A
chaque siècle, des rêves mieux adaptés aux circonstances font
débarquer de nouvelles espérances religieuses dans les
encéphales, donc dans une politique universelle censée pilotée
par des dieux; et c'est à ce titre que le synode de Rome fournit
une pièce d'orfèvrerie sans pareille aux méthodologistes de
l'histoire mentale de l'humanité. Observons donc sur le vif
comment une doctrine dite révélée éclaire en retour la science
historique et la politique du genre simiohumain sur la terre.
L'anthropologie critique constate, puis s'attache à expliquer ce
qu'elle a montré du doigt. Mais nulle autre science n'est à ce
point spectatrice de ce qu'elle se propose de comprendre; car
elle enseigne que l'attention intellectuelle doit se trouver
vivement attirée au préalable sur des faits extraordinaires pour
que les évènements se décident à alerter les intelligences
questionneuses. On sait depuis Aristote que l'étonnement précède
nécessairement l'examinatrice suspicieuse qu'on appelle la
pensée. La stupéfaction proprement philosophique commence donc
par percevoir le caractère énigmatique des observations que
l'entendement endormi de l'humanité néglige de décrypter. Mais
si la raison critique s'attaque toujours et par définition à des
mystères censés éclaircis depuis belle lurette aux yeux d'une
ignorance sûre de sa science, elle irrite nécessairement à
prétendre résoudre des problèmes tenus pour indignes de se
trouver seulement soulevés L'opinion générale entre fatalement
en fureur de ce qu'on vienne bousculer des savoirs paisiblement
établis et qui dormaient à poings fermés. C'est pourquoi, de
Socrate à nos jours, l'histoire de la philosophie est une
martyrologie; et c'est pourquoi cette discipline est condamnée à
offusquer jusqu'à la profanation incluse les faux détenteurs
d'une "vérité" dont la ciguë vengera la sottise offensée.
2 - La
démocratie et la profanation philosophique
Il en est ainsi
de la théologie de la Liberté censée inspirer les démocraties
sur le terrain de l'histoire. On sait que les oracles tout
récemment prononcés par ce régime politique sont ceux d'un
évangile des droits de l'homme. Mais la plus grande pseudo
démocratie du monde vient de déclarer qu'elle arbitrera
désormais des négociations fantasmagoriques entre un prédateur
expressément autorisé à poursuivre ses exactions et une victime
censée défendre des biens mis d'avance en possession de son faux
interlocuteur.
Quel est le statut anthropologique des
personnages fabuleux - on les appelle des idéalités - qui se
promènent sous le crâne des descendants du chimpanzé de type
religieux et pourquoi ces acteurs imaginaires sont-ils appelés à
monter armés jusqu'aux dents sur les planches de l'histoire du
cerveau simiohumain? Si Rome s'est sentie outragée par
l'héliocentrisme, les vaccinations, l'évolutionnisme, la
psychanalyse, la procréation assistée, les recherches sur les
embryons, le décryptage du code génétique, c'est que l'os
frontal de tous les peuples de la terre abrite des certitudes
religieuses cimentées par des dogmes réputés infaillibles; et si
les cosmologies mythiques sont en béton armé, c'est parce que
les encéphales solidifiés de la sorte se révèleront moins
flottants et plus aveuglément résolus aux combats dans lesquels
ont les enrôlera que les boîtes osseuses condamnées à séparer le
vrai du faux par des frontières aux tracés incertains et
changeants. C'est pourquoi la démocratie mondiale demande au
peuple palestinien de rendre vaporeuse la notion de frontière
dans sa tête, tandis qu'Israël trace sur le terrain des lignes
de démarcation bien réelles et les armes à la main.
On voit que le
débat ne porte pas seulement sur la qualité ou la faiblesse des
armes cérébrales qui conduisent l'espèce simiohumaine sur les
champs de bataille, mais également sur la nature même de
l'étrange animal qui s'avance masqué sous le puissant
appareillage des songes religieux dont la double vocation est de
piloter son encéphale et de lui servir de cuirasse sur la terre.
3 - M.
Esdras Netanyahou
Qui est Israël?
Quelle est la ligne de démarcation que cette nation trace entre
le sol et le monde fantastique qu'elle court habiter le glaive à
la main? Prenons le chemin d'une radiographie
simianthropologique de la théologie et de la politique
astucieusement emmêlées dont la cohérence interne a conduit
Esdras à tirer les conséquences, logiques dans leur ordre, de la
décision souveraine de Jahvé d'élire le seul peuple juif pour le
sien, c'est-à-dire d'en élever motu proprio toute la population
au rang de ses croyants exclusifs. Mais un peuple ne délègue son
corps surréel à un tiers mythique que pour se voir aussitôt payé
de retour, et cela non seulement le plus généreusement possible,
mais rubis sur l'ongle. D'où il résulte que les porte-parole
reconnus du maître de l'univers - les élus de Jahvé -
deviendront aussi nécessairement les chefs légitimes de la
planète tout entière que M. Benjamin Netanyahou de la Judée à la
suite de l'élection M. Barack Obama.
Mais Jahvé avait été vaincu à plate couture
sur le champ de bataille. Son émule de Washington le sera-t-il à
son tour ? Dans ce cas, voyons comment Israël se demandait, à
l'époque, s'il n'avait pas eu grand tort de faire faux bond à
ses dieux d'autrefois et de les planter sans ménagement au bord
de la route au seul profit d'un tard-venu dont le viatique
répondait si mal à la demande. Les idoles laissées pour compte
n'allaient-elles pas débarquer derechef et se venger du
solitaire prétentieux qui avait trompé Israël sur sa puissance
véritable dans l'univers?
Le règne de Josias, le grand vantard auquel on doit la première
rédaction du Deutéronome, s'était piteusement
terminé: il avait été tué à Megiddo en -609 par le pharaon
Nechao II, auquel il prétendait interdire le passage de son
armée sur les terres de la Palestine. La défaite et la mort de
Josias aux gorges de Megiddo avaient été ressenties comme un
désastre théologique tellement incompréhensible que cette
tragédie est passée à la postérité sous la dénomination
araméenne et symbolique d'Armageddon (Ar-Megiddo, Ar-Mageddo,
la montagne de Megiddo). Sept siècles plus tard, cette
bataille, devenue légendaire dans les esprits, se trouvera
racontée dans l'Apocalypse des Evangiles chrétiens, où elle est
devenue synonyme d'un cataclysme mythique. La démocratie
mondiale court-elle à son tour vers un Armageddon de son mythe
de la délivrance? M. Barack Obama sera-t-il le l'Artaxerxès II
d'Israël et M. Netanyahou son Esdras?
4 - Les
embarras du nouvel Esdras
On sait qu'Esdras était rapidement devenu une autorité
religieuse respectée, donc redoutée. C'est à ce titre qu'il
avait convaincu mille six cents compagnons de captivité enrichis
à ses côtés de former une sorte de régiment ou de phalange de
guerriers messianiques. Ce personnage officiel - il était devenu
le secrétaire et le fondé de pouvoir de l'empereur Artaxerxès II
- s'était fait donner des sauf-conduits pompeux : aux yeux des
satrapes et des gouverneurs, son déplacement solennel était
celui d'un dignitaire de haut rang de l'empire. De plus, son
document d'habilitation précisait qu'il était chargé "d'enseigner
et d'imposer en Judée la loi du Dieu qui est écrite dans le
passeport". Le livre qu'il avait mission de porter de
Babylone en Judée n'était autre que la Thora, à savoir les cinq
livres connus sous le nom de Livres de Moïse: Genèse,
Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome. Aussi le pouvoir
céleste du catéchète frappait-il les éventuels récalcitrants
d'amendes, d'emprisonnement et même de la peine capitale.
Qu'adviendra-t-il
des évangiles que Washington aura remis entre les mains d'Esdras
afin qu'il enseigne et impose la loi du Dieu de la démocratie
aux autochtones ? Il faut savoir que l'exil d'un demi-siècle
d'une partie du peuple élu à Babylone avait été un traumatisme
théo-politique de taille. A leur retour au berceau de leur
divinité, grande avait été la surprise et l'indignation d'Esdras
et de ses compagnons de route de ce que les paysans de l'endroit
- le vainqueur les avait jugés de trop vil prix pour les
déporter - avaient épousé des femmes étrangères à la tribu et en
avaient eu des enfants en grand nombre. Le peuple élu devait-il
renoncer à l'identité céleste dont Jahvé avait fait bénéficier
un territoire déterminé ou se servir durement des sauf-conduits
sacrés qui en faisaient des missionnaires et des convertisseurs
armés d'une vocation céleste et d'une mission géographiquement
circonscrite? Comment renoncer à écouter le haut-parleur du
souverain qui vous dédouble dans les nues? Comment immoler la
singularité inaliénable dont Jahvé vous a nanti sous prétexte
qu'on s'est trouvé privé de sa terre pendant cinq décennies
seulement?
5 - Esdras aujourd'hui
Esdras s'installe aux côtés de Jahvé dans le cosmos, il déchire
ses vêtements sur le parvis du temple et sous les yeux du
Créateur. Le prophète éploré et furieux s'arrache les cheveux et
confesse au démiurge les péchés du peuple élu. La contagion de
la pénitence gagne les auditeurs. A la faveur de l'émotion de la
foule repentante, il fait approuver par la communauté sanctifiée
l'engagement d'épurer pieusement les couples mixtes dans toute
la province de Juda, c'est-à-dire d'en chasser purement et
simplement les épouses étrangères ainsi que leurs enfants, même
si elles s'étaient converties au judaïsme; car aux yeux de la
théologie juive, elles demeuraient impures, donc coupables. (Esdras
, 5, 88-92)
M. Benjamin Netanyahou subit la même
épreuve. L'Artaxerxès II de la démocratie mondiale lui a accordé
des sauf-conduits calqués sur ceux dont Esdras avait bénéficié,
mais la Judée actuelle compte près de vingt mille femmes juives
qui ont épousé des disciples de Muhammad et qui en ont des
enfants. Comment remédier à ce désastre si les nouveaux
passeports éthniques de la religion des droits de l'homme
rendent difficile la répétition, sous les yeux de la planète
entière, des mesures de purification prises par Esdras?
Le premier lavage
et nettoyage sanctificateur de l'histoire religieuse de
l'humanité est celui auquel les adorateurs de Jahvé se sont
livrés sous la houlette d'Esdras: si les ordres de rinçage de
Jahvé n'étaient pas exécutée dans les trois jours, la
confiscation des biens du contrevenant et l'exclusion de la
communauté, autrement dit son bannissement, équivalaient à sa
mort sociale. Des enquêteurs parcouraient la province afin de
débusquer les couples mixtes et de les soumettre au nettoyage
sacré par la parole de Jahvé. M. Netanyahou est à la portion
congrue: il fait du porte-à-porte, si je puis dire, pour tenter
de convaincre les Israéliennes salies de changer de lessivage
sacré.
Un camp de triage et de purification
ethnique a été ouvert, où des agents de l'Etat hébreu
racialement pur tentent de convaincre les malheureuses
d'abandonner leur mari au motif que, selon la Thora, les enfants
suivent la nationalité de leur mère, de sorte qu'elles ne
rencontreront pas de difficulté pour garder leurs enfants auprès
d'elles, mais au sein de leur véritable patrie.
6 - La "
terre promise " par la démocratie
On voit que, de nos jours encore, la
politique de l'auto-lustrage théologique s'inscrit dans la
psychobiologie de Jahvé. Le double cosmique du peuple juif lui
demande, comme hier, d'assurer sa cohérence mentale à l'écoute
de sa parole, donc sa spécificité cérébrale parmi tous les
autres peuples de la terre. Mais si l'identité génétique du
singe parlant est celle dont il demande à une idole de lui
garantir la solidité et si, depuis les origines, toutes les
divinités chargent leurs prêtres à la fois de les représenter en
chair et en os aux yeux de leurs fidèles et de servir
d'interlocuteurs patentés à des boîtes crâniennes dûment
préconstruites à "l'image et à la ressemblance" de leur démiurge
dans le vide de l'univers, comment le Saint Siège annoncerait-il
maintenant à l'effigie céleste d' Israël et à sa propre effigie
théologique que l'occupation des terres arabes ne serait pas
inscrite noir sur blanc dans la Bible, donc également dans les
gènes que les rédacteurs de cet ouvrage se transmettent d'une
génération à la suivante, alors que, de son côté, le peuple
chrétien se considère, lui aussi, pour élu sur ce modèle, donc
comme réfléchi ici bas dans le miroir céleste qui a conduit les
disciples de la Croix à fonder l'empire romain de Jérusalem en
chair et en os, pour ne prendre que cet exemple de fusion
nucléaire entre le mythe et le monde?
7 -
Esdras au Vatican et Darwin dans l'Histoire
Le Saint Siège
revêtira-t-il donc l'apparat d'Esdras pour raconter en détail au
peuple chrétien, primo, comment son dieu à lui s'est
progressivement séparé de celui des calames du "peuple élu" et
comment ses scripteurs nouveaux ont radicalement modifié les
écrits de l'idole antérieure, secundo, par quels chemins la
théologie de la croix fait écrire maintenant que si la "terre
promise" a été ravie à Israël par Vespasien et Titus en 70 après
Jésus-Christ, il y aura péremption non plus à la suite de la
brève captivité de Babylone, mais deux millénaires plus tard,
tertio, comment les dieux modifient leur doublure sur la terre
et les humains leur religion dans le ciel à l'école des échanges
passionnés que le singe parlant alimente avec les idoles qui se
promènent dans son encéphale?
Depuis vingt-cinq siècles, la philosophie
est une discipline que ce spectacle transporte dans un asile
d'aliénés. Elle n'en revient pas de ce que l'espèce simiohumaine
se croie chapeautée du haut des nues par des acteurs qu'elle
fabrique et habille elle-même et auxquels elle demande de la
surveiller, de la guider, de la récompenser, de la punir. Mais
si l'humanité croyait réellement à une succession aussi
ininterrompue de prodiges ahurissants, elle se ruerait tout
entière dans les monastères afin de tenter, par ses
supplications désespérées, de s'assurer à titre posthume un sort
soustrait à des tortures éternelles. Comme il n'en est rien, la
philosophie constate qu'il s'agit, certes, d'une drogue
cérébrale transmise de génération en génération et devenue
héréditaire au même titre que le langage, par exemple, mais
également, et non moins nécessairement, d'une fonction psychique
qui branche les descendants du chimpanzé sur la surréalité
sanctifiée nécessaire au fonctionnement schizoïde de leur
encéphale politique; c'est pourquoi la croyance est le fruit
d'une accoutumance devenue héréditaire, mais rendue quasi
indifférente au prodige qu'elle a banalisé et qu'elle n'invoque
plus que du bout des lèvres. En revanche, la plaie se rouvre et
saigne si l'on prétend amputer un peuple de la rêverie
béatifiante qui s'est inscrite dans ses gènes.
Israël a refoulé
pendant deux mille ans l'alliance onirique qui fonde la
bipolarité cérébrale du simianthrope - et maintenant la
cicatrice s'enflamme et suppure au cœur du monde.
8 - Le
nouvel humanisme
Pour tenter de comprendre le chimpanzé cérébralisé et ses
idoles, revenons aux embarras des anthropologues chrétiens face
à la dichotomie théologique qui leur est propre et qui les
scinde entre le ciel et la terre sur un modèle un peu différent
de celui d'Israël. Depuis que Lessing (1729-1781), a découvert
dans la bibliothèque ducale de Wolfenbüttel, dont il était le
bibliothécaire, le manuscrit du premier biographe rationaliste
du fils de Marie rédigé par un certain Hermann Samuel
Reimarus (1694-1768), la question de la schizoïdie cérébrale
particulière aux chrétiens aurait dû débarquer comme un torrent
dans l'humanisme mondial, parce que les prêtres désormais
biphasés à l'école du mythe de la démocratie, qui n'est qu'une
copie de la rédemption théologique, ont échoué deux siècles
durant à écrire la véritable histoire du clouage d'un dieu sur
une potence et de sa mise à la "torture salvifique". Mais si la
réduction à sa biographie de leur Jésus surnaturel est vaine, la
pensée rationnelle occidentale a échoué, elle aussi, à écrire
l'histoire du "salut" par la donation d'un cadavre à un père du
cosmos. C'est dire que si les instruments de la connaissance
théologique de la portion de l'humanité que son encéphale bifide
met au service de son double sacré ainsi que de l'Eglise censée
concrétiser sa duplication dans le surréel et si ces instruments
d'un double savoir sont tous deux mythologiques par nature et
sans s'en douter, on comprend que l'outillage mental de la
philosophie classique soit demeuré embryonnaire à son tour, et
cela de telle sorte qu'à l'instar du siècle de Socrate, c'est la
tentative même d'apprendre à penser l'identité propre à notre
espèce qu'il faut reprendre à nouveaux frais.
9 -
Comment observer les hommes et leurs idoles du dehors?
L'aventure avortée des biographies unidimensionnelles de Jésus a
duré trois siècles. Albert Schweitzer, le médecin de
Lambaréné, le grand organiste et le pasteur luthérien en a
fourni un premier récit dans sa célèbre Histoire des
biographies de Jésus de 1901; mais ce demi-logicien n'a
pas songé à la possibilité de rédiger une histoire du devenir
psycho-cérébral du "Dieu" schizoïde. Car le simianthrope se
trouve dichotomisé sur le modèle de sa divinité, comme le prouve
l' évolution de son capital psycho-biologique au cours des
millénaires. Pourquoi une histoire de ce genre de l'encéphale de
Dieu demeure-t-elle tellement périlleuse à rédiger qu'il n'en
existe encore aucune? Parce qu'une narration de ce type se cache
encore prudemment sous celle des histoires officielles de la
théologie dogmatique, donc sous un récit piloté d'avance par les
référents internes auxquels il se trouve asservi.
C'est pourquoi il ne faut pas s'attendre à
ce que les philosophes futurs qui se risqueront les premiers à
traiter de ces questions en anthropologues du ciel simiohumain
surgissent jamais du terreau du mythe jalonné par ses propres
soins etque l'Eglise laboure depuis deux millénaires. Platon
enseigne déjà que la connaissance réelle de la nature de la
géométrie, n'est pas accessible à la géométrie, qui ne saurait
s'auto-décrypter à partir des repères internes à son territoire
et dont elle demeure nécessairement prisonnière. Depuis lors, on
s'imagine que les économistes seraient capables d'observer leur
discipline du dehors et en tant que telle. C'est pourquoi les
penseurs de demain se verront contraints de passer plusieurs
années à conquérir une extériorité capable de peser les
théologies d'une espèce bancalisée par sa boîte osseuse, et cela
bien qu'ils sachent du moins que les récoltes du savoir
anthropologique à venir ne devront pas se laisser stériliser à
l'école des anciens moissonneurs de cette discipline, qui
n'entassent jamais leurs engrangements que dans l'enceinte de la
piété primaire des ancêtres.
Pour l'instant l'islam de la pensée critique
dort sur les deux oreilles, Jahvé ouvre seulement un œil effaré
sur lui-même et le dieu des chrétiens n'est pas près de
rencontrer celui d'Israël au Moyen Orient. Mais le synode de
Rome a donné rendez-vous aux piétinements des trois dieux
uniques, et d'abord au Jupiter bicéphale des chrétiens,
tellement il est évident que le créateur de l'univers selon
Bossuet, Joseph de Maistre ou Urs von Balthazar n'est pas celui
de Fénelon, de Jean de la Croix ou de Pascal. Qu'est-ce qui
autorise Rome et Tel Aviv à officialiser et à imposer un ciel
construit en miroir d'eux-mêmes, alors que l'humanité
polycéphale se regarde aussi dans le miroir d'Allah?
L'anthropologie critique présente au public une exposition des
encéphales successifs des trois idoles qui se sont
auto-proclamées uniques ; et elle convie les sciences humaines à
visiter le musée des mutations cérébrales du genre simiohumain
réfléchies dans les miroirs théologiques de son évolution.
L'historien qui racontera la biographie de la boîte osseuse des
trois monothéismes rédigera le roman du cerveau pathétique,
effaré ou réjoui du simianthrope.
10 - Caïn et le sang séraphique
Dans cet esprit, comment faut-il interpréter l'avertissement
solennel d'Israël au synode de Rome selon lequel il ne serait "pas
sage de réveiller les confrontations théologiques",
lesquelles auraient "disparu avec le Moyen Age", alors
que l'histoire entière de l'Europe et du monde depuis le XIVe
siècle est une histoire tumultueuse de la conque cérébrale des
dieux en lesquels notre espèce se dédouble? La Réforme
n'a-t-elle pas démontré qu'à l'image d'Israël, les peuples
chrétiens se donnent le ciel mouvementé ou stabilisé, fétichisé
ou mouvant, corseté ou relâché, qui répond à leur tempérament
national et aux latitudes et longitudes qui commandent leur
climat, de sorte qu'on ne saurait couronner de la même masse
grise le Zeus administrateur de la Norvège, de la Suède, du
Danemark ou de la Finlande que celle dont la surveillance
contrôle l'encéphale de la Calabre ou de la Sicile.
On sait depuis
Luther que le crâne du Dieu romain s'est hiérarchisé et
juridifié à l'école des siècles de la civilisation du droit
romain, on sait, depuis Calvin, que la raison janséniste de la
France a accouché d'un christianisme privé du sacrifice sanglant
de l'autel, de prodiges rituels, de la potion du sang de la
victime cultuelle et de la consommation ahurissante de sa chair.
Les conséquences politiques, psychologiques et cérébrales d'une
religion chrétienne ambitieuse de se passer des globules rouges
de la victime assassinée sur l'offertoire sont désormais
observables sur la terre entière, puisque ce sevrage a fondé la
foi anglo-saxonne sur un type de la guerre sacrée désormais
pilotée par des abstractions substitutives et censées n'immoler
personne au nom des " droits de l'homme ", de la " Liberté " et
de la " Justice " sur les autels des idéalités-idoles de
remplacement. Raison de plus d'observer les victimes que le Dieu
tueur de ce type et ses fidèles immolent et adorent quand ils
jouent aux séraphins sur les terres de Caïn.
11 -
Qu'en est-il des confrontations théologiques du XXIe siècle ?
Ni Israël, ni Rome ne sont armés pour avertir la planète du
danger de "réveiller les confrontations théologiques" si,
pour longtemps encore, le simianthrope des offertoires devait
persévérer dans sa feinte ignorance de ce qu'il est né pour
cacher ses crimes sous les propitiatoires de sa piété. Il faut
donc tenter d'affronter le danger intellectuel d'apprendre à
connaître les meurtres d'une espèce aux mains jointes et qui
déléguait hier la perpétration de ses crimes aux Célestes vers
lesquels elle levait ses regards, tandis qu'elle entre
maintenant en prières devant des idéalités ou des idéologies
auxquelles les démocraties servent désormais de temple,
d'offertoire, et de tribunal. Qu'en est-il des documents
anthropologiques à la fois cruels et séraphiques qu'on appelle
des religions?
Si l'histoire cérébrale et psychique du dieu
Démocratie semble moins saintement agitée, mais aussi sanglante
que celle du Dieu au couteau entre les dents auquel une potence
sert d'emblème adoré , de titre de créance ineffable, de signe
de ralliement pieux et d'appel pressent au sacrifice suprême, il
n'est pas sûr qu'il soit plus sécurisant, pour autant,
d'endosser la cuirasse de l'Eglise de la Liberté réputée avoir
donné la Judée moderne à Israël , parce que l'alliance de ce
ciel-là avec le glaive et le sang de l'Histoire universelle
illustre bien plus crûment la vocation politique et armée du
dieu de la Genèse que les autels du dieu supplicié sur un gibet,
puis assassiné et mangé cru et saignant tous les dimanches.
Il a manqué à Jahvé une armée des théologiens de sa psychologie
et de sa politique dont la levée sur toute la terre aurait
consacré plusieurs siècles d'affilée à meubler son cerveau et à
lui couper les vêtements d'apparat d'une éthique du meurtre
sauveur. La seule arme théologique d'Israël est l'épée que les
Josias et les Esdras ont placée entre les mains de Jahvé. Faute
de Summa contra gentiles et d'autres trophées
massifs de la gouvernance des peuples à l'école de l'assassinat
sacré de l'autel, le peuple juif, privé depuis Abraham d'Isaac à
égorger sur ses offertoires, en est réduit à se pelotonner sans
viande humaine autour de ses rituels sociaux et à cultiver une
identité collective abstraite à l'école de ses choix
alimentaires assainis et de ses tenues vestimentaires, tandis
que les chrétiens ont conservé bien sanglants leur Iphigénie ou
leur Isaac, ce qui leur permet de couronner leur divinité d'une
immolation aux hématies exemplairement payantes.
Quand M. Benjamin Netanyahou et M. Avigdor
Lieberman - patronyme qui signifie homme aimé et aimant en
allemand - prennent la relève d'Esdras et chassent les
Palestiniens de leur terre l'épée dans les reins, Jahvé fait
corps avec un peuple cuirassé. Quand le dieu trinitaire
contraint ses fidèles à payer la rançon de leur salut à l'école
du crime qu'il leur est demandé de commettre sur leurs autels,
quel est le fossé que l'humanisme et la philosophie actuelles
ont à combler afin de s'initier à une connaissance réelle des
relations que le genre simiohumain entretient avec ses idoles?
Que faire de l'identité collective sanguinolente que couronne le
dieu Jahvé si l'assassinat sacré est demeuré plus rustique à
Rome qu'à Tel-Aviv?
Décidément, les théologies sacrificielles
sont des documents anthropologiques périlleux à décrypter. Mais
si le "Connais-toi" de Caïn est tombé en panne faute d'avoir
appris à scanner les immolations à l'école des hommes et les
hommes à l'écoute de leurs immolations, qui est le plus
imprudent des interlocuteurs du synode, le Saint Siège ou
Tel-Aviv, dès lors que les personnages historiques qu'on appelle
le catholicisme et Israël se disputent au sein du Synode de Rome
sur la question décisive de savoir s'il suffit à l'Etat juif de
renier sa théologie du sang béatifiant pour légitimer ses armes
et s'il suffit au Saint-Siège de placer les coussins du meurtre
sacré des chrétiens sous les coudes des pécheurs pour enseigner
les futurs désensanglantements de la sainteté simiohumaine à
Israël et à Jahvé?
12 - Psychologie d'une théologie
Le plus étrange, c'est que Tel Aviv juge profanateur de "se
servir de la bible pour justifier l'occupation et le contrôle
d'un territoire", alors que, dans le même temps, le peuple
hébreu met une hâte suspecte à renoncer aux "confrontations
théologiques". Pourquoi éviter le Jahvé tour à tour irénique
et sanglant qu'on a pourtant pris grand soin d'expulser de
l'arène de l'histoire rationnelle? Ces confrontations
tourneraient-elles à la confusion théologique d'Israël? En tant
que psychanalyste des dérobades politiques de la sainteté et de
ses subterfuges sacrés, l'anthropologie critique y cherche
anguille sous roche, tellement elle se demande pourquoi les fils
actuels d'Isaïe fuient leurs saintes écritures et la piété des
ancêtres au point qu'ils refusent maintenant tout net de s'en
servir pour légitimer leur guerre dévote en Cisjordanie, alors
qu'ils ont grand besoin de toutes les ressources de la foi
d'Esdras et de son ciel pour tenter de légitimer leurs conquêtes
guerrières ininterrompues aux yeux d'une opinion mondiale si
largement convertie à la pensée dite rationnelle des pseudo
démocraties.
Voilà, assurément une clé politique du
simianthrope auto-innocenté par ses crimes que seules ses
théologies du sacrifice censé payant peuvent mettre entre les
mains des anthropologues du sang des idoles et des hommes. Les
totems sacrés, seraient-ils aussi schizoïdes en diable que leurs
adorateurs? Ces acteurs illustreraient-ils, en tant,
précisément, que personnages historiques, la dichotomie
cérébrale du chimpanzé auto-célestifié ? Puisque les dieux, eux
aussi, ne sont que des meurtriers scindés entre leur ciel et le
sang de leur géhenne et puisqu'ils se mettent à l'école de la
créature biphasée dont ils transportent l'effigie à deux faces
dans les nues et sous la terre, Israël peut-il renoncer sans
impiété au secours de Jahvé le bipolaire pour chasser les
Palestiniens de leur terre le plus saintement du monde afin, dit
maintenant cet Etat devenu trop timidement angélique,
semble-t-il, de ne pas commettre le sacrilège de souiller par un
meurtre les saintes écritures d'Israël dont le nouvel Esdras a
pourtant officiellement refusé le secours? Un Etat juif athée ne
se met-il pas tout nu à se priver du glaive à double tranchant
de son idole à la fois sanglante et séraphique, comme le sont
toutes les idoles, et ne se prive-t-il pas à grands frais et à
son propre détriment de la schizoïdie cérébrale des ancêtres,
puisqu'il ne trouvera désormais aucun secours proprement
théologique sur cette terre pour légitimer les ordres
purificateurs et meurtriers d'Esdras dont il a pourtant retrouvé
avec empressement la théologie du nettoyage ethnique?
Décidément, si le simianthrope est un acteur tronçonné et qui
met en scène l'histoire sanglante de sa dichotomie religieuse,
ses théologies bipolaires attestent à titre psychogénétique
qu'Israël n'a pas intérêt à rejeter son Jahvé à double face,
puisque le ciel chrétien brandit, lui aussi, l'olivier d'une
main et le sabre de l'autre - son paradis des saintes félicités
et les rôtissoires infernales où il fait bouillir ses ennemis
sous la terre. Décidément, Israël et le Saint Siège se sont mis
de conserve, et bien imprudemment, à l'école de leur
apprentissage de la condition bifide des semi évadés du règne
animal, de conserve, et bien dangereusement, à l'école de leurs
miroirs théologiques respectifs, de conserve, et la mort dans
l'âme, à l'écoute de la voix de l'idole qui les dichotomise.
13 - Le dieu de Gaza
Et puis, une ultime catastrophe cérébrale les attend: le piège
qu'on appelle la philosophie leur demande de se regarder
dans un autre miroir encore, celui que leur tend une démocratie
dont le narcissisme religieux la coupe, elle aussi, en deux
tronçons tressautants. Car, d'un côté le dieu démocratique est
construit à son tour sur le modèle scissipare et biblique de
Jahvé et de Jésus-Christ. Voyez comme cette idole se
contorsionne pieusement à Gaza et ailleurs, voyez comme elle
brandit dévotement de la main gauche la bannière de la Liberté
du monde et referme le poing de son saint sacrifice sur une
ville d'un million cinq cent mille habitants! Quelle enclume de
la théologie immolatoire des évadés du règne animal que Gaza! On
y voit le dieu de la croix, celui de Moïse et celui de la
démocratie mondiale dresser l'autel de leurs offrandes à leur
ciel et de leurs tributs à leur enfer.
L'humanité est donc à elle-même l'ange et le boucher qu'on
appelle un personnage historique; et les théologies scindées
entre l'ange et la bête illustrent le piège du tartuffisme sacré
dont les trois dieux uniques se nourrissent en secret. Voyez
comme le Dieu meurtrier d'Israël feint maintenant de demander à
son peuple de jeter son alibi aux oubliettes afin d'aider en
retour le peuple hébreu à tuer ses ennemis sans paraître
commettre de sacrilège! Mais si le monothéisme est un Tartuffe
tueur et un champion toutes catégories des pieuses dérobades,
qu'en sera-t-il des droits des Palestiniens qui, eux, n'ont pas
jeté Allah au rebut? Voyez-les, les pauvres, voyez-les se
métamorphoser sous nos yeux en une engeance satanique au regard
d'un Jahvé pourtant jeté à la poubelle par M. Benjamin
Netanyahou! Le synode sera censé servir de "tribune aux
attaques contre Israël dans la plus belle tradition de la
propagande arabe", afin de légitimer le combat d'un Jahvé
évanoui contre une engeance d'autant plus infernale et dont les
"propos calomnieux à l'égard du peuple juif et de l'Etat
d'Israël" seront condamnés par la "position officielle du
Vatican", dont Tel-Aviv espère qu'il penchera du côté d'un
dieu proclamé absent pour les besoins de la cause.
Mais Israël en est pour ses frais. Du fond de son sépulcre,
Jahvé, le tueur ambidextre, lui crie encore: "Tu ne tueras
pas". Rien de plus théologique, décidément, que le subit
athéisme d'Israël. Mais alors, cherchez les idoles tueuses là où
elles se logent - l'encéphale schizoïde de la bête parlante.
Voyez comme Jahvé fait le mort sur l'ordre d'Israël, voyez
comme, sur l'ordre d'Israël, ce double ambigu d'une créature
ambiguë ne feint de passer à la trappe que pour faire la nique à
ses négateurs. Qu'en est-il donc de la grimace des dieux uniques
et de leurs adorateurs si les dieux morts rendent criantes leurs
propres funérailles?
Décidément, il n'existe qu'un seul personnage proprement
historique, celui que symbolise et qu'incarne une espèce
flottante entre l'ange et la bête et qui, à ce titre, tente de
faire corps avec son propre dédoublement psychogénétique, une
espèce biphasée par les dieux qu'elle a forgés à son image. Mais
comment se fait-il qu'un trans-biographe abyssal, Paul Valéry,
ait donné rendez-vous aux anthropologues futurs de "Dieu"?
Voici : d'entre les
feuilles une Figure vint.
Une figure vint à la lumière,
Dans la lumière,
Et il regardait de toutes parts,
Et celui-ci n'était "Ni Ange ni Bête".
(Paul Valéry, Paraboles pour accompagner douze aquarelles
de L. Albert-Lasard , Pléiade, Oeuvres, I, p. 198.) .
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