A l'occasion de sa visite d'Etat
de trois jours en Chine, M. Nicolas Sarkozy a redit que la bombe
iranienne mettrait l'équilibre mondial en danger. Il
existerait un stabilisateur universel de la planète dont la
vocation naturelle serait de garantir un équilibre
durable sur tout le globe terrestre, il existerait un vocable
magique, l'équilibre, dont les vocalises symboliseraient un
statut réputé fixe et légitime en soi des peuples et des nations
censées appelées à se pétrifier dans une arène internationale
fossilisée.
Cette sacralisation de l'immobilité politique appelle une
réflexion sur le totem verbal d'équilibre, parce que
l'histoire se moque bien des piquets théologiques de la parole,
parce que Clio passe au large des dogmes qui jalonnent le
langage des chancelleries, parce que Clio ne connaît que des
gouvernements momentanément vissés à leur charge et dont la
vocation de défendre des intérêts nationaux pérennes est aussi
inébranlable que les réseaux de l'action sont changeants par
nature.
1 - La notion d'équilibre
2 - Du déséquilibre tripode au
déséquilibre quadripode
3 - Les hommes d'Etat en Pygmées
4 - Les quintuplés de saint
Matamore
5 - Notre embryon d'encéphale
6 - Les arpents de Jahvé
7 - Du statut cérébral et du statut
corporel des Etats
8 - Le plateau le plus lourd
9 - Une terreur de l'an mil en
miniature
10 - La réfutation des songeries
sacrées
11 -
M. Ahmadinejad et la sagesse de la Perse
12 - L'avenir de l'Iran
1 - La notion
d'équilibre
Tout pouvoir d'Etat est au service des ambitions constantes des
peuples lancés au milieu de récifs aux proportions sans cesse
variables. Le concept même d'équilibre est un exorcisme
sonore. En revanche, il est possible d'observer une succession
de micro déséquilibres dont l'enchaînement, hasardeux par
définition, sécrète le mythe d'une continuité qu'on couronne des
lauriers d' un destin.
Comment chaque instant d'une
nation s'y prend-il pour se revêtir de l'étoffe d'une permanence
fascinatoire? Comment les détenteurs d'une autorité politique
transitoire cèdent-ils fatalement à la tentation de croire et de
faire croire qu'ils maîtrisent et baptisent la durée? Comment se
fabriquent-ils des ligatures aux fils d'or afin de se cacher que
tout pouvoir est amphibologique, donc incapable par nature de
contrôler un fleuve capricieux?
Observons un instant comment les Etats craignent de laisser
paraître l'évidence qu'ils roulent sur les flots d'un siècle
menacé par les turbulences de l'abîme. Afin de se rassurer et de
rassurer la population sur les défis que leurs sceptres
éphémères lancent à des gouffres grands ouverts, ils prétendent
que les évènements transcenderaient la précarité effrayante d'un
Chronos toujours parcellisé, émietté, dispersé, donc
insaisissable. Aussi ne gouverne-t-on qu'à feindre de tracer des
sillages rassurants. Mais puisque le capitaine ne dispose
d'aucune carte marine qu'il lui suffirait de consulter pour
tenir d'une main souveraine un ferme gouvernail, puisque ce roi
des flots a les yeux bandés et se trouve à la merci du cyclone
qu'on appelle l'Histoire, cherchons quelques ports d'attache
dûment repérés et demandons-nous si la notion même d'équilibre
ne serait pas un conjurateur de la peur et l'expression d'un
effroi.
2 - Du déséquilibre
tripode au déséquilibre quadripode
Hubert Védrine confessait que la fameuse "communauté
internationale", dont il est convenu d'invoquer l'oracle
n'existe que dans les imaginations. Mais supposons un instant
que l'équilibre serait un contrôleur durable de la
navigation des Etats sur "l'océan des âges" du vieil
Hugo; supposons un instant que nous suivrions le cours d'une
rivière si bien balisée que ses rives connaîtraient le lit dont
elles bornent le creux. Dans ce cas, la France de 1958 n'aurait
eu qu'à bien se tenir; car l'équilibre du monde de
l'époque exigeait qu'elle renonçât sur l'heure et sans se faire
tirer l'oreille à une arme pécheresse, et cela au nom d'un "intérêt
général" toujours sanctifié par l'actualité; car la
prolifération d'une foudre locale se présentait déjà sous les
traits d'une menace mortelle pour la survie même de la planète
des simianthropes.
Naturellement, la France gaulliste a sagement commencé par se
doter de l'apocalypse mécanique, puis elle a signé sans
rechigner davantage le fameux traité de ligotage universel de
saint Matamore; et elle n'a rien demandé de plus que de profiter
au passage du monopole d'une apocalypse mythique dont
l'Angleterre, Etats-Unis et la Russie étaient encore seuls à se
partager l'outrance. Il est donc évident que l'arme nouvelle de
l'irénisme mondial de la France remplaçait seulement le
déséquilibre tripode du pacifisme antérieur par un déséquilibre
quadripode aussi provisoire que le précédent, mais non moins
saintement ambitieux de tenir le sceptre d'un Jupiter solitaire.
Non seulement la France née de la
Résistance avait conquis sans coup férir le rang d'un vainqueur
à part entière de la guerre, parce que Churchill redoutait
l'enchaînement ultérieur de l'Angleterre à une hégémonie
américaine dont son pays avait déjà rudement subi le joug tout
au long du conflit, mais, quelques années plus tard, le Général
de Gaulle avait été discrètement aidé par un général anglais
francophile, qui avait mis gentiment la France sur la piste de
la découverte du déclencheur de la bombe atomique, dont le
principe était simple à souhait et qu'on devait au Dr Teller,
mais dont la simplicité même défiait les cerveaux compliqués de
nos plus brillants polytechniciens.
Dans une Europe où elle passait
désormais pour triomphante, la France faisait coup double, parce
que ce continent jusqu'alors tout entier privé de la foudre
théologale sortait de l'étau qui l'enserrait entre le feu
atomique anglo-saxon et celui de l'ex-empire des Tsars. A
s'armer à son tour du brandon de l'excommunication majeure des
modernes, non seulement le Général de Gaulle faisait changer de
statut géopolitique au Vieux Monde tout entier, mais il
s'assurait l'exclusivité du rang d'un Etat efficacement mythifié
par l'absurde dans cette partie du globe, puisque les vaincus de
la dernière guerre, l'Allemagne, l'Italie et le Japon se
trouvaient condamnés pour longtemps à s'interdire l'accès aux
simulacres du fantastique.
Pour un nouveau déséquilibre
pseudo militaire, c'en était un, et de taille; mais sa dimension
même dissimulait l'évidence qu'il ne s'agissait néanmoins que
d'une secousse tellurique modeste, donc d'un ébranlement limité
du royaume de l'apocalypse onirique. Cet édifice para religieux
était déjà tellement fissuré sur toutes ses façades que cette
brèche supplémentaire se rendait seulement un peu plus visible
que les précédentes. Et pourtant un tremblement de terre appelé
à cacher les lézardes d'un bâtiment déjà vacillant est
intéressant à observer, parce que le découpage arbitraire du
globe terrestre en cinq continents seulement révélait un
déséquilibre qui n'avait pas suffisamment attiré l'attention des
géographes et qui allait enfin alerter quelques vrais hommes
d'Etat.
3 - Les hommes d'Etat en Pygmées
En vérité, il n'y avait pas
encore de scène sur laquelle la bouffonnerie guerrière
simiohumaine et ses représentations délirantes pouvaient se
produire. Le nucléaire onirique anglo-saxon avait été bâti sur
la consubstantialité des jumeaux accotés aux rives de l'Océan
Atlantique ; mais le nuage des peurs irraisonnées qui montait
des steppes de Russie allait faire débarquer l'Asie dans
l'aréopage des géants de la mort simulée. L'astéroïde des jeux
auxquels une espèce semi animale se livre avec son propre trépas
entrait dans les brumes d'un déséquilibre mental dont la source
ne se trouvait plus dans les embarras et les feintes des trois
premiers Jupiter, déjà tout empêtrés dans leurs éclairs
inutiles, mais dans la montée en puissance du cinquième
continent.
Il allait devenir d'un ridicule
criant que l'Asie fût censée s'étendre de la frontière
polono-russe à Vladivostock, de la Sibérie à la Chine, de Pékin
à New-Delhi et du Pakistan au Moyen Orient sous prétexte que des
géographes en chambre avaient décrété, trois siècles auparavant
que le globe terrestre se présenterait pré-découpé à jamais
entre cinq continents.
A partir de l'instant où cinq
acteurs nucléaires montaient sur les planches d'un théâtre tout
frémissant des fariboles du suicide - la Russie, la Chine,
l'Inde , le Pakistan et Israël - que penser du découpage d'une
terreur jouée sur les planches d'un théâtre contrefait, que
penser des acteurs tout affairés à se masquer en scène, alors
que leur négligence antérieure à l'égard d'un cinquième
continent informe, immense et insaisissable les réduisait tous à
un rang secondaire? Le globe oculaire de l'Occident des Cyclopes
commençait de se focaliser sur l'autre versant d'une terre plus
déséquilibrée que jamais, mais vers laquelle l'histoire
véritable avait commencé de courir à toute allure au cours de la
guerre précédente et à laquelle l'ascension retardée du Japon de
Hiro Hito et de la Chine de Mao Tse Dung avait servi de prélude.
En politique, la courte vue des
nains qui se prennent pour des hommes d'Etat ne les rend pas
immédiatement suicidaires; car si leur regard s'étend trop loin
et se fixe sur un horizon inaccessible, l'histoire poussive leur
rend le service inattendu de mieux les ficeler à leur chariot,
tandis que seule une vaine postérité vient jeter sur la tombe
des géants les lauriers d'une gloire paresseuse et déjà à demi
effacée.
4 - Les quintuplés
de saint Matamore
Mais si un pygmée d' homme d'Etat se livre du moins au vertige
passager d'une réflexion d'anthropologue en herbe sur la notion
d'équilibre politique, il se demandera quelle est la
myopie propre aux théologiens de l'auto extermination nucléaire.
Pourquoi jugent-ils maintenant à ce point périlleux le faux
équilibre dont souffre le Moyen Orient qu'ils croient le voir
accoucher de rapports de force mortifères entre un Iran
satanique et un Israël séraphique? En quoi la dissémination
passagère de cinq Zeus nucléaires asiatiques entre cinq
apocalypses aussi oniriques les unes que les autres
assurerait-elle la sécurité de la planète tout entière, tandis
que la seule entrée du Lucifer de Téhéran dans le club des
saints interdirait la paix universelle et la stabilisation
éternelle de la folie du monde? Que signifie la notion même d'équilibre
politique entre cinq épouvantails florissants en Asie si l'elixir
de la foudre placée entre les mains des élus occidentaux est
tout aussi vain et si personne n'ose plus brandir l'innocence
nucléaire sur la tête des pécheurs?
En
vérité la France avait bien davantage bousculé le faux
équilibre de la terreur bicéphale qui régnait encore sur le
monde au milieu du siècle dernier que ne le pourra jamais le
Prométhée iranien quand son heure sera venue d' escalader
benoîtement l'Olympe déjà fatigué des apocalypses asiatiques. La
question posée à l'homme d'Etat de stature moyenne - celui dont
la vue n'est frappée ni d'une myopie inguérissable, ni d'une
presbytie qui le propulserait dans la stratosphère - n'est-elle
pas de se demander du moins où se cache l'acteur en chair et en
os qui semble avoir façonné le misérable entendement du genre
simiohumain sur toute la terre habitée? Comment s'appelle-t-il,
l'auteur comique auquel nous devons le chef d'œuvre du rire que
l'on sait? Quel exploit sans exemple de la plume que de meubler
comme en se jouant le microscopique encéphale de notre espèce de
tant de billevesées hilarantes que toutes les nations censées
saines d'esprit appellent maintenant le dieu des armées à éviter
une explosion de la mappemonde qui, à les entendre, résulterait
fatalement d'un Iran enfin campé à armes égales face à Israël!
Mais toute réflexion
anthropologique sur un point aussi énigmatique conduirait
nécessairement l'homme d'Etat à se poser une question plus
littéraire encore que toutes les précédentes. Car, se dirait-il,
cent quatre vingt dix nations ont signé un traité selon lequel
les huit propriétaires actuels de la bombe à vaporiser le
simianthrope prononceraient le vœu solennel et irrévocable de
s'en défaire progressivement, donc avec une lenteur intéressée,
tandis que tous les autres candidats à d'éternelles dévotions
jureraient promptement et la main sur le cœur que, pour leur
part, ils ne mangeront pas une miette de la pomme que leur tend
le Démon tentateur des modernes.
On
voit, hélas, que la réflexion de fond à laquelle même un homme
d'Etat de petit calibre se trouve conduit se révèle
simianthropologique par nature et par définition, donc du
ressort d'une radiographie du singe semi pensant, puisque
l'apocalypse est un concept né dans l'arène verbale des
religions du salut. Mais l'homme d'Etat en apprentissage de sa
tête n'en est pas quitte pour autant avec sa minusculité
cérébrale. Car, de leur côté, cent vingt huit Etats refusent
tout net de se ruer tête baissée dans une fantasmagorie
militaire de ce genre et s'indignent haut et fort de ce qu'à
elles seules, l'Amérique et l'Europe se présentent sous les
traits faussement iréniques de la sainte "communauté
internationale" invoquée par M. N. Sarkozy et moquée par M.
Hubert Védrine.
5 - Notre embryon
d'encéphale
Mais voyez comme ce jeu de tric trac ne va pas tarder à se
compliquer encore davantage: certes, le Brésil et la Turquie
voient si loin dans les nœuds de la sottise du monde qu'ils ont
pris la tête d'un combat de la raison trans-animale de demain
afin de tenter d'ouvrir les quinquets du singe tétanisé. Mais
comment se fait-il que M. Barack Obama ait semblé voir clair
dans ces ténèbres, comment se fait-il qu'il ait même tenté de
dessiller les yeux de ses congénères sur tout le globe
terrestre, comment se fait-il que l'univers musulman tout entier
soit ensuite demeuré pétrifié de surprise au spectacle du
naufrage de la lucidité d'un Président des Etats-Unis pourtant
un instant arraché à son sommeil et comment se fait-il que M.
Nicolas Sarkozy ait pu lui asséner des mois durant que l'Iran
incarnait le serpent de la Genèse? Pour que l'hôte de l'Elysée
n'ait pas été vigoureusement rabroué, il faut évidemment que la
notion bêtasse d'équilibre universel invoquée par le
Président actuel de la République française ne l'ait pas fait
assez vertement remettre à sa place. Du coup, nous voici
conduits comme par la main non seulement à la question de l'équilibre
des forces entre Israël et le reste du globe terrestre, mais à
celle de l'équilibre actuel des forces entre la raison et
la folie, l'intelligence et la sottise, la lucidité et la cécité
du simianthrope aux yeux bandés.
Car si Israël s'est rendu le
maître de l'encéphale de la moitié du genre simiohumain et si,
dans l'état présent du cerveau de cet animal, la portion de sa
masse rendue semi réflexive n'est pas encore devenue
suffisamment prédominante pour imposer ses clartés partielles
aux spécimens demeurés plus aveugles dont elle se trouve encore
majoritairement composée, la vérification expérimentale
audacieuse d'une hypothèse aussi risquée se trouvera à portée de
main de la minorité résolument pensante qu'on voit germer au
sein de tous les autres peuples et de toutes les autres nations
de la terre; car la majorité d'une espèce encore plongée dans
les ténèbres croit dur comme fer qu'il sera possible de fonder
un Etat souverain qui se partagerait souverainement une seule
capitale, puis qu'Israël recevrait souverainement les
descendants des habitants qu'il a expulsés il y a soixante trois
ans et dont le nombre atteint maintenant quelque cinq millions
et demi de personnes, puis qu'Israël s'amputerait souverainement
de tous les territoires qu'il a conquis les armes à la main
depuis 1948.
Comment se fait-il qu'il demeure impossible à la minorité
devenue relativement cogitante sur une planète gentillette de
convaincre la multitude de ce que la démocratie mondiale
perdrait à jamais tout fondement éthique de sa politique si elle
cédait à la folie sans remède de prétendre légitimer un Etat sur
le fondement de la validation religieuse et de la sanctification
éternelle du vol du territoire de son voisin? Mais M. Nicolas
Sarkozy ne joue-t-il pas sur le velours de l'hérésie, lui qui
bâtit toute sa politique sur l'apologie et même sur le
panégyrique du déséquilibre le plus sacrilège de tous?
Car il béatifie le blasphème selon lequel l'inégalité des
cerveaux entre lesquels les spécimens actuels des évadés de la
nuit animale se partagent, serait irrémédiable au point
qu'Israël aurait été élu par un Jahvé de la raison et de
l'intelligence pour occuper à jamais les terres d'une population
cérébralement retardée.
On voit que la critique
psychogénétique de la boîte osseuse de notre espèce demeure
au-dessus des capacités cérébrales de l'homme d'Etat de stature
moyenne. Mais ce phénomène n'est pas nouveau. Depuis trois mille
ans, l'humanité se divise à des degrés divers entre les cerveaux
mythologiques et les cerveaux alertés. De nos jours encore, cinq
cent millions de simianthropes croient manger de la chair à la
fois réelle et divine et boire un sang tout ensemble sacré et
physique sur les autels qu'ils dressent à leur idole, tellement
la découverte de la séparation entre la matière et le symbole,
la substance et le signe, les corps et les métaphores n'a pas
encore triomphé dans le tabernacle cérébral qui couronne notre
espèce; et gardons-nous d'oublier que ces distinctions depuis
longtemps familières aux physiciens n'a débarqué sur la place
publique qu'au XVIe siècle et encore, tout partiellement chez
Luther et seulement un peu plus complètement chez Calvin. Aussi
la question de savoir si Israël est un personnage physique ou
mental continue-t-elle de diviser les chancelleries.
6 - Les arpents de
Jahvé
Ce blocage cérébral du
simianthrope originel se vérifie plus spectaculairement que
jamais à l'heure où le globe oculaire de la malheureuse espèce à
laquelle nous appartenons nous divise entre les quelques
individus qui voient clair comme le jour la situation politique
réelle qui s'étale sous leurs yeux grands ouverts en Israël et
l'immense multitude qui jette sur ce spectacle le voile d'un
double mythe religieux, tantôt le démocratique, dont la
sacralité confuse et fractionnée prétend légitimer la
dépossession de ses terres d'un peuple vieux de plusieurs
millénaires, tantôt le biblique, qui invoque, droit dans ses
bottes, le cadeau dûment enregistré par les ancêtres qu'une
divinité primitive leur aurait fait il y a quatre mille ans.
Mais, dans le même temps, la minorité cérébralisée de la planète
voit que seul un regard de l'extérieur sur l'encéphale schizoïde
d'une espèce demeurée semi animale conduira un jour la raison
politique mondiale à une analyse psychobiologique en mesure
d'éclairer du dehors les notions d'équilibre et de déséquilibre
cérébral qui égarent le singe dichotomisé sous son os frontal.
Quand M. Nicolas Sarkozy se sait et se veut l'instrument et
l'otage d'Israël, quand il approuve l'ultime stratégie de Jahvé
d'attaquer la Syrie afin de contraindre, par ce détour, l'Iran à
se porter au secours de Damas, il ignore entièrement la
psychogénétique à laquelle l'histoire du monde obéit et qui
situe le conflit du Moyen Orient sur l'échiquier de la
simianthropologie critique; car il invoque l'équilibre
qu'il croit détecter sous un déséquilibre politique qu'il
ne voit qu'au premier degré - celui qui se contente de peser et
de calculer les forces militaires respectives d'Israël et de
l'Iran - alors que le déséquilibre abyssal à considérer
est celui qui frappe une matière grise scindée entre le réel et
le mythe et qui pilote encore un animal à la fois embryonnaire
et germinatif, donc suspendu de naissance entre son ciel et ses
songes, sa terre et ses mythes, ses dieux et ses arpents. C'est
pourquoi l'homme d'Etat d'aujourd'hui n'est encore que
l'instrument inconscient et passif de l'histoire qu'il croit
guider ; et c'est pourquoi la postérité dira de lui qu'il a
passé au grand large des promesses cérébrales de son temps.
7 - Du statut
cérébral et du statut corporel des Etats
Comment l'encéphale du singe
onirique et celui du singe éveillé vont-ils donc entrer en
collision ? Selon un modèle constamment expérimenté dans le
passé. Pour l'instant, on voit remuer les lèvres des
participants aux pseudo négociations ouvertes au Moyen Orient et
qui permettent seulement aux deux parties de cacher leurs songes
théo-politiques sous un vain babillage. Mais l'heure sonnera
fatalement où l'on verra les vraies pièces du dossier débouler
sur la table. Que se passera-t-il quand on se pincera et se
tâtera au spectacle des enjeux sur lesquels on fermait
obstinément les yeux? Car les faits retireront sans pudeur leurs
vêtements sacrés et se montreront tous nus dans l'Eden: les
faits, les faits, les faits…
Alors l'Israël biblique ne
parviendra plus à nier qu'il ne veut à aucun prix entendre
parler d'un partage de Jérusalem ni rendre un seul arpent des
saints territoires qu'il a conquis sur l'ordre de Jahvé - et
encore moins accueillir des réfugiés impurs - alors que, de leur
côté, les Palestiniens comprendront, mais un peu tard, que les
murailles de Jéricho ne tomberont jamais devant les Josué
bavards de la démocratie mondiale. L'anthropologie critique est
une prophétesse des évidences: elle annonce le débarquement d'un
grand prodige de la raison parmi les aveugles et les sourds, à
savoir qu'on se demandera jusque dans les chancelleries aux
mains jointes par quel miracle de l'histoire Israël campe en ces
lieux et pourquoi ce pseudo Etat se promène en long et en large
sur le territoire d'autrui, et comment ses chromosomes ont
franchi tous les obstacles placés sur leur route pour faire
débarquer sur la planisphère un pays installé exclusivement dans
les têtes depuis deux mille ans.
Une science historique encore
tellement ignorante des arcanes psychobiologiques des peuples
qu'elle ne sait comment un Etat parvient à passer de son statut
cérébral à un statut corporel fatalement voué à s'évanouir après
quelques années de vaine figuration sur les planches, une telle
science des nations demeurera infirme aussi longtemps que
l'anthropologie historique ne lui aura pas enseigné à calculer
la durée des nations malades de leurs songes. Certes, le reste
du monde ne lancera ni tanks, ni cavalerie, ni phalanges
macédoniennes à l'assaut des murailles d'un Etat dont le fantôme
aura paru s'incarner un instant. Mais bientôt le monde entier se
demandera comment une fiction devenue musculaire résisterait au
désaveu, au mépris et à la fureur de la portion de l'humanité
qui s'obstine à distinguer le ciel de la terre.
8 - Le plateau le
plus lourd
Et pourtant, une théorie générale
des relations tempétueuses que l'humanité entretient avec la
moitié onirique de son encéphale - donc les Etats avec le
royaume des songes qui les coiffe - commence de dessiner ses
contours. Car bien avant Israël, le christianisme s'était, lui
aussi, divisé entre ses prédateurs des arpents du ciel de ceux
des labours. Longtemps, longtemps la mystique du salut par la
potence a glorifié les guerriers qui montaient à l'assaut de
l'absolu les mains nues. Certes, la doctrine officielle de
l'Eglise ne pouvait manquer d'alléguer que le croyant ne saurait
s'installer même à demi dans le royaume de Dieu de son vivant
sans l'aide discrète, mais indispensable du souverain du ciel;
mais cette restriction mentale résultait seulement de ce qu'il
fallait se garder de paraître empiéter sur les prérogatives d'un
propriétaire des nues qui feindrait de se laisser bousculer.
Le christianisme n'en a pas moins
conquis de vastes territoires la croix dans une main et l'épée
dans l'autre - et cela tout le temps que sa puissance temporelle
lui en a fourni les moyens. Quelques anthropologues en ont
conclu qu'Israël serait un plus doux prédateur de la Judée que
de la Jérusalem céleste. Mais leur balance s'est trompée dans la
pesée des exploits respectifs des encéphales mi-célestes et
mi-terrestres du singe bipolaire; car la dichotomie cérébrale de
l'espèce semi réflexive révèle que le plateau le plus lourd est
toujours celui du temporel et qu'Israël ne fait qu'obéir à la
règle qui commande les exploits d'un animal schizoïde de
naissance.
9 - Une terreur de
l'an mil en miniature
A quel moment l'erreur religieuse
apparaît-elle en tant qu'erreur? On sait que les fausses
sciences se trouvent réfutées par des démonstrations logiques et
expérimentales confondues. C'est pourquoi il a fallu attendre
les observations astronomiques de Tycho Brahé pour se livrer aux
calculs nécessaires à la mise en évidence définitive de
l'héliocentrisme. Puis, la physique copernicienne a provoqué une
protestation durable des esprits religieux - mais la physique
mathématique a toujours le dernier mot, tandis que les erreurs
religieuses ne périssent jamais pour avoir été réfutées, mais
seulement parce qu'elles se dissolvent lentement dans l'oubli.
Jamais l'Eglise réduite par des calculs à enterrer l'astronomie
de Ptolémée ne renoncera pour autant à l'arme de
l'excommunication majeure, par exemple, ou à quelqu'autre mythe
dont l'emploi politique tombe seulement et toujours peu à peu en
désuétude.
Il en sera de même du
machiavélisme nucléaire. Mais pourquoi les Etats ne
proclameront-ils jamais sans vergogne, eux non plus et à la face
du monde qu'il ne s'est jamais agi d'une arme militairement
utilisable, mais d'une copie mécanique maladroite de l'épouvante
religieuse posthume? Parce que les erreurs sacrées ne résultent
pas d'une insuffisance des instruments physiques du savoir, mais
d'une sottise effrontément calculée. Aussi, jamais des Etats
démocratiques pourtant censés fondés sur des victoires
spectaculaires de la raison et de la science prométhéennes
n'admettront qu'elles auront feint de partager pendant près d'un
siècle la croyance en l'efficacité sur le terrain d'un mythe
guerrier de type vétéro-testamentaire et que la civilisation de
la Liberté aura habilement conduit à une régression cérébrale
simulée, le Prince nouveau exploitant l'inconscient atavique des
peuples et des Etats les plus modernes.
C'est pourquoi l'Iran ne
parviendra pas à convaincre les Machiavel de leur propre sottise
d'honorer publiquement et toute honte bue le vœu faussement
dévot de l'amputation volontaire auquel ils se sont engagés par
serment sur les autels de la démocratie mondiale. Les grandes
puissances n'ont-elles pas juré solennellement d'immoler le
nucléaire biblique sur les offertoires de la nouvelle piété
politique du monde? Hélas, il est aussi difficile de proclamer
qu'une arme terrestre est inutilisable pour cause de stupidité
que, pour l'Eglise, d'avouer la sottise du gigantesque simulacre
de l'excommunication majeure et, dans le même temps, les
titanesques florentins de la politique nucléaire sont aux abois.
Ne confessent-ils pas d'ores et déjà qu'ils ne seront jamais en
mesure de décourager les petits candidats de conquérir à leur
tour une foudre aussi imaginaire que benête aussi longtemps que,
de leur côté, ils se vanteront bruyamment de la conserver au
frais sous leurs hangars coûteux?
10 - La réfutation
des songeries sacrées
Telle est l'aporie
simianthropologique à laquelle l'esprit thermonucléaire est
livré dans un monde où Zeus n'escalade plus qu'un Olympe de
centrifugeuses inutiles. Mais les écailles tomberont désormais
des yeux des fidèles à l'école des seules décennies. Personne
n'a réfuté ni ne réfutera la foudre de Grégoire VII. Mais si
Benoit XVI s'avisait de recourir au sceptre de l'excommunication
majeure qui armait le bras de ses lointains prédécesseurs, le
monde entier éclaterait d'un rire homérique, parce que la
longévité des songeries sacrées s'est considérablement
raccourcie. Aussi le problème psycho politique que le mythe
nucléaire pose à M. Ahmadinejad est-il du ressort de la
simianthropologie européenne. Les progrès de cette science
nouvelle ne rencontreront pas les mêmes difficultés à vaincre
les lenteurs de l'histoire que Voltaire ou Diderot à réfuter
l'excommunication majeure du XIe siècle, puisque, les
mythologies sacrées se laissent maintenant terrasser à l' école
des raisonnements implacables des philosophes, tellement la
chute de leur démence dans la honte a pris un rythme précipité.
M. Ahmadinejad est le premier
chef d'Etat rationaliste qui ait pris le risque politique de
proclamer publiquement et depuis plus de deux ans que l'arme
thermonucléaire n'est pas militaire. On feint de ne pas
l'entendre. Mais les mythes ne sont plus durs d'oreille à
perpétuité: dans un lustre à peine, Clio va recouvrer l'ouïe.
11 - M. Ahmadinejad
et la sagesse de la Perse
Une nation de soixante quinze
millions d'habitants ne saurait se retirer toute seule de
l'arène de la terreur mythologique dans laquelle l'humanité
esquive les cornes épointées d'un taureau de plus en plus
indocile à foncer dans le leurre. Le devoir politique de tout
gouvernement de la Perse est d'attendre patiemment qu'on
débusque le malin qui feint de se cacher derrière le chiffon
rouge. Bientôt la lente évolution de l'encéphale théopolitique
du simianthrope permettra à l'Iran de se rallier à un progrès
tardif de la boîte osseuse de l'humanité qu'il ne lui appartient
nullement de précéder aveuglément et à son évident détriment.
Aucun Etat digne de ce nom ne saurait jeter les fausses armes de
son siècle avant les Goliath et les Tartuffe de leur folie. La
sagesse la plus élémentaire, et aussi, sa dignité lui ordonnent
d'attendre que le soleil des Copernic succède à celui des
Ptolémée.
Cette question n'est pas tellement prématurée qu'elle peut le
paraître. Le 3 mai 2010, M. Ahmadinejad s'est donné à nouveau le
luxe d'exposer, sans danger immédiat pour son pays et devant
l'aréopage complet de l'Assemblée des Nations Unies la cécité
anthropologique à laquelle le monde se trouve actuellement
livré. Certes, la presse et la radio françaises se sont
contentées de relater que le malheureux avait "prononcé une
diatribe contre les puissances nucléaires" et que
huit délégations vertueuses, dont l'américaine, l'anglaise, la
française et l'allemande, ainsi que M. Ban ki Moon avaient
quitté la salle avec des mines hypocritement outragées. Mais M.
Ban ki Moon est néanmoins revenu en séance avant la fin du
discours sacrilège! Les mêmes médias ont également oublié de
souligner que ce chef d'Etat a été applaudi à tout rompre par
les autres démocraties et que la petite Suisse elle-même a osé
déserter sa neutralité pour condamner l'immoralité des grands
Etats qui menacent les petits de les pulvériser.
En
vérité, le discours du 3 mai n'était que le premier étage de la
fusée dont le second allait place M. Ahmadinejad et l'Iran sur
orbite planétaire. Le 17 mai, Téhéran réunira un sommet des pays
du G15. Bien que non membres de ce mouvement dit des "non
alignés", et fondé par dix-huit Etats en 1989, la Turquie,
la Syrie et le Qatar seront présents aux côtés du Brésil, du
Vénézuéla, de l'Algérie, du Sénégal, du Zimbawé, du Sri Lanka,
de l'Indonésie, de l'Egypte, de l'Inde, du Kénya, du Nigeria.
Dans le même temps, la Russie et la Chine ont renouvelé leur
refus de toute sanction économique contre Téhéran.
Si
une Allemagne et une France gaullistes se voulaient les moteurs
de l'émergence du monde des non-alignés de demain, quel nouvel
équilibre succèderait au déséquilibre actuel! Au lieu de cela,
le déséquilibre européen est devenu un monstre heptapode: on y
compte sept chefferies dont aucune ne sait sur quel pied danser.
Primo, la Commission de Bruxelles, qui voudrait piloter
les budgets des Etats-membres sans leur proposer une politique
planétaire commune; secundo, un président du Vieux Monde
qui ignorait que le carrousel dees présidences tournantes n'a
pas été aboli par le traité de Lisbonne et qui attendait un
aimable coup de fil de M. Barack Obama ; tertio, une
Espagne qui a échoué à faire venir le Président des Etats-Unis
autour de vingt-sept tasses de thé; quarto, une Mme
Ashton qui entend engager huit mille diplomates pour représenter
une Europe sans vocation et sans destin sur la scène
internationale; quinto et sexto, un président de
la banque centrale du Vieux Monde et un président de l'eurogroupe
privés de toute initiative politique à l'échelle mondiale;
septimo, un couple franco-allemand dont l'un lorgne vers la
Pologne, la Russie et la Chine et l'autre voit sans broncher
Israël réduire sa politique arabe en cendres.
Souvenons-nous de la flotte pantagruéline qui fit escale en
l'île Tohu-Bohu et en celle de Médamothi, qui signifie "nulle
part" en grec . Quand entendrons-nous l'oracle de la dive
bouteille conclure avec Rabelais: "Lors trouvâmes tous nos
navires au port"?
12 - L'avenir de l'Iran
Quel entr'acte inattendu de la pensée politique de la France que
celui où la nation de Montaigne et de Descartes aura qualifié
d'équilibre mondial les deux gigantesques déséquilibres de la
planète bancale d'aujourd'hui. D'un côté, et en pleine paix,
l'Allemagne et l'Italie demeurent occupées respectivement par
deux cents et par cent trente sept gigantesques places fortes
américaines, de l'autre, Israël vient de faire voter par la
chambre des représentants du peuple américain et à la barbe de
M. Barack Obama - qui aura dû feindre de s'y associer - un
crédit de deux cent cinquante millions de dollars
supplémentaires afin de protéger le " peuple élu " des trois
monstres du Loch Ness censés le menacer, la ville exsangue de
Gaza, le Hamas et le Hezbollah. Voilà une équation tellement
déséquilibrée que le culte de l'équilibre dont M. Nicolas
Sarkozy est censé témoigner renvoie la pensée logique mondiale
dans les cordes, mais conduit l'anthropologie politique
française à l'examen des jeux de l'encéphale simiohumain avec
les puissants et les faibles.
Car le retard mental de l'Europe permet à l'Iran de prendre une
singulière avance sur la boîte osseuse bancale de la planète du
XXIe siècle puisque Téhéran s'adresse à des aveugles et à des
sourds d'un côté, mais de l'autre, à la portion éveillée de
l'humanité. On attend la plume française qui racontera la suite
des Lettres persanes. Usbeck écrirait que la prise
de conscience de la scission psychogénétique entre les cerveaux
d'avant-garde et les cerveaux théologiques a d'ores et déjà
débarqué en force sur la scène internationale, que que la bombe
de la stupidité sera jetée à la ferraille sans un mot et que la
nouvelle et éphémère excommunication majeure aura ressemblé à la
précédente en ce qu'elle s'se sera trouvée mise hors d'usage
elle aussi pour n'avoir été utilisée qu'une seule fois.
-
A propos de la bombe nucléaire de
l'Iran, Esquisse d'une théorie générale de l'inconscient
religieux du cerveau des démocraties,
21 septembre 2009
Mais quelle expérience sur le vif que ce raccourci de l'histoire
simianthropologique d'une foudre décédée! Le christianisme
n'avait fait débarquer sur la terre le cerveau schizoïde de
l'humanité que pour deux ou trois décennies. La bible des
chrétiens raconte elle-même la brève folie du prétendu règne du
royaume de Dieu à Jérusalem. La mise en scène littéraire du
mythe par les Cervantès, les Swift et les Voltaire a produit des
chefs-d'œuvre qu'on lit encore dans nos écoles. Puisse le génie
de la planète des écrivains de demain ressusciter le songe
suicidaire qui n'aura enflammé les fous qu'un petit siècle
seulement.