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Regards sur le Proche et le Moyen Orient

Le Ministère de la Culture et l'islam en France
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Samedi 23 février 2013

"Interroger les grands philosophes, c'est transformer les questions qu'on leur pose en instruments d'approfondissement de la connaissance du genre humain."
Jaspers

Avertissement

Un demi siècle après sa fondation par André Malraux, le Ministère de la Culture est appelé à débarquer sur la scène de la pensée critique mondiale. C'est dans cet esprit que, le 26 janvier 2013, je me suis interrogé sur l'avenir cérébral de l'islam national, tellement, trois siècles seulement après celui des Lumières, notre époque appelle le pays de Descartes à occuper pour la seconde fois le carrefour central de la planète des stratèges de la raison. (Quelques suggestions philosophiques aux penseurs d'un islam en marche, 26 janvier 2013

Les 9 et 16 février, j'ai traduit et commenté le premier rapport de l'Observatoire de l'évolution de l'encéphale de notre espèce paru à Pékin en octobre 2012. Et maintenant, les Etats-Unis proposent à l'Europe un "partenariat" dont la finalité n'est plus seulement d'étendre le bouclier de l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie - laquelle ne représente en rien une menace militaire pour le Vieux Monde - mais de franchir une étape sans doute décisive à ses yeux de la course vers la vassalisation de l'Europe de la culture.

Si Malraux revenait, ces évidences géopolitiques lui crèveraient tellement les yeux qu'il inspirerait à la rue de Valois une vision prophétique de l'avenir d'un rationalisme français à féconder. Serait-ce chose faite ? Pour la première fois, un gouvernement de la Ve République a évoqué "l'exception culturelle française" face à l'offensive américaine sur un double front, industriel et commercial d'une part, afin de renforcer encore davantage l'emprise économique de la Maison Blanche sur le Vieux Continent, culturel d'autre part, afin de propager un polyculturalisme acéphale, messianique et conquérant à l'échelle du globe terrestre. "Les Etats-Unis continueront de propager la démocratie et les valeurs américaines dans le monde entier", a déclaré le mercredi 20 février le nouveau secrétaire d'Etat américain, John Kerry. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, lui a répondu que "la prétention des Etats-Unis à incarner la locomotive de la démocratie dans le monde n'est pas justifiée, ce pays ayant légalisé la torture au XXIème siècle". Le vice-ministre russe a tenu à enfoncer le clou et a précisé qu'aux USA "la torture avait cessé d'être une violation des lois pour devenir une pratique judiciaire".

Dans les futures retrouvailles de la France avec la guerre multimillénaire de la pensée rationnelle, l'ex- Allemagne de Kant et de Hegel ne nous sera d'aucun secours en raison du naufrage du vocabulaire de tous les jours de cette nation dans un salmigondis horrifique. On ne donne pas une identité intellectuelle créatrice à un peuple acharné à torturer la prose de Goethe, de Schiller et de Nietzsche avec des promenade, initieren, inakceptabel, charmant, detaillieren, goutieren, evacuieren, patrouillieren, etc.

C'est dans cet esprit que je propose, ce 23 février, puis le 2 mars, un approfondissement de quelques centimètres de ma modeste réflexion antérieure sur l'avenir de l'intelligence et de la culture d'un islam de la raison appelé à s'épanouir sur le territoire de la France. Le 9 mars, j'en viendrai à une troisième tentative de pesée de l'apport de la Chine à une Europe dont il s'agit d'ouvrir les fenêtres sur l'intelligence de demain et de l'aider à retrouver son rang de pédagogue de la lucidité dans le monde.

Le texte d'aujourd'hui et celui du 2 mars ont pris la forme d'une lettre à Mme Filippetti, Ministre de la Culture, mais l'ensemble de mes analyses anthropologiques et philosophiques visent à suggérer aux pays émergents quelques pistes en direction du nouveau centre de gravité de l'universalité de la raison mondiale vers lequel seul leur propre génie peut les conduire.

1 - La France de la raison et l'islam
2 - L'avenir de l'homme européen
3 - Les premiers embarras politiques de la culture
4 - Le coût des dieux en chair et en os
5 - La France et sa philosophie de la culture
6 - Votre phalange macédonienne
7 - Anthropologie d'un cercle vicieux
8 - La justice démocratique en perruque
9 - La "raison" d'un animal onirique
10 - L'islam et la raison idéaliste de l'Occident
11 - Socrate face aux Etats d'aujourd'hui
12 - La démocratie et le tragique
13 - Un animal projectif

Madame le Ministre de la Culture

1 - La France de la raison et l'islam

Vous savez que l'anthropologie critique est une discipline philosophique dont la vocation est d'observer l'identité spécifique de notre espèce et de la domicilier dans l'histoire du rôle qu'elle persévère à se donner dans le cosmos onirique que les religions lui forgent de siècle en siècle. Le 26 janvier, je me suis demandé sur ce site si un humanisme moins superficiel et plus rationnel que le nôtre pourrait s'armer d'un regard de l'extérieur sur un animal dont le véritable habitat s'appelle l'imaginaire. Vous savez également que, le 2 février, mon ambition est allée jusqu'à tenter d'ouvrir un débat sur la nature de l'encéphale d'une créature dont les trois principales divinités encore en charge de la représenter mentalement sur notre astéroïde sont censées l'avoir créée, mais dont chacune se proclame la seule scénariste d'un cosmos arraché au vide et au silence par ses cordes vocales. Vous savez enfin que, les 9 et 16 février, j'ai fait connaître au monde le premier rapport de l'observatoire fictif de l'évolution de la cervelle de cet étrange animal que la Chine est censée avoir publié en octobre 2012.

Mais le Ministère de la Culture d'un côté et celui de l'éducation de la France de l'autre - la vocation propre à ce dernier l'appelle à améliorer le fonctionnement de l'encéphale national du peuple de la raison - ces deux Ministères à vocation mondiale, dis-je, ne sauraient ignorer que trois millions et demi de musulmans demeurent viscéralement attachés à la pratique au quotidien des traditions de leur religion dans le pays de Descartes, de Voltaire et d'un observateur de génie des animaux politiques - j'ai nommé Jean de la Fontaine. Ces deux Ministères transcendantaux peuvent-ils oublier que la fatalité conduira une phalange d'avant-garde des disciples d'Allah et de son prophète à violer l'interdit coranique de "penser par soi-même" qui, depuis 1882, aurait dû conduire le peuple français à accoucher d'une classe d'intellectuels voltairiens?

Madame le Ministre, j'ai confiance que vous avez présent à l'esprit le caractère inévitable du cours de l'histoire qui contraindra les générations nées de l'enseignement public et obligatoire imposé à la France par Jules Ferry à commettre un sacrilège aussi prometteur et de remettre en marche l'encéphale de l'humanité. Il sera donc de la responsabilité de la rue de Valois de se demander à son tour comment le pays de Molière, de Rousseau et du "Siècle des philosophes" va déteindre sur la civilisation des mosquées et comment des philosophes d'origine musulmane enfanteront une Europe nouvelle de la pensée critique.

2 - L'avenir de l'homme européen

Supposons, Madame le Ministre que, sous votre égide, la République laïque se refusera à nier l'évidence que deux civilisations dont les cosmologies mythiques demeurent cérébralement incompatibles entre elles - mais que l'histoire a appelées à féconder réciproquement leurs blasphèmes respectifs - supposons que ces deux civilisations iconoclastes présenteront à l'observateur un spectacle réjouissant du courage politique et culturel propre à chacune et qu'elles appelleront les plus hauts responsables de l' Etat cogitant qu'on appelle la France à inaugurer une réflexion anthropologique promotrice - donc à appeler à la rescousse le profanateur originel que les Grecs appelaient Prométhée, "celui qui pense en première ligne", comme nous le rappelle l'étymologie de ce patronyme. Si notre République de l'héroïsme de la "raison" se souvenait de ce que la "raison" est une valeur prométhéenne, donc en progrès perpétuel, la démocratie française éviterait de souffrir du retard pathologique des décadences qu'afflige leur régression mentale; mais si penser, c'est peser les pathologies de la raison elle-même, les mythologies religieuses ne seront plus les détentrices exclusives du refus instinctif des peuples de courir les risques de la réflexion.

Raison de plus, Madame, de vous demander pourquoi un islam de serruriers de la raison entend enfermer l'encéphale des philosophes du Coran dans une cassette fermée à double tour. Croyez-vous que la République des droits de l'intelligence parviendrait à comprendre les causes de ce phénomène si la France laïque refusait tout net de soumettre les avocats apparents de la raison scientifique actuelle à la critique du grippage inconsciemment théologique auquel ils soumettent à leur tour la pensée scientifique contemporaine?

Si la France des rois de l'intelligence, donc de l'esprit critique qui inspire à la fois la philosophie depuis Platon et les Républiques laïques depuis 1789, si cette France-là se révélait incapable d'une analyse anthropologique des présupposés irrationnels qui commandent sa "raison" à elle et celle d'en face - laquelle se veut inapte à toute introspection autre que religieuse - si une République engagée sur ce double front depuis Montaigne battait soudainement en retraite et se condamnait à son tour à l'apathie intellectuelle de la piété, la civilisation occidentale n'aurait plus d' avenir proprement cérébral. Mais l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne voient, eux aussi, des croyants musulmans ficelés de génération en génération à la lettre de leur religion se multiplier sur leur territoire, alors que la civilisation européenne, qui se plaçait autrefois à l'avant-garde de la notion d'entendement est tombée dans les floralies d'un pan-culturalisme dont l'acéphalie pathologique lui interdit de fonder l'humanisme de demain sur une connaissance trans-folklorique du genre humain.

3 - Les premiers embarras politiques de la culture

Madame, l'heure a sonné pour le Ministère de la Culture de découvrir le poids politique qui l'attend, parce que, cinquante ans après Malraux, qui se colletait encore avec le "désert culturel" de la province de son temps, notre époque appelle la rue de Valois à occuper le carrefour stratégique que la planète de la raison lui a réservé. Depuis la Renaissance, les agitations cérébrales des peuples instruits et des peuples ignorants se sont révélées la clé de l'histoire du crâne de l'Europe. Il en résulte, j'y reviens, que si la Ve République décidait tout subitement de se rendre aveugle au contenu et à l'ordonnancement de la boîte osseuse de la civilisation de la pensée scientifique, ce continent passerait à jamais au large de toute connaissance réfléchie du passé et de l'avenir du monde. Mais un tel oubli ne serait pas inédit: pendant près de quatre siècles, la culture antique et son mythe polythéiste ont vécu en bonne intelligence avec un mythe monothéiste en expansion continue dans l'empire romain.

Mais lorsque saint Ambroise prétendit expulser manu militari la statue de la déesse de la Victoire dont la substance sacrée vieillissait lentement dans l'enceinte auguste du Sénat, le débat entre les deux théodicées s'est soudainement placé au cœur de la politique cérébrale d'un monde scindé entre l'esprit et la matière; et le concile de Chalcédoine de 451 a été convoqué d'urgence par l'empereur Marcien afin de tenter de porter remède à l'animosité mortelle subitement déclenchée entre les deux Olympes, l'un à l'écoute des saintes oies du Capitole, l'autre, moqueuse à l'égard de l'anatomie des dieux auxquels les gosiers de ces volatiles servaient de micros et d'oracles.

Du coup, le concile a jugé d'habile politique de couper l'encéphale simiohumain en deux tronçons et de légitimer chacun d'eux à son aune. Aussitôt un compromis de type déjà abusivement culturel a été conclu en grande hâte entre les Célestes en chair et en os des ancêtres et les droits nouveaux dont la raison intrépide de l'époque osait se réclamer: alors qu'en 325, il avait été fermement décidé que le squelette et la musculature du Christ faisaient une divinité psychophysiologique compacte et non moins unifiée que la charpente de Zeus ou de Mercure et que le statut céleste de ce prophète était indivisible par nature - du reste, ce dieu marchait sur la terre d'un pas ferme et tous les jours de la semaine, à l'exemple des autres dieux en bonne santé - le concile de 451 commettait "l'hérésie" inverse, qui avait été expressément anathémisée en 325, à savoir, que la personne du Sauveur se trouvait maintenant scindée en deux fractions impossibles à raccorder: d'un côté, l'homme de Nazareth n'était le Dieu unique en promenade qu'à l'occasion des miracles qu'il multipliait en solitaire et selon son bon plaisir - il marchait sur l'eau, il multipliait des pains, il transformait de l'eau en vin, il ressuscitait un mort. Mais alors comment redevenait-il un homme ordinaire sitôt qu'il tombait de fatigue ou se mettait en colère contre les marchands du temple?

4 - Le coût des dieux en chair et en os

Le prix politique à payer pour ce va-et-vient continu entre l'homme et le dieu était exorbitant. Comment la négociation théologique, d'un côté, et la tractation politique, de l'autre, allaient-elles maintenant préciser le statut de leur séparation et de leur confusion chez un spécimen de notre espèce tellement unique qu'il était bien le seul dont les entrailles d'une Vierge fécondée par le verbe de Jupiter eussent assuré le transit. S'il fallait se résigner à le déclarer un homme au plein sens du terme et de la tête aux pieds, comment lui concéder néanmoins que sa normalité se trouverait allégée du poids du péché originel?

A partir d'un impératif pastoral aussi contraignant, il devenait impossible de persévérer à se poser sur un mode seulement expéditif et désinvolte la question cruciale du sens qu'il fallait attribuer à la quête multiséculaire et frénétique de l'unité psycho-biologique d'une créature semi divine et qu'on déclarerait exemptée de la tare immémoriale que vous savez. Or, ce type de prodige théologique était fort répandu: dans l'antiquité, qui élevait au rang d'un dieu à cinquante pour cent les mâles issus de l'accouplement de Zeus avec une mortelle. Mais quid si le sperme du ciel s'appelait maintenant le "Verbe"? Que faire si le statut miraculeux de la parole divine en faisait un personnage autonome dans le cosmos et néanmoins appelé à partager la souveraineté globale du trio d'un Jupiter scindé en trois personnes distinctes?

5 - La France et sa philosophie de la culture

La France religieuse n'a évidemment pas réussi à se doter d'une anthropologie trans-géographique de la trinité céleste, donc de la cohérence doctrinale et psychique de l'Olympe d'une humanité tripartite, alors que l'alliance de la politique des Etats avec la cosmologie mythique de l'endroit était encore aussi indissoluble qu'aujourd'hui entre l'Arabie saoudite et le Coran. Mais la France issue de la Révolution de 1789 est-elle libre de scinder désormais l'encéphale collectif de la République "une et indivisible", elle aussi, sur le modèle d'un concile de Chalcédoine de la démocratie non moins universel que le précédent? Si une laïcité tricéphale à son tour devait demeurer la tête vide, faute de science anthropologique des théologies à trois branches - elle devrait s'y employer depuis 1905 - elle légitimerait tout ensemble, elle aussi, et précisément à la manière de Symmaque et de ses oies du Capitole face à saint Ambroise, les droits métaphysiques d'un sacré dûment réduit au culturel d'une part, et ceux de la raison raisonnante issue du siècle des Lumières et de la Révolution française, d'autre part. La Liberté est une déesse de la pensée rationnelle ou n'est pas; et une démocratie qualifiée de laïque, mais privée de radiographies de l'encéphale de l'humanité est condamnée à se vouloir étêtée. A quel poison et à quelle ambroisie de la raison et de la déraison le peuple français actuel se trouve-t-il livré?

Il résulte des difficultés que rencontrent nos spectrographies de la boîte osseuse des descendants d'Adam que si l' Etat rendu relativement réflexif à la suite de son alliance de 1882 avec le Ministère de l'éducation nationale, donc devenu responsable, en principe, et depuis plus de douze décennies, du destin intellectuel de la nation de la raison, si un tel Etat renonçait tout de go à sa vocation originelle et à sa cérébralité propre, il conduirait notre astéroïde à un naufrage mental plus irrémédiable que celui qui a englouti l'encéphale simiohumain de 325 et celui de 451. Mais comment lesdits Etats prétendraient-ils détenir à bas prix les clés d'une raison qu'ils auront discrètement catéchisée d'avance, donc délégitimée en catimini, eux aussi?

Depuis la Renaissance la raison et le sacré semblaient cheminer de conserve. Mais à la suite de l'engloutissement du classicisme euclidien, qu'est-il advenu des protocoles para-théologiques inconscients et convenus qui commandent en secret le champ de la raison scientifique traditionnelle? Si la République s'entêtait à ignorer les ingrédients dont la ciguë nouvelle de l'intelligence se compose, elle s'enferrerait à son tour dans le refus de penser propre aux cosmologies mythiques; et l'on verrait deux poulets à la tête coupée - l'Eglise d'une laïcité sans cervelle et celle des oies du Capitole retrouvées - courir côte à côte à un dernier triomphe de la raison semi-animale actuellement régnante.

6 - Votre phalange macédonienne

Madame le Ministre, je vous communique quelques renseignements anthropologiques relatifs à l'histoire commune de la raison simiohumaine et des mythes sacrés, afin de vous encourager à mettre sur pied au sein de votre Cabinet une phalange de quelques têtes bien renseignées sur les secrets psychobiologiques de l'histoire des théologies, donc décidées à mettre l'encéphale du peuple français en observation sous la lentille du microscope électronique de la pensée de demain. Cet instrument devra se montrer en mesure de scruter les arcanes des religions en tant que documents cérébraux à décrypter.

Songez qu'un humanisme qui se donnera le rang d'initié au décodage psychogénétiques des neurones multimillénaires d'une espèce dont la boîte osseuse ne cesse de sécréter des dieux, qu'un tel humanisme, dis-je, prendra pour longtemps une grande avance sur le crâne de toutes les autres nations de la terre. Mais, dans le même temps, comment le savoir de tels spéléologues demeurerait-il tellement superficiel qu'il refuserait de disséquer la vie onirique d'un ex-quadrumane à fourrure devenu relativement "rationnel", comment, Mme le Ministre, la France détoisonnée renoncerait-elle à formuler les principes d'une connaissance abyssale du genre pseudo pensant, comment s'opposerait-elle à la conquête de la connaissance rationnelle de l'inconscient politique qui pilote l'argumentation théologique des mythologies sacrées, comment ne psychanalyserait-elle pas la "preuve expérimentale" d'hier et d'aujourd'hui à leur tour, si l'on "n'expérimente" jamais des signifiants en tant que tels, mais seulement des faits décorés ou affublés des signes et des emblèmes de leur signification nécessairement anthropomorphique?

7 - Anthropologie d'un cercle vicieux

Voici donc quelques modestes suggestions de nature à vous informer davantage de la stratégie cérébrale qui pilote une religion musulmane exilée de ses terres d'origine et campée sur notre sol. Mais pour comprendre la signification de ces informations, donc les symboles transterritoriaux auxquels ils renvoient, il faut garder en mémoire que la connaissance de l'inconscient de l'histoire des religions demeure la lanterne de Diogène de l'anthropologie philosophique et de la politique. Au XIe siècle, déjà, l'Europe avait fidèlement reproduit, mais sans aucunement s'en douter, le modèle de réflexion qui guide l'islam contemporain sur notre territoire. Un saint Anselme, par exemple, confiait la charge de rendre la foi des chrétiens "rationnelle" - donc "signifiante" - à la "raison religieuse" pratiquée en son temps. Une "raison" théologisée d'avance et dans l'œuf par la "raison" tautologique en usage dans la foi était censée quaerere intellectum, c'est-à-dire se mettre en quête de la rationalité universelle dont les dogmes de l'Eglise étaient censés témoigner, puisque l'entendement simiohumain de l'époque se trouvait pris en main dès le berceau par le mythe du sens que charriait une révélation surnaturelle par définition .

C'est pourquoi la fides quaerens intellectum de saint Anselme et de tout le Moyen Age prouvera le type d'existence censée propre à "Dieu" à partir d'un a priori solipsiste selon lequel il "existerait", de toute évidence, une divinité parfaite puisqu'elle se révèlerait imparfaite par définition s'il était seulement possible à la créature de concevoir l'inexistence objective de ce personnage, parce que, dans ce cas, le concept même de perfection se trouverait altéré au point qu'il parviendrait à s'amputer, et de sa propre autorité, de l'"existence" nécessaire, donc inévitable, du propriétaire de ladite perfection.

8 - La justice démocratique en perruque

Avant Einstein, toute la science occidentale plaçait encore l'expérience sous le projecteur d'une raison idéalisée d'avance et fondée sur le même cercle vicieux dont le joug de la théologie du Moyen Age avait fait la pierre d'angle de la doctrine de l'Eglise: on appliquait à la politique et à l'histoire intelligibilisées le "principe d'existence" de saint Anselme, puis de la raison cartésienne, son élève. Car l'auteur du Discours de la méthode prouvait, lui aussi, l'existence "objective" de "Dieu" sur le fondement confessionnel de la substantification, donc de l'incarnation de la cohérence interne qu'on attribuait à un pur concept, à savoir le "principe de perfection": un Céleste inexistant demeurait aussi absurde aux yeux de Descartes lui-même que de concevoir une "montagne sans vallée".

Mais voyez, Madame, combien tout cela concerne la nation française au premier chef: la Démocratie, la République, la Justice, la Liberté contemporaines sont, elles aussi, censées exister par la vertu des abstractions de 1789 qui les auto-définissent dans un ciel de l' esprit et dans les plus hautes régions du mythe de la souveraineté du peuple; et si, aujourd'hui encore, la cour de cassation d'ici-bas résiste avec tant d'opiniâtreté et pendant des décennies à reconnaître l'iniquité évidente de la condamnation d'un innocent en première instance et en appel, c'est que le prototype principiel grâce auquel la justice temporelle prétend s'installer à la fois dans l'arène de l'histoire et dans l'air raréfié des abstractions régnantes, ce prototype, dis-je, se laisse aussi peu tirer l'oreille que Dieu lui-même : comment réduirez-vous des magistrats transporté en hermine dans les airs et assis en souverains sur les gradins du ciel de la Justice au rang de confesseurs de la faillibilité de leurs verdicts para-religieux?

9 - La "raison" d'un animal onirique

La "raison" dont le céleste archétype se mord la queue demeure commune à la Démocratie et à la Théologie. Elle trouve son origine chez saint Augustin, qui consacra vingt ans à démontrer, dans sa Cité de Dieu, que le Créateur est tellement parfait qu'il a expressément voulu et sciemment organisé la catastrophe effroyable du sac de Rome en 410 par les barbares, qui allait conduire l'empire à l'effondrement, parce qu'il avait besoin de démontrer définitivement et le plus spectaculairement qu'il lui était possible l'idée de derrière la tête qui guidait sa perfection, à savoir, la transcendance hallucinante de sa raison idéale à lui et de sa politique spécifique à l'égard de tout l'événementiel qu'il contemplait dans sa totale et irrémédiable contingence.

Le même Augustin se moquera des théologiens naïfs de la création du monde: pourquoi ces malheureux oublient-ils de rappeler qu'avant de créer le globe terrestre en sept jours, le géniteur idéal du cosmos a nécessairement créé un espace et un temps idéaux? De même encore, Thomas d'Aquin prouvera que les ressuscités ne mangent ni ne boivent au paradis, parce que, sans cela, et conformément aux lois de la physique d'Aristote, ils engraisseraient sans fin et deviendraient ridiculement obèses. Mais Jésus se fait cuisiner en toute connaissance de cause des plats exquis par des anges gastronomes, parce qu'il lui faut prouver sans cesse aux autres ressuscités et à l'école des maîtres-queux du ciel qu'il est bel et bien un immortel à la fois en chair et en os et parfait.

10 - L'islam et la raison idéaliste de l'Occident

La fides quaerens intellectum des théologiens du Moyen Age s'est perpétuée chez les intellectuels musulmans d'hier et d'aujourd'hui, qui placent encore la charrue avant les bœufs sur le même modèle que saint Augustin, saint Anselme et Descartes: la fausseté d'une proposition est censée démontrée par le seul rappel de la vérité absolue censée avoir été dictée une fois pour toutes par l'ange Gabriel à Muhammad dans le Coran, par Jahvé à Moïse sur le Mont Sinaï et par sa propre inspiration de "fils de Dieu" au crucifié.

Depuis le XVIIIe siècle, l'anthropologie philosophique et critique inverse nécessairement une problématique théologique fondée sur un acquiescement préalable et irréfléchi aux présupposés théologiques dont la théologie elle-même est censée démontrer la vérité. Au lieu de prouver l'existence du Zeus des Grecs par l'autorité de l'Iliade et de l'Odyssée, une anthropologie ne devient scientifique que si elle approfondit un humanisme occidental demeuré tellement superficiel, donc imparfait, qu'il ne se demande pas ce que lui enseigne l'auto-idéalisation de l'encéphale simiohumain.

Madame le Ministre de la France rationnelle, la "raison simiohumaine" deviendra un objet d'observation des arcanes pseudo- séraphiques d'un animal onirique de naissance, et la distanciation cérébrale que la laïcité conquerra à l'égard des documents anthropologiques qu'on appelle des théologies s'inscrira nécessairement dans la logique interne de la postérité intellectuelle des découvertes de Darwin et de l'un de ses premiers disciples, un certain Sigmund Freud, qui a fondé ses premières recherches sur une lecture prospective de L'évolution des espèces, paru en 1859. Le Ministère de la Culture de la France sera-t-il de son siècle ou prendra-t-il le même retard que l'Eglise du XVIe siècle sur l'héliocentrisme de Copernic?

11 - Socrate face aux Etats d'aujourd'hui

J'évoquais plus haut l'heure où l'Etat antique s'est vu contraint de débarquer dans le débat théologique de l'époque sur le statut psychophysique qu'il fallait attribuer à l'encéphale biphasé du genre simiohumain. A leur tour, les républiques laïques sont appelées à participer au questionnement scientifique sur l'avenir mondial de l'intelligence schizoïde de la démocratie et des républiques encore aussi couronnées des auréoles de leurs idéalités que l'Eglise des apparitions de Lourdes ou de Fatima. Mais il se trouve que les Etats modernes ne disposent encore en rien des connaissances anthropologiques nécessaires à leur devoir politique d'apprendre à peser le statut biphasé des cierges et des ex-votos cérébraux de la Démocratie et de la République, alors que notre siècle ne saurait, comme l'empereur Marcien, se fonder sur la prétendue solidité mentale d'un sceptre langagier. Comment la France dépossédée du totem de la Liberté va-t-elle naviguer sur l'océan de sa propre finitude? Socrate enseignait la science de l'ignorance en tant que telle; l'anthropologie critique initiera la République vaporisée dans l'éther de la Liberté à décoder son ignorance sur le modèle du Théétète de Platon. Sinon la France persévèrera à tenir le violon de ses idéalités de la main gauche et l'archet cruel de son action pratique sur la terre de la main droite; par exemple, elle continuera de brandir le totem de l'égalité de la main gauche et de doter les serviteurs de l'Etat de privilèges de la main droite.

Il faudra apprendre à désemmêler à nouveaux frais le brouillamini des relations des idéalités avec le réel, de l'Etat idéal avec l'Histoire, de la République avec la vie quotidienne des citoyens, de la logique scientifique avec les comportements constants de la matière, de la raison expérimentale avec les routines de la nature et du répétitif avec le cognitif. Pour cela, la laïcité devra procéder à l'examen critique du fonctionnement inconsciemment théologique de la "raison" encore abusivement qualifiée d'"expérimentale" en usage dans un univers dont la tridimensionnalité a fait naufrage il y a plus d'un siècle.

De même que la géométrie en circuit fermé d'Euclide "vérifiait" la perfection des axiomes en boucle à les faire énoncer sans relâche aux redites et ritournelles censées oraculaires de la nature, de même que ses postulats tournant en rond étaient censés constater et expliciter d'un seul élan, primo, l'évènement piétinant en tant que tel et dans sa nudité, secundo l'existence de l'ordre réputé inhérent aux redites inlassables du cosmos, de même la France politique fait confiance à l'association magique de "l'explicatif" avec le sempiternel: les lois sont censées vérifier le règne de la Justice, du Droit et de la Liberté, mais ce type de vérité résulte seulement de l'alliance infatigable des rites du droit romain avec un ordre de l'univers dûment légalisé d'avance par les trois dieux uniques ; de même, encore, la République "vérifie" les droits du peuple souverain à l'école d'un suffrage universel gonflé à l'hélium du mythe de la Liberté.

12 - La démocratie et le tragique

Il faut donc que l'Europe et la France des idéalités s'interrogent côte à côte sur l'infirmité des Etats censés vérifier à la fois les évènements en tant que tels et leur prétendu "sens rationnel", donc leur interprétation idéalisée et théologisée d'avance dans l'inconscient apeuré d'un mythe social protecteur. Puisque la simple constatation de l'imperturbabilité inexplicable des coutumes de la nature se rendait ensuite loquace au sein d'un cosmos censé se trouver piloté par des zéphyrs verbaux, puisque la volubilité attribuée à la "raison" secrètement angélisée des physiciens reposait, en réalité, sur le pouvoir de persuasion qu'exerçait le profitable sur l'encéphale d'un animal intéressé à l'exploitation des redites muettes de la matière, la démocratie ne pouvait qu'enfanter son propre séraphisme intellectuel et se mettre à l'écoute des oracles angéliques du langage dont les uns l'auréolaient de ses idéalités et les autres des fourrages sacrés du mythe de la Liberté.

Le prophétisable est rentable par définition, de sorte que le succès expérimental sans cesse ressassé engendre en retour et nécessairement dans l'inconscient scientifique de l'animal la croyance en l'intelligibilité en elle-même d'un univers bipolarisé d'avance dans les têtes. Si l'on approfondit la spectrographie des relations "angéliques" qui s'établissent entre les intérêts vitaux que poursuit la "raison" idéalisée et l'instinct de survie des "autres animaux", comme disait Salluste, on découvre que le scannage de l'intelligence dite scientifique dans un monde cru trimendionnel conduit à une spéléologie de la solitude que les théologies appelaient la "finitude". La France redeviendra-t-elle le cœur de la conscience rationnelle du monde?

Et pourtant, il existe un chemin commun à la conquête de la connaissance rationnelle d'une espèce branchée sur le prévisible et la conquête de la connaissance anthropologique des théologies; et puisque ces deux routes du savoir conduisent au "sentiment tragique de la vie" d'un José Ortega y Gasset et à la réflexion inconsciemment pré-anthropologique des théologiens du néant, le rendez-vous de l'Occident avec la tragédie grecque se rapproche.

13 - Un animal projectif

Vous voyez, Madame le Ministre, que la France de la pensée rationnelle de demain sera celle d'un Ministère de la Culture nécessairement responsable de la contribution de la nation aux futures conquêtes de la pensée mondiale, vous voyez, Madame le Ministre, combien l'Etat et la France d'aujourd'hui ont besoin de mettre en place une cellule de réflexion sur l'intelligence simiohumaine actuelle, tellement seule une histoire à visiter en spéléologue nous éclairera sur les relations que les nations entretiennent avec les mutations progressives de l'encéphale de l'humanité. Le concile de 1962 est demeuré interne à l'Eglise catholique, parce que les Etats laïcs ne se jugeaient pas concernés par le vieillissement ou la modernisation du culte romain. En revanche, la France démocratique est nécessairement devenue l'actionnaire majoritaire du banco titanesque auquel l'affrontement entre un Occident au cerveau fatigué et un islam ouvert à la pensée de demain servira d'enjeu.

Mais il ne s'agira pas d'une confrontation stérile entre une foi chrétienne vaporisée et majoritairement tombée dans l'ignorance de son propre contenu anthropo-théologique, d'une part, et l'islam minoritaire des intégristes français, d'autre part, mais d'une chance philosophique féconde, pour l'Europe entière, de décoder l'inconscient religieux qui sous-tend la "raison". Car l'islam de la pensée est en marche; et l'examen psychobiologique des religions sacrificielles - donc revendicatrices du paiement tartuffique d'un tribut de sang à la divinité de l'endroit - ouvre un champ immense à une interrogation commune à la science historique, à la géopolitique et à l'anthropologie philosophique. Le prochain "concile de Chalcédoine" des démocraties auto-idéalisées par la tromperie de leur propre séraphisme politique se demandera, comme celui de 451, ce qu'il en est des relations que le cerveau humain actuel entretient avec sa transcendance au monde dans un univers oscillant entre ses meurtres et ses concepts auto-angélisés. Notre espèce est projective de sa perfection rêvée depuis qu'elle se croit observée de haut et de loin par un animal à son "image et ressemblance".

Descartes disait : "Je pense, donc je suis". A la semaine prochaine la suite d'une si modeste interrogation sur la question de savoir qui je suis quand je pense.

Le 23 février 2013

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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