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Gaza
Gaza,
coeur de la folie du monde
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Lundi 18 janvier 2010
"Moi, la
folie, je parle. Ce n'est plus
le temps des miracles. Enseigner le peuple, quelle fatigue.
Expliquer, cela pue la crasse de l'école.
" Erasme,
L'Eloge de la folie.
1 - " Moi, la folie, je parle
" (Erasme, L'Eloge de la folie)
2 - La dichotomie cérébrale des fous
3 -
Où le mystère s'épaissit
4 -
Comment diagnostiquer la folie ?
5 -
Retour à la science politique
6-
L'étau de la folie se resserre
7 - "On commence par se faire
duper et l'on finit en fripon" (Erasme)
8 -
La démocratie et la logique ptolémaïque
9 -
Et la France ?
10
- Le thermomètre de Zeus
11
- Les acteurs physiques et les acteurs invisibles de l'Histoire
12
- Clinique du chaos mental
13
- Une anthropologie de la folie
14
Conclusion
1 -
"
Moi, la folie, je parle
" (Erasme, l'Eloge de la
folie)
Saluons le génie de l'humaniste cervantesque, swiftien et
kafkaïen avant la lettre dont l'audace incroyable en son temps
lança le délire à la conquête du monde sous les traits d'un
personnage en chair et en os, saluons l'acteur planétaire de la
modernité qui disait: "Moi, la folie, je parle."
Comment la folie
parle-t-elle de nos jours?
Pour tenter de l'apprendre, descendons l'escalier qui conduit
dans les souterrains de la démence politique. Le grand
Hollandais a publié son Eloge de la folie en 1509.
Aucune commémoration solennelle n'a rappelé, en 2009, le cinq
centième anniversaire de la parution de l'œuvre la plus célèbre
du roi des humanistes, ce qui démontre, s'il en était besoin,
que les grandes œuvres demeurent tellement actuelles que
personne n'ose les enterrer sous les applaudissements unanimes
des bien-pensants qui, eux, ne changent pas de nature d'une
époque à l'autre. Aussi cette œuvre immense demeure-t-elle
largement incomprise. L'audace littéraire de faire prononcer son
propre panégyrique à la folie ne trouvera son écho que chez
Kafka. Mais, ce que nous entendons en filigrane de l'Eloge
de la folie en ce début du IIIe millénaire, c'est le
miserere de la sagesse et de la raison du monde, c'est le heurt
entre deux musiques de la politique, car la guerre des faux
croisés de la Justice et de la Liberté reproduit le contraste
érasmien entre les évangiles et un Saint Siège alors belliqueux.
L'île d'Utopie
de Thomas More , paru en 1516, se présente
comme une réponse indirecte et vigoureusement évangélique à la
prosopopée érasmienne de la dérision. On sait que le titre grec
d'Eloge de la Môria est un clin d'œil discret au
futur décapité auquel l'Eloge est dédié, parce que
la folie se dit môria dans la langue d'Homère et
que les deux amis plaisantaient souvent sur le double sens du
patronyme du grand Anglais. C'est que la folie scelle une
alliance étroite avec l'utopie ; et, pour les hellénistes, "l'île
d'utopie" signifie rien de moins que "l'île de nulle part".
Mais pourquoi les utopies politiques et religieuses d'une
humanité égarée dans les airs se cherchent-elles un ancrage,
pourquoi, depuis la cité idéale de Platon jusqu'au christianisme
originel et au marxisme, l'absence de tout atterrissage
hante-t-elle la folie d'une humanité privée des récoltes et des
engrangements topographiques qu'elle attend de ses songes?
Le mutisme de la
presse et des médias français, relayé par celui, moins massif,
de la presse mondiale sur le mur d'acier en construction autour
de Gaza a pris des proportions érasmiennes aux yeux de
l'historien pensant et de l'anthropologue d'avant-garde, qui se
trouvent tout étonnés de se vêtir non seulement en Sherlock
Holmes de la géopolitique, mais en spéléologues de Clio, afin de
tenter de relever les traces laissées dans la poussière par la
logique qui commande les verdicts de la fatalité. Car, sous les
sentiers du destin, des vestiges du tragique et de la folie
décrits par Erasme se tiennent en embuscade. Du coup, les
Eschyle et les Shakespeare de la démence prêtent comme jamais
leurs télescopes et leurs microscopes aux scribes et aux
greffiers des acteurs les plus puissants et les plus invisibles
de la pièce.
Peut-être le thème de la folie du monde, qui remonte à Saint
Paul, appelle-t-il la France à retrouver son territoire de "nulle
part", peut-être l'heure est-elle venue, pour la nation de
la liberté, de retrouver l'utopie d'un royaume de la Justice qui
a donné son âme à l'humanité; car si la démence a pris la plume
au début du XVIe siècle, c'est afin de demander au XXIe siècle
d'élever l'intelligence politique au rang d'un glaive de la
folie spirituelle dont l'esprit se nourrit.
2 - La dichotomie cérébrale des fous
Que le narrateur au petit pied se rengorge: il a vu M. Barack
Obama échouer piteusement à convaincre Israël de lâcher un seul
instant la poignée de son glaive . Comment un conquérant digne
de ce nom cesserait-il, ne serait-ce que pour quelques jours
d'étendre son territoire les armes à la main? Mais quelle scène
digne de L'Eloge de la folie que celle d'un
Président de la plus puissante démocratie de la planète dans le
rôle du suppliant monté sur les planches du théâtre du monde
pour demander à M. Mahmoud Abbas de se résigner à négocier tout
seul avec son puissant exterminateur et de désarmer
solitairement et la main sur le cœur un peuple de prédateurs
armé jusqu'aux dents!
Mais s'il suffisait au mémorialiste du sceptre de la folie de
raconter à son gentil lecteur une gentille histoire de la folie
de "bécarre et de bémol", disait Pantagruel, où serait la
difficulté? Certes, depuis longtemps, le délire a livré ses
secrets à la littérature, certes la démence est entrée dans
l'épopée avec l'Ajax d'Homère, certes, un certain Espagnol s'est
illustré sur tous les continents et dans toutes les langues de
la terre à peindre les malheureux dont la noblesse a basculé
hors de l'arène du monde, certes, Swift n'est pas demeuré en
reste, lui qui a porté la folie à la fresque. Mais Sherlock
Holmes est mis à quia par la dichotomie cérébrale qui fait
tonitruer M. Barack Obama contre Israël, dont le crime, à
l'entendre, se rabougrirait à expulser quelque sept cents
habitants de plus de Jérusalem Est, Sherlock Holmes donne sa
langue au chat quand M. Bernard Guetta prend apparemment le
relais du schizoïde de la Maison Blanche et condamne à son tour
et avec force la poursuite ratatinée de la colonisation
israélienne , Sherlock Holmes ne sait plus à quel saint se vouer
quand M. Kouchner le biphasé se précipite à Jérusalem afin
d'absoudre, tout au contraire, le prédateur d'un péché indigne
de l'attention du monde civilisé, Sherlock Holmes jette l'éponge
quand Israël réitère son coup de force à Jérusalem Est et que le
Jupiter bipolaire du bureau ovale fulmine derechef et le plus
évangéliquement du monde, mais sans plus de succès, puisque le
diable qui le tient part la manche a déjà accordé sa bénédiction
aux nouveaux saints de Jérusalem.
Isaïe prendra-t-il la relève des apôtres de la béatitude des
fous de la démocratie? Ne faut-il pas rendre les armes quand
saint Obama encercle Gaza d'un mur d'acier sourcilleux, ne
faut-il pas couronner sa Majesté, la folie, quand le roi de la
Liberté du monde renouvelle pour dix ans le versement charitable
de trois milliards de dollars annuels à Israël? Décidément, il
faut convaincre la raison du monde de battre précipitamment en
retraite quand M. Karl Bilt, le Président pour six mois de
l'Europe polycéphale condamne à son tour et solennellement
l'expansion dévote d'Israël et publie, une semaine seulement
plus tard dans Le Monde une interview lénifiante,
dans laquelle il revient en toute hâte sur ses pas et s'applique
à réduire Mme Ashton à la fonction de femme de ménage de
l'Europe. N'est-elle pas coupable d'avoir repris à son compte
devant le Parlement européen les thèmes bifides développés par
M. Obama et par M. Bilt quelques jours seulement plus tôt?
Décidément, L'Eloge de la folie d'Erasme et
L'île d'Utopie de Thomas More ont rendez-vous avec les
moutons de Panurge, décidément, la flotte pantagruéline n'a pas
jeté l'ancre sans malice dans l'île de Médamothi, cet autre nom
de "nulle part" en grec.
3 - Où
le mystère s'épaissit
Rappelons un
instant ma plume d'instituteur aux embarras des Conan Doyle de
la politique. Cet auteur de romans policiers semble nous mettre
sur la piste; car il nous raconte un épisode énigmatique de
cette histoire, à savoir que Mme Livni s'est ruée de Tel Aviv à
l'Elysée pour demander à M. Sarkozy qu'il coupe la langue à
l'imprudent M. Bilt et à l'atone Mme Ashton. Mais Conan Doyle
nous dira-t-il comment les asilaires rebattent les cartes sans
relâche, où se cache le vrai maître de l'hospice, quel est le
nom de l'hôpital, qui donne aux aliénistes le pouvoir
extraordinaire de changer d'une heure à l'autre la mise en scène
de la pièce ? Comment départager le roman policier du roman
politique dans les coulisses du théâtre qu'on appelle
l'Histoire?
Prenez l'épisode
de la marche des volontaires du monde entier sur Gaza le 27
décembre dernier et l'épopée des camions destinés à secourir les
affamés. Par qui et comment M. Mandela et Mgr. Desmond Tutu
ont-ils été empêchés de tenir leurs engagements et de se joindre
à l'expédition? Qui a demandé et obtenu de M. Jimmy Carter,
ex-Président des Etats-Unis et prix Nobel de la paix qu'il
présentât des excuses au Tamerlan de Gaza en échange de
l'élection de son petit-fils à un siège de sénateur ? Comment
l'auteur d'un roman aussi énigmatique a-t-il disposé les pièces
sur l'échiquier érasmien afin que la folie du monde, dont on
s'échine à mettre à nu les ressorts depuis l'Ecclésiaste et le
Livre de Job, dévoilât ses mystères et que les plus fins limiers
des arcanes de la civilisation de la Liberté eux-mêmes
demeurassent bouche béé devant le basculement des journaux, des
chancelleries, des radios et des télévisions du monde entier
dans un silence aussi subit?
4 - Comment diagnostiquer la
folie ?
On savait depuis
longtemps que notre espèce habite un asile et qu'un délire
universel y chante sa propre gloire avec les accents mêmes du
droit et de la justice, de la foi et de la liberté, de la vérité
et d'un ciel dont vous connaissez les écrits de ses trois
propriétaires. Mais Erasme nous a fourni les clés qui ont permis
à nos aliénistes de diagnostiquer le délire de tous les siècles.
Aussi nos Etats et nos Eglises se sont-ils aussitôt reconnus
sous le pinceau du maître, tellement les symptômes de la maladie
étaient clairement et minutieusement décrits. C'est qu'en ces
temps reculés, non seulement les bien-portants reconnaissaient
encore les fous au premier regard, mais les fous eux-mêmes
découvraient leur pathologie à la seule lecture des signes les
plus spectaculaires de leur démence. La drogue qui enfantait ce
miracle, on l'appelait le rire; et le rire était tellement
guérisseur que tout le monde en appelait à la trousse de ce
premier médecin de la folie du monde. Mais maintenant, personne
ne rit plus, et toute la difficulté des spectateurs de la
tragédie est de dénicher un homme de l'art suffisamment expert
en insanités pour attirer l'attention des malades sur leur état.
Qui est demeuré
sain d'esprit et qui a perdu la raison? La science médicale a
égaré le thermomètre du XVIe siècle dont le grand Batave s'était
servi pour mesurer le degré de folie des patients à seulement
prendre leur température. Aussi, l'auscultation qui décide du
panier dans lequel il convient de ranger les diagnostics en
faveur des uns ou des autres, repose-t-elle désormais sur le
seul décompte de la majorité des opinions, de sorte que le
calcul de la proportion des sages et des fous au sein d'une
population déterminée dépende du hasard qui fait pencher la
balance des verdicts à l'avantage des fous ou des sages.
Mais comment
départager les têtes dérangées des têtes en bon état de marche
si l'enregistrement des voix fait sans cesse passer les verdicts
de la raison du camp d'Erasme à celui de la folie à laquelle il
avait donné la parole? C'est ainsi, comme il est dit plus haut,
que M. Obama s'indignait fort des exactions du voleur à
Jérusalem, mais protégeait dès le lendemain ses rapines à Gaza.
Voici donc que le clinicien d'un vaste empire a cessé à son tour
de distinguer les malades des bien-portants, voici qu'un
médicastre hissé au rang de chef d'Etat livre au chaos le peuple
et la nation dont il est chargé de piloter l'encéphale, voici
que l'Hippocrate dont la balance même pèse non point la maladie,
mais le nombre des malades, donne raison à leurs régiments s'ils
sont plus serrés que ceux des sages.
Au
XVIe siècle, tout le monde voyait clairement que Dieu et son
Eglise étaient devenus fous à lier, tellement chacun comprenait
encore qu'il était dément de transporter à la pelle les riches
au paradis pour le saint motif que leurs cassettes bien pleines
leur permettait d'acheter leur félicité éternelle à prix d'or.
Et maintenant, M. Barack Obama prend simplement la tension de sa
propre popularité pour précipiter à l'asile la minorité non
délirante de sa population selon l'adage de la folie qu'Erasme
avait rappelé: "Ut homines sunt, ita morem geras" - "il
faut prendre les hommes tels qu'ils sont".
Aussi voit-on se
dessiner sur la rétine de la Maison Blanche les traits du fou de
la démocratie mondiale, aussi le voit-on délivrer du Purgatoire
un guerrier couvert de sang, aussi regarde-t-on avec des yeux
dessillés le fou qui tape sur les doigts d'un petit délinquant
pris en flagrant délit de chasser de leurs demeures les
habitants d'une capitale qu'il cambriole maison par maison ,
puis le fou en chef, le fou porté par la folie à la tête de
l'Etat le plus puissant de la terre hisse au ciel de la
démocratie mondiale un assassin déguisé en évangéliste et en
pédagogue de la Liberté du monde.
5 -
Retour à la science politique
Personne ne
savait plus quel Esculape de la boîte osseuse de l'humanité il
fallait consulter, quels analystes du pouvoir politique au sein
des évadés du monde animal diagnostiqueraient à coups sûr la
nature de la maladie, parce qu'on cherchait en vain la balance
dont les plateaux pèseraient le degré de gravité de l'infirmité
cérébrale qu'illustrait la personne même de M. Obama. N'avait-il
pas prononcé au Caire, le 4 juin 2009, un discours fort sensé,
dans lequel il avait exhorté les musulmans, les juifs et les
chrétiens à partager l'apostolat démocratique dont il se
proclamait le missionnaire et à soutenir avec la sainte ardeur
des évangélistes du globe terrestre son combat pour la
prospérité et pour la puissance d'un empire de héros du salut?
Réfléchissez un
instant, disaient les politiques les plus chevronnés de la
planète et cessez de vous imaginer sottement que la science
médicale serait appelée à vous éclairer sur la folie ou sur la
santé du monde en général et de M. Barack Obama en particulier.
Si vous passez du rêve à la saine pesée des pouvoirs qu'exerce
tout chef d'Etat en ce bas monde, comment pouvez-vous croire
qu'un tel personnage se livrerait de sa propre volonté à la
faiblesse et au chaos ? S'il affecte de jouer à l'instituteur
vertueux dans le bureau ovale de la Maison Blanche, si son art
de la feinte va jusqu'à annoncer aux journaux de la planète
entière qu'il désapprouve les exploits d'un petit monte en l'air
à Jérusalem Est, et si, dans le même temps, vous le voyez aider
le tueur à construire un mur d'acier autour de Gaza afin
d'affamer les survivants d'un gigantesque camp de concentration,
vous pensez bien qu'il n'est plus un homme politique et qu'il
est illusoire de placer un fantôme au timon des affaire du
monde.
Mais alors, voici
que les Sherlock Holmes de la politique redressent la tête: et
il nous faut revenir la queue basse à l'observation des embarras
qu'ils rencontrent sur le terrain. Comment se fait-il que leurs
difficultés de gestion ne soient pas moins titanesques que
celles des thérapeutes de la folie tout court ? Comment
expliquent-ils l'alliance qu'Israël a conclue avec le parti
républicain, comment se fait-il que tous deux combattent
maintenant la politique de la main tendue de M. Obama en terre
d'islam, comment se peut-il que les nationalistes américains
entendent désormais ruiner les intérêts de l'empire à long terme
dans tout le monde arabe ? Certes, il n'est pas de candidat à
une parcelle de l'autorité publique au sein de l'Etat américain
qui ne fasse l'objet d'une vérification préalable et minutieuse
de son orthodoxie au chapitre de ses relations avec le
patriotisme sioniste d' Israël. Mais de là à comprendre les
ressorts d'une conspiration anti nationale et anti patriotique
de la droite américaine au profit d'un Etat étranger, il y a
loin. Peut-on trahir son pays aveuglément et sans le savoir?
Et puis, pourquoi
le cadavre politique de M. Barack Obama bouge-t-il encore ?
Pourquoi le voit-on tressauter, pourquoi le voit-on se livrer à
des convulsions et à des soubresauts d'une pathétique
impuissance, puisque ses ultimes gesticulations et remuements ne
font que mettre davantage en évidence soit son état mental
désespéré, soit son autorité politique naufragée ? On n'achète
pas davantage le royaume des cieux de la démocratie idéale à
l'école des hérétiques du mythe de la Liberté que le royaume du
ciel des Eglises du Moyen Age ne se laissait mettre aux enchères
des prévaricateurs qui vous demandaient d'acquitter rubis sur
l'ongle les bons du Trésor émis par la banque de l'Eternité.
6 -
L'étau de la folie se resserre
Mais la question tant politique que cérébrale posée au XXIe
siècle par l'Eloge de la folie d'Erasme nous
conduit à une plus grande profondeur encore de l'anthropologie
critique : il s'agit de savoir s'il convient de réfuter l'adage
de Socrate selon lequel l'ignorance serait la source de tous les
maux ou s'il faut, non point le remplacer tout d'une pièce par
l'axiome qui verrait dans la sottise l'origine commune de tous
les désastres cérébraux et politiques confondus, mais s'il
conviendra d' analyser la généalogie commune de l'ignorance et
de la bêtise et de se résigner à étudier les relations que ces
deux formes de la folie entretiennent à la lumière d'une science
expérimentale du politique, donc d'une discipline vérifiable à
l'école des évènements.
Certes, les traités de la bêtise sont rarissimes, ignorés du
grand public et le plus souvent d'une légèreté d'esprit aussi
coupables que le mal qu'ils prétendent dénoncer. Mais voyez
comme l'ignorance et la stupidité font alliance au Moyen Orient.
Est-ce par ignorance ou par sottise que M. Obama croit sans
doute que la domestication ou même la destruction de Gaza feront
avancer d'un pouce la question dite "des deux Etats",
alors que la politique du monde entier repose sur un faux
diagnostic? Si ce n'était Gaza, ou l'Iran ou le Hamas qui
faisaient figure d'obstacle à la "solution du problème
palestinien" , Israël recourrait à d'autres leurres,
simulacres et faux- fuyants, parce que cet Etat a vocation de
s'étendre, comme ses confrères, et de conquérir, l'épée d'une
main et l'évangile démocratique de l'autre, tout le territoire
qu'il pourra - et cela jusqu'à ce qu'une force supérieure à la
sienne le contraigne à battre en retraite.
Mais comme la
légitimité de cet Etat demeurera à jamais indéfendable en droit
international, donc par nature et par définition, puisqu'une
démocratie fondée sur la fierté d'avoir aboli la colonisation à
l'échelle de la planète ne saurait, dans le même temps la
ressusciter d'un seul élan au profit et à la gloire d'Israël, la
vraie question sera seulement de savoir quel type d'alliance de
l'ignorance avec la sottise permettra au monde entier de se
refuser d'examiner les désastres politiques auxquels ce refus
conduira fatalement la planète des apôtres de la folie.
7 - " On
commence par se faire duper et l'on finit en fripon
" (Erasme)
Il sera bien
évidemment bien impossible de jamais obtenir d'Israël qu'il
accueille à bras ouverts trois générations de réfugiés
politiques dans son sein, bien impossible de jamais obtenir
qu'il se replie dévotement sur ses frontières de 1967, bien
impossible de jamais obtenir qu'il renonce béatifiquement, donc
au nom des idéaux de la démocratie, à redonner son statut de
capitale et de cœur de son identité biblique à Jérusalem, bien
impossible de jamais obtenir qu'il se flanque gentiment d'un
Etat palestinien aussi libre et puissant que lui-même, bien
impossible qu'il perde le sot prestige attaché au feu
inutilisable de l'apocalypse.
Dans ces
conditions que fera l'empire américain pour rendre durable le
vain escamotage diplomatique d'une aporie de nature
psychogénétique? Comment combattra-t-il son propre enfermement
dans une sainte hypocrisie et une cécité d'innocent aux mains
pleines? Comment persévèrera-t-il à brandir sans relâche
l'étendard et le totem de la Liberté, de la Justice et du Droit
sur la planète entière s'il lui faut se placer aux côtés d'un
Etat qui ne cessera, de son côté, de bafouer les utopies
apostoliques d'une humanité de nulle part?
A tout cela, il
n'existe qu'une seule solution : égarer le plus longtemps
possible l'attention du monde et pour cela, fortifier sans cesse
sa puissance guerrière à l'échelle de la planète des sots. En
vérité, la solide alliance de l'ignorance avec la sottise est
d'ores et déjà conclue: au prix de trois cent milliards de
dollars par an seulement, on construira cinquante cinq navires
de guerre ultra modernes, qui permettront, croit-on, de régner à
jamais sur toutes les mers du globe.
Mais le pacte que
l'ignorance scelle avec la bêtise n'est pas un vice nouveau et
qui débarquerait de nos jours sur la terre: pour refuser de
comprendre que la ruine financière est un cratère dans lequel on
va immanquablement se précipiter, il faudra recourir au ligotage
d'un Etat à sa propre cécité; il faudra dresser devant les yeux
de la nation des obstacles politiques qu'on se sera appliqué au
préalable à rendre de plus en plus insurmontables; il faudra
livrer une guerre suicidaire à l' intelligence dont dispose
d'ores et déjà le reste de la planète. Ces auto-ficellements,
ces auto enchaînages et ces auto verrouillages, comment
s'interdire de jamais les regarder en face, alors qu'il suffit
d'ouvrir les yeux pour les apercevoir?
Pour l'instant,
Israël demeure le roc d'un aveuglement contre lequel toute
sagesse et toute lucidité sont appelées à se briser, parce que
le globe oculaire de l'ignorance et de la sottise confondues est
dans la folie d'avoir ramené sur les lieux les vaincus de Titus.
Faut-il que la science politique mondiale soit demeurée
ignorante et inexpérimentée pour n'avoir pas prévu les désastres
de la sottise qui s'ensuivraient et qui s'enchaîneraient les uns
aux autres avec une logique implacable!
Pour l'instant,
les trémoussements et les soubresauts dont M. Barack Obama nous
présente le douloureux spectacle ne sont que des symptômes de la
maladie mortelle qui achèvera le malade. Mais les vrais
diagnostics sont aussi des pronostics. Il appartiendra à
l'oracle de la fatalité de désigner ses proies.
8 - La
démocratie et la logique ptolémaïque
Peut-on suivre
pas à pas le cheminement de la cécité semi inconsciente et en
diagnostiquer les sources psychobiologiques? Pour le tenter,
observons les réflexes d'auto-défense innés dont use l'encéphale
de notre espèce et les procédés traditionnels auxquels elle
recourt d'instinct afin de conserver ses trésors cérébraux
rouillés; et pour cela, voyons comment l'astronomie de Ptolémée,
qui faisait eau de toutes parts, a résisté pendant des siècles à
celle de Copernic, puis comment un créationnisme mythologique
par définition a pris la relève de l'exorcistion des preuves de
l'évolutionnisme darwinien.
Dans son célèbre Système du monde, Histoire des doctrines
cosmologiques de Platon à Copernic en dix volumes publié
en 1914 et réédité entre 1958 et 1965, Pierre Duhem, membre de
l'Institut, alléguait encore qu'une vraie physique devait se
contenter de "sauver les apparences" et que les calculs
de Ptolémée se trouvaient pleinement légitimés à conserver le
précieux spectacle d'un soleil tournant autour de la terre
qu'attestent à la fois les yeux et les saintes écritures. De
même le créationnisme ne s'est laissé arracher que peu à peu des
concessions qui fendaient le cœur des croyants. Le 23 octobre
1996, Jean-Paul II a fini par déclarer que l'évolutionnisme est
"davantage qu'une hypothèse"; mais il s'est bien
gardé de préciser où passait la démarcation entre des
allégations religieuses et une science que son statut ambigu
situerait quelque part entre une mythologie sacrée et des
vérifications expérimentales soutenues par les télescopes des
astronomes. C'est qu'il fallait ménager tout ensemble la foi des
croyants et le témoignage des instruments d'optique des
scrutateurs des étoiles. Pourquoi cette distorsion entre les
preuves magiques et les victoires du raisonnement sur les faux
témoignages des sens? C'est qu'une espèce coulée dans le moule
du sacré craint de perdre une forteresse cérébrale qui la
rassure et dans laquelle elle se love à son aise.
Or, l'analyse
psychologique de l'évolution de la prise de conscience
progressive de ce que l'erreur politique d'Israël est de type
ptolémaïque se calque exactement sur le modèle de la folie dont
les résistance à l'adopion de l'astronomie de Copernic ont
fourni l'exemple et auxquelles le refus des thèses sur l'origine
des espèces de Darwin ont fourni le pendant: dans les deux cas,
le sujet refuse avec une violence d'origine psychogénétique de
perdre une demeure mentale jugée confortable et devenue vraie de
passer pendant des siècles d'une génération à la suivante. C'est
ainsi que, d'un côté, la démocratie des fous veut sauver la
cassette d'un droit international bicentenaire et fondé sur la
souveraineté des peuples - donc sur la légitimité de leur statut
de défenseurs naturels du pouvoir des adultes de disposer
d'eux-mêmes, et par conséquent de conserver le territoire de
leurs ancêtres - de l'autre, les mêmes apôtres des droits de
l'humanité veulent canoniser un Etat qui conteste aussi
radicalement les fondements de la civilisation moderne que le
géocentrisme biblique entendait réfuter l'évolutionnisme.
Malheureusement
pour l'Etat hébreu, les défenseurs des convictions scripturaires
du peuple juif se trouvent contraints de battre en retraite.
Comment se fait-il que leur pré carré se rétrécisse comme une
peau de chagrin ? C'est que la logique démocratique ne fait pas
davantage de quartier que la logique mathématique. Elle ignore
autant le débat sur le statut d'une hypothèse pseudo
démocratique que sur le sexe des anges : à la fin, Euclide
tranchera la question et dira que la démocratie est aussi
incompatible avec les principes de la colonisation que la
géométrie à trois dimensions avec des arpenteurs qui
prétendraient réfuter le théorème selon lequel la somme des
angles d'un triangle fait cent quatre-vingts degrés.
La topographie
démocratique véritable a rendez-vous avec le théorème de
Pythagore qui la fonde; mais il faudra verser le sang, hélas,
pour que l'héliocentrisme démocratique l'emporte sur le
géocentrisme israélien, parce que l' enjeu réel n'est pas de
nature mathématique, mais de nature anthropologique: si
imparfait et inachevé qu'il demeure, l'encéphale humain
d'aujourd'hui ne se partage plus entre deux logiques
incompatibles entre elles.
9 - Et la France ?
Quel sera le rôle
de la France dans cette guerre mondiale entre la raison et la
folie? Le drame d'origine, donc de nature psychogénétique qui
sous-tend l'âme et la raison de la science politique depuis que
notre encéphale a quitté la zoologie est dans la difficulté de
décider sur le terrain et au coup par coup à quel moment précis
il convient de se trouver bêtement présent dans l'arène des
nations afin de faire figure d' acteur visible de l'histoire et
à quel moment il devient nécessaire, tout au contraire, de
quitter en toute hâte un cirque par trop ensanglanté. Il ne
s'agit jamais de déserter l'histoire meurtrière, mais, tout à
l'opposé, de prendre place dans une autre durée de l'humanité,
celle où des acteurs ennemis des carnages prennent en main les
rênes du destin.
En 1940, la
France des ossatures et des muscles ne pouvait se mettre aux
abonnés absents: il fallait bien se résigner à légitimer la
folie d' un gouvernement de gestionnaires des corps, il fallait
bien que la France terrassée conservât les organes tangibles
d'un Etat, il fallait bien que la nation de 1789 parût
provisoirement représentée par les majordomes de ses
chancelleries sur une scène internationale devenue tout entière
la spectatrice réjouie ou désolée de la mise hors jeu des
Gaulois sur le champ de bataille. Dans la débâcle de la France
d'en-haut, l'appel désespéré au héros surréel de Verdun était la
caution a priori la plus digne de l'âme de la France.
Mais à quel
moment fallait-il quitter l'écume des jours pour replonger dans
la vague? Fallait-il choisir l'heure des horloges où, sur le sol
français, un chef de l'exécutif proclamait son vœu ardent que
l'occupant remportât la victoire en Europe, l'heure où le cadran
de l'administration de la justice mettait à pied ses magistrats
juifs, l'heure où les aiguilles du temps s'arrêtaient sur la
rafle du peuple de Jahvé au vélodrome d'hiver?
Soixante-dix ans
après un verdict des armes plus cruel que les précédents, la
France symbolique se trouve à nouveau placée en sentinelle de l'
histoire de la démence du monde . Lui faut-il épouser la mer ou
flâner sur le rivage? Un gouvernement français, même amolli,
peut-il légitimer sa participation physique à la direction d'une
planète de l'errance dans laquelle la majorité des Etats
prétendument démocratiques ont décidé de construire un mur de
dix kilomètres de longueur, composé de plaques d'acier de
dix-huit mètres chacune et de cinquante centimètres d'épaisseur,
un mur dont les fondations iront jusqu'à trente cinq mètres sous
la terre, afin d'exterminer par la famine la population entière
d'une ville de seize centaines de milliers d'habitants?
Cette croisée des
chemins de l'histoire du cerveau et du cœur de la planète des
fous est-elle moins visible que celle dont le basculement d'un
vieux Maréchal dans le camp du vainqueur de sa nation signalait
le tragique emplacement à tous les regards? Notre République
peut-elle assister les bras croisés, donc en complice
silencieuse à la construction d'un camp de la mort de cette
taille? Notre connaissance réelle de l'histoire du monde
ressortit-elle à la pesée du corps et des muscles des Etats, ou
bien avons-nous grand besoin de nous coller une autre loupe à
l'œil afin d' apercevoir les personnages réels qu'on appelle des
peuples et des nations? A quel moment les charniers tuent-ils le
parfum des démocraties? A quel moment l'encens de la Liberté et
de la Justice cesse-t-il de monter des autels? A quel moment les
citoyens d'un pays de soixante-cinq millions d'habitants
incommodent-ils les narines de Jupiter? La France empuantie de
Pierre Laval s'est détachée de celle des écrivains, des poètes
et des philosophes de notre pays à l'heure entre chien et loup
où l'esprit a pris résolument le relais de l'histoire de la
nation. Alors l'éclat des derniers flambeaux de notre
civilisation a fait entendre les voix de la résurrection de la
France.
10 - Le thermomètre
de Zeus
Pour tenter de
cerner cette difficulté en anthropologue glacé, il faut, ici
encore, observer avec sang froid le chaos cérébral dont le
diagnostic embarrasse les aliénistes de la vie politique des
Etats modernes; et pour cela, il faut faire entrer dans le
cabinet d'Esculape les patients dont les troubles psychiques
demeurent proportionnés à la modestie de leur emploi. C'est
ainsi que M. Bernard Kouchner voulait se rendre à Jérusalem ;
mais comment ignorer Gaza et son camp de concentration à ciel
ouvert sans paraître pencher pour un parti au détriment de
l'autre? Et si l'on voulait éviter que le fléau de la balance
penchât trop ostensiblement en faveur du bourreau, la meilleure
ruse diplomatique n'était-elle pas de lui demander
l'autorisation de se rendre à Gaza?
Naturellement, le
sacrificateur a refusé tout net que la France auscultât la
victime exposée sur l'offertoire et même qu'elle parût
pronostiquer l'évolution de sa charpente; et comme le Quai
d'Orsay des fous ne pouvait paraître par trop prononcer l'éloge
de l'étal d'un Etat coupable de crimes de guerre, de génocide,
d'emploi d'armes prohibées par le droit international, telles
les bombes au phosphore, M Bernard Kouchner a renoncé à son
voyage. Quelle est la France qui s'est illustrée de la sorte?
Qui a parlé en son nom sur ce propitiatoire? Qui a détourné le
regard de ce sang?
M.
Kouchner s'est montré fort dépité par cet "échec diplomatique"
et il l'a caché soigneusement aux journalistes. Un résistant du
Quai d'Orsay a donné secrètement l'information au Canard
enchaîné. Quelle est la philosophie de l'esprit dont la
France actuelle fait preuve sur la scène internationale et qui
lui fait juger de bonne et saine politique de se trouver
présente en chair et en os sur tous les terrains où Montoire
fait la loi? Le gouvernement est-il un véritable acteur sur le
théâtre du monde quand l'occupant lui dit: "Si vous vous faites
porter pâle parmi les sacrificateurs, vous serez non seulement
déclaré couard, mais proclamé coupable de désertion sur le champ
de bataille de la Liberté"?
On voit combien
la question de la définition folle ou sage des Etats débarque
sur les planches du même théâtre de l'Histoire de la démence
qu'en 1940, mais sous une autre redingote ; car si l'on songe
que, quelques jours seulement plus tard, l'Elysée a jugé
indispensable à l'exercice de ses responsabilités dans la
conduite exclusivement musculaire de l'univers de faire diriger
par un général de notre armée de terre la construction du mur
d'acier dont la vocation est de hâter l'extermination jugée trop
lente d'une vaste population, avec quelle France nos écrivains,
nos poètes, nos philosophes ont-ils rendez-vous en ce début du
IIIe millénaire?
11 - Les
acteurs physiques et les acteurs invisibles de l'Histoire
Voyez comme le tensiomète des dieux se rappelle au bon souvenir
des peuples et des nations: ce sont eux et eux seuls qui
décident de la température des âmes, ce sont eux et eux seuls
qui condamnent l'anthropologue et le logicien de la démence du
monde de se trouver au rendez-vous que l'Eloge de la folie
d'Erasme a donné à la politique de la planète en ce
début du IIIe millénaire. Car, disent les Célestes, l'encéphale
de la France des fous se trouve livré au même chaos que celui de
M. Barack Obama; et l'on se souvient que le désordre qui s'est
emparé de la boîte osseuse de ce chef d'Etat le ballotte d'un
vain brandissement de ses foudres verbales à l'apologie d'un mur
de Berlin appelé à encercler le camp de la mort le plus vaste de
la planète.
Comment se
fait-il que le chaos cérébral dont témoigne la France des Laval
d'aujourd'hui soit identique à celui de M. Obama, comment se
fait-il qu'on distingue si mal l'original de la copie ? Alors
que M. Kouchner se montre tout effaré de n'avoir pas cautionné
davantage un Etat génocidaire, ce qui, en termes diplomatiques,
revient à le condamner timidement et la bouche close, se
rendra-t-il maintenant à petits pas et l'échine basse à la
frontière de Gaza, agitera-il le drapeau aux trois couleurs sur
les remparts de la forteresse qui enferme un gigantesque peuple
de la mort ? M. Obama, lui, se contente de condamner de loin et
la bannière étoilée à la main quelques expulsions de citoyens de
Jérusalem Est. M. Kouchner va-t-il, au nom de la France de 1789,
partager sous les murs de Gaza les chapons d'Orgon avec l'armée
des faux dévots?
12 - Clinique du
chaos mental
Vous voyez bien, bonnes gens, combien la scission cérébrale qui
frappe les acteurs de la politique internationale d'aujourd'hui
appelle une pesée anthropologique de la notion même de "chaos
mental". Certes, vous avez observé plus haut qu'il s'agit
d'une schizoïdie inconnue du monde antique; mais s'il est devenu
difficile de savoir qui est fou et qui ne l'est pas, c'est
précisément en raison de la dichotomie cérébrale dont souffre Sa
Majesté, la démence en personne.
Vous connaissez l'expression : "Hurler avec les loups ".
Qui sont les loups? Les Anciens savaient qu'il fallait entendre
les déments; et ils disaient: "Hurler avec les fous": "cum
insanientibus delirare". Mais les fous d'aujourd'hui
délirent tantôt du bout des lèvres, tantôt à grands cris. Quand
Tartuffe passe de la comédie à la tragédie, c'est qu'il a
débarqué dans la politique et qu'il y est devenu criard en
diable. Alors, Clio en appelle à un décryptage des dévotions et
de leur tapage, parce que l'hypocrisie religieuse a passé du
christianisme à la démocratie et qu'elle s'y révèle plus que
jamais le moteur de l'histoire idéalisée à l'école de sa propre
folie. Mais que s'agit-il maintenant de cacher aux dieux?
Précisément la frontière qui sépare la légitimité de
l'illégitimité des Etats démocratiques au regard des Tartuffe de
la Liberté et de la Justice. Et pourquoi cacher cette frontière
aux habitants de l'Olympe? Parce qu'elle se révèle désespérément
flottante. Et pourquoi flotte-t-elle, cette impie? Parce que,
depuis l'origine du temps mémorisé, l'humanité flotte entre le
culte d'un pouvoir représenté par une autorité publique musclée
et une lucidité qui cloue l'ossature de l'Histoire sous son
regard.
Mais pourquoi, demandez-vous maintenant à Erasme, les peuples
fous flottent-ils entre leurs agenouillements devant un maître
de leur corps et la peur de se trouver entraînés dans ses
crimes? C'est que cette oscillation psychique du singe vocalisé,
c'est sa conscience qui la juge. Mais sur quelle balance
pèserez-vous la magistrature du tribunal de la conscience?
Comment spectrographierez-vous ce cœur parlant, comment
analyserez-vous le mélange de vénération religieuse et de rejet
moral qui rend si ambigu le saint génocidaire du Déluge, l'idole
commune aux trois religions du Livre, l'idole qui se révèle le
paradigme universel de l'histoire meurtrière de sa créature?
13 - Une
anthropologie de la folie
Décidément, Louis XIV avait raison de dire à Molière: "N'irritez
pas les dévots", puisque l'anthropologie des carnages nous
conduit à mettre en scène la démocratie des massacreurs dévots à
Gaza. A quel acte de la pièce sommes-nous arrivés ? Certes,
Orgon s'extasie toujours sottement devant son hôte, le pieux
mangeur de chapons. Et nous, allons-nous le cacher sous la table
et laisser Elvire démasquer l'imposteur? Mais pour cela, il nous
faudra tenter de percer les secrets de l'alliance de
l'hypocrisie démocratique avec la folie la plus abyssale, celle
dont nous n'avons relevé que quelques vestiges.
Décidément, nous sommes loin de la chute du rideau. Et pourtant,
une ultime piste s'ouvre à l'anthropologie des égorgements,
celle de nous demander pourquoi la civilisation chrétienne a
changé les fous - insanientes - en loups et la fureur en
hurlements. Car "hurler avec les loups", c'est seulement
du mimétisme irréfléchi, ce qui ne ressortit qu'à la sottise,
tandis que "furere cum insanientibus", c'est monter sur
la nef des fous, c'est écrire l'histoire du monde à l'école des
"fous furieux", comme on dit. Sous le conformisme intellectuel
et doctrinal qui mobilise la piété des démocraties meurtrières
et sous la bannière des idéalités pseudo sacrées qui enracinent
les masses dans leur obéissance à des totems verbaux, une
sauvagerie plus congénitale demeurerait-elle cachée au globe
oculaire des évadés du règne animal, une sauvagerie qui nous
renverrait à la bête furieuse dont le proverbe latin aurait
conservé le souvenir?
Voyez comme la victime a été cachée sous l'autel de la dévotion
démocratique à Gaza, voyez comme la démocratie mondiale arbore
le masque des Tartuffe de la politique moderne de la Liberté et
de la Justice à Gaza, voyez comme Gaza elle-même est devenue
tout entière un gigantesque offertoire, voyez comme la fureur
d'Israël s'est tapie sous la sainte croix d'une civilisation
confite en idéalités dévotes. Qu'est-ce que le sceptre qu'on
appelle maintenant la Justice? M. Sarkozy et M. Obama
rachèteront-ils à bas prix la bête du sacrifice immolée à Gaza?
Ecoutez leur confession de foi, écoutez comme ils se la
murmurent tellement du bout des lèvres qu'elle aidera
l'immolateur des poulets du sacrifice à lancer quelques prières
dans le vent.
Mais alors, ne
commençons-nous pas d'apercevoir la cohérence anthropologique et
toute la logique interne de la fureur des fous? Ne voyons-nous
pas se dessiner les deux pôles cérébraux entre lesquels la
sainteté des démocraties se partage et qui les fait tomber dans
le chaos? Car, d'un côté, leur fureur et leur folie confondues
les range en ordre de bataille autour du mur d'acier de Gaza, de
l'autre, leurs prêtres lèvent les yeux au faux ciel de leur
Liberté et de leur Justice ; et la dichotomie originelle dont
leur encéphale subit les secousses nourrit leurs oscillations
entre les floralies de leurs oraisons et le fer de leurs
massacres. C'est pourquoi les Romains nous rappellent
opportunément qu'on ne hurle pas avec les loups, mais qu'on
porte la folie à la fureur et la fureur à la folie, et que ces
acteurs alternés de l'histoire se comblent d'éloges l'un
l'autre, comme il est démontré aux anthropologues sous la
sarcastique apologie érasmienne de la démence.
14 -
Conclusion
Décidément, l'anthropologie historique et philosophique se
révèle indispensable à la pesée des relations que la politique
de la démence entretient avec les autels du sacrifice ; car si
l'on ignore quel ciseau grave le souvenir réel d'un événement
dans le temps des fous et des sages et comment seule une éthique
de la raison décide de la définition même de ce qui est légitime
et de ce qui ne l'est pas, comment préciserons-nous le statut
d'une science de la mémoire oscillante entre le meurtre et la
prière? Et s'il appartient à la température des âmes de trancher
de l'historicité proprement animale ou transanimale des
évènements humains, demandons-nous quel thermomètre Zeus a
consulté quand il a éjecté de l'histoire réelle du monde une
France qui souhaitait la victoire de l'étranger sur elle-même et
demandons-lui de prononcer un jugement solennel afin de chasser
de France les "célébrissimes ministres de la folie du monde"
qui ont osé demander au peuple de Descartes et de Montaigne de
légitimer son propre déshonneur; et demandons au dieu Mars de
tirer de son fourreau le glaive de la justice que nos cœurs
appellent la France.
Publié le 18 janvier 2010 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez
Les textes de Manuel de Diéguez
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