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RIA Novosti
Quels espoirs pour Lavrov au
Proche-Orient?
Maria Appakova
Sergueï Lavrov - Photo RIA Novosti
18 mars 2008
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov
effectuera à partir du 19 mars une tournée au Proche-Orient. Il
se rendra en Syrie, en Israël et sur le territoire contrôlé par
l'Autorité palestinienne. L'itinéraire et le moment de ce voyage
reflètent nettement l'écheveau des problèmes régionaux.
En ce qui concerne l'itinéraire, la cordée
Israël-Palestiniens-Syrie est plus évidente que jamais. C'est
uniquement dans le cadre de ce "triangle" ou, plus précisément,
de ce "carré" (compte tenu du rôle régional de l'Iran) qu'il est
possible d'évoquer aujourd'hui le processus de paix au
Proche-Orient et, en cas d'échec de ce dernier, la guerre.
Quant au moment choisi pour cette tournée, notons qu'elle
aura lieu à la veille du sommet de la Ligue arabe, prévu pour
fin mars à Damas, et de la 16e tentative des parlementaires
libanais d'élire le président du pays. Un nouvel échec de
l'élection libanaise provoquera sans doute l'échec du sommet et,
peut-être, l'isolement international de la Syrie, car, comme on
l'estime, c'est elle qui manipule la situation politique et
bloque l'élection au Liban, bien qu'il y ait d'autres avis sur
la question.
Quelle place occupe donc la Russie, qui envoie Sergueï Lavrov
dans cette région, dans le noeud des problèmes proche-orientaux?
Selon le ministre lui-même, l'un des objectifs de cette
tournée est de mettre en évidence les forces régionales prêtes à
participer à la conférence internationale sur le Proche-Orient
qui se tiendra à Moscou. La semaine dernière, à Paris, il a
souligné en répondant aux questions des journalistes que la
Russie convoquerait cette rencontre à condition que toutes les
parties concernées soient prêtes à y participer. M. Lavrov a
également rappelé que tous les membres du Quartette pour le
Proche-Orient qui comporte, en plus de la Russie, les
Etats-Unis, l'Union européenne et l'ONU, avaient manifesté leur
intérêt pour une participation à cette conférence.
La dernière rencontre de ce type, organisée fin novembre à
Annapolis, avait abouti à un accord sur le lancement de
négociations palestino-israéliennes. La nécessité d'examiner
également les perspectives du règlement des problèmes entre
Israël et la Syrie, ainsi qu'entre Israël et le Liban y avait
été constatée, non sans l'insistance de la Russie. Ainsi, la
rencontre de Moscou devait, si possible, s'inscrire dans le
prolongement d'Annapolis, surtout en ce qui concerne les
dossiers syrien et libanais. Il ne restait qu'à surmonter la
résistance d'Israël, qui refuse de mener des négociations
officielles avec Damas aux conditions posées par les Syriens: la
restitution sans conditions des hauteurs du Golan. D'ailleurs,
selon les affirmations des médias proche-orientaux, des
pourparlers syro-israéliens informels sont en cours. Par
conséquent, la rencontre de Moscou ne semblait pas si
irréaliste.
Cependant, l'optimisme affiché en novembre sur le processus
de paix au Proche-Orient a de nouveau laissé place à la
déception, surtout ce dernier mois. Les tirs contre le
territoire israélien depuis la bande de Gaza se sont multipliés.
Un attentat retentissant a été perpétré à Jérusalem. Les
opérations militaires de Tsahal sur les territoires palestiniens
ne s'arrêtent pas, pas plus que la construction de colonies.
L'établissement de rapports entre les groupements palestiniens,
avant tout entre le Hamas et le Fatah, semble impossible. Le
Fatah en accuse les dirigeants islamistes qui se trouvent en
dehors de la Palestine, principalement à Damas. Le Hezbollah
accroît son influence sur les groupements palestiniens radicaux.
Là encore, ce sont la Syrie et l'Iran qui se cachent derrière
cette organisation chiite libanaise. Les négociations
palestino-israéliennes sont pratiquement gelées, et des
déclarations sur l'échec du "processus d'Annapolis" retentissent
périodiquement de part et d'autre. Si telle ou telle rencontre
se tient tout de même prochainement entre hommes politiques
palestiniens et israéliens, il est peu probable qu'elle ait une
grande importance concrète.
Dans ce contexte, il paraît pour le moins utopique d'évoquer
une nouvelle conférence de paix. Bien que de nombreux hommes
politiques, avant tout arabes, soutiennent cette idée, il est
difficile d'envisager sa réalisation, du moins, dans un avenir
proche. En partant du fait, naturellement, que l'objectif
poursuivi est bien d'organiser une rencontre efficace, et non
une conférence de façade.
Néanmoins, Sergueï Lavrov se rend au Proche-Orient sans
perdre espoir. Il ne s'agit pas, probablement, d'obtenir des
leaders régionaux des promesses et des dates concrètes pour leur
arrivée aux négociations de Moscou. Sa mission, quoi que non
déclarée, mais assez évidente, consiste à renforcer les contacts
entre la Syrie et Israël, à favoriser l'établissement de
rapports de confiance entre ces deux pays.
Est-ce possible? Cette question restera à priori encore
longtemps sans réponse, du moins pour les cercles non-initiés de
l'opinion publique. Mais, en cas de succès, tout un ensemble de
problèmes pourraient être réglés, concernant tant le processus
de paix que la crise intérieure libanaise.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA Novosti
Publié le 20 mars 2008
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