1
- Le nouvel accès à la
compréhension du monde
La semaine dernière, j'ai commencé d'entrer quelque peu dans les
arcanes des tractations mythologiques menées entre Israël et
l'Arabie Saoudite; et j'ai souligné que le récit historique
traditionnel est devenu aveugle précisément pour être demeuré
"vrai" à une échelle ridiculement bidimensionnelle. C'est que le
temps des huissiers a perdu la valeur explicative que sa myopie
lui accordait. Comment combler le fossé entre savoir et
comprendre si aucun Etat au monde ne saurait désormais se
risquer à conclure avec le monde arabe des contrats d'armement
qui feraient froncer le sourcil à Israël et au gigantesque
satellite de sa théologie qu'on appelle encore les Etats-Unis
d'Amérique si les ressorts anthropologiques du sacré des
modernes demeurent aussi peu décryptés que ceux Moyen Age?
Une France à
nouveau prisonnière de l'OTAN n'ose livrer que des Mistral
désarmés à la Russie, le Kremlin n'ose livrer ses S300 à l'Iran
- il est question de passer par le canal du Venezuela. Comment
expliquer que M. Ahmadinejad ait été reçu en triomphe à Beyrouth
et que la politique pro israélienne de la France lui ait aliéné
le Liban, la Syrie ainsi que de nombreux Etats de la Ligue arabe
sans que le Quai d'Orsay paraisse s'en soucier ? L'enjeu est
immense, parce que l'Europe entière est en passe de manquer le
tournant le plus décisif de l'histoire de l'après-guerre, celui
qui dotera la planète d'un pôle politique entièrement nouveau et
dont la France aurait pu être la plaque tournante.
Mais faute de
connaître les ressorts psychobiologiques du messianisme hébreu,
l'historien européen et laïc demeure exclusivement formé aux
méthodes classiques d'analyse de la politologie dite rationnelle
d'aujourd'hui, de sorte qu'il se contente de constater, mais
sans en connaître les causes profondes, qu'Israël tient
effectivement les rênes du monde profane d'aujourd' hui entre
ses mains; mais on ne fera pas progresser d'un pouce une science
historique encore ancrée dans l'axiomatique et la problématique
naïves du rationalisme bi-dimensionnel du XVIIIe siècle si l'on
oublie d'appliquer au XXIe siècle le mot de Necker, qui disait
qu'un Etat domine le monde s'il règne sur les imaginations.
Et pourtant, depuis la guerre de Troie, la science historique se
veut explicative des songes de l'humanité. Comment apprendre à
les déchiffrer si les mythes sacrés ne passent pour explicatifs
qu'aux yeux des siècles aveuglés par leur foi ? C'est dire que
le verbe expliquer nous appelle à chausser des lunettes
d'anthropologue, faute de quoi le champ entier de
l'intelligibilité de notre espèce demeurera lové dans une
compréhensibilité étroitement littérale de la durée historique
dite profane. Pour que la connaissance du temporel mérite enfin
le nom de science, il faudra se résoudre à mettre en place une
expérimentation inédite du sens des évènements du passé
et du présent. Quel sera le système d'irrigation intellectuelle
du vrai s'il y faut la percée d'un nouveau Discours
de la méthode, donc l'élaboration et l'avènement d'un
décodage du monde dûment informé des fondements
psychobiologiques inconscients du sacré et notamment d'un
défrichage de l'inconscient qui commande les messianismes
politico-religieux?
2 - L'enjeu
anthropologique de l'avènement du monothéisme
Si les évènements
échappent désormais à une interprétation semi rationaliste dont
la vue n'a cessé de baisser depuis la séparation de l'Eglise et
de l'Etat en 1905 - rationalisme partiel que la civilisation
européenne avait balisée depuis le XVIIIe siècle - suffira-t-il
qu'un finalisme de type biblique et assorti de son corollaire,
le mythe d'une apocalypse générale, se révèlent les maîtres
masqués de la logique superficielle qu'affichait la science
historique anté anthropologique? Nullement: les retrouvailles
guerrières d'Israël avec l'eschatologie du Vieux Testament ne
mettraient pas à ce point la classe dirigeante semi réflexive
des Etats-Unis sous la tutelle du mythe de la rédemption si
ladite téléologie n'était devenue le compagnon d'armes universel
et omniprésent de l'encéphale "biblique" d'une humanité que deux
millénaires du messianisme monothéiste semblent avoir suffi à
eschatologiser à titre psychobiologique.
Pour le
comprendre, il faut interpréter la portée du naufrage de
l'innéisme religieux précédent, celui du polythéisme. Il est
évident que l'Arabie Saoudite n'achèterait pas des armes
apocalyptiques inutilisables par nature et par définition et qui
ne visent aucun adversaire en chair et en os si, dans les
profondeurs du psychisme, la terreur nucléaire ne se trouvait
pas articulée avec un mythe de l'apocalypse devenu atavique et
qui paraît s'être gravé dans le capital psychogénétique de notre
espèce vingt siècles seulement après la mort du Jupiter des
Anciens. Le scénario fantastique de la fin du monde que
médiatise une théologie vétéro-testamentaire relativement
tardive n'est sans doute que la mise en images biblique d'un
"instinct de mort" immémorial et que Freud avait pressenti. Dans
un monde désormais tout entier converti aux châtiments posthumes
d'un monothéisme pré-nucléarisé, le genre simio - humain devra
décrypter à nouveaux frais le sens de son trépas punitif, du
fait que l'humanisme hérité de la Renaissance ne s'est pas
ouvert à la connaissance rationnelle du besoin de torturer les
morts dans l'éternité et demeure privé du regard sur
l'inconscient qu'attendent une "raison historique" et une
"raison politique" de plus en plus intimement confondues à
l'école d'une seule et même géhenne infernale.
Mais pour le
comprendre, il importe que la science historique mette en
évidence le sens viscéral de la fin du paganisme anté-carcéral,
parce qu'il aura suffi de deux mille ans, comme il est dit plus
haut, pour que l'enjeu concentrationnaire de la mort des dieux
antiques fût oublié à l'école d'une mémorisation irréfléchie ou
superficielle de l'histoire de la torture. Quel est le sens
anthropologique du mythe des tourments éternels? Celui que
révèle la perte des attaches anciennes de l'humanité avec les
Célestes peu terrorisants et privés de bourreaux que les cités
avaient enracinés dans leur enceinte et mis gentiment au service
de leurs murailles.
3 - Le sens
anthropologique du sceau de la terreur
Dès le Vè siècle, un christianisme désarrimé des labours par son
ciel et paniqué par le néant grand ouvert sous ses pas a tenté,
par la médiation hâtive des statues rassurantes de saints
dressées sur ses lopins et surtout par la surmultiplication des
effigies de Marie dans tous les villages de combler cette béance
et retrouver in extremis la proximité des dieux familiers
d'autrefois, donc le type de civisme cultuel propre à un
polythéisme encore à l'abri des paniques cosmologiques et des
menaces apocalyptiques. La religion de la croix a ajouté à ses
arpents mal apaisés une vie de séraphins voletants dans
l'éternité. Mais une oisiveté de l'Erèbe assaisonnée d'un ennui
indicible ne frappe pas assez vivement les imaginations
domestiquées par l'épouvante: le catholicisme a marqué, en
outre, et pour longtemps l'inconscient religieux de l'Occident
du sceau de la crucifixion des justes. Quelle empreinte
indélébile que celle d'une terreur et d'une atrocité religieuses
fondées sur des rôtissoires immortelles! Pour comprendre comment
Israël prospère sur le terreau de l'inconscient mondial d'une
humanité désormais torturée dans l'éternité de l'Hadès, il faut
se représenter l'univers mental qui a conduit Tibère à limiter
le pouvoir religieux lénifiant des villes de son temps, qui
garantissaient une impunité hyperbolique dans leurs temples aux
gens de sac et de corde qui y trouvaient un sûr asile. Mais du
moins, un sacré rassurant et résolument municipalisé campait-il
dans les rues et les ruelles tranquilles des cités.
Les Ephésiens racontaient que Diane et Apollon n'étaient pas nés
à Delos, comme le croyait le vulgaire, mais chez eux, et plus
précisément sur les bords riants du fleuve Cenchrius, dans le
bois enchanté d'Ortygie. De plus, Latone, parvenue au terme de
sa grossesse s'était appuyée sur un olivier qui existait encore
et y avait donné le jour à deux divinités - et c'était là
qu'Apollon avait tué les Cyclopes, puis s'était mis à l'abri de
la colère de Zeus. Plus tard, Bacchus avait vaincu les Amazones,
mais il avait épargné celles qui s'étaient réfugiées en
suppliantes au pied de l'autel. Tacite: "On rendit plusieurs
sénatus-consultes enveloppés de paroles respectueuses, mais qui
imposaient néanmoins des restrictions au droit d'asile : on
suspendrait des tables d'airain dans les temples, afin de
fortifier l'autorité des nouveaux décrets et d'éviter à l'avenir
que, sous couvert de piété, on en vînt à des revendications
chimériques". (Annales, L. 3, chap.61)
Si le monothéisme
ne s'était pas fondé sur un terrorisme religieux transcendant au
cercle familial, l'arme nucléaire ne trouverait pas dans les
imaginations le renfort d'une géhenne sanglante. On voit pour
quelles raisons anthropologiques la fin du paganisme a
transporté l'effroi et le besoin de protection inconscient du
genre simio humain vers un ciel déserteur des bienveillances de
l'autorité municipale des dieux d'autrefois et enraciné dans un
royaume des fours infernaux allumés jour et nuit. Le gigantisme
des châtiments chrétiens répondait enfin aux pires forfaits.
Mais si seuls des feux à tisonner dans l'éternité étaient de
taille à dissuader Prométhée, qu'allait-il advenir des offrandes
bucoliques aux dieux moins féroces que le monothéisme condamnait
à végéter?
Une offrande publique enchanteresse ayant été offerte à la
Fortune Equestre à Rome pour le rétablissement rapide d'Augusta,
mère du gentil Tibère, il a fallu faire voyager l'offrande sous
bonne escorte jusqu'à Antium, parce que le temple de cette
déesse dans la ville éternelle avait été malencontreusement
consumé dans un incendie et que son sanctuaire le plus proche se
trouvait à Antium. Pour la même raison, le flamine de Jupiter ne
pouvait s'absenter de la capitale de l'empire plus de deux jours
de suite; et encore fallait-il que ce ne fût pas aux époques où
tombait le sacrifice public. Bien plus, en 242 ab urbe
condita, le consul Aulus Prestrinius, qui était prêtre de
Mars, n'avait pu partir pour l'armée dont il avait reçu le
commandement, parce que le Grand Pontife le lui avait interdit.
C'est que la religion était un lieu de refuge si douillettement
localisé, que les prêtres ne pouvaient en quitter les
enchantements sans courir le risque d'offenser des dieux dont il
était indélicat d'abuser de leur naturel complaisant. Mais que
vaudrait maintenant le transport solennel d'une offrande d'un
lieu à un autre dans une religion sous laquelle l'ubiquité d'un
feu infernal alimente un rôtissement sans fin des fidèles?
La
démunicipalisation précipitée de l'Olympe a conditionné une
métamorphose sauvage des terreurs jardinières des Anciens. Le
Jupiter des barbares désormais unifiés par l'éternité des
châtiments qui les frappe a installé le premier camp de
concentration universel de l'humanité dévote sous les dalles de
tous les temples de la chrétienté, de toutes les mosquées de
l'islam et de toutes les synagogues de Jahvé.
On comprend
également que la théologie de la torture des morts
déterritorialisés ait permis aux horticulteurs des trois dieux
réputés uniques de rassembler le genre simiohumain dans une
acceptation florale ou un refus hérétique du "don" du salut
dont, deux millénaires plus tard, la terreur nucléaire
illustrera la nouvelle politique de la greffe de la torture sur
les guerres mondialisées. Par bonheur, le chemin rocailleux qui
s'ouvre à l'interprétation anthropologique de l'espérance et de
la panique religieuses qu'illustre le mythe de la torture
sacralisée des trépassés, ce chemin, dis-je, a de grandes
chances de se trouver débroussaillé par les verdicts sanglants
que le tribunal des évidences ne cesse de rendre sous les yeux
effarés de la foi. Elle se veut biblique, apocalyptique et
planétaire à son tour, la politique eschatologique de la mort
qu'Israël impose progressivement à une planète convertie à la
torture rédemptrice. Certes, ces bénédictions paniquées
rencontreront des obstacles sur la route caillouteuse des
évènements sidérants qui jalonneront la sainte marche du
simianthrope vers la "délivrance"; et pourtant, il est devenu
aisé non seulement d'en prévoir les péripéties, mais de les
décrire avant l'heure, tellement elles s'inscrivent d'ores et
déjà dans la logique médusée des crucifiés.
4 - L'histoire
théologique des démocraties
C'est ainsi que
le parachutage théologique, il y a six décennies, du "peuple jui
" sur le territoire d'une autre ethnie ne cesse de produire les
métastases fatales d'un cancer appelé à dévorer la notion de
plus en plus ahurie de "légitimité"; car, dès lors que la
Liberté est tenue pour la valeur fondatrice de toute gouvernance
pseudo salvifique de l'histoire et de la politique mondiales,
une apocalypse mythique devient le sceptre et le timon des
démocraties rédemptrices du monde dans les imaginations. Les
coupables se voient désormais menacés d'une foudre ciblée par la
divinité en personne. A son grand ébahissement, M. Barack Obama
n'a pu obtenir de la nation du "salut" ni qu'elle abandonne un
seul mètre carré du territoire du futur "grand Israël", ni
qu'elle renonce à conquérir toute la Cisjordanie. Pourquoi cela,
sinon parce qu'Israël est devenu à lui-même une divinité placée
entre le salut et l'apocalypse. Sa vengeance, même si elle
devait se trouver retardée, ne donnera pas dans le détail. Vingt
siècles après la destruction de Jérusalem par les légions de
Titus, le peuple hébreu est reparti à la conquête sanglante de
la patrie de ses songes sacrés. Mais il se trouve plus que
jamais assis entre deux selles. Sa foi s'est planétarisée au
point qu'un Jahvé désormais armé de la foudre nucléaire se
montre cent fois mieux caparaçonné que du temps de Moïse.
Du coup, c'est à
la face du monde qu'un M. Barack Obama abasourdi en est réduit à
mettre en scène des simulacres d'une sainteté piteuse; et c'est
aux yeux d'un astéroïde réputé bénéficier, lui aussi, d'une
"délivrance" suicidaire qu'on voit ce théologien désemparé
montrer les saints crocs de la "démocratie" et de la "justice"
du Dieu de justice des chrétiens à la Palestine terrassée et
menacer de couper les vivres à ce peuple privé de sa terre,
alors que, dans le même temps, ces crédits sont censés lui être
généreusement accordés au nom d'une "délivrance" politique
désormais spécialisée dans l'alimentaire. On voit le double
sceptre des châtiments horrifiques et des récompenses
paradisiaques mis en place par les monothéismes de la torture
débarquer dans la politique punitive des démocraties par le
relais d'une apocalypse nucléaire vengeresse et qui mime la
schizoïdie cérébrale du "Dieu" rançonneur lui-même.
Mais que penser
de la sainteté des "droits de l'homme" si M. Mahmoud Abbas se
voit sommé par la tartufferie divine de reprendre docilement et
sans aucune chance de succès des "négociations" fulminatoires
avec Israël ? Dans le même temps, l'Etat dichotomique annonce
crûment au globe terrestre que le peuple hébreu rassemblé par
Jahvé réduira son humble interlocuteur au rang de figurant. Qui
ne voit que l'imbroglio n'est pas de nature diplomatique, qui ne
voit qu'il s'agit de la mise en scène d'une théologie biphasée?
Mais toute théologie n'est crue vraie que de s'enraciner dans la
psychophysiologie bipolaire du créateur. Ce sont donc,
paradoxalement, les contradictions internes du monothéisme
nucléaire et de son fils naturel, la démocratie d'une Liberté
bifide qui jettent sur la table l'épée de la pesée
anthropologique de l'histoire comprise et raisonnée de demain.
5 - Israël à
Deauville
On peut
comprendre que la connaissance historique des pressions
personnalisées qu'Israël exerce sur les sénateurs et sur les
membres la chambre des représentants des Etats-Unis échapperont
toujours à une historiographie privée d'accès à ce genre de
documents par la discrétion intéressée des acteurs des deux
bords. Mais que dire de l'affaiblissement cruel qu'Israël a fait
subir à M. Barack Obama sur la scène internationale? Si chacun a
pu observer de visu que cet Etat a réussi en quelques jours
seulement et sans effort apparent à tuer dans l'œuf les
promesses désopilantes dont débordait le discours mythologique
du Caire du 6 juin 2009, il est aisé d'assister au spectacle
public de la mise en place d'une nouvelle pseudo coalition des
pays européens à Deauville, tellement cette fausse alliance est
visiblement appelée à renforcer le mécanisme de la vassalisation
démocratique du continent européen. Il y faut maintenant le
voile trompeur d'un armement mythologique à nouveau calqué sur
le mythe de la "guerre des étoiles" imaginé par G. W. Bush et
antérieur à l'attentat du 11 septembre 2001. En ce temps-là les
Etats-Unis se cherchaient un fantôme militaire à combattre,
parce que l'OTAN était déjà privé d'ennemis en chair et en os.
Il faut à nouveau suer sang et eau pour en susciter de tels dans
l'imagination guerrière d'une humanité sans cesse en quête de
spectres et de démons à terrasser.
Depuis la chute
du mur de Berlin, l'OTAN fonctionne donc sur le même modèle de
la dissuasion imaginaire d'un ennemi fantomatique que le mythe
de la "sécurité" d'Israël, qui se fonde sur la crainte affectée
qu'affiche jour et nuit cet Etat de se trouver menacé par une
coalition infernale d'ennemis censés décidés, les méchants, à le
rayer de la surface du globe: on sait également que cette
terreur simulée n'est destinée qu'à "remplir les oreilles",
comme dit Tacite, et qu'il y faut une éloquence "creuse et
sonnante". Mais Israël rend désormais à une Amérique scindée sur
le modèle de son ciel le même service diplomatique ambigu que
l'Amérique lui rend depuis soixante ans, tellement l'essentiel,
pour le vainqueur et "délivreur" de 1945, est désormais de
perpétuer la présence faussement pacificatrice et devenue
militairement grotesque, de cinq cents camps retranchés et armés
jusqu'aux dents en Europe. Il n'y a plus d'ennemi à vaincre sur
le terrain, mais Washington sait que tout Etat dont le
territoire se trouvera "iréniquement" occupé à titre permanent
par les armées du ciel de la démocratie, demeurera
nécessairement un manchot sur la scène internationale.
C'est pourquoi le
rôle théologique d'un Israël dédoublé à Deauville est de
perpétuer et de rendre plus indissoluble que jamais l'alliance
pseudo catéchétique des Etats-Unis avec une Europe à vassaliser
saintement par les armes, ce que souligne l'agitation frénétique
de M. Rasmussen sur les lieux, puisque les Etats-Unis ont
l'habileté de placer un saint Georges natif du Vieux Continent
au secrétariat général de l'OTAN. C'est ainsi que l'expansion
"apostolique" des Etats-Unis et celle d'Israël poursuivent le
même objectif bivalent: interdire toute "dérive" des
négociations avec la Russie qui pourraient inciter une Europe
asservie à se désarrimer du Nouveau Monde et à reconquérir sa
souveraineté militaire d'autrefois.
Le rôle "apostolique" et guerrier d'Israël était focal à
Deauville du seul fait que si l'asservissement de l'Europe
bicéphale aux fantasmes que la religion démocratique brandit
sous ses yeux devait devenir incurable, l'Amérique le devra aux
bons soins agressifs et dévots du peuple hébreu, tellement il y
a fort longtemps que les peuples les plus endormis dans leurs
fausses dévotions se seraient réveillés si "l'Etat juif et
démocratique" n'avait pas élevé la critique cartésienne et
de simple bon sens de la domination américaine ambidextre au
rang du délit d'anti-sémitisme et si toute pensée pseudo
rationnelle et politiquement convenable doit éviter l'impiété de
revendiquer les retrouvailles du Vieux Monde avec une
indépendance désormais proclamée incongrue.
6 - Israël et l'OTAN
Comment la
diplomatie d'Israël s'applique-t-elle, en outre, et sous les
yeux du monde entier, à dissoudre l'alliance de la Russie avec
la Chine? Pour cela, l'accès massif du Kremlin au marché du
Vieux Monde est nécessaire et inversement, l'ouverture complète
de l'industrie européenne au gaz et au pétrole russes. Mais
cette nécessité stratégique demeure subordonnée à la condition
impérative que la Russie et l'Occident s'acharneront de conserve
à obtenir la pestifération de l'Iran sur la scène internationale
- tour de force diplomatique qu'Israël a largement réussi à
imposer à Deauville.
Dans cette
configuration des pièces sur l'échiquier du monde, on comprend
que M. Medvedev sera appelé à jouer le rôle d'un polichinelle
diplomatique à deux têtes. D'un côté, on fera miroiter à une
moitié de son cerveau la participation pleine et entière de la
Russie au même asservissement patient qu'à l'Europe soumise à
l'OTAN, puisque cette organisation demeurera évidemment placée
sous le commandement exclusif d'un général américain; quant à la
seconde moitié de sa cervelle, on lui facilitera la libre
circulation des touristes russes sur le Vieux Continent - mais
la suppression de la férule des visas se fera goutte à goutte,
parce qu'il ne faut pas consommer les carottes d'un seul coup.
De plus, on paraîtra même demander à M. Medvedev d'aider la
France et un embryon d'Europe à ébranler le règne fatigué du
dollar au G8 et au G20 au printemps 2011; mais cet hameçon
bi-cérébral servira seulement à renforcer encore davantage les
moyens de pression financiers d'Israël sur Wall Street. En
échange, la Maison Blanche se verra sommée d'opposer sans faille
son veto à l'ONU dans le cas où quelques membres du concile
mondial permanent des démocraties de la "justice" et du "droit"
opposeraient leur hérésie à l'expansion systématique du peuple
hébreu en Cisjordanie et à Jérusalem.
7 - Israël et la
carte de la Géorgie
Mais une autre
carte maîtresse des deux boîtes osseuses d'Israël dans le
concert des grands est l'étroite dépendance de la Georgie à son
égard, du fait que Tel Aviv a armé cet agresseur de la Russie en
2008 et continue de l'armer. Or, Moscou piétine depuis vingt ans
aux portes de l'Organisation mondiale du commerce, faute d'un
accord unanime des autres Etats à son adhésion, de sorte que
l'opposition de la seule Géorgie suffit à bloquer l'entrée de
l'ex-empire des tsars dans cet organisme international; et
Washington évoque un délai minimal d'un an pour faire
éventuellement fléchir Tbilissi, ce qui, là encore, place
Tel-Aviv au cœur des tractations et des arrangements de
Deauville.
Mais Israël s'est
en outre suffisamment insinué dans toutes les instances de
l'Union européenne pour contrôler de près et en sous-main toute
velléité d'accession de l'Europe à la souveraineté d'un
véritable acteur de la planète, tellement les conditions et les
restrictions impérieuses évoquées ci-dessus seront tenues pour
incontournables. On se donnera même l'avantage de paraître
arborer les dehors d'un mini complot anti américain; mais il
faut savoir que tout le paysage est en trompe l'œil et qu'il ne
vise qu'à masquer une diplomatie entièrement pilotée par Israël
et par son allié d'outre-Atlantique, puisqu'elle demeure tout
entière vouée à perpétuer non seulement le pelotonnement docile
du Vieux Monde sous le parapluie du Pentagone, mais à renforcer
encore la mise de ce continent sous la tutelle militaire d'un
empire étranger.
8 - La nasse
mondiale du messianisme démocratique
De plus, toute prétendue indépendance de l'Europe fondée sur le
préalable de l'éjection pure et simple du monde arabe et de la
Chine de la scène internationale n'est qu'une forme un peu
rajeunie de l'enfermement du monde entier dans les serres de
l'aigle à deux têtes qui dirige le vol du messianisme de type
démocratique: il s'agit seulement de fournir un habillage
"théologique" un peu repeint aux ailes de l'empire
américano-israélien, de sorte que si l'on entend persévérer à
ignorer les clés d'un évangélisme de la "Liberté " désormais
planétarisé au profit du Nouveau Monde, on passera au large de
la diplomatie mondiale du nouveau Verbe de la rédemption et de
la délivrance - celui auquel la religion du salut sécularisé par
les principes de 1789 sert désormais de théâtre intercontinental
Le maître secret de tout cet "apostolat" aux couleurs ravivées
s'appelle Avigdor Lieberman, le puissant Ministre des Affaires
étrangères d'Israël, qui contrôle la majorité messianisée dont
dispose M. Benjamin Netanyahou à la knesset et qui mobilise au
profit d'un nouvel élan du libéralisme mondial les juifs
influents de Russie dont il est originaire. Mais écoutons
Tacite, le plus actuel des historiens romains: "Déjà,
écrit-il, dans les profondeurs d'une autre partie de
l'empire, le destin posait les fondements d'un nouvel ordre de
l'univers". (Tacite, Histoires, L. II, chap.
1)
9 - Le temple de
Nabuchodonosor
La question
décisive des relations auto sacrificielles, donc suicidaires que
les hommes de génie ont toujours entretenues avec les peuplades
sauvages appelées à les assassiner guidera les premiers pas
d'une anthropologie historique en mesure de raconter le
dépérissement de la civilisation des offertoires - dépérissement
auquel l'Etat d'Israël conduit la raison politique mondiale sans
le savoir et à son propre détriment sur le long terme. Car la
catastrophe cérébrale du naufrage haut en couleurs des prophètes
ressuscitera les spécimens les plus explosifs de cette tribu et
les replacera au cœur de l'histoire moderne des immolations,
tellement les géants de la pensée juive se sont tous révélés des
dynamiteurs des rites tribaux de leur temps.
Comment se
fait-il que tous les visionnaires de cette nation sans aucune
exception aient été des transporteurs de sacrilèges? Ce sont eux
qui, les premiers, ont brisé la barrière de l'interprétation
littérale et sanglante des paroles du ciel. Puis des
iconoclastes modernes - les Spinoza, les Bergson - ont pris le
relais de l'entreprise éternelle de décloisonner les écritures
sacrées de leur nation et de son idole. Comment se fait-il que
ce soit à Einstein et à Freud que revient le mérite immortel
d'avoir pulvérisé le sens commun, le premier, au sein de la
géométrie velue et musclée d'Euclide, le second, au cœur de la
machine cérébrale de la vieille psychologie à trois dimensions
du Moyen Age?
10- L'avenir spirituel d'Israël
Mais voici que le vieil esprit tribal d'Israël relève la tête,
et déjà les voyants de ce peuple "à la nuque raide"
prêchent le retour des populations expulsées de leurs terres,
déjà les nouveaux Isaïe annoncent que Jérusalem sera rendue aux
Arabes, déjà les nouveaux Ezéchiel font accepter à Jahvé la
souveraineté d'un autre Etat sur ses terres, déjà les nouveaux
Jérémie réveillent les Etats arabes à la voix d' Allah, déjà les
nouveaux Daniel préviennent les Zélotes que la démographie des
peuples de l'islam mettra le couteau sur la gorge au couple des
croisés du monde moderne - Washington et Tel Aviv - déjà les
nouveaux Elie crient au peuple américain qu'il est temps, pour
lui de reprendre son destin en mains, déjà les nouveaux Tobie
prophétisent que l'Iran, la Turquie, le Brésil et, à leur côté,
la Russie, la Chine, l'Inde, l' Amérique du Sud et même l'Europe
combattront le messianisme vétéro-testamentaire dont l'Israël
des païens tient le sceptre à trois branches entre ses mains.
Décidément, les nouveaux profanateurs juifs sortent de terre à
la voix de l'autre Jahvé. A chaque génération, la race des
prophètes appelle à en découdre avec l'éternelle statue de Bel
le tueur que les siècles dressent dans le temple de
Nabuchodonosor.
Peut-être
l'anthropologie spirituelle du XXIe siècle aura-t-elle la
"chance" paradoxale d'assister à l'assassinat de quelques
prophètes. Il est rare qu'une science nouvelle et qui fait
seulement ses premiers pas dans le sang des hommes ait
l'occasion d'enregistrer les péripéties de l'histoire des
décapitations de l'esprit. La chimie, l'héliocentrisme, la
relativité générale n'ont pas bénéficié d'obstacles aussi
propices à leur approfondissement théorique, parce que les
autels des phlogisticiens, des géocentristes et des euclidiens
ont rendu les armes après une brève résistance, tandis que,
cette fois-ci, les politologues du sacrifice verront l'aiguille
de leur sismographe tracer sur leur cadran des sinusoïdes d'une
telle amplitude que nous aurons sans doute le privilège
d'assister à une course d'un type inédit entre l'histoire
guerrière d'Israël et celle d'une civilisation de l'agonie et de
la résurrection de la pensée.
11 - L'Europe de
Guillaume Tell
L'Europe des
funérailles de la raison des prophètes serait-elle devenue la
Suisse des annonciations? On sait que ce petit Etat commémore
chaque année le serment de trois paysans du pays qui, il y a
sept siècles, en 1291, l'année même de l'effondrement de
l'empire romain de Jérusalem, ont juré de secouer les armes à la
main le joug que l'étranger autrichien faisait peser sur leur
terre. Depuis lors cette nation, si minuscule qu'elle soit,
cultive la mémoire de son tyrannicide, Guillaume Tell. Certes,
la prairie sacrée du Grütli sur laquelle les trois conjurés
s'étaient rendus nuitamment n'est pas de taille à apostropher de
génération en génération la planète des Gessler de Gaza, parce
que les héros universels ont besoin de l'assise d'un territoire
d'une certaine étendue pour faire entendre leur appel. Et
pourtant, d'Ulysse à nos jours, l'histoire du monde et celle
d'un arc à tendre, celui d'un héroïsme de l'esprit.
L'Europe pensante
d'aujourd'hui est-elle mieux lotie que l'archer de Schiller?
Quel Guillaume Tell lancera-t-il le continent européen à la
reconquête de son ciel et de son identité politique confondues
si la science de notre encéphale dédoublé ne nous faisait tendre
l'arc de la raison du monde? L'Europe de l'histoire se trouve
émiettée entre vingt-deux langues fatiguées et trois religions
moribondes. Comment le fractionnement helvétique du Vieux
Continent ferait-il entendre la voix du tireur helvétique à
Gaza?
Mais déjà le rendez-vous d'Israël avec l'histoire du sang et de
la mort répond à un calibre des évènements dont il n'est même
plus nécessaire de montrer du doigt le tragique, tellement le
théâtre sur lequel les événements sont appelés à se dérouler
défie l'imagination. L'anthropologie historique n'a plus besoin
de dérouler des démonstrations titanesques sur le théâtre des
songes sacrés qui mènent le monde dès lors que le blocus d'une
ville de quinze cent mille habitants vient rappeler à tous les
peuples et à tous les gouvernements de la planète que la science
historique de demain fera monter à nouveau le mythe hébreu sur
les planches du monde?
Il n'est plus besoin de se presser sur une scène aussi étroite:
l'histoire dichotomique du globe terrestre se déroulera si bien
sous la poigne de fer de l'Etat "juif et démocratique"
que l'anthropologie philosophique et critique aura tout le temps
de démasquer l'inconscient messianique et biblique qui régit les
gènes scissipares d'une espèce animale tragiquement bancalisée
par le grossissement onirique de son encéphale et par son
ratatinement sur ses arpents; et cette discipline des sanglants
séraphins n'aura pas besoin non plus de jouer les Cassandre
d'une collision titanesque entre l'encéphale terrestre et
l'encéphale théologique de l'histoire, puisque ce sont les faits
qui joueront les arbalétriers assermentés.
On cherche
le serment de la raison qui radiographierait l'identité
politique et spirituelle d'une Europe scindée, elle aussi, entre
l'arc tendu des prophètes et les "terres promises" d'une
humanité faussement angélique. Mais peut-être est-il fécond de
rappeler que la civilisation née de l'alliance du sang des
guerriers avec la
littérature a accouché des archers de l'universel. La
civilisation européenne sera l'Antigone de Gaza.