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Opinion
L'entretien secret
de M. Alain Juppé avec M. Nicolas Sarkozy
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Dimanche 6 mars 2011
1 -
M. Alain Juppé, lecteur de Thucydide
On n'imagine pas un seul acteur de la France des "hautes
sphères" de l'Etat, comme on dit, qui ne se trouverait pas
informé des circonstances extraordinaires qui ont permis à M.
Juppé de s'adresser au Président de la République dans des
termes qui ont contraint ce dernier à se séparer de ses deux
plus proches conseillers, MM. Guéant et Lévitte, tellement seuls
les intérêts supérieurs du pays pouvaient conduire aussi
subitement M. Nicolas Sarkozy à bouleverser l'échiquier
atlantiste de la politique étrangère de la France. Il importe
donc de recourir à la méthode de Thucydide, qui rapportait,
disait-il, des discours de Périclès ou d'Alcibiade et qui, dans
le même temps, précisait à ses lecteurs qu'il faisait tenir aux
plus grands personnages de l'histoire de son temps le langage
que la logique de la situation leur aurait imposé s'ils avaient
pris effectivement la parole devant le peuple. Voici donc le
discours véritable que Thucydide a mis dans la bouche de M.
Alain Juppé et qui a mis l'Elysée en demeure de rebattre les
cartes de notre pays sur la scène internationale.
" Monsieur le
Président, si je m'adressais à vous en ma qualité de citoyen ou
d'homme politique accouru de Bordeaux à votre appel et si je me
fiais à la rumeur qui court à Paris selon laquelle vous auriez
l'intention de me confier la conduite de la France sur le
théâtre du monde, je me retirerais sur l'heure de cette arène,
parce que je ne pourrais exercer une charge aussi lourde et dans
le seul intérêt supérieur de la République sans entrer en
conflit avec vos deux principaux conseillers, MM. Guéant et
Levitte, qui me contraignent, hélas, à soulever, en outre, la
question de fond qui se pose depuis des années au monde entier,
celle du rôle que joue le sionisme dans la conduite du globe
terrestre. Car MM. Guéant et Lévitte ont nécessairement occupé
la scène en acteurs responsables, et à vos côtés, d'un désastre
diplomatique immense et sans remède - le naufrage, par la faute
d'Israël, d'une Union des peuples riverains de la Méditerranée
qui devait redonner à notre pays la vocation, prophétisée par le
Général de Gaulle, de piloter un jour le débarquement d'un Islam
moderne dans la civilisation mondiale.
Puisque l'appui à peine masqué ou franchement affiché de la
France à l'expansion territoriale d'Israël en Cisjordanie et au
blocus inhumain de Gaza a fait tomber ce projet dans un échec
tragique, il s'agit de rien de moins, pour la France, que de
faire renaître les conditions sine qua non de la
renaissance de l'influence de l'Occident dans le monde arabe,
tellement la planète courra inexorablement en direction du
nouveau centre de gravité dont l'Asie et l'islam nouveau feront
battre le cœur.
2 - Le sionisme au Quai d'Orsay
Vous savez que
les sionistes français occupent des postes-clés dans ce pays, et
notamment dans notre corps diplomatique. Si, de ce fait, nous
devions nous trouver empêchés d'emboîter le pas à l'histoire
réelle du monde, nous assisterions à l'effacement rapide et
définitif d'une politique digne de la France sur les cinq
continents.
Pour que la
nation se lève et crie de nouveau à la face du monde qu'elle
s'appelle la France, il faut que vous preniez en mains les
vraies armes du pays; mais elles vous seraient arrachées si le
Quai d'Orsay persévérait à placer une sioniste à la tête de
notre diplomatie en Cisjordanie, Mme Valérie Hoffenberg.
Savez-vous que cette représentante de la France pour le
processus de paix au Proche-Orient a imposé à notre Ministre des
affaires étrangères d'hier, alors en visite à Gaza, le préalable
de rencontrer les parents du soldat Shalit? Savez-vous qu'elle a
qualifié de crime de guerre, non point le génocide de cette
ville sous les bombes au phosphore de Tsahal, comme le rapport
Goldstone l'a établi, mais la capture par le Hamas de ce seul
soldat sur son tank, et qu'elle a confirmé ses propos sur France
Inter. Croyez-vous vraiment Monsieur le Président, que la
vocation de la France et de l'Europe de libérer Gaza demeurera
un objectif crédible de notre diplomatie si, à la tête de
l'institution de la République dont le haut enseignement m'a
formé, l'Ecole Normale supérieure, une autre sioniste, Mme
Canto-Sperber, dispose de l'autorité d'interdire aux
intellectuels français tout débat sur Gaza et si le tribunal
administratif a condamné cette atteinte à la liberté
d'expression ? Serait-ce se montrer non point anti-français,
mais antisémite, donc passible des tribunaux de la République,
de demander à notre pays de demeurer fidèle à sa vocation de
combattante de la Liberté et du droit?
Monsieur le
Président, gouverner c'est prévoir, et le premier prévisionniste
de la politique s'appelle la raison. Aussi longtemps que le
"peuple élu" de nationalité française défendait son identité
religieuse ou ethnique sur notre territoire, la loi de 1905
demeurait un instrument politique de nature à favoriser son
intégration culturelle. A partir de l'instant où son identité
bipolaire la conduit à souffrir d'un conflit d'intérêts entre
deux patries, le devoir de la République est de prendre acte
d'une dichotomie lourde des difficultés juridiques qui se
présenteront fatalement et sous peu dans l'histoire du pays sur
la scène internationale. Le chef de l'Etat a le devoir d'évaluer
le péril avec des yeux grand ouverts, donc à l'école du réalisme
politique dont sa conscience de l'avenir du pays est appelée à
assumer la responsabilité. Sur une communauté de six cent mille
Français juifs, une proportion considérable a déjà lancé un
manifeste de protestation retentissant contre les directives du
Comité des institutions juives de France, qui feint de regrouper
tous les juifs du pays. Mais quand d'autres sionistes noyautent
la politique étrangère de notre pays, votre devoir est d'autant
plus absolu d'y porter remède que le Crif et ses alliés tentent
maintenant de porter un sioniste à la présidence de la
République.
Souvenez-vous du
Sénateur Kennedy, qui a mené inutilement un combat de trente ans
afin que le groupe de pression tout-puissant de la communauté
juive américaine soit placé sous l'autorité du droit qui régit
les associations étrangères; et s'il y a échoué, c'est parce
qu'en Amérique comme en France, les juifs jouissent de la
nationalité du pays où ils résident. Notre droit public n'avait
jamais eu à connaître de la défection politique d'une partie du
peuple français au profit des intérêts d'un Etat étranger. Vos
fonctions de chef de l'Etat vous interdisent d'ignorer davantage
une réalité aussi gigantesque, dès lors que c'est maintenant à
l'échelle du globe terrestre que cette réalité nous offre le
spectacle de l'enchaînement et du bâillonnement du Président des
Etats-Unis.
Monsieur le
Président, si vous ne prenez conscience de ce que le sionisme
français pose à la République le même problème politique que le
sionisme américain aux Etats-Unis, les historiens de demain
verront, dans votre quinquennat une panne mémorable et sans
doute irréparable dans l'histoire de la civilisation mondiale -
la panne du silence et de la peur devant Israël.
3 - Le
sionisme en France et aux Etats-Unis
Monsieur le
Président, si le schisme international, aussi puissant que
dévot, dont l'Israël français se veut le missionnaire est un
fait confessionnel et apostolique dont il vous est aussi
impossible d'ignorer l'orthodoxie qu'interdit d'en accepter la
doctrine, c'est que votre éventuel refus d'en prendre acte
n'asphyxieront pas seulement l'avenir d'une France et d'une
Europe qui voudraient demeurer vivantes et respirantes, mais
vous ferait passer outre au spectacle le plus criante, et
également le plus incroyable qui se puisse imaginer sur le
théâtre des cinq continents, celui d'un Président des Etats-Unis
ficelé par le groupe de sionistes qui, depuis des décennies, a
fait main basse sur les institutions politiques qui donnaient
autrefois son souffle à l'Amérique et leur inspiration
démocratique aux élus de la nation. Un M. Barack Obama
étroitement enchaîné par Israël tant au Sénat qu'à la chambre
des Représentants ne s'est-il pas vu condamné, le 19 février
2011, à opposer tout seul le veto de l'empire du Nouveau Monde à
la demande, combien naturelle et légitime, que la ligue arabe a
adressée aux quinze membres du Conseil de sécurité aux fins de
faire cesser l'expansion de la colonisation sioniste en
Cisjordanie et la levée du blocus de Gaza?
Vous savez que
quatorze membres du Conseil, dont la France, ont approuvé cette
initiative tant de fois recommencée depuis 1947. Mais cette
fois-ci, la Maison Blanche s'est vue piteusement contrainte
d'obéir à Israël sous les yeux atterrés du monde entier, cette
fois-ci, en raison du brusque réveil de tout le monde arabe,
cette capitulation a ruiné le prestige démocratique du Nouveau
Monde sur les cinq continents et définitivement ridiculisé la
prétention à l'hégémonie que cette nation se complaisait à
afficher face au globe terrestre tout entier depuis 1945.
Savez-vous que, le 4 décembre 2010, Israël a obtenu de la Maison
Blanche l'autorisation expresse de conquérir la Cisjordanie en
violation du droit international, ainsi que la promesse
d'opposer le veto américain à toute contestation future de la
politique d'Israël au Moyen Orient. Il en résulte que M. Mahmoud
Abbas se voit sommé de négocier avec M. Benjamin Netanyahou avec
un pistolet sur la tempe? Pensez-vous, Monsieur le Président,
qu'un diplomate sérieux pourrait se vanter de conduire
efficacement et loyalement la politique étrangère de la France
s'il affectait d'ignorer le déséquilibre artificiel des forces
qui étouffe le monde entier et si le groupe de pression d'Israël
en France exerçait sur l'Elysée la même domination absolue que
l'Aipac sur la Maison Blanche? Savez-vous qu'en ce moment même
M. Barack Obama s'entretient avec une sorte d'Etat parallèle,
composé les cinquante personnalités juives les plus puissantes
du pays?
4 - Les
nouveaux Huguenots
La nation que
vous présidez se trouve donc dans la même situation qu'Henri IV
face aux protestants de l'époque. En ce temps-là, un grand
nombre de sujets du roi avaient tourné le dos à l'alliance
multiséculaire de la religion catholique, apostolique et romaine
avec la monarchie dite de droit divin, parce que leur refus de
pratiquer les rites et de croire aux dogmes révélés et
officialisés depuis Clovis déchirait leur esprit et leur cœur
entre deux identités religieuses incompatibles entre elles:
l'une les attachait profondément à leur patrie et au trône des
Capétiens, tandis que l'autre les persuadait de partager les
croyances plus évangéliques, donc plus utopiques de Luther le
Germain et de Calvin le Genevois. Monsieur le Président, sachez
que les sionistes français se trouvent dans une aporie
religieuse aussi douloureuse que les Huguenots du XVIe siècle.
Le premier roi
de France qui avait compris à quel point le contenu théologique
des têtes fonde la politique et combien le modelage du monde
répond au remplissage des boîtes osseuses par le sacré
s'appelait Henri IV. C'est pourquoi ce grand roi a accordé aux
Réformés des provinces entières du territoire de la France et de
nombreuses places fortes, afin que les Huguenots fussent en
mesure de défendre leur vraie patrie, la cérébrale. Mais
aussitôt, les protestants gaulois se sont alliés avec les
Anglais, et cela du seul fait qu'ils partageaient la même
cosmologie mythique; et il a fallu que Louis XIV abolît, en
1685, l'édit de Nantes de 1598. De nos jours, vous n'aurez pas à
donner aux sionistes français une autre patrie et d'autres
forteresses à défendre, puisqu'ils possèdent déjà leur Edit de
Nantes et que leurs cerveaux suffisent à les rendre
propriétaires de leurs fiefs.
Si je vous
demande le renvoi préalable de deux représentants du sionisme
français dont le regard ne porte pas sur la carte à venir du
monde et sur les véritables intérêts de la France de demain -
MM. Guéant et Lévitte - c'est parce que ces Français se dévouent
corps et âme à légitimer l'expansion illégale d'Israël en
Cisjordanie, et cela au détriment non seulement du monde arabe
au Moyen Orient, mais sur tout le pourtour de la Méditerranée.
J'ai déjà dit
que je comprends la souffrance psychique qui scinde la
personnalité de ces Français-là et je sais qu'ils ne sont pas
responsables de la bipolarité qui les déchire entre deux
identités nationales violemment incompatibles entre elles. Mais
comment avez-vous pu croire un seul instant, Monsieur le
Président, que la Ligue arabe allait tout soudainement se
désolidariser du peuple palestinien sur les seules instances de
la France et d'Israël, comment avez-vous pu croire un seul
instant que Tel-Aviv ne tenterait pas aussitôt de régner à son
seul profit sur les peuples riverains de la Méditerranée, dès
lors qu'une France complice du peuple hébreu les y aidait,
comment avez-vous pu ignorer un seul instant l'origine et
l'évolution multimillénaire de l'univers onirique et de la
cosmologie mythique dont le peuple biblique se trouve habité,
comment avez-vous pu songer un seul instant à métamorphoser en
une génération un peuple nourri des écrits de son ciel en un
partenaire immergé parmi toutes les autres nations de la terre?
Mais la France est le pays des "armes et des lois". Si vous
buvez jusqu'à la lie la coupe de la complicité de la France avec
Israël, ce sera de tout le droit international public qu'il vous
faudra dénouer les attaches, tellement l'expansion guerrière du
peuple hébreu en Cisjordanie et le blocus de Gaza rompent les
ponts avec le "droit des gens", c'est-à-dire des
gentes.
5 - Le sionisme aux postes-clés de l'Etat
Monsieur le
Président, c'est la civilisation mondiale qui se trouve à la
croisée des chemins: si la France ne relevait pas le défi que
lui lance Israël, jamais l'Occident ne se remettrait de la honte
de s'être trahi jusqu'à la moelle, jamais la vocation à
l'universalité de l'humanisme dont le Vieux Monde était le
berceau n'effacerait la salissure qui entacherait à jamais son
histoire dans la mémoire du genre humain. Un furoncle immense
pourrit sous nos yeux à Gaza. Comment le cancer d'une ville de
quinze cent mille hommes, femmes et enfants ne rongerait-il les
esprits et les âmes sous le soleil des droits de l'homme?
Comment cet ulcère ne dévorerait-il pas les autels que la
Démocratie mondiale dresse à la Liberté et à la Justice?
Croyez-vous, Monsieur le Président, que l'Europe survivrait dans
l'ordre politique et dans l'ordre de l'esprit si vous ne preniez
la tête de la croisade des nations civilisées au Moyen Orient et
si vous ne les placiez sous la bannière du pays des droits de
l'homme?
Dans le cas où
la France trahirait sa vocation, croyez-vous qu'aux yeux de la
conscience universelle, le coupable en serait l'Amérique aux
bras croisés? Non, je vous le dis, Monsieur le Président, seule
la civilisation d'Antigone en serait accusée aux yeux de la
terre entière et pour des siècles, seule la civilisation de
Sophocle en porterait à jamais les cicatrices, seule la
civilisation de la pensée descendrait à jamais dans le sépulcre
de Gaza.
6 - La
Libye et l'OTAN
Mais ce n'est
pas tout, Monsieur le Président. Face à l'insurrection du peuple
libyen contre le Colonel Kadhafi et en raison des difficultés
que le renversement du dictateur rencontre sur le terrain, les
Etats-Unis vont s'empresser de placer à nouveau les pays de
l'OTAN sous leur sceptre et les mener à livrer une bataille
parallèle à celle qui a conduit ses vassaux à l'assaut de l'Irak
en 2003. Par bonheur, l'empire américain n'est plus tellement
puissant qu'aucun pays européen, la France exceptée, n'osera
s'opposer à sa volonté. Il y a huit ans, MM. Chirac et Villepin
étaient parvenus à contraindre, si je puis dire, la Maison
Blanche à commettre une faute diplomatique titanesque, celle de
se ruer en aveugle sur Bagdad en violation du droit
international et au mépris de l'autorité des Nations Unies,
parce que nous avons su menacer, à la face du monde, l'empire du
Nouveau Monde d'opposer notre veto à l'invasion du pays de
Saddam Hussein.
Aujourd'hui - à quelque chose malheur est bon - nous pouvons
recouvrer rapidement une partie non négligeable de notre capital
politique en Afrique du Nord si nous rejetons un débarquement
américain en Libye, qui serait calqué sur le précédent en Irak
et qui remettrait M. Kadhafi en selle, puisque cette nouvelle
violation au droit des gentes par Washington devrait se
trouver chapeautée par l'OTAN. Mais notre retour apparent sous
le joug dont souffrent les nations asservies de l'Europe à
l'égard du commandement militaire unifié de l'Alliance
atlantique nous donne désormais un droit de veto au sein de ce
"protectorat" militaire - et ce veto prendra tout son poids du
seul fait que notre servitude se trouve allégée de ce que nous
avons réussi à chasser l'occupant américain de notre territoire
en 1966, vingt et un ans après la fin de la seconde guerre
mondiale.
7 - La
Lybie de demain
Monsieur le Président, un autre rendez-vous du monde entier avec
Israël est sur le point d'enflammer la planète: il est
inéluctable que dans trois mois au plus tard, Gaza et la
Cisjordanie se placeront au cœur de l'échiquier politique
mondial. Soyons réalistes : au mois de mai, la seconde flottille
de la Liberté se présentera sous les murs de Gaza. Croyez-vous
vraiment que la France et l'Europe pourront se permettre
d'ignorer pour la seconde fois la tragédie vers laquelle le
peuple élu précipite la communauté internationale tout entière
depuis 1947, croyez-vous vraiment que le drame international du
sionisme ne montera pas sur les planches de l'histoire, et cela
non seulement en Europe, mais également aux Etats-Unis?
Souvenez-vous, Monsieur le Président, des premières scènes de la
pièce, quand M. Barack Obama et M. Ben-ki-Moon ont déclaré à
vingt-quatre heures d'intervalle que le blocus de Gaza était
intenable dans la durée et que néanmoins le sionisme
international était tout de suite parvenu à faire battre en
retraite aussi bien le secrétaire général des Nations Unies que
le locataire flottant de la Maison Blanche. Mais vous savez bien
qu'à la suite du réveil des peuples arabes sur le théâtre du
monde, le rideau va immanquablement se lever sur le second acte
et que la France et l'Europe se trouveront contraintes de
condamner Israël sur un double front, celui de l'expansion
illégale du peuple hébreu en Cisjordanie et celui du blocus
d'une ville qu'Israël affame au cœur d'une civilisation mondiale
de plus en plus abusivement qualifiée de démocratique.
Voyez-vous, Monsieur le Président, Dieu a déménagé. Savez-vous
que ce personnage a installé son quartier général au cœur de la
démocratie mondiale et que c'est sur la terre qu'il écrit et
réécrit sans cesse sa divine comédie?
Voici le
scénario dantesque qui nous attend: le sionisme mondial en
appellera à l'invasion de la Libye par les Etats-Unis, parce que
l'installation d'une gigantesque base américaine "de la
Liberté", donc un puissant intéressement pétrolier de Washington
dans la région paraîtra valider le siège de Gaza et la
colonisation de la Cisjordanie. Croyez-vous, Monsieur le
Président, qu'il sera possible à la France d'ignorer la
délégitimation mondiale d'une démocratie purulente sous le
soleil et à laquelle le sionisme français entraîne la nation? Le
rendez-vous avec les Huguenots d'aujourd'hui est proche,
Monsieur le Président, mais nous saurons nous protéger sans
révoquer l'édit de Nantes.
8 -
L'avenir de l'Europe de la raison
Monsieur le Président, le globe terrestre souffre d'une
paralysie cérébrale qui remonte à Thucydide; car cet historien
de génie est aussi le premier visionnaire de la politique
pestilentielle de son temps et le premier prophète qui ait
introduit dans le récit de la guerre du Péloponnèse des analyses
profondes de l'odeur de la boîte osseuse des peuples et des
nations. Mais notre siècle a rendez-vous avec une science des
âmes et des têtes qui dépassera de loin celle des aromes et des
odorances dont disposait la Grèce du Ve siècle avant notre ère,
parce qu'Israël posera au monde entier la même question que le
grand historien grec, celle de connaître les relations que les
cultures et les mythes sacrés entretiennent avec les usages, les
meurs et les divers systèmes de gouvernement.
Pour l'instant,
nous vivons dans un panégyrique continu et lassant des simples
cultures, pour l'instant nous sommes devenus des apologistes
aussi inconditionnels que naïfs de la diversité des cosmologies
sacrées qu'on appelle des religions, pour l'instant nous nous
livrons à l'apologie fatigante d'une civilisation sans tête,
pour l'instant nous plaidons inlassablement pour l'acéphalie
d'une géopolitique des sentiments, pour l'instant, nous refusons
obstinément de hiérarchiser les Etats à l'école des progrès
mondiaux de la raison et de la pensée. Mais si la science
politique et l' anthropologie critique de l'Europe et de la
France n'apprenaient pas à percer sur toute la terre habitée les
secrets d'un animal crypté de naissance, jamais nous ne
disposerons des armes d'un humanisme ambitieux de répondre au
défi que le chancre saignant de Gaza adresse à notre humanisme
en perdition, et nous descendrons au tombeau dans le mutisme de
l'âme et de l'intelligence de la France. Voulez-vous, Monsieur
le Président, conduire ce convoi funèbre, voulez-vous orchestrer
les funérailles de la civilisation de la pensée cartésienne?
Je ne vous tiens
pas d'autre langage, Monsieur le Président, que celui de la
France que nous aimons. Mais si je vous en tenais un autre, ce
ne serait plus de notre pays que je vous parlerais. Vous n'avez
d'autre choix que d'engager le combat pour la survie politique
et morale du pays ou d'accompagner le naufrage de notre
diplomatie sur l'océan tempétueux de la politique et de
l'histoire d'un monde sans tête. Allez-vous vous laisser réduire
à la même extrémité de l'impuissance et du désarroi que le
Président actuel des Etats-Unis, dont vous voyez bien qu'Israël
l'a réduit à une potiche, mais également à un fantoche coupable
de trahir les intérêts supérieurs de la nation qui l'a élu ? Par
bonheur, la France n'est pas encore l'Amérique, par bonheur
chaque fois que le destin de notre nation est en jeu, le génie
naturel du peuple français le conduit à descendre dans la rue et
à dicter à l'Etat du moment les lois de la liberté et de la
justice. Un peuple armé des pavés de la capitale, Monsieur le
Président, n'acceptera jamais que le chef de l'Etat se change en
otage d'un empire étranger et cesse d'illustrer l'esprit et
l'âme de la nation.
9 - Le
destin retrouvé de la France
Et maintenant, Monsieur le Président, voyez le chemin que la
révolution arabe a tout de suite emprunté: l'Egypte a aussitôt
cessé de fulminer bêtement contre l'Iran au profit d'Israël,
l'Egypte n'a mis que dix jours pour autoriser deux navires de
guerre de la Perse à franchir le canal de Suez, Mme Merkel a
d'ores et déjà pris le train en marche, puisqu'elle a osé dire à
M. Benjamin Netanyahou, qui lui reprochait vertement son
approbation de la motion de la Ligue arabe dont je vous ai parlé
plus haut: "Que vous permettez-vous, Monsieur !"
Si vous désirez me nommer au poste de Ministre des affaires
étrangères de mon pays, je considèrerais qu'il n'appartient ni à
la France, ni à l'Europe de légitimer, donc de pérenniser
l'hégémonie que les Etats-Unis prétendent exercer sur le reste
du monde depuis 1945, je soutiendrais que la politique de tout
pays souverain, donc de la France, lui enjoint de secouer un
joug américain dans lequel je ne vois que le lâche consentement
de nos aînés, je rapprocherais la France et l'Europe d'une
Russie appelée à retrouver son statut de grande puissance, je me
tournerais résolument vers un monde islamique en ascension, je
nouerais avec la Chine des relations fécondes afin d'associer sa
puissance future à celle de l'Europe de demain, je favoriserais
l'émergence de la Turquie, du Brésil et de l'Iran à titre de
contrepoids aux ambitions suicidaires d'Israël, je dénoncerais
la politique des simulacres, des simagrées et des subterfuges
d'un Etat qui feint de se trouver menacé, alors qu'il dispose de
l'arme nucléaire et qu'il n'est mis en danger par personne, et
surtout, comme je l'ai dit plus haut, j'initierais nos
diplomates à un décryptage anthropologique nouveau de la
psychophysiologie des peuples et des fondements de la vie
onirique des évadés de la zoologie, ce qui replacera la France à
la tête de la réflexion et de la recherche scientifique et
philosophique mondiales sur les secrets du cerveau humain.
Si j'échouais à
redonner au pays de Descartes le rang de chef de file de la
pensée au sein d'une humanité à remettre en marche, sachez que
la relève des intelligences s'impatiente déjà dans une haute
attente de la France de demain, sachez que l'élite de notre
jeunesse remettra, plus sûrement qu'un homme de mon âge la
nation sur le chemin de ses retrouvailles avec son destin."
Publié le 6 mars 2011 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez
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