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Troisième lettre ouverte à
M. Vladimir Poutine,
Président de la Fédération de Russie
Manuel
de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 5 octobre 2013
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Avant-propos
1 - Les premiers pas de
l'ironie sur la scène
internationale
2 - Le pacte d'alliance
de l'ironie avec l'épouvante
3 - L'avenir de " Dieu "
est entre nos mains
4 - Dieu et la politique
de la Russie
5 - Les démocraties
infernales
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Avant-propos
Pourquoi les fidèles d'une
religion ignorent-ils comment
leur Eglise fonctionne dans le
temporel et pourquoi ferment-ils
les yeux sur les rouages
politiques de l'évangélisme?
Voilà une interrogation qui
ressortit à la psychologie des
croyances protectrices. Que deux
siècles après la révolution de
1789, les citoyens ne veuillent
pas examiner à la loupe les
ressorts et les rouages
terrestres des républiques de
crainte que leur croyance en la
démocratie idéale se trouve
ébranlée est moins
compréhensible.
Mais ni l'école des sciences
politique, ni l'école nationale
d'administration n'enseignent
les mécanismes qui guident
l'expansion militaire et la
chute financière des empires. De
l'école primaire à l'université,
les professeurs d'histoire
évangélisent le récit des
évènements à l'écoute d'une
catéchèse de la candeur - le
livre d'heures et le missel d'un
"pacte républicain" en résument
les axiomes. La classe politique
qui aura passé par le moule
d'une vision doctrinale de ce
genre se nourrira d'un mythe,
celui de la Liberté; du coup,
l'histoire simiohumaine ne
deviendra intelligible qu'à la
lumière d'une anthropologie
critique.
On vient, une fois de plus,
d'observer la sous-information
politique d'une classe
dirigeante infantilisée par des
séminaristes laïcisés et qui
déverse des phalanges de
néophytes sur une scène
internationale pré-idéalisée,
donc cléricalisée en sous-main.
La mise hors jeu, à Damas, de la
France, et de l'Europe par une
Russie et une Amérique
hégémoniques fait jouer à
l'Elysée le rôle d'un petit
apôtre de paroisse.
Je consacrerai prochainement une
analyse à la formation, à partir
de la fin du XVIIIe siècle,
d'une classe politique issue du
creuset des docteurs de Sorbonne
d'aujourd'hui. Comment une
histoire prêchée à l'usage des
évangélistes d'une démocratie
auto-apologétique a-t-elle passé
du modèle chrétien de la foi au
modèle démocratique de l'esprit
de dévotion des modernes, qui
messianisent des abstractions
proclamées salvifiques? Quel
changement de confessionnal du
salut mais non de l'esprit de
rédemption que véhiculent
maintenant des idéalités! La
raison idéologique messianise
des concepts. Une orthodoxie du
langage a succédé aux méthodes
de pensée de la théologie. Cette
mutation mondiale du système
d'éducation de la classe
dirigeante et ce remplacement
des mythes révélés par des mots
sacralisés sont-ils inscrites
dans le capital psychogénétique
des anges au cerveau schizoïde
ou résultent-ils d'une maladie
guérissable par une
thérapeutique appropriée à cette
pathologie?
Il est trop tôt pour trancher
cette difficulté médicale. En
revanche, il est démontré que
l'expérience historique des
séraphins de la démocratie est
un remède inefficace: personne,
depuis trois quarts de siècle ne
s'étonne de l'incrustation, dans
les républiques, d'un demi
millier de garnisons américaines
qui n'y ont pas été appelées par
le suffrage universel et dont
l'expulsion n'est pas de la
compétence du vote populaire.
Après la première guerre du
Golfe, la conférence de Madrid a
débouté l'Europe de ses
prétentions à jouer sur la scène
diplomatique de la planète ;
après la seconde guerre du
Golfe, Washington s'est offert
le luxe d'aligner les petits
chefs d'Etat du Vieux Continent
sur le perron de la Maison
Blanche. En 1990, on a vu M.
Bush les rassembler à nouveau
tout joyeux, mais dans son ranch
et en gamins amusés de se mettre
un chapeau de cow-boy sur la
tête . Enfin en 2012 ils se sont
docilement pelotonnés à Chicago
autour d'un Barack Obama en bras
de chemise
Caligula et son cheval à
Chicago
,
Le messianisme
démocratique,
20 mai 2012.
Qui peut s'imaginer un seul
instant que Washington en
viendra à prendre au sérieux des
enfants de chœur convertis à ses
prières? Un apostolat au service
des brûle-parfum du mythe de la
Liberté a pris la relève des
anciens sacrifices.
Dans la troisième lettre à M.
Poutine qu'on lira ci-dessous,
je prends acte de ce que le
malade est frappé d'une dichomie
cérébrale incurable et que si la
Russie ne prenait pas la relève
de la France du XVIIIe dans la
mission d'éducatrice politique
et intellectuelle de l'Europe,
ce continent connaîtra les
félicités parfumées des
naufrages cérébraux.
1 - Les premiers pas
de l'ironie sur la scène internationale
- M.
Président ,
Il
semble que mon récit ait pris un léger
retard sur la cabriole tumultueuse des
évènements qui se sont déroulés depuis
quelques mois sur notre astéroïde et
dont le cours a quelque peu modifié le
poids, la dimension et la nature même
des pièces à déplacer sur le pesant
échiquier de la politique mondiale.
Auriez-vous secrètement changé les
règles du jeu? Le règne du monarque
américain qui survole notre poussière
est devenu soucieux. Le Vatican et
Moscou auraient-ils quitté d'un commun
accord et d'un même pas les coulisses du
théâtre où le concept messianique de
"démocratie" est devenu le pain de messe
des Etats? Nous laisserons-nous
longtemps hisser dans les airs par des
abstractions ? Mais comment distribuer à
tout le monde le pain bénit des
idéologies? Seriez-vous montés ensemble
sur la scène du comique sotériologique
de notre siècle auriez-vous décidé de
combattre côte à côte et à l'école de
l'ironiste les rêveries qui enténèbrent
l'encéphale simiohumain? Car il est venu
jusqu'aux oreilles de l'intelligentsia
européenne que Rome et la Russie
auraient commencé de renverser en
cachette les rôles des acteurs les plus
séraphiques qui volètent sur notre
goutte de boue et que vous progresseriez
sur le boulevard de l'humour politique
mondial.
Le 12
septembre, votre jeu a fait un grand
tapage sur toute la planisphère du rire:
vous avez pris au mot et laissé tout
ahuri de sa gaffe diplomatique un
humoriste maladroit, M. Kerry, ministre
des affaires étrangères des Etats-Unis,
qui avait cru faire de l'esprit sur la
Syrie: on feindrait de renoncer à
détruire purement et simplement cet Etat
et à bombarder des populations sans
défense si Damas laissait inspecter ses
magasin de produits chimiques.
Laisseriez-vous massacrer des innocents
ou lâcheriez-vous du lest?
Vous
avez saisi la balle au bond, comme on
dit; mais savez-vous, M. le Président,
que, depuis lors, tout le Vieux
Continent s'interroge avec fébrilité sur
les secrets de votre maîtrise du comique
international? Auriez-vous fait
débarquer l'humour sur la scène du
monde? On remarquera que vous procédez
par petites touches et que toute votre
ironie revient à cacher votre talent de
coloriste de la politique verbifique du
monde. Savez-vous que les étudiants en
science politique du monde entier
admirent l'habileté du discours piégé
qui vous permet de faire voleter dans
les airs une poussière qui demeurait
confinée dans les chancelleries?
Qu'avez-vous fait du marché que M. Kerry
vous mettait entre les mains? En échange
de son grain de sel, vous avez contraint
les Etats européens en sabots et
piteusement vassalisés par leur propre
catéchèse à théâtraliser le ridicule de
leur vocabulaire . Comment êtes-vous
parvenu à leur faire battre des ailerons
sur la scène? Ces angelots se trouvaient
jusqu'alors bien masqués. Et maintenant,
leurs casaques ont paru trouées et
crasseuses. Comment les avez-vous
conduits par la main, dirait-on, à
étaler le plumage de leur servitude sous
le soleil? Pourquoi ont-ils tremblé
comme des feuilles d'automne sous le
vent rafraichi de leur histoire?
Un
citoyen des Etats-Unis - et membre, de
surcroît, des services secrets du
monstre informatique - a transité par un
aérodrome exterritorialisé de Moscou.
Ils n'avaient pas prévu que vous
conseilleriez au pauvre hère de demander
asile à une ribambelle de domestiques
apeurés; et vous les avez fait défiler
un par un sous les feux de la rampe.
Quel inventaire! Vous saviez que ces
valets rejetteraient chacun à son tour
et dans l'effarement la supplique du
malheureux, tellement l'œil de leur
maître se faisait menaçant. Tout le
monde a constaté l'ahurissement des
Etats-Unis de se trouver mis en demeure
de tenir leur rôle de Grand Confesseur
de la démocratie mondiale ou de se
révéler relaps et renégats. Il est aussi
humiliant pour le propriétaire que pour
son bétail d'assister à la capitulation
publique de sa valetaille . Et vous vous
êtes donné le luxe de renouveler votre
démonstration doctrinale vingt-sept fois
sous les yeux de la déesse Liberté !
2 - Le pacte
d'alliance de l'ironie avec l'épouvante
Mieux
que cela : la patrie d'Abraham Lincoln a
découvert à cette occasion que, depuis
des années, la planète auréolée des
étoiles de la démocratie était soumise à
une surveillance policière angélisée et
que le despotisme rédempteur des
modernes se revêt d'une machinerie
d'apologètes de la Liberté.
Malheureusement, l'intelligentsia
européenne s'est tellement raréfiée et
sa culture s'est à ce point amenuisée
qu'elle s'est montrée tout ahurie par
les exploits internationaux des
logiciels de la Stasi américaine.
M. le
Président, figurez-vous qu'autrefois une
Europe de connaisseurs ne jugeait pas
les livres à l'aune de leur tirage, mais
à leur place dans la République des
Lettres. Aujourd'hui, l'Amérique
contraint ce malheureux continent à
vérifier l'élasticité des ressorts et la
solidité des rouages des œuvres avec des
yeux de vendeurs. Comment voulez-vous
qu'une civilisation soumise aux verdicts
des marchands, qui jaugent les œuvres au
montant des recettes qui entrent dans
leurs caisses, comment, dis-je,
voulez-vous qu'une civilisation placée
sous le joug et la herse des livres de
compte porte sur les barbares un regard
informé? Avez-vous lu Le Meilleur
des mondes paru en 1932 d'Aldous
Huxley, la Psychanalyse de
l'Amérique, paru en 1930, du
Comte de Keyserling ou les Scènes
de la vie future parues en 1930
de Georges Duhamel? En Occident, ces
classiques ont été mis en liquidation
par les lois du marché; et le verdict de
ce tribunal les a fait disparaître
depuis belle lurette des devantures de
nos librairies.
Et
pourtant, relevez l'heure exacte où
l'ironie fait sonner le gong de
l'histoire. Il faut attendre que
l'épidémie ait fait tomber l'écorce de
l'arbre et que le tronc ait commencé de
pourrir de l'intérieur pour que l'humour
rende visible au grand jour l'étendue
d'un désastre irréparable. Alors
seulement, le rire vient secouer les
cadavres, alors seulement, la
Métamorphose de Kafka fait
débarquer le rire jusque dans les
ossatures. Et maintenant, quelle sera la
politique mondiale de l'alliance de
l'ironie avec la mort et de la raison
avec l'épouvante ?
3 - L'avenir de
"Dieu" est entre nos mains
Le
premier rire qui ait secoué des
squelettes vous fait jouer sur le
velours: voyez l'ex-Président Carter,
prix Nobel de la paix, qui propose
gravement à la conscience morale
universelle de destituer un autre prix
Nobel de la paix, M. Barack Obama,
l'homme des drones et de Guantanamo.
Quel est le chef d'accusation ? La
tyrannie: le coupable a livré l'Amérique
des adorateurs de la Liberté à une
police secrète aussi omniprésente
qu'omnipotente.
Mais,
dans le même temps, le pape François
demande instamment à l'Eglise catholique
de cesser de jouer à la poupée et
d'entretenir les fidèles des affaires
capitales du monde, et maintenant, le
Poverello demande aux Jésuites de mettre
un terme au ressassement des péchés
véniels. Mais si la piété abandonne les
balivernes et les babioles, si la
dévotion tourne le dos aux cierges et
aux chapelets, Rome ébranlera rien de
moins que le pilier central de la
théologie chrétienne, parce que, depuis
deux millénaires, celle-ci se fonde sur
le principe angélique selon lequel toute
autorité terrestre repose sur la volonté
secrète d'une divinité aux desseins
impénétrables, ce qui permet à ce retors
du cosmos de cautionner le hasard et de
cacher son jeu sur les ailes de ses
séraphins.
Vous
avez tout de suite compris la portée
politique immense de ce cataclysme
théologique, puisque, dans votre lettre
du 14 septembre au pape François (-
Lettre imaginaire
de Vladimir Poutine au chef de l'Eglise
catholique + Lettre réelle à
Aurélie Filippetti, Ministre de la
culture), vous avez souligné
que Rome vient changer rien moins que le
décor d'une longue duperie. Mais alors,
comment l'abîme qui sépare la raison des
écrivains et des penseurs de génie de la
Russie, d'un côté, de l'entendement
mort-né des petits historiens du
temporel de l'autre, comment cet abîme
va-t-il commencer de se combler? Car une
divinité qui n'aura peiné qu'un demi
siècle à labourer le sacré dans l'arène
du monde - elle avait quitté le timon
des affaires quelques années seulement
après la tragédie du Golgotha - devra
tout subitement cesser de se laver les
mains des forfaits de la bête./font>
DDepuis
Dioclétien, le Créateur et son Eglise
jouaient les Ponce Pilate sur les
planches de l'histoire des nations; et
maintenant, le Vatican demande au
démiurge de la Genèse de mettre à
nouveau le nez dans les affaires les
plus malodorantes de sa créature. Elle
vient de qualifier l'argent de "veau
d'or" et le mot idole est tombé de ses
lèvres après quinze siècles de silence
sur ce vocable. M. le Président, je
salue votre compagnon de route, je
souhaite que sa science des odeurs qui
montent de l'histoire vous aide à
détecter les parfums et à flairer les
pestilences du monde. Mais
parviendrez-vous à détourner les yeux de
la barbarie propre aux démocraties et à
elles seules, celle des saints de la
Liberté, qui, sous l'égide d'un empire à
la bannière étoilée, affament des
peuples entiers pour leur plus grand
bien, disent-ils, et vous concoctent la
rédemption de type démocratique dans les
nouvelles marmites du diable, celles des
droits de l'homme?
4 - Dieu et la
politique de la Russie
Cinq
siècles après la parution de
L'Eloge de la Folie d'Erasme en
1509 et de L'Ile d'utopie
de Thomas More en 1516, trois siècles
après la parution de Les Voyages
de Gulliver en 1721, un siècle
et demi après la parution de
L'Evolution des espèces en 1859
, un siècle après parution de La
Colonie pénitentiaire de Kafka
en 1919 et de La Métamorphose
du même auteur en 1915 , l'Eglise
courra-t-elle au secours de ces
visionnaires de la condition humaine ou
bien les Etats se mettront-ils à nouveau
un bandeau sur les yeux et se
livreront-ils, comme devant, au ridicule
d'une Eglise qui aura renoncé à se
mettre à l'écoute du génie des
prophètes? M. le Président, sachez que
"Dieu" et la Russie sauteront derechef
et à pieds joints dans le cirque de
l'histoire vivante. Quelle sera votre
politique à l'égard d'un Créateur que
vous aurez aidé à retrouver un rôle à sa
taille?
Vous
savez que la cosmologie mythique des
visionnaires des premiers temps est
tombée en ruines, mais que cet
effondrement même redonnera toute sa
vigueur à son sceptre cérébral et que
les hommes d'Etat de demain ne pourront
se passer du secours de ce gigantesque
acteur, tellement sa carrure politique
et morale se trouvera repeinte à neuf
par la chute d'une démocratie de
sauvages dans l'enfer de la famine.
Observez la fausse sainteté qu'affiche
la déesse Liberté.
De leur
côté les astronomes se sont donné pour
unité de mesure la distance de la terre
au soleil, qui s'élève à cent cinquante
millions de kilomètres. Ces arpenteurs
impénitents multiplient ce jalon un
million de milliards de fois pour courir
seulement d'un bout à l'autre de leur
microscopique univers matériel. Mais
ensuite, des milliards de milliards
d'années de la course de la lumière dans
le vide viennent les tirer par la manche
avec insistance et leur faire rencontrer
de force une seconde galaxie, puis une
troisième et ainsi de suite. L'infini
n'a pas de frontière, si les mots ont un
sens. Mais qu'est-ce que l'empire
carcéral d'un Dieu cadenassé dans le
néant si l'histoire et la politique
ouvrent une étendue nouvelle à la
réflexion sur la morale du genre humain?
Vous
vous trouvez donc, M. le Président, dans
un siècle où le Dieu des morts n'est
déjà plus celui de demain. Le modèle
ancien avait mis sept jours entiers, le
pauvre, à se fabriquer un globe
terrestre infinitésimal. A ce rythme, sa
tâche n'est pas près de s'achever. Vous
savez que Bossuet n'avait mis, ce
malheureux petit démiurge à l'ouvrage
que depuis quatre mille ans. Mais,
précisément, l'évanouissement du Dieu
des singes le fera resurgir un peu plus
respirant dans les tempêtes du monde.
Certes,
l'humanité actuelle éprouve encore le
besoin impérieux de croire que le cosmos
se trouverait entre les mains de
quelqu'un, à la manière d'une diligence
dont un cocher tiendrait les rênes entre
ses mains. Les héros de leur solitude ne
sont pas encore nés, il leur faut se
décharger de ce fardeau sur les épaules
d'un tiers. Mais, M. le Président,
comment voulez-vous qu'une divinité et
efflanquée et qui n'aura perdu que
l'édifice d'une maigre cosmologie
mythique ne s'attelle pas à une tâche de
plus forte taille et plus digne de
l'infini qui la défie, celle de se
saisir du moins à bras le corps des
affaires pestilentielles de sa créature,
et comment un chef d'Etat à la mesure du
tragique des barbares de la Liberté ne
s'entretiendrait-il pas du sort de la
planète avec un pape de génie, qui a
compris, lui aussi, que l'alliance de
saint Ignace de Loyola avec saint
François scellera un pacte nouveau entre
l'éthique et la pensée, le cœur et la
politique, la lucidité des Etats et la
faim dans le monde. Certes, la
civilisation de l'intelligence et la
barbarie des démocraties? Tel est le
champ de l'action grand ouvert devant
vous.
Mais
pour que la Russie retire, aux côtés du
Saint Siège, le bandeau que les Etats
démocratiques se mettent sur les yeux,
il faudra une géopolitique dont le
regard de l'extérieur sur l'animal
parlant encouragera l'Iran à repousser
l'assaut de ses affameurs, encouragera
la Syrie à résister aux fanatiques de la
guerre sainte, encouragera la nation
américaine à résister à la mise sur
écoutes de tous les habitants du globe
terrestre. Porterez-vous à pas de géant
l'histoire du monde à la hauteur de la
scène politique de notre temps - celle
qu'Aristophane, Molière, Voltaire
cachaient sous le voile du rire?
5 - Les démocraties
infernales
Décidément, la patrie de Jefferson et
d'Abraham Lincoln fait douter de la
solidité de sa boîte osseuse quand elle
vous donne, sans rire, l'assurance qu'à
titre exceptionnel et en raison
seulement de votre insistance, le
fugitif que Rome et la Russie protègent
d'un commun accord ne serait pas torturé
par les sauvages de la Liberté et qu'il
ne périrait pas sur la chaise électrique
à cent mille volts de La Colonie
pénitentiaire du grand Pragois?
Mais le Dieu de Rome et le vôtre ne sont
pas des naïfs en politique. Le ciel de
la Russie et le ciel du Quirinal se
méfient de la clause qu'il vous est
demandé de signer, celle de livrer le
plus benoîtement du monde le suppliant à
la vengeance du Père Ubu qu'on appelle
encore la Démocratie. La France, Dieu
merci, a retiré la torture de son code
pénal le 24 août 1780 - et cela sur les
seules instances de ses philosophes du
XVIIIe siècle, donc bien avant
l'abolition de l'Inquisition, qui
remonte à la Révolution de 1789, mais
que Louis XVIII a légitimée à nouveau en
1814.
M. le
Président, redresserez-vous une Eglise
devenue indifférente au progrès moral
des civilisations? Car Rome vous aide
maintenant à combattre le faux clergé
des droits de "Dieu", à combattre le
sacerdoce de la "justice universelle" et
des hosties verbales dont seul le
concept nourrit le creux, à combattre
l'apôtre américain de la démocratie des
mots abstraits, à combattre le messie
d'outre-Atlantique censé vous accorder
la grâce la plus insigne, celle de
renoncer, dit-il - mais du bout des
lèvres - à torturer et à assassiner
l'otage d'une Stasi dont le règne
s'étend à tout le globe terrestre et que
le peuple américain a dûment légalisée.
Croyez-moi; vous aurez grand besoin du
Dieu de l'Eglise de demain, celui que la
Russie et Rome auront dépossédé de la
cosmologie ridicule des ancêtres. Aidez
ce Dieu-là à descendre dans les esprits
et les cœurs.
Le 12
octobre, je vous entretiendrai à nouveau
de vos relations intellectuelles avec
Rome et de vos réflexions communes
d'anthropologues et de psychanalystes de
l'arme nucléaire iranienne.
Le 5
octobre 2013 Reçu de l'auteur pour publication
Le sommaire de Manuel de Diéguez
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