Chronique
de nos envoyés spéciaux (suite et fin)
Œil de Lynx au
Mont Kassioun
Marie-Ange
Patrizio
Lundi 9 septembre 2013
Au journal de 8h de France Culture[1],
ce matin 9 septembre, reportage de
Valérie Crova au Mont Kassioun.
Présentation d’abord de la situation en
Syrie, par Amélie Perrier : « Une autre
manière de communiquer [du régime, elle
vient de parler de l’interview du
président Assad à CBS] c’est d’embarquer
en ce moment des journalistes étrangers
sur le terrain ». Intéressant.
En principe, embarqués est la traduction du terme
embedded : qui couche avec. Dans la
situation décrite par nos journalistes,
on s’attendait plutôt à entendre « c’est
de prendre en otages les journalistes
étrangers ». Lapsus ou erreur
d’appréciation ? Ou tout simplement nos
journalistes finissent-ils par
s’emmêler les pinceaux dans ce que José
Saramago appelle «brosser le
background » ?
Marc Voinchet apporte discrètement sa pierre à l’édifice de
désinformation en annonçant que Valérie
Crova « a rencontré des habitants qui
acceptent de servir de bouclier
humain » : « acceptent » implique que
non seulement ils n’y ont pas pensé tout
seuls, mais qu’on a même dû leur
demander d’y aller.
Vient ensuite le reportage de l’envoyée spéciale, embarquée mais
qui ne restera pas coucher au Mont
Kassioun où sont « arrivés en bus une
cinquantaine de partisans de Bachar »[2].
« Cela ressemble fortement à une
opération de propagande » ; interview
d’une « femme voilée » disant qu’ils
attendent de pied ferme les frappes
françaises et étasuniennes et « passe le
bonjour » à Hollande. Fin du reportage
de Crova : « Avant de quitter Kassioun
nous croisons un autre bus avec à
l’intérieur des femmes aveugles et
handicapées ; tout le monde est
apparemment mis à contribution ».
Valérie Crova a, elle, une excellente vue : elle arrive à
distinguer des femmes aveugles « à
l’intérieur d’un bus […] croisé [en
quittant les lieux] ».
Admettons (l’extraordinaire acuité visuelle de notre reporter) ;
mais serait-ce donc que pour elle des
« aveugles » et des « handicapées » (et
voilées, peut-être) ne peuvent qu’être
des femmes manipulées, ou des sottes
dont le régime abuse ?
Valérie Crova, toujours à la condition que l’on se fie à sa vue
perçante, n’imagine pas qu’il pourrait
s’agir, par exemple, de
« femmes aveugles » et/ou
« handicapées » rescapées d’attentats ou
des massacres et mutilations opérées par
les « révolutionnaires » ; et qui
viennent apporter la contribution que
l’invalidité leur consent à la défense
de leur pays. Dommage qu’elle n’ait pas
fait demi-tour, notre envoyée lucide,
pour aller interviewer et filmer les
« handicapées ».
Ne chargeons pas trop nos envoyés sur le terrain ; Perrier,
Voinchet et Cie, ici, ne risquent que
leur poste s’ils se démarquent trop de
la propagande. Mais Valérie Crova sait
bien, elle, qu’elle risque beaucoup plus
« dans la région » ; pas de la part des
forces du régime puisqu’à leur barbe
(pour ceux qui en ont, de ce côté-là)
elle déclare qu’on l’a forcée à aller
sur le terrain etc. et le régime ne l’a
pas censurée. Elle sait, même si elle ne
nous le dit pas, ce qui arrive à celles,
et à ceux que la « rébellion » enlève.
Comme le jésuite Paolo Dall’Oglio qui, ici, au printemps, sur
toutes nos radios, plateaux télés et
presse écrite, prêchait dans «la rage et
la lumière » le djihad, la guerre
sainte, armée.
Présenté à France Culture (Les
matins, 2 mai 2013) par M. Voinchet
comme fondateur et animateur « du
monastère de Mars (sic) Moussa »[3],
Dall’Oglio nous explique qu’« on a ici
une idée négative du djihad ».
Puis déclare : « Je suis l’assistant
ecclésiastique de la révolution syrienne
armée »[4].
Pauvre homme.
C’est curieux comme notre presse (y compris la Croix)
ne parle plus du tout de leur ami « porté
disparu en Syrie, à Rakka
(zone libérée)
depuis le 29 juillet 2013 »
[…]
Le père Paolo Dall’Oglio a été tué par
des rebelles islamistes liés à al Qaeda.
Des militants présents dans la ville de
Rakka, où le jésuite avait été enlevé le
30 juillet, ont affirmé qu’il avait été
"tué dans les geôles de l’Etat islamique
en Irak et au Levant". »[5]
Ceux qui parleront, peut-être, « quand
La Stampa le leur
dira » (cf. Piccinin), des conditions de
survie dans les « geôles des rebelles»
ce sont Piccinin et Quirico,
libérés (par qui ?) des « zones
libérées », hier 8 septembre. Ne pas
manquer
compte-rendu et vidéo du débarquement[6].
Ainsi que Domenico
Quirico dans « La révolution m’a trahi »[7],
mais
qui déclare maintenant, en
gros, que Piccinin dit n’importe quoi
sur le gaz utilisé par les « rebelles ».
Trahi, Piccinin, aussi.
On
pourra lire le témoignage d’une autre
femme voilée, sur le terrain depuis 20
ans, que Valérie Crova n’a interviewée
ni à Beyrouth ni au monastère de Saint
Jacques le Mutilé à Qara, ni à Damas.
Russia
Today l’a fait :
« Syrie : Sans couverture
internationale, les terroristes
n’auraient jamais osé franchir les
lignes rouges !
Par
Mère Agnès-Mariam de la Croix.
Extraits :
RT :
Dernièrement, vous vous êtes rendue à
Lattaquié où vous avez recueilli des
témoignages sur les massacres commis par
des groupes armés de « Jabhat al-Nosra »
contre les citoyens de cette région. Que
pouvez-nous dire à ce sujet ?
Mère Agnès : Je crierai mon
indignation en me demandant encore
comment est-il possible que la
communauté internationale ait pu fermer
les yeux sur le « génocide » qui a eu
lieu la nuit du 4 au 5 Août… « La Nuit du Destin » ! Plus de 500
enfants et personnes âgées ont trouvé la
mort, sauvagement massacrés à l’arme
blanche. Les témoignages sont
terrifiants, mais mis à part quelques
lignes dans l’Independant je crois,
personne n’en a parlé ! Nous avons
dépêché une de nos équipes vers ces
villages de la région de Lattaquié. Elle
a rencontré les familles des victimes…
Tout ce que je peux vous dire est que
ces massacres sont d’une extrême gravité
et que nous ne comprenons toujours pas
« les deux poids deux mesures » dans le
traitement des massacres, selon qu’ils
aient été sanglants ou non !
RT :
Il semble que les groupes armés aient
aussi fait des prisonniers parmi les
habitants et qu’ils les retiennent dans
les environs de Lattaquié. Savez-vous ce
qu’ils sont devenus ?
Ce que nous savons, nous le tenons
des familles des victimes. Ainsi, dans
le village d’Al-Sarba, les maisons ont
été incendiées et tous ceux qui étaient
présents ont été passés à l’arme
blanche. À Al-Kharata, un lotissement de
67 âmes, 10 seulement ont échappé à la
mort. Au total, 12 villages peuplés
d’Alaouites ont vécu les décapitations,
les démembrements… nous avons même les
clichés d’une jeune femme découpée
vivante. Les massacres dans cette région
de Lattaquié se sont soldés par plus de
400 martyrs et 150 à 200 prisonniers
dont des enfants, des femmes et des
personnes âgées. Nous travaillons
toujours à leur libération. [ …]
RT :
Dernière question Mère Agnès.
Croyez-vous que
la Syrie
réussira à s’en sortir et redeviendra la
patrie de tous, quelles que soient leurs
confessions ?
J’en suis certaine ! Je suis
certaine que le peuple syrien résiste et
résistera. Il dépassera les blessures et
la discorde et adoptera le pardon. Il
chassera de son territoire chacun des
mercenaires terroristes. Il ramènera la
paix. Mais pour cela, il a besoin de
l’aide de la vraie communauté
internationale ! »[8]
Le
background a changé ce soir après la
superbe réponse que les ministres syrien
et russe des Affaires étrangères ont
faite aux rodomontades de Kerry[9]:
« À 15h30 (Temps universel), Walid
Mouallem a donné une conférence de
presse dans laquelle il a indiqué que,
dans un souci d’apaisement, son pays
acceptait de confier pour destruction
tout son arsenal chimique aux Nations
Unies et d’adhérer à
la Convention
internationale prohibant ces armes. »
Kerry a déclaré alors qu’il n’était pas
sûr de pouvoir leur faire confiance.
Parce que nous, à propos d’intoxication, on doit faire confiance à
quelqu’un dont la fortune et par
conséquent la carrière politique
reposent sur le tomato ketchup ?
Sans blague.
m-a
[9]
« Interrogé
ce matin lors de son escale à
Londres sur ce qui permettrait à la Syrie d’éviter la guerre, le secrétaire d’État
John Kerry a répondu
"Bien sûr, il pourrait
remettre chaque élément de son
arsenal chimique à la communauté
internationale dans la semaine à
venir - le remettre, tout cela
sans retard et autoriser une
vérification totale, mais il
n’en a pas l’intention et c’est
impossible à faire" »
http://www.voltairenet.org/article180167.html
Le
dossier Syrie
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