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RIA Novosti
La Russie a-t-elle réellement retrouvé son influence au
Proche-Orient?
Marianna Belenkaïa, RIA Novosti
Le président égyptien Hosni Moubarak effectue en ce moment
une visite à Moscou. Le dialogue russo-égyptien au plus haut
niveau s'est si bien développé que les visites du leader de l'un
des plus grands pays d'Afrique et du Proche-Orient dans la
capitale russe sont devenues presque routinières. Pourtant, tout
récemment encore, l'arrivée de n'importe quel leader
proche-oriental à Moscou était invariablement commentée comme
"la première depuis plusieurs dizaines d'années,
historique, cruciale, etc.". Cette période a pris fin.
Rompus au cours des premières années qui ont suivi l'éclatement
de l'Union Soviétique, les anciens contacts avec le Proche-Orient
ont été rétablis, et de nouveaux partenaires ont été trouvés
dans la région.
La coopération russo-égyptienne semble être l'exemple le
plus brillant du retour de la Russie dans cette région du monde.
Retour économique en premier lieu. Selon les données russes, le
chiffre d'affaires des échanges commerciaux bilatéraux a atteint
1,6 milliard de dollars en 2005. Au cours des huit premiers mois
de 2006, il a augmenté de 52% par rapport à la période analogue
de l'année précédente, pour atteindre 953,3 millions de
dollars, contre 500 millions de dollars seulement pour toute l'année
2002.
Néanmoins, comparée aux projets de l'époque soviétique tels
que le barrage d'Assouan, la coopération russo-égyptienne
actuelle apparaît bien modeste. En revanche, elle est fondée sur
le principe de l'avantage mutuel et ne dépend nullement de l'idéologie.
Le Caire et Moscou envisagent différents projets de coopération,
de la construction de gazoducs à des efforts conjoints dans le
domaine du nucléaire civil. On saura avec le temps quelle suite
leur sera donnée.
A la différence des problèmes économiques, tout n'est pas
aussi évident dans le domaine politique. A la veille de sa visite
à Moscou, le président Moubarak a accordé une interview au
quotidien russe Vrémia novostéi, déclarant entre autres:
"la Russie a retrouvé son intérêt pour les problèmes du
Proche-Orient et son influence dans la région". Ces propos
ne relèvent-ils pas de la pure courtoisie?
Incontestablement, la Russie porte aujourd'hui un très vif intérêt
pour les problèmes du Proche-Orient. Elle participe largement aux
activités du Quartette de médiateurs internationaux pour le règlement
palestino-israélien, avec les Etats-Unis, l'Union européenne et
l'ONU. Sa position a été à bien des égards déterminante lors
de l'élaboration des résolutions du Conseil de sécurité de
l'ONU sur l'Irak, lorsque les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont
décidé, après le renversement du régime de Saddam Hussein, d'y
faire régner la loi. Et pourtant, serait-il exact d'affirmer que
la Russie peut influer de façon sensible sur la situation au
Proche-Orient?
L'exemple le plus brillant est l'invitation par le président
Vladimir Poutine à Moscou, en février 2006, d'une délégation
du Hamas qui venait de remporter les législatives palestiniennes.
Alors qu'Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne
boycottaient le mouvement palestinien, la Russie a fait cette démarche
inattendue pour tenter de sortir le processus de paix de
l'impasse. Y est-elle parvenue? Non.
Autres exemples: la tentative de la Russie d'adoucir la
situation autour de la Syrie, aggravée par l'assassinat de
l'ancien premier ministre libanais Rafik Hariri en hiver 2005, ou
ses propositions d'ouvrir un dialogue interirakien, ou encore ses
recherches de moyens de financer l'Autorité palestinienne en
contournant le Hamas. Le plus intéressant est que de nombreuses
idées énoncées par Moscou ont tôt ou tard été acceptées par
d'autres participants au processus de paix, aussi bien au
Proche-Orient qu'en Irak, sans plus avoir l'air, il faut bien le
dire, d'être une initiative russe. La diplomatie russe ne s'en
plaint pas. L'essentiel est qu'elles portent leur fruit.
Evidemment, cela n'est pas toujours le cas. Et la Russie n'est pas
la seule à connaître des échecs de ce genre.
Actuellement personne ne peut se vanter de connaître l'issue
des impasses dans lesquelles se sont retrouvés le processus de
paix arabo-israélien et le rétablissement de la stabilité
politique en Irak. Même Hosni Moubarak, doyen de la politique
proche-orientale, au pouvoir depuis un quart de siècle, a dû répondre
"Dieu seul le sait" à la question de Vrémia novostéi
lui demandant quel pourrait être le règlement du problème
irakien. Cette phrase est également applicable au conflit
arabo-israélien. Tous les médiateurs proposent des solutions
concrètes mais aucun ne sait comment obtenir leur réalisation réelle.
Le Caire, Moscou, Washington, Bruxelles, tout le monde veut
apporter sa contribution. En vain, les écueils sont ici très
nombreux. Finalement, toutes les tentatives échouent.
Autant dire qu'il est inutile de parler d'une influence réelle
de la Russie au Proche-Orient, de même que de son impuissance
dans cette région. Nul doute que les Etats-Unis, l'Egypte ou
l'Arabie saoudite exercent une influence beaucoup plus importante
sur les événements dans cette région que la Russie, mais ils
sont également impuissants. Agissant séparément, aucun ne peut
trouver la clé pour tirer les problèmes régionaux de l'impasse.
Et même réunis, le problème n'en sera pas moins difficile.
© 2005 RIA
Novosti
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