient pas
l’imprudence de
contrarier les
bourreaux et moins
encore les
commanditaires
internationaux de
ces derniers.
Qu’ils soient
dissidents ou
sympathisants du
régime, les
chrétiens ont
toujours tort. Au
Liban ou jadis en
Arménie ils avaient
tort de réclamer
leur indépendance.
En Irak ou en Syrie
ils ont tort de ne
pas trahir leur
pays. Ils ont tort
de ne pas se plier
aux diktats des
grandes puissances
qui un jour
répriment la
dissidence et un
autre l’imposent.
C’est ainsi que les
chrétiens des pays
arabes payent la
dette d’être en trop
sur l’échiquier de
la région. C’est
sans doute pour leur
épargner de plus
grandes souffrances
que leurs pasteurs
ont préféré vivre
dans les catacombes
du silence, les
entraînant à y
résider avec eux. Il
faudrait avoir été
obligé,
manu
militari et
in
nomine Dei (par
la force des armes
et au Nom de Dieu) à
rentrer dans ces
catacombes-là pour
comprendre la
libération que
sentent aujourd’hui
beaucoup de
chrétiens grâce aux
prises de position
courageuses de ce
Patriarche à qui
« la Gloire du Liban
a été donnée ». Oui,
ils constatent que
les temps ont changé
puisque leur Pasteur
ose dire simplement
ce qu’ils pensent
dans le secret :
leurs peurs, leurs
désirs, leur vérité.
En vérité il les
guide vers la plus
grande libération :
celle de la vérité
qui s’ose dire
puisque c’est la
vérité qui rend
libre. C’est bien
ici que la
révolution, la
vraie, commence,
avec son chemin de
croix pour quiconque
« rend
témoignage à la
vérité » [2].
Les chrétiens sont
tellement
reconnaissants que
« leur »
Patriarche ne
craigne pas
d’affronter le tollé
d’une opinion
publique massivement
ralliée à des thèses
préfabriquées. Oh
comme ils apprécient
que cet homme de
Dieu n’ait pas peur
des voix dissidentes
qui se sont élevées
à l’intérieur même
de son troupeau. Ils
reconnaissent en ce
Patriarche le Bon
Pasteur qui donne sa
vie pour ses brebis.
C’est un miracle
qu’un Patriarche
parle à l’encontre
de la majorité bien
pensante du Nouvel
Ordre Mondial. C’est
une révolution que
les chrétiens des
catacombes du
mutisme et de la
répression
retrouvent un chef
qui dise leur vérité
nue sans additifs ni
édulcorants. Le
monde en a été
suffoqué, les médias
abasourdis, les
chancelleries, la
française en
premier, n’en
reviennent pas que
l’Eglise d’Orient
puisse avoir un chef
si ancré dans la
véracité qu’il n’a
pas peur de dire
simplement ce qu’il
pense.
La gêne qui
l’accueille montre à
quel point, sans le
savoir, nous avons
tous glissé dans un
totalitarisme d’un
genre nouveau, aussi
dangereux que larvé.
Depuis des mois nous
pouvons constater,
en zappant entre les
diverses chaînes
satellitaires
d’information, que
partout c’est le
même son de cloche,
la même version. On
se croirait revenus
au régime du parti
unique à cette
nuance près que
chaque chaîne
déploie différemment
les artifices du
tridimensionnel
multicolore pour
enjoliver la ration
pour dupes qu’elle
propose à ses
téléspectateurs.
Cette information « uniformisée »
et monopartite,
administrée sous
couvert d’intérêt
militant pour la
démocratie et la
liberté des peuples
opprimés, est
ingurgitée
pieusement et
massivement par les
téléspectateurs qui
ont peur de se
départir des
scénarios qui leur
sont inlassablement
présentés parce
qu’ils croient
qu’ils prennent
parti pour la bonne
cause.
Aussi, c’est avec
soulagement et
gratitude que les
chrétiens non gagnés
aux thèses
fallacieuses des
maîtres du monde,
accueillent les
courageuses et
franches assertions
du Patriarche
concernant la
situation dramatique
liée au « printemps
arabe ». Face à
ce printemps qui a
déjà fait plus de
60’000 morts en
Libye, Béchara Raï
reste dubitatif
quant à sa portée
réelle sur le
présent et l’avenir
de la démocratie au
Moyen-Orient [3]
en général et au
sort des chrétiens
en particulier. Il
le dit en toutes
lettres : « Il
est nécessaire pour
tous les régimes de
la région de
respecter leurs
peuples mais la
théorie du
soulèvement
romantique des
opprimés contre les
régimes dictatoriaux
est caricaturale.
L’action de la
communauté
internationale, que
ce soit au niveau
des Etats ou du
Conseil de sécurité,
devrait tenir compte
de ce paramètre. »
Pour la Syrie il le
dit haut et fort :
« Nous
redoutons une guerre
civile ou
l’avènement d’un
régime plus radical,
ainsi que le
démembrement du
monde arabe en
mini-Etats
confessionnels qui
ne conviendraient
qu’à Israël. [4] »
Et de préciser : « Que
se passera-t-il en
Syrie ? Y aura-t-il
une guerre sunnito-alaouite
dans ce pays ? Ce
serait non pas une
démocratie mais un
génocide. Lorsque
des sociétés sont
victimes de guerres,
de crises
économiques et de
privation des droits
élémentaires de
l’homme, nous ne
pouvons que nous
inquiéter pour les
chrétiens, parce que
nous ne voulons pas
qu’ils soient
traités en tant
qu’étrangers.
Lorsque les régimes
dans certains Etats
sont religieux
(...), nous vivons
en danger permanent » [5].
Aussi, fidèle aux
orientations
générales de
l’Église Catholique,
le Patriarche
favorise l’option
d’un État civil avec
la séparation de la
politique et du
religieux, seule
garantie contre les
« déviations »
du
confessionnalisme.
Auprès des officiels
français, le
Patriarche n’a pas
craint d’évoquer le
sort des chrétiens
dans les pays dont
les régimes ont été
renversés, ou dans
les pays en proie à
des soulèvements
populaires. « Il
est nécessaire
d’aider les
chrétiens du monde
arabe aux plans
matériel, humain et
spirituel, pour leur
permettre de tenir
bon dans leurs pays
respectifs » [6].
Je cite en son
entier le rapport de
presse de Louis
Denghien du site
Infosyrie paru
le 9 septembre
2011 :
« Au
cours d’une
conférence de presse
tenue à Paris le 8
septembre, le
nouveau patriarche
maronite Mgr Béchara
Raï a mis l’Occident
et la France en
garde contre la
percée de mouvements
islamistes radicaux
dans le monde arabe,
à la faveur des
révoltes et
révolutions en
cours. Et le 77e
patriarche de
l’Eglise chrétienne
maronite a
clairement dit que
la Syrie n’était pas
totalement à l’abri
d’une sanglante
subversion de type
islamiste. Il a du
reste invité les
occidentaux à donner
« plus de chance à
Bachar al-Assad »
pour
mettre en
application les
réformes politiques
et sociales
annoncées en
juillet. « En
Syrie, le président
n’est pas comme
quelqu’un qui, à lui
seul, peut décider
des choses. Il a un
grand parti Baas qui
gouverne. (Assad)
lui, en tant que
personne, est
ouvert »
a
notamment déclaré le
patriarche
d’Antioche qui a
encore précisé :
« Nous ne sommes pas
avec le régime mais
nous craignons la
transition ».
Mgr
Raï, qui est
libanais, s’est
également étonné que
les pays occidentaux
s’opposent à
renforcer l’armement
de l’armée
libanaise, ou
refusent de faire
appliquer les
résolutions du
Conseil de sécurité
des Nations-Unies
relatives au retour
des Palestiniens
dans leur pays.
A
dire vrai, Mgr Raï
n’est pas si naïf :
il a mis les pieds
dans le plat
géopolitique en
remarquant, au cours
de sa conférence de
presse, que les pays
occidentaux
n’étaient soucieux
que des intérêts
d’Israël. « Tout
ce qui se passe dans
les pays arabes,
émiettant leur
unité, va dans
l’intérêt d’Israël »
a
précisé le
patriarche qui s’est
encore
« interrogé »
sur
le type de
démocratie que les
Américains avaient
installée en Irak.
Mgr
Béchara Raï n’est
certes pas le
premier dignitaire
chrétien à
s’inquiéter
ouvertement de la
montée en puissance,
notamment militaire,
des groupes
islamistes radicaux
en Syrie (voir
nos articles « Une
religieuse
syrienne : mensonges
médiatiques &
réalités de
terrain » et « Ca
commence à se dire :
les chrétiens
syriens redoutent la
« dérive islamiste »
de la rébellion »,
mis en ligne les 19
et 16 août).
Recevant les lettres
de créances du
nouvel ambassadeur
syrien auprès du
Saint-Siège, le 9
juin dernier, le
Pape, tout en
appelant en
substance le
gouvernement de
Damas à privilégier
le dialogue par
rapport à la
répression avait eu
ces mots :
« Pour faire
progresser la paix
dans la région, une
solution globale
doit être trouvée.
Celle-ci ne doit
léser les intérêts
d’aucune des parties
en cause et être le
fruit d’un compromis
et non de choix
unilatéraux imposés
par la force.
Celle-ci ne résout
rien, pas plus que
les solutions
partielles ou
unilatérales qui
sont
insuffisantes ».
Une
ou deux pierres
symboliques dans le
jardin des
puissances
occidentales, très
pressées de faire de
la Syrie un nouvel
Irak, au risque de
contraindre à leur
tour les chrétiens
syriens à choisir
entre la valise et
le cercueil !
Fin de citation.
Dans ses prises de
position, le
Patriarche Raï était
en harmonie avec
celles du Patriarche
grec orthodoxe
Ignace IV Hazim et
du Patriarche
grec-catholique
Grégoire III Laham.
Il s’est interrogé
sur le genre de
démocratie que les
puissances
occidentales
privilégient en
Orient. « De
quelle démocratie
s’agit-il en Iraq, à
la lumière de
l’exode massif des
chrétiens de ce
pays ? ». Le
chef de l’Église
maronite a manifesté
sa crainte que le
processus entamé
pour renverser le
régime syrien –dont
il n’a pas caché les
vices – ne mène à un
exode massif des
chrétiens et à une
guerre civile aux
conséquences
désastreuses pour
toute la région.
Sans craindre de
prendre une position
différente de celle
de la France, le
Patriarche Raï a
parlé avec réalisme
du Président Bachar
El Assad –de qui le
Président Sarkozy
affirme qu’« il
est fini » [7]
- et a demandé
qu’une chance soit
donnée à son plan de
réforme. Il
soulignait
indirectement son
désaveu de toute
ingérence extérieure
et de toute escalade
para militaire dans
le processus de
démocratisation de
la Syrie. En cela il
rejoint les
préoccupations d’une
partie non
négligeable de
l’opposition
syrienne intra
muros. Il a
cependant prit soin
de préciser que
l’Église n’appuie
aucun régime en
particulier. Son
action n’étant pas
politique mais
pastorale.
Le Patriarche n’a
pas eu peur de
contrecarrer les
médias de la
désinformation. Il a
exprimé sa
sollicitude et son
inquiétude pour
l’avenir des
minorités
chrétiennes du
Moyen-Orient, plus
précisément en Syrie
où, affirmait-il,
l’instauration d’un
régime religieux
d’obédience sunnite
allait exaspérer les
tensions entre
Sunnites et Chiites
dans la région.
Revenir aux
catacombes pour
concilier l’avenir ?
Les positions
pastorales du
Patriarche maronite
ont été reçues
disgracieusement par
les chrétiens de la
nouvelle opposition
libanaise qui ont
essayé de jeter de
la poudre aux yeux
de l’opinion
publique en
dénonçant « des
propos
confessionnels
discriminatoires »
de la part de leur
chef religieux.
Les positions de ces
politiciens veulent,
par précaution,
ménager la
sensibilité de
l’opposition
syrienne qui,
jouissant de l’appui
international, est
convaincue qu’elle
va renverser le
régime. Les
chrétiens ne
devraient donc pas
prendre trop
clairement position
contre l’opposition
syrienne. Ils
prônent en
définitive encore et
toujours les
catacombes pour les
chrétiens du
Moyen-Orient. Mais,
pour toute personne
non engagée
politiquement,
comment justifier
l’injustifiable
devant les crimes
confessionnels de
Qusayr, de Homs ou
de Kafarbohom,
perpétrés par des
sunnites contre des
chrétiens ou des
alaouites ? Ces
actes barbares
cherchent à fomenter
la guerre civile en
comptant sur les
actes de vengeance
de la part des
familles des
victimes.
Il faut venir en
Syrie et, notamment,
à Homs ces jours-ci
pour voir de ses
propres yeux
l’incroyable réalité
des groupuscules
terroristes qui,
protégés par le
silence
international,
dévastent la ville
et, plus
précisément, les
vieux quartiers
chrétiens du centre.
Une amie
syro-arménienne,
était avec son mari
et son fils,
médecins de
profession, dans
leur clinique privée
dans le quartier Bab
Sbah lorsque les
révolutionnaires
entourèrent le
quartier et
empêchèrent les
habitants de sortir
de chez eux, les
prenant comme
boucliers humains
contre l’offensive
de l’armée.
Arminée me raconte :
« Nous avons essayé
de sortir de
l’immeuble par la
porte de derrière
pour regagner notre
appartement. Mais
les rebelles nous
ont surpris avec des
jets de flamme pour
nous dissuader de
partir. Mon mari a
essayé de les
convaincre : en
effet je suis
cancéreuse, et
rester la nuit à
même le sol dans la
clinique, était
impensable pour moi.
Mon mari a risqué sa
vie pour demander à
parler aux rebelles.
A sa grande surprise
il a noté qu’ils
étaient sous
stupéfiants, et
n’avaient aucun sens
de la réalité. Ils
ne sont pas syriens,
leur accent les
trahit. Malgré nos
supplications ils
ont refusé de nous
entendre et ont
repoussé mon mari à
l’intérieur. De
loin, leur chef,
tirait en l’air et
leur faisait signe
de fermer la porte
de l’immeuble. Nous
avons passé à même
le sol une nuit
d’enfer. Ce n’est
que le lendemain,
lorsque l’armée est
entrée, que nous
avons pu rejoindre
notre appartement,
faire nos valises
et…partir vers le
littoral en
attendant la
pacification de la
ville ».
Cette présence d’une cellule
terroriste multinationale avait
été corroborée par divers
témoins. Homs est une ville
importante qui commande la route
internationale entre Damas et
Alep et Damas et le littoral.
Par là transitent les
marchandises en provenance des
ports de Lattaquieh ou de
Tartous. Par là passent les
caravanes en provenance d’Alep
ou d’Idleb. Si Hama avait une
signification culturelle
essentiellement sunnite, Homs
est une ville stratégique et est
appelée à être la Benghazi de
Syrie.
Nous ne pouvons que regretter la
position timorée ou hostile de
clercs ou de laïcs chrétiens « bien
pensants » qui continuent à
être influencés sans plus par la
campagne de désinformation
médiatique et qui s’indignent
des descriptions en temps réel
de ceux qui vivent les
évènements en Syrie avec le
souci d’informer, sans parti
pris politique.
Il n’y a qu’à suivre l’évolution
des évènements et lire entre les
lignes des médias pour se rendre
compte que cette version « vécue »
est la bonne. Depuis
le début nous
témoignons d’une
situation qui n’est
pas uniquement celle
d’une opposition
pacifique et
populaire contre un
régime sanglant. Un
agenda international
récupère ce schème
pour déstabiliser
impunément la région
et redessiner ses
contours au profit
de nouveaux
gouvernements
marionnettes
d’obédience
religieuse sunnite
pour qui la
démocratie est le
droit d’imposer la
Sharia islamique à
tous les citoyens
d’une manière
autrement
obligatoire que les
régimes laïcs en
voie de disparition
forcée.
La nouvelle phase de
la révolution
syrienne
Revenons à Homs :
depuis le début des
manifestations
décrites unanimement
par les médias de la
désinformation comme
étant «
pacifiques » les
rangs étaient
infiltrés par des
activistes qui
avaient pour mission
de semer le désordre
et inciter les
forces de l’ordre à
la riposte. Très
vite, comme durant
le fameux dimanche
des Rameaux, des
terroristes
hirsutes, ont envahi
certaines rues de
Homs pour tout
casser et provoquer
un état de siège.
La majorité des
habitants de la
ville attendait
depuis des mois
l’intervention
décisive de l’armée.
Ils ont vécu des
exactions, des
exécutions
sommaires, un état
de siège et une loi
martiale de la part
des insurgés. La
pression
internationale a
ralenti le pouvoir
décisionnaire de
l’État.
Aujourd’hui c’est
fait. L’armée
encercle Homs et
somme les insurgés
de se rendre. Ces
derniers ont enfin
fait surface avec
leur armement léger
et lourd et leurs
formations
jihadistes
implacables. Nous
sommes entrés dans
une nouvelle phase
de l’insurrection
syrienne : celle de
la guerre des rues
liée à la présence
de cellules sunnites
combattantes,
auparavant dormantes
et aujourd’hui bien
alertes.
Ce saut d’une insurrection armée
larvée, occultée par les médias,
à une insurrection armée
publique, justifiée par les
médias, a été préparé par une
reformulation de la stratégie de
la révolution syrienne.
Pour Rami Khouri, analyste basé
à Beyrouth, la chute de Kadhafi
« montre qu’il y
a différents moyens de faire
tomber les régimes arabes. »
« Une fois que
le mouvement est lancé et que la
bonne combinaison est là -
volonté populaire de changement
et soutien régional et
international -, aucun régime ne
peut résister.
En Syrie cette combinaison entre
un soulèvement populaire et un
soutien régional et
international existe. Ces
régimes autoritaires, aussi
forts soient-ils, finissent par
chuter, » prédit-il. Pour
lui, la révolte de la majorité
chiite à Bahreïn, petit royaume
dirigé par une dynastie sunnite,
n’a pas abouti car elle n’était
pas soutenue de l’étranger…
« Louaï Hussein,
une figure de l’opposition
syrienne, craint que la victoire
des rebelles libyens ne renforce
ceux qui, en Syrie, appellent le
mouvement jusqu’ici largement
pacifique à prendre les armes.
"J’ai peur que certains
opposants pressés de faire
tomber le régime, que nous avons
toujours mis en garde contre une
réplique du modèle libyen, aient
maintenant recours aux armes",
dit l’écrivain. » [8]
C’est chose faite. Dans un
article-phare intitulé « La
révolution pacifique en danger
en Syrie », Ignace Leverrier
introduit avec une emphase
pathétique ce qui « justifie »
le recours aux armes
de l’opposition :
« Ce
qu’il est
malheureusement en
voie de gagner (le
régime syrien),
c’est le défi
cynique d’entraîner
certains de ses
concitoyens,
uniquement avides de
liberté et de
dignité mais trop
longtemps exposés
dans l’indifférence
internationale aux
balles des
militaires, aux
tortures des
moukhabarat et aux
exactions des
shabbiha, à céder à
la tentation de
recourir aux armes.
Faut-il rappeler que
"cynique", qui en
grec renvoie au
chien, signifie la
perte de tout sens
moral ? » [9].
Ce développement stratégique ne
se heurte à aucune prévention
car l’opinion publique
internationale a été préparée à
une diabolisation du régime face
à une canonisation de
l’opposition. Cela est dû en
majeure partie aux rapports
fallacieux de Rami Abdel Rahman,
directeur de l’Observatoire
syrien des droits de l’homme sis
à Londres, dont la mission est
de faire un décompte quotidien
des « morts »
et « blessés »
parmi les opposants, jamais du
côté adverse. Ce décompte aussi
morbide que mensonger falsifie
la réalité au gré des besoins
médiatiques et est reçu sans
plus de vérification par la
presse internationale.
Présentées comme étant des
quêtes démocratiques populaires,
les manifestations sont le
trompe-l’œil tout trouvé pour
faire exploser la situation en
Syrie et justifier, au cas où le
besoin se présente, une
intervention militaire à la
manière libyenne.
Avec les prises de position des
chefs religieux chrétiens, en
particulier, les assertions sans
équivoques du Patriarche
maronite, et la déclaration du
Secrétaire de la Ligue Arabe
Nabil Arabi, en conclusion à sa
visite à Damas, la
recolonisation de la Syrie
semble être encore relativement
éloignée de la portée « humanitaire »
des stratèges de l’Otan.
Rendons grâces à Dieu et
espérons que les réformes que
nous souhaitons tous deviennent
une réalité patente pour éviter
le pire où tous nous
retournerions aux catacombes.
[1]
C’est de tradition que la première
visite d’un nouveau patriarche
maronite soit en France où il est
reçu par le chef de l’État en signe
de la permanence des relations
cordiales historiques entre la
France et les maronites qui
remontent à Saint Louis.
[2]
Jn 18,37
[3]
http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Le-nouveau-patriarche-maronite-reste-dubitatif-sur-le-Printemps-arabe-_EP_-2011-09-08-708859
[4]
http://rplfrance.org/index.php ?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[5]
http://rplfrance.org/index.php ?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[6]
http://rplfrance.org/index.php ?content=eclairages/110909julienabiramia2-aa.htm
[7]
Samir Tuéini, Journal Annahar du 10
septembre 2011, Beyrouth
[8]
Cf
http://www.journaltahalil.com/detail.php ?id=5396
[9]
http://syrie.blog.lemonde.fr/
Agnès-Mariam de la Croix
Higoumène du monastère Saint
Jacques l’Intercis
22 septembre 2011
(*) Mère Agnès-Mariam de la Croix
est de nationalité libanaise et
française. Son père est réfugié
palestinien de 1948. Elle a vécu la
guerre civile du Liban et travaille
en Syrie depuis dix sept ans.
Source : Agnès-Mariam de la Croix