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RIA Novosti
Le cadeau des Palestiniens à leurs
donateurs
Maria Appakova
Mercredi 4 mars 2009 Plusieurs événements se produisent
simultanément au Proche-Orient, après une petite pause. Le coup
d'envoi a été donné par la Conférence pour la reconstruction de
Gaza, dévastée en janvier dernier par les bombardements
israéliens, qui s'est ouverte le 2 mars dans la station
balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh. La secrétaire d'Etat
américaine Hillary Clinton est arrivée à cette conférence en
apportant, dit-on, 900 millions de dollars "pour Gaza". Elle
doit effectuer ensuite sa première tournée dans des capitales de
la région. Et puis, un gouvernement israélien finira
probablement par être formé.
Toute cette avalanche d'événements a commencé par un fait
apparemment anodin, mais en réalité très important: il s'agit
d'un beau cadeau offert par les Palestiniens à leurs
bienfaiteurs potentiels. La question qui tourmentait les
donateurs n'était pas comment recueillir de l'argent, mais à qui
l'adresser. Cet argent est nécessaire aux habitants de la bande
de Gaza, où la situation est contrôlée depuis juin 2007 par le
Hamas (le mouvement de la résistance islamique), qui figure sur
la liste des organisations terroristes d'une bonne partie des
donateurs. Le gouvernement du président de l'Autorité
palestinienne Mahmoud Abbas, formé par le Mouvement de
libération de la Palestine (le Fatah) et reconnu par la
communauté internationale, n'est pas influent à Gaza. En
conséquence de quoi, l'argent qui lui serait versé ne
parviendrait pas aux habitants de la bande de Gaza.
Cependant, à la veille de l'ouverture de la conférence des
donateurs, le Fatah et le Hamas ont enfin décidé de se
réconcilier.
Le jeudi 26 février, au Caire, les représentants de 12
factions palestiniennes, en premier lieu ceux du Fatah et du
Hamas, ont convenu de former un gouvernement de transition dès
ce mois-ci. Ils ont décidé de créer d'ici le 10 mars des
commissions de conciliation afin de régler tous les problèmes
litigieux et, notamment, de préparer les élections législatives
palestiniennes et l'élection du président de l'Autorité
palestinienne, car le mandat de Mahmoud Abbas a expiré en
janvier.
Le conflit entre le Fatah et le Hamas a une longue histoire,
mais il s'est particulièrement aggravé après la victoire
remportée par les islamistes aux élections législatives de
janvier 2006. Le Fatah ne voulait pas partager le pouvoir,
notamment à cause de la position des pays occidentaux, en
premier lieu des Etats-Unis et de l'Union européenne, qui
appelaient à boycotter le Hamas. Ces divergences politiques ont
fini par conduire à la rupture : en juin 2007, les islamistes se
sont emparés du pouvoir là où ils ont recueilli le plus de voix
- dans la bande de Gaza -, et la Palestine s'est retrouvée
divisée en deux parties. La bande de Gaza a subi le blocus
d'Israël, à qui la rupture entre les mouvements palestiniens a
délié les mains.
Le fait est que les Israéliens se sont retrouvés dans une
situation très complexe après les élections palestiniennes de
2006: ils menaient depuis plusieurs années des négociations de
paix avec l'Autorité palestinienne représentée par le Fatah,
mais ils étaient en guerre contre le Hamas. Que faire quand les
uns et les autres deviennent des représentants légitimes du
peuple palestinien ? En s'emparant de Gaza, les islamistes ont
mis un terme à ce dilemme pour les Israéliens. Pour peu de
temps, il est vrai, car tout résultat de négociations conduites
avec une seule partie de l'establishment politique palestinien
ne serait pas légitime et condamné d'avance à demeurer lettre
morte. La guerre livrée au Hamas cet hiver n'a pas levé cette
contradiction, mais elle a occasionné des destructions
considérables dans la bande de Gaza.
Comment les choses vont-elles évoluer ? Certes, on ignore si
les ententes intervenues entre le Fatah et le Hamas sont
vraiment solides. Les accords du Caire ne sont pas la première
tentative de rapprocher les positions occupées par les deux
mouvements. Une entente entre eux a été annoncée à plusieurs
reprises, ces deux dernières années. Mais soit les pourparlers
ont échoué au dernier moment, soit il s'est avéré, en fin de
compte, qu'un accord réel faisait toujours défaut. Toutes les
tentatives effectuées par l'Egypte, l'Arabie Saoudite, le Qatar,
le Yémen et la Ligue arabe pour réconcilier les parties adverses
ont connu l'échec. Et ces dernières ont fini par être
réconciliées� par les Israéliens. La guerre de Gaza n'a pas
laissé de choix au Hamas : c'était soit l'isolement éternel de
la bande, soit la recherche d'un compromis avec le Fatah. Par
ailleurs, la confrontation avec les islamistes ne servait plus
l'entourage de Mahmoud Abbas, car ceux-ci sont sortis de la
guerre avec une auréole de martyrs et de héros.
Et, bien entendu, les 2,8 milliards de dollars qui, selon les
Palestiniens, sont nécessaires pour la reconstruction de la
bande de Gaza ne sont pas à négliger. S'ils ne s'étaient pas
réconciliés, ni le Hamas, ni le Fatah n'aurait eu cet argent.
Aujourd'hui, à la différence de 2006, plusieurs pays, et
avant tout les Européens, sont enclins à associer le Hamas au
processus politique. Il faut souligner que la Russie a toujours
campé sur cette position, en se prononçant contre l'isolement du
Hamas. Elle n'est désormais plus la seule, aux côtés de ses
partenaires occidentaux qui jouent un rôle de médiateurs dans le
règlement de la crise au Proche-Orient. Maintenant que George W.
Bush, qui était catégorique sur ce point, a cédé la place à
Barack Obama, qui tente de plaire à tout le monde, il se peut
que la position des Etats-Unis devienne également plus souple.
Une seule chose demeure inchangée: le refus d'Israël d'engager
le dialogue avec le Hamas tant que ce mouvement ne reconnaîtra
pas le droit à l'existence de l'Etat hébreu.
Les Israéliens ne sont du reste pas opposés à une nouvelle
trêve avec les islamistes. Mais à quelles conditions et pour
quelle durée? La situation est compliquée par le fait que la
composition du nouveau gouvernement israélien n'est toujours pas
claire après les élections du 10 février. Les divergences qui
existent au sein de l'élite politique israélienne sont tout
aussi profondes que les passions interpalestiniennes. Bien que
cette situation n'entraîne pas de conflit armé, la vie politique
est paralysée. On ne peut s'empêcher de faire la comparaison
avec la situation entre le Fatah et le Hamas, et l'on constate
alors qu'elle est à l'avantage des Palestiniens.
Même si une coalition gouvernementale se constitue
prochainement en Israël, il est peu probable qu'elle soit
solide. Elle pourrait voler en éclats dès la première discussion
d'un gros problème. Par exemple, la manière dont le dialogue
doit être poursuivi avec les Palestiniens.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur
© 2008 RIA Novosti
Publié le 12 mars 2009
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