Opinion
Gaza, l'intégrisme
laïc et la géopolitique
Maria
Poumier
Ancienne église et mosquée à
Gaza-ville
-
photo
Emad
Badwan
Lundi 26 novembre
2012
Intervention à l'Assemblée nationale,
sur invitation de l'Académie de
géopolitique,
le 22 novembre 2012, dans le cadre d'une
rencontre sur le thème "L'État, la
religion et la laïcité". sont intervenus
également Mm. Ali Rastbeen, le
professeur Gérard François Dumont, le
rabbin Michel Sarfaty, le général Henri
Paris, Imad El Oudi Hamrouni, Mohammad
Al Karaishi, Sayed Salih Al Hakeem, le
professeur Régis Dericquebourg, le
professeur Abbas Al Faham, Abdellah
Ouahhabi.
Comme le dit
Richard Falks, rapporteur pour les
droits humains en Palestine à l'UNESCO ,
l'importance géopolitique de Gaza est
telle que les élites au pouvoir en
0ccident continueront à fermer les yeux
sur les agressions israéliennes.
Le
Jérusalem Post pour sa part,
publie au moment de l'offensive sur Gaza
un lecteur qui prône l' extermination
massive de Gazéens, avec la réoccupation
de tout leur territoire.
Une fois de plus, Gaza se trouve donc en
position de crucifixion: au centre d'une
figure géométrique qui est carrefour des
intérêts et dimensions les plus
opposées, et cible physique de la
férocité israélienne, prétendant
incarner la logique et la justice de
l'Occident, perçu comme nord devant
naturellement imposer sa loi, contre le
sud et l'orient, les terres de la foi.
Mais d'autres dimensions aussi
convergent sur Gaza. C'est à Gaza que
fut bâtie la première église chrétienne.
Gaza s'offre à nous comme le miroir où
Narcisse, le beau mythe né de la Grèce
alexandrine, peut sombrer, par idolâtrie
de sa propre image, ou retrouver sa
stature d'admirable reflet, de créature
voulue par Dieu à son image, comme le
croit la réinterprétation chrétienne du
mythe grec.
Cette rencontre se donne pour but de
réfléchir sur la laïcité, terme
inséparable de la licéité. Le laïc,
c'est celui à qui est permis plus de
choses qu'au clerc, qui se donne des
lois contraignantes pour mieux servir
Dieu. Nous nous demanderons ce qui nous
est permis, à nous pays laïcs, ce que
l'incandescence à Gaza nous fait
redécouvrir.
Gaza, du point de vue israélien, est
comme une tumeur maligne; terre
dépourvue de richesses particulières,
n'ayant pas vocation à être un organe
vital pour l'État israélien, a le défaut
d'être impossible à neutraliser, et
d'être peuplée par une vitalité
proliférante. La répression, la torture
et la terreur sont depuis la nuit des
temps des outils efficaces pour
affaiblir, pour soumettre. L'opération
Plomb durci de 2008, était censée
produire ce résultat: à défaut de faire
fuir toute la population, le châtiment
devait en faire un bétail écrasé par le
sentiment de sa défaite, amputé de toute
espérance. Et voilà que le calcul était
faux! Gaza assiégée ne s'est pas rendue,
mais rend les coups! Si nous assistons
en ce moment à une sorte de printemps
arabe, à Gaza, il s'agit d'un
soulèvement contre les gardiens du camp
de concentration, contre l'ennemi
extérieur. Les Gazéens ont refusé les
appâts tendus par le Qatar, qui les
offrait pour enrichir la couche déjà
riche et corrompue des Gazéens, et qui
supposaient en échange une résignation
définitive au sort de bantoustan
israélien, la reddition.
Avec son offensive "Pilier défensif",
Israël a provoqué, non pas tant les
Gazéens, qui sont provoqués à chaque
minute de leur vie, depuis la création
de l'Etat d'Israël, mais les chefs
d'État occidentaux. Selon une pratique
routinière, il s'agit de forcer la main
aux pays de l'OTAN, face au monde
arabo-musulman, pour une opération
d'élargissement et de consolidation
d'Israël, selon des modalités dont
l'initiative est israélienne.
Le pari israélien repose sur des
intérêts géopolitiques certains.
Plus précisément, "dans le scénario
gazier concocté au Qatar par le Cheikh
Al Thani, à partir de Homs, une bretelle
allait rallier Israël et une autre la
Turquie et faire de ces pays des
distributeurs du gaz qatarien en
direction de l'Europe pour la Turquie,
vers l'Afrique pour Israël et leur
assurer un pont d'or grâce aux royalties
récoltées au passage.".
La découverte de mirifiques gisements de
gaz au large des côtes israéliennes et
libanaises impose, selon la logique
occidentale prédatrice, de prendre un
ferme contrôle de toute la zone. En
Syrie, le gouvernement est suffisamment
affaibli par une long et tenace
harcèlement pour qu'un encerclement
cohérent permette à certains d'envisager
la curée.
Ce qui a précipité l'attaque
israélienne, c'est que toutes sortes
d'alliances sont en train de se mettre
en place en contournant, tout
simplement, l'État d'Israël. Tandis que
Kissinger prédit la disparition de
celui-ci dans un futur proche, par
manque complet de projection sur le long
terme,
une bonne partie des élites US a compris
qu'une forte présence nucléaire de
l'Iran pouvait constituer une réelle
dissuasion, face à la maladie mentale
israélienne. Obama, suivant les
raisonnements de Brzezinski, entend
réduire son investissement dans la
région, et développer des alliances
alternatives afin de garder la maîtrise
de son approvisionnement énergétique:
approvisionnement pétrolier en Amérique
latine même, exploitation du gaz de
schiste, sous-traitance du maintien des
places fortes du Moyen Orient à la
Turquie et à la France, anciennes
puissances avides d'expansion et de
pillage à peu de frais.
Les Frères musulmans ont gagné des
positions dans tous les pays arabes, et
avec le président Morsi à leur tête,
nouent de leur côté des pactes avec les
USA, sans passer le moins du monde par
des intermédiaires israéliens.
Ainsi donc, l'État israélien se perçoit
désormais à juste titre comme
potentiellement encerclé et minimisé,
devenu bientôt insignifiant, exactement
dans la position à laquelle il a réduit
les Palestiniens de Gaza et d'ailleurs.
Il faudrait également souligner que le
Mossad n'a plus la maîtrise du
renseignement, ni des opérations sous
faux-drapeau, ni de la désinformation,
tandis que Tsahal a perdu le monopole
des drones dans la région. Et dans la
diaspora, la voix des juifs qui refusent
d'accompagner Israël dans sa folie
suicidaire commence à se faire entendre
avec force, le puissant Georges Soros en
faisant partie.
Les peuples musulmans, offensés par le
quatrième assassinat méticuleusement
préparé et spectaculairement réussi de
dirigeants du Hamas, mouvement se
réclamant de la fidélité à l'islam,
tiennent par leur mobilisation leurs
gouvernements en otage, pour le moment.
Le Qatar est unanimement répudié comme
pays traître dans le monde
arabo-musulman. L'occasion est unique
pour reconstruire le front contre
l'entité sioniste des premiers temps.
Mais Israël a de la répartie, et du
ressort pour rebondir, en ourdissant de
nouvelles alliances. Constatons que
l'attaque contre le Hamas bénéficie au
régime syrien, puisque le Hamas s'est
déclaré en guerre contre celui-ci. La
récente visite de Shimon Peres en Russie
annonce d'ailleurs un réchauffement des
relations israélo-russes, qui se
manifeste par l'acquiescence officielle
russe à la mythologie sioniste.
L'équation se complique donc, mais
l'antagonisme principal reste le même:
les Gazéens subissent le martyre,
l'Occident, dans ses différentes
variantes, poursuit ses chimères de
domination coloniale; au nom de la
laïcité et de tous les préceptes moraux
censés en découler, tandis que la
propagande occidentale s'évertue à
dénigrer l'islam, et toute résistance se
réclamant de l'islam.
L'Europe, dans ces conditions, se trouve
face à un choix: ou bien sa prétendue
laïcité se confirme comme perte de
repères, étouffement consenti par le
cynisme israélien à très courte vue, ou
bien elle retrouve ses racines
spirituelles et sa foi dans ses nobles
conceptions de la justice et du devoir
de protéger les faibles. Car la laïcité,
qui a produit d'admirables fruits
juridiques et législatifs, imités
ensuite dans le reste du monde, peut
encore retrouver ses origines;
celles-ci, -au-delà de la concurrence
circonstancielle- appartiennent au génie
du christianisme, cette religion qui
fait une large place à la singularité, à
la souplesse et à la créativité; si dans
d'autres religions aussi, les tendances
à la séparation entre religion et
politique existent, le christianisme a
connu son essor décisif en Europe, par
un accord naturel avec le tempérament
des habitants passionnés d'action et
d'initiative individuelle. Et, comme l'a
dit le professeur Dumont, la défense de
la laïcité se manifeste dès l'Évangile
de saint Mathieu, lorsqu'il transmet la
parole de Jésus: "Rendez à César ce qui
est à César", commandement impliquant la
séparation du spirituel et du politique.
Mais, comme il y a un intégrisme
belliqueux dans chaque religion,
l'intégrisme laïc se développe avec des
facettes particulièrement hideuses.
Ce n'est pas seulement à Gaza que se
pose avec une netteté renouvelée
l'affrontement entre sionisme et
mobilisation autour des grandes
religions traditionnelles. En Russie, un
triste groupuscule de jeunes femmes
instrumentalisées a choisi d'occuper une
cathédrale et de la profaner dans le
seul but de renforcer l'opposition au
président Poutine, pourfendeur de la
maffia des oligarques intensément
sionistes. En France, leurs consœurs ont
prétendu s'attirer les faveurs
médiatiques en intervenant ces jours-ci
dans une manifestation à caractère
religieux marqué, et elles avaient peint
sur leur poitrine nue des slogans tels
que: "in Gay we trust", ou "Fuck
religions".
Or l'homofolie ambiante dans nos pays
-passionnés non pas tant de laïcité que
de licéité, aveuglés par des
possibilités technologiques inédites qui
rendent envisageable de se permettre
plus qu'aucune civilisation ne s'est
jamais permis- a suscité la première
mobilisation unanime de toutes les
sensibilités religieuses dans notre
pays: chrétiens et musulmans ont
ouvertement montré leur convergence
contre la supercherie démagogique
défendue par un gouvernement en plein
égarement, dans une manifestation
massive à Lyon.
Les actions groupusculaires ci-dessus,
calculées pour avoir d'immenses
rebondissements médiatiques,
provocations froidement préparées
faisant suite à bien d'autres, tant
contre l'islam que contre le
catholicisme, mettent parfaitement les
choses au clair: d'un côté, Dieu et les
religions constituées, avec toute leur
puissance pour rassembler et ramener à
la raison, malgré leurs rivalités. De
l'autre côté, de tristes agents d'un
système ne reconnaissant que Tel Aviv
comme centre soi-disant spirituel, au
service d'assassins prétendant usurper,
par la supériorité technologique et avec
le moteur insatiable du néo-libéralisme,
l'autorité divine, blasphémateurs,
profanateurs sans grâce, ayant perdu
définitivement toute aura.
Non, l'entité sioniste décidée à briser
les religions comme les nations, et
incitant au viol des règles ancestrales
de l'éthique, n'a plus la maîtrise de la
"nuée défensive"; comme par les
roquettes du Hamas sur des cibles de
plus en plus distantes, leurs manigances
cyniques sont absolument pénétrables,
dans leur intentions, dans leurs
bastions, dans leurs ramifications en
apparence les plus lointaines. Et le
déchiffrement de leurs complots les
rattrape rapidement.
Gaza, miroir du monde, berceau de la
résistance chrétienne contre la
stérilité étriquée et intégriste
qu'avait atteint le judaïsme à l'époque
du Christ, irradie de toute sa puissance
spirituelle. A nous de converger vers
Gaza, parce que son sacrifice est déjà
l'instrument de notre salut.
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