Théopolitique, la laïcité face aux
mythes religieux
Dieu est-il
français 2 ?
Manuel
de Diéguez
Samedi 29 juin 2013
"On
ne peut apprendre la philosophie, on ne
peut qu'apprendre à philosopher."
E Kant
En
1929 a paru un ouvrage de Friedrich
Sieburg intitulé Gott in
Frankreich, expression proverbiale
qui signifie "se trouver comme un
poisson dans l'eau" et qui a été traduit
chez Grasset en 1930 sous le titre
faussé Dieu est-il français ? En
1957, j'ai publié un modeste Dieu
est-il américain ? En 2005, M.
Jean-François Colosimo a édité chez
Fayard un Dieu est américain,
mais afin de démontrer que ce Dieu-là
"américanise" la théologie.
C'est dire que la
question de la nationalité de Dieu ne
cesse de revenir sur le tapis.
1 -
Comment
faire parler le ciel ?
De
siècle en siècle, les animaux vocalisés
donnent naissance à des poètes épiques
inégalement armés du gène de la parole.
Quelques-uns prêtent leur voix à
diverses divinités. Isaïe fait rugir
Jahvé en ces termes. "J'ai horreur de
vos sacrifices. La chair morte que vous
étalez sur vos autels saigne sur vos
offertoires. Je vomis le sang de vos
sacrifices." Dans le Livre de Job,
le même Jahvé évoque son travail
d'accoucheur herculéen de l'univers: "Où
étiez-vous, avortons, à l'heure où je
ceignais mes reins et empoignais le
cosmos? " Ces deux partitions n'occupent
pas le même étage dans la hiérarchie des
âmes et des cervelles. Pour ma très
modeste part, j'ai observé comment
Bossuet, Pascal, Chateaubriand et
Claudel font vibrer les cordes vocales
d'un créateur de notre astéroïde et j'ai
enregistré quatre orchestrations de
Jupiter (Essai sur l'avenir
poétique de Dieu, Plon 1965)
Depuis
lors, l'humanisme occidental n'a fait
aucun progrès dans le décryptage
anthropologique de la politique et de
l'histoire de Dieu, alors que la
spéléologie du ciel nous présente les
documents les plus fondamentaux et les
plus profonds sur nous-mêmes. Car les
trois dieux qualifiés d'uniques se
situent tantôt à l'avant-garde, tantôt à
l'arrière-garde de la pensée
rationnelle. Quel abîme entre un Bossuet
dont la solennité cicéronienne fait
trancher au ciel du sort des Etats et de
l'ordre de succession au trône au sein
de toutes les dynasties de l'Europe et
un Pascal dont le calame épouvanté
largue l'Olympe des chrétiens dans
l'infini et réduit notre espèce à un
troupeau de brebis qu'un "boucher
obscur" assassine sur une île déserte!
2 - La parole de
la France
Il faut
distinguer d'un côté, les poètes
dramatiques qui se collettent avec des
démiurges de divers gabarits et qui
prennent leur héros du cosmos à bras le
corps et, de l'autre, les écrits des
prosateurs qui explicitent les prouesses
qu'ils attribuent à des Titans du
silence et du vide. Ceux-là côtoient
encore les Homère de l'absolu et leur
compagnonnage avec les chantres de
l'éternité les rend dignes d'une haute
écoute. La scission entre les prophètes
dont le premier titre de gloire est de
se faire assassiner par leurs congénères
terrifiés, d'une part, et les
théologiens assagis qui gravent leur
pointure sur l'encéphale d'un ciel plus
prudent, d'autre part, n'en renvoient
pas moins à des galériens de l'encrier
d'une trempe inégale: ne sutor ultra
crepidam judicet. (Que le
cordonnier ne juge pas au-dessus des
chaussures). La semaine dernière le
cordonnier qui vous parle a hissé sa
plume et son grimoire jusqu'à prêter ses
sandales au ciel de la France.
Souvenez-vous de ce que ce vermisseau a
mis à peu près dans la bouche de son
personnage.
"Vous me
prenez sans cesse pour un autre. Si vous
vous demandiez du moins en quoi vous
vous trompez de personnage, vous auriez
fait un grand pas en direction de la
question de savoir en quoi la France
parle de "Dieu" et "Dieu" de la France.
Vous observez mes gestes, vous
photographiez mes mouvements, vous
enregistrez les paroles que vous croyez
voir tomber de mes lèvres. Sachez que je
ne suis pas le protagoniste en chair et
en os de ma propre histoire et de la
vôtre, sachez que je ne monte pas sur
les planches d'un théâtre, sachez que je
ne suis pas un machiniste tapi dans les
coulisses du monde, sachez que la France
et moi nous ne nous laisserons pas
incarner de sitôt. Quel est l'étranger
que vous vous obstinez à écouter à ma
place? Quittez les planches, tournez le
dos à toute la représentation: les
signes ne montent pas sur la scène, ma
voix n'a pas besoin de la béquille de
votre ossature. Sachez que la France n'a
ni corps, ni squelette - la France est
une parole d'en-haut et cette
hauteur-là, c'est vous."
3 - Dieu et ses
théologiens
Comment
les théologiens soupèsent-ils
l'écritoire, la plume et l'encrier de
Dieu? Leur cohorte se divise entre
plusieurs écoles du ciel. Les plus
inspirés d'entre eux branchent leurs
haut-parleurs sur les ténors de
l'absolu. Ces bagnards imitent le pas de
Jupiter. Ils miment le démiurge autant
que leurs neurones se laissent mettre
sous haute tension. Mais le voltage de
leurs cordes vocales n'est jamais qu'une
pâle copie de l'artificier sommital du
cosmos.
Prenons
un échantillon du style de ces
apprentis: "Longtemps vous vous êtes
prosternés devant vos trois potentats du
cosmos, longtemps vous les avez logés
dans le vide, longtemps vous avez peiné
à leur donner le même âge, mais votre
ciel de pacotille les couvre d'un
ridicule de grammairiens: et maintenant,
ô moucherons de l'éternité, l'immensité
défie vos vrombissements d'insectes, et
maintenant comment votre Dieu
s'affaire-t-il parmi les atomes, et
maintenant, comment sautillez-vous à ses
côtés? Mais vous n'avez pas trop perdu
au change: puisque l'étendue a égaré ses
gestionnaires en chemin, c'est dans vos
têtes que je vous donne un tout autre
rendez-vous. J'ai chargé la France de
vous ouvrir la route du ciel dont vous
êtes habités, j'ai demandé à la France
de vous initier à ma voix."
Après
deux ou trois siècles d'exercices de
style de ce type, les écritoires des
théologiens sommitaux commencent de
découvrir un premier recul de la pensée
rationnelle. En voici quelques
échantillons: "Il y a deux millénaires
seulement, votre "Dieu unique" a fait
retomber la planète tout entière dans
l'ignorance et la peur ; et vos saints
ont mis plusieurs siècles à seulement
retrouver le principe d'Archimède. Un
Dieu absent, un Dieu vivant, un Dieu de
feu s'allumera-t-il dans vos cervelles?
Si vous brûlez du feu du ciel, vous
contemplerez de haut et de loin
l'encéphale microscopique de tous les
peuples et de toutes les nations de la
terre. Mettez-vous la loupe à l'œil et
devenez les observateurs
stratosphériques du cerveau du monde."
Ces
premières lectures suffiront-elles à
vous faire coller aux chausses de Dieu
et à guider les premiers pas de la
France ? Observons à l'œil nu les
carences neuronales des Etats
démocratique, examinons l'infirmité
cérébrale qui frappe la classe politique
sur les cinq continents, testons les
souverains qui jaillissent maintenant
tout casqués des urnes du suffrage
universel. Pourquoi n'ont-ils pas à vous
rendre compte du contenu et du
fonctionnement de leur cervelle ? Il y a
lieu de douter du sérieux et de la
profondeur de leur connaissance des
ressorts et des rouages du genre humain.
4 - Il y a erreur
sur la personne
Redonnons un instant le calame aux
navigateurs chevronnés du ciel des
chrétiens: "Je salue les évadés partiels
de la zoologie que vous êtes devenus.
Mais si vous ne devenez des plongeurs en
eau profonde, qu'adviendra-t-il de votre
science de l'histoire et de la politique
? Retrouverez-vous seulement les
méthodes rouillées dont usaient vos
ancêtres ? Si vous montez d'un pas
assuré sur les marches de mes autels, la
bête inconnue qui vous habite cessera de
dresser des statues à votre effigie et
vous apprendrez à séparer plus
clairement ma voix de celle qui chevrote
dans vos contrefaçons de la France ."
Puis
d'autres prosateurs s'expliqueront noir
sur blanc: "Ne placez pas vos émetteurs
à mi-chemin de la France. Combien d'entre-vous
s'imaginent informés à merveille et
depuis belle lurette de la voix et des
poumons de la nation! Mais les écouteurs
qu'ils se sont collés aux oreilles
retentissent seulement des voix confuses
qui montent des travées de leur
Assemblée Nationale, des criailleries de
leur Sénat, des pattes de mouche de leur
Conseil constitutionnel, des juristes
sans âme et sans vocation de leur
Conseil d'Etat et des arrêts sans
souffle de leur Cour de cassation."
Retirons
la plume des mains de ces choristes de
leur paroisse et écoutons un instant les
analystes et les politologues: "Voici
les causes pour lesquelles les erreurs
de branchement de la République
échappent à leur regard, voici les
raisons pour lesquelles les coupures de
courant qui font hoqueter la France
échappent à l'attention de leurs chefs
d'Etat , voici la déconnection
originelle qui largue dans le vide le
crâne des évadés du monde animal."
5 - Vous ne me
chercheriez pas si vous ne m'aviez déjà
trouvé
Jouons
quelques notes seulement sur leurs
instruments désaccordés. Sous Auguste,
Trajan, Marc-Aurèle, Hadrien, les
dissonances étaient devenues grinçantes
entre les archets des Célestes moribonds
et les sonorités des philosophes que
nous avons commencé de prêter l'oreille
à nos vigies les mieux alertées. Des
chasseurs aux aguets comptaient
rencontrer la nation sur leurs arpents.
Mais nos sentinelles, nos veilleurs et
nos guetteurs ignoraient où chercher ce
pays. Le cratère qui séparait les
adorateurs du bois, de la pierre ou du
fer n'était qu'un maigre ruisselet au
regard de l'abîme qui les séparait du
feu de la France.
Comment
le créateur de la Genèse
avait-il répandu son sang, sa carcasse
et ses ossements tout au long du chemin?
Observons de plus près les lieux où cet
ogre du cosmos avait dressé sa tente.
Les classes politiques actuelles se
prétendent attelées au timon des
affaires. Mais les malheureux ne
s'affichent même plus en défendeurs des
loques tantôt du protestantisme, tantôt
du catholicisme. Aussi n'entendons-nous
aucun dirigeant tenter de rendre compte
de sa pratique des liturgies en usage
dans l'une et l'autre doctrine entre
lesquelles le christianisme s'est divisé
il y a un demi-millénaire. Fort bien:
mais comment le peuple des Germains
habite-t-il maintenant sa tête? Et le
peuple français, comment cet errant
voyage-t-il dans sa boîte crânienne?
Savez-vous dans quelle auberge les
Gaulois d'aujourd'hui se sont arrêtés?
Et s'ils ne font plus un pas sous le
ciel privé d'étoiles de leur laïcité,
quelle est la voix que l'esprit de la
France voudrait leur faire entendre?
Telle
est la question; si "Dieu" ne bouge plus
d'un pouce, le peuple de la raison
demandera aux théologiens de la raison
de lui parler du ciel de la raison.
Ecoutons-les: "Pourquoi aurions-nous
jeté aux orties tout le fatras et les
vains colifichets d'un dieu trépassé,
pourquoi aurions-nous vaincu les
quincaillers de la naissance virginale
de Zeus, pourquoi aurions-nous terrassé
leur transsubstantiation magique d'une
divinité née dans un village, et les
ensorcellements de leur éternité, et
leurs châtiments infernaux pour trouver
vide leur boîte de Pandore?"
Il sera
rocailleux, le chemin que nous
emprunterons pour que la France rallume
la lanterne du monde. Mais si nous ne
perçons pas les secrets du cerveau de
notre temps, si nous ignorons pourquoi
nous sommes revenus au culte des idoles
sans seulement nous en douter, nous
retournerons aux sacrifices de sang qui
coulaient des autels à l'heure d'Isaïe,
parce que la cloche du ciel de la France
n'aura pas sonné dans nos têtes.
6 - Qu'est-ce
qu'une idole ?
Demandons-nous donc pourquoi le Zeus du
monde antique est décédé en silence et
en toute discrétion dans le vide
cérébral et dans la déraison de la
civilisation des dieux de l'époque. Une
idole toute neuve avait aussitôt pris le
relais de celles d'Homère. Nous avons
inhumé le régisseur de l'histoire
universelle qui s'était substitué aux
dieux de l'Olympe - et maintenant, si
nous renoncions à ouvrir le catafalque
de la dernière idole du genre humain et
à autopsier son cadavre, jamais nous ne
rencontrerons le génie ascensionnel de
la France. Appelons donc cette France-là
à forcer la porte du royaume des
élévations, cherchons la France absente
du monde, sinon nous demeurerons les
adorateurs des totems bien cimentés qui
faisaient un si grand tapage dans le
vide du monde.
Mais
voyez comme les parvis de la France de
l'esprit s'éclairent si nous observons
seulement de plus près les poupées et
les figurines des dieux les mieux
affublés et si nous exposons leurs
vêtements et leurs parures dans nos
musées aux idoles. Si le Zeus qui
sucrait nos ossatures n'était pas
descendu à son tour parmi les dieux de
pierre, de bois ou d'airain des
ancêtres, comment verrions-nous les
totems verbifiques que nous couvrons
maintenant des affûtiaux de notre
laïcité superficielle et craintive.
Qu'en est-il des grigris et des
amulettes qui nous font couronner nos
têtes sans vocation des auréoles de nos
idéalités truquées?
7 - La France du
décryptage de la bête schizoïde
Quelle
révolution de la pensée politique la
France de la raison du monde fera-t-elle
débarquer au pays de Canaan de
l'intelligence? Celle qui nous fera
découvrir le fonctionnement théologique
de la démocratie et du suffrage
universel. Car le génie politique et
guerrier d'Israël nous a mis en mains la
clé universelle des cosmologies sacrées
de type monothéiste, messianique et
rédempteur. Voyez comment cette nation
s'y est prise pour déposer sur l'autel
de la Liberté du monde l'hostie dont le
faux sacre a converti le monde entier à
chercher son salut dans un "équilibre"
politique figé au Moyen-Age, voyez
comment cette châsse de la "délivrance"
est une machinerie de conquérant
construite sur le modèle biphasé de
l'eucharistie à double tranchant des
chrétiens, laquelle se métamorphosait
sans relâche en chair et en sang d'un
salut à mi-chemin entre ses épées et ses
auréoles, voyez comment ce langage
béatifié par le fer et le feu du "Grand
Israël" se métamorphose
inlassablement en terres labourables en
Palestine occupée, voyez comment cette
transsubstantiation hérissée de bouches
à feu transfigure le pain céleste en
pain d'ici-bas et envahit Jérusalem
maison par maison, voyez comment Israël
expose au grand jour les ressorts
anthropologiques de la
transsubstantiation bifide des
chrétiens, voyez comment "Dieu" arme de
sainteté ses carnages schizoïdes sur la
scène politique, voyez comment la bête
biphasée brandit sans relâche sa
bannière.
8 - La vie
spirituelle de la France
Hâtons-nous de demander à la nation des
résurrecteurs de la pensée de nous dire
ce qu'il en est de sa gratitude à
l'égard des grands allumeurs de leur
logique spirituelle, hâtons-nous de
poser quelques jalons de la vie
théologique de la France
La
raison a-t-elle une âme? Dans le cas où
cette âme allumerait des flambeaux,
qu'en serait-il du souffle et de la vie
ascensionnels qui redonneraient à la
pensée française son élan et son feu?
D'un côté, un pape logicien, donc
visionnaire, a compris que la
civilisation des sciences et des
techniques cherchera en vain l'échelle
de Jacob de ses élévations dans une
enceinte sans voix et que si l'Eglise
redevenait le moteur mondial des
intelligences ascensionnelles, la terre
entière se rouvrirait à un Mont Carmel
des modernes. Mais Rome ne saurait
renoncer à la quincaillerie qui
appesantit son pas. Le fardeau des
miracles matériels hérités des autels de
l'humanité primitive brisera son
apostolat.
De son
côté, le protestantisme a tenté de jeter
par-dessus bord les grimoires des
juristes du ciel romain et tout le
fatras des prodiges les plus
stupéfactoires censés se produire
physiquement sur les autels d'une
confession de magiciens et de sorciers.
Mais les fils de Calvin et de Luther
n'ont pas trouvé dans les arcanes de
leur cervelle et dans les tréfonds de
leur âme l'élan et le souffle des
incendiaires des ténèbres. Du coup, la
raison iconoclaste des prophètes qu'ils
avaient cru délivrer de ses langes est
demeurée à l'écart des plus féconds
sacrilèges des mystiques de la nuit.
Cinq siècles de privation des dentelles
et des dorures du sacerdoce catholique
ont seulement démontré que si l'on prive
les peuples-enfants de leurs jouets
cosmologiques sans leur mettre le
flambeau des blasphèmes les plus
étincelants d'Isaïe entre les mains, ils
ne troquent l'audace intellectuelle des
saints que pour une décérébration sans
remède.
9 - Les enfarinés
de la Liberté
Puis, le
Vatican d'outre Atlantique a explosé
entre les mains de M. Barack Obama, qui
est venu à la porte de Brandebourg
saupoudrer de fioritures un mythe de la
liberté démocratique enfariné et
difficile à requinquer à l'école de la
mise sous surveillance informatique de
tous les peuples de la terre. Aussi le
show démocratique n'a-t-il trompé
personne: le peuple allemand a boudé la
scolastique et de la casuistique du
Saint Paul de Wall Street. Tout le monde
a compris que le bénisseur professionnel
de Washington venait consolider les
conquêtes verbales d'un évangélisme de
l'abstrait et qu'il répandait la parole
béatifiante du concept séraphique de
Justice sur les cinq cents bases
militaires qui montent la garde en
Europe depuis 1945, tout le monde a
entendu le ténor d'un désarmement
nucléaire partiel chanter l'antienne du
pacifisme sur la scène des idéalités de
théâtre de la mappemonde, tout le monde
a compris que l'apocalypse mâtinée de
tartufferie sacrée est inutilisable sur
un champ de bataille trop étroit et
qu'un bouclier anti-missiles censé
auréoler un continent que personne ne
menace n'est qu'un titanesque simulacre
militaire. Entre une démocratie
décérébrée par des subterfuges
angéliques et la bimbeloterie des
cosmologies du salut dont Rome et les
fils de Luther se partagent les débris,
seule la France a braqué son télescope
sur le Jupiter des drones, seule la
France se dresse en prophétesse du monde
de demain.
On sait
que la langue allemande place les
adjectifs avant les substantifs et que
la traduction française de "socialisme
national" par le germanisme de "national
socialisme", a permis à l'Europe de se
cacher pendant soixante-dix ans
l'évidence politique qu'un socialisme
supranational conduit tout droit à
remettre le sceptre des patries entre
les mains d'un seul Etat dominant,
c'est-à-dire à armer un empire césarien
des dépouilles des souverainetés
locales. Aujourd'hui, la gauche et la
droite dressent enfin un nationalisme
retrouvé face à l'évangélisme pseudo
démocratique et armé jusqu'aux dents
dont la commission de Bruxelles brandit
la sainteté et qui a conduit l'Amérique
à placer tous les peuples de la terre
sous la surveillance d'une Stasi
informatisée.
Quand un
membre de la maffia italienne trahit
imprudemment les secrets de la pieuvre,
le gouvernement italien placera à grands
frais et sa vie durant le héros sous la
protection de la police républicaine -
sinon on ne retrouvera même pas son
cadavre. C'est que Rome n'a pas le
pouvoir d'éradiquer la maffia, mais
seulement de protéger quelques-uns de
ses dénonciateurs; et quand le
mondialisme se change en un apostolat
des crimes d'un empire, les Etats seront
sommés sur les cinq continents de lui
livrer le Brutus des droits de l'homme.
Alors la
civilisation des maffieux de la "paix",
de la "justice" et du "droit" conduit le
pharisaïsme planétaire de la démocratie
jusqu'à affamer un peuple de
quatre-vingts millions d'habitants à
seule fin, ici, de masquer la conquête
de la Cisjordanie par les fidèles de
Jahvé, là de soustraire au gang de la
vertu le "coupable" du forfait d'avoir
dénoncé le crime. On a entendu M. Obama
invoquer ses droits de chef de la Stasi
et accuser la Russie de refuser
l'extradition d'un innocent traité de
"pirate": c'est la maffia qui reproche à
l'Etat italien de violer le droit
international de ne pas lui livrer un
dénonciateur de ses crimes. Comment ne
pas en appeler aux saints de la Liberté
? A nous d'arracher leur sceptre aux
profanateurs de la France.
10 - Le naufrage
des prodiges
Et
maintenant, observons le phénomène le
plus massif de notre géopolitique: nos
républiques n'affichent plus la cécité
des religions du passé, qui ignoraient
les sciences exactes, mais l'aveuglement
de notre méconnaissance des souches
anthropologiques sur lesquelles
poussaient les théologies des premiers
hommes. Voyez comme elles s'en vengent
sur nos Etats: elles ont perdu leurs
racines dans les mythes cosmologiques
des peuples primitifs, mais les
documents anthropologiques cryptés qu'on
appelle des théologies pilotent à
nouveau la politique et l'histoire des
démocraties modernes. Pourquoi notre
raison souffre-t-elle de paralysie
générale au sein des sciences humaines à
jamais privées de repères et de
boussoles, sinon parce que l'esprit de
raison est une tête chercheuse et que
seuls les cervelles prospectives nous
parlent de la France.
Supposons que nous aurions néanmoins
franchi quelques pas en direction d'une
espèce pensante, supposons, en outre,
que nous errerions dans les parages du
silence qui nous habite, supposons enfin
que nous nous brûlerions au feu des
orphelins de leur transcendance. Avec
quels yeux observerions-nous alors le
passé brûlant de la France, quel regard
porterions-nous sur une nation à
l'écoute de nos voix les plus
ascensionnelles? Ce serait la bête
fascinée par la mort que nous
observerions de Sirius ; et nous
remarquerions qu'au XVIe siècle encore,
nous alléguions force métamorphoses
moléculaires d'une victime humaine sur
nos offertoires - mais déjà d'autres
spécimens de notre espèce infirme se
trouvaient indignement représentés par
la démence de nos prodiges les plus
sacrés - et nos premiers anthropologues
se sont demandé pourquoi nous dévorons
notre propre chair et buvons notre
propre sang et pourquoi notre pain et
notre vin se métamorphosent dans nos
mains.
Alors
nous avons appris à rire autrement -
c'est de notre propre tête que nous
avons commencé de rire. A-t-on jamais
entendu un animal s'esclaffer au
spectacle de sa folie?
La
semaine prochaine je demanderai à la
France de nous expliquer ce prodige.
Reçu de l'auteur pour publication
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