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RIA Novosti
Israël-Palestine: le calme avant une
nouvelle tempête ?
Maria Appakova
Photo RIA Novosti 24
juin
2008 L'accord de cessez-le-feu intervenu entre Israël et la
bande de Gaza, ou "accord d'accalmie", si l'on traduit de
l'arabe, est entré en vigueur jeudi 19 juin. Cependant, aucune
des deux parties opposées ne se fait d'illusions sur sa capacité
à apporter la paix. Mais alors, pourquoi donc cet accord a-t-il
été conclu?
La trêve n'est même pas un armistice et d'autant moins le
début de négociations qui pourraient mener à la conclusion
d'accords de paix. En outre, rares sont ceux qui croient
vraiment que les ententes tiendront six mois, délai pour lequel
elles sont prévues.
"Nous ne nous faisons pas d'illusions. La trêve est précaire
et elle ne durera probablement pas longtemps", a déclaré le
premier ministre israélien Ehud Olmert, ajoutant que l'accord ne
signifiait pas qu'Israël souhaitait entrer en pourparlers avec
le Hamas, qui a pris le pouvoir dans la bande de Gaza depuis un
an. Les militaires israéliens, encore plus sceptiques,
soulignent que, "pour les terroristes, l'accalmie est une trêve
nécessaire afin de renforcer leurs unités et de compléter leurs
stocks d'armes et de munitions". Cela a déjà été maintes fois
prouvé. Les Palestiniens doutent eux-aussi que le cessez-le-feu
puisse durer longtemps, d'autant que le gouvernement israélien a
exigé de l'armée qu'elle reste en état d'alerte, en cas de
rupture de l'accord.
On peut juger de l'état d'esprit des parties opposées en se
penchant sur les événements qui ont eu lieu à la veille de cette
trêve: les combattants palestiniens avaient tiré sur le Sud
d'Israël au moins 30 roquettes et 10 obus de mortier pour venger
sept de leurs compatriotes tués dans un raid israélien. En
réponse, Israël avait frappé à nouveau les groupes palestiniens
qui lancent des roquettes à partir du Nord de la bande de Gaza.
Dans ces conditions, il serait absurde de parler de changements
positifs dans le processus de paix à la suite de l'accord
conclu. Cette accalmie est artificielle, elle peut être
interrompue à tout moment à cause de l'irascibilité des parties
engagées dans le conflit.
L'accord comporte trop de promesses reportées à l'avenir. Le
cessez-le-feu doit entraîner la levée par étapes des sanctions
économiques prises par Israël à l'égard de la bande de Gaza, le
lancement de négociations sur la réouverture du terminal de
Rafah entre Gaza et l'Egypte, la reprise des pourparlers sur
l'échange de détenus palestiniens contre le soldat israélien
capturé Gilad Shalit et la perspective floue de la cessation des
opérations israéliennes en Cisjordanie. D'ailleurs, ce dernier
point ne figure pas dans le document. D'après les données des
médias, c'est l'Egypte, auteur de l'accord, qui a décidé de
tenter d'en persuader Israël à la demande du Hamas et d'autres
groupements.
Le sort de Gilad Shalit est également incertain. Les
Israéliens avaient exigé sa libération en tant que condition
préalable à toute trêve, mais les Palestiniens ont refusé et
célèbrent à présent la "victoire de la résistance", car ils ont
réussi à camper sur leur position. Les Israéliens, eux, sont
très déçus. Aussi bien l'opposition que de nombreux compagnons
d'Ehud Olmert se sont prononcés contre la "formule d'accord" qui
n'incluait pas la libération du soldat Shalit. Le maximum qui a
pu être obtenu est une série d'ententes sur la poursuite des
pourparlers à ce sujet. Cela ne suffit pas pour les Israéliens,
d'autant que le flou subsiste sur les conditions de la
libération du soldat israélien. Tantôt on dit qu'il doit être
échangé contre des centaines de détenus palestiniens, tantôt que
tous les Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes
doivent être libérés. On dit même que le Hamas aurait consenti à
libérer Gilad Shalit sans préalables, comme l'a déclaré au forum
des lauréats du Prix Nobel à Pétra le président sénégalais
Abdoulaye Wade, président en exercice de l'Organisation de la
Conférence islamique. Il est vrai, on a peine à y croire.
Bref, l'unique résultat positif possible des ententes
intervenues est l'octroi d'une aide humanitaire aux habitants de
la bande de Gaza, et une accalmie aussi bien pour les Israéliens
que pour les Palestiniens qui vivent sous les tirs.
Mais les hommes politiques israéliens et palestiniens
n'auraient pas accepté de conclure des accords au nom d'une
petite trêve qui pourrait bien entraîner une effusion de sang
encore plus terrible. Ils avaient besoin d'une pause afin
d'accorder plus d'attention à leurs problèmes intérieurs. Le
Hamas va pouvoir se concentrer sur le dialogue avec le Fatah,
mouvement dirigé par le président de l'Autorité palestinienne
Mahmoud Abbas, afin d'arriver à une réconciliation
interpalestinienne. Quant aux leaders du parti Kadima, au
pouvoir en Israël, ils peuvent se préparer tranquillement aux
prochaines primaires, puis aux élections anticipées à la Knesset
qui pourraient être prochainement annoncées. Ensuite, si
l'accord de cessez-le-feu est en fin de compte mis en oeuvre,
cela apportera, peut-être, de nouveaux avantages aussi bien au
parti Kadima qu'au Hamas, aussi bien aux Israéliens qu'aux
Palestiniens. Et ce facteur ne sera pas superflu dans la lutte
politique intérieure qui attend les uns et les autres. Même si
la trêve ne tient pas, les hommes politiques ne perdront rien:
ils pourront toujours attribuer l'échec des ententes à
l'adversaire.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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