Philosophie et politique
Apprenons à
reconnaître un chef d'Etat (2)
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Dimanche 5 février
2012
La semaine dernière, je vous ai proposé
une première analyse de la vocation des
grands chefs d'Etat de civiliser leur
nation ; et j'ai tenté de vous démontrer
que la marche des civilisations passe
par les conquêtes progressives de la
pensée rationnelle. C'était tenter de
donner à la notion même de souveraineté
politique un contenu émancipateur,
c'était rêver d'armer la liberté d'un
contenu intellectuel, c'était s'engager
sur le chemin d'une histoire de notre
conque sommitale que l'intelligence
critique aurait tracée de siècle en
siècle, c'était prétendre sceller les
retrouvailles de la guerre de notre
espèce contre les illusions tantôt de
ses sens eux-mêmes, tantôt de son
imagination religieuse, c'était soutenir
que le véritable destin politique de la
planète est inscrit dans la bataille
multimillénaire de notre cervelle pour
la conquête de son propre devenir,
c'était rappeler que notre époque est
celle de la rencontre de nos
connaissances scientifiques avec le
décryptage des ultimes secrets
psychiques de notre espèce, puisque la
politique est devenue l'agent de liaison
planétaire entre notre instinct de
survie et la puissance de plus en plus
redoutable de nos armes. Du coup, le
droit public devenait le nouveau
baromètre de la politique et de la
civilisation confondues.
La question imposée à l'anthropologie
scientifique par ces prolégomènes
inquiétants est maintenant celle de
savoir quelles relations le grand homme
d'Etat entretient avec l'instinct animal
qui, lui aussi, rattache la liberté à la
propriété d'un territoire. Quels sont
les liens que les civilisations
entretiennent avec leur tanière, comment
les plus hautes conquêtes de
l'intelligence trouvent-elles leur
assise dans un terrier, pourquoi les
sociétés privées de leur sol
périssent-elles dans la servitude?
Telle est la question de jour en jour
plus pressante que nous pose la
vassalisation de l'Europe sous le joug
de l'occupation militaire américaine de
son habitat. Du coup, la réflexion sur
la stature émancipatrice de l'homme
d'Etat en vient à occuper le centre de
la science politique. Car si le
capitaine tient le gouvernail d'une
civilisation condamnée à demeurer en
marche ou à périr, on demande au
philosophe et à l'anthropologue de
rédiger en commun le nouveau "Discours
de la méthode" qu'appelle la raison
politique mondiale.
1 -
Les
ophtalmologues de l'humanité
L'intelligence politique de l'homme
d'Etat civilisateur se nourrira de la
simplicité même du spectacle que
l'histoire entière du monde présente à
son regard. Qu'en est-il du solide bon
sens que requiert la compréhension du
déroulement de la pièce? Il est des
évidences sauvages, mais d'une grande
charge de vérité.
Pour comprendre ce point inaugural,
considérons un instant l'habillage
zoologique dont la pensée politique se
revêt encore de nos jours: tout vrai
chef d'Etat voit au premier coup d'œil
qu'un continent occupé par cinq cents
garnisons de l'étranger incrustées sur
son sol depuis plus de six décennies
n'est qu'un cadavre politique à ramener
à la vie. Voyons comme le diagnostic des
ophtalmologues du trépas est sans appel:
jamais, disent-ils, un habitacle asservi
à une puissance extérieure depuis trois
générations ne reconquerra la liberté de
jugement indispensable à l'exercice
d'une souveraineté réelle s'il ne change
d'encéphale, jamais aucun élan du cœur,
jamais aucune ambition de l'esprit ne
prendront une forme viable dans le
creuset des cerveaux vassalisés par
l'étroitesse de leur horizon mental.
Quand une occupation militaire enracinée
sous la meule du temps - des traités
internationaux auront été doucereusement
conclus et signés entre des Etats de
figurants - aura fait souche dans les
têtes des moribonds de la politique, une
longue mascarade diplomatique légitimera
des fantômes. Le droit international
sera rendu aussi illusoire que pain
bénit. Sachez qu'un chef d'Etat dont la
cervelle n'apercevrait pas le tranchant
d'un glaive triomphant sous un montage
politique aussi artificiel que féroce,
qu'un tel chef d'Etat, dis-je, ne
dispose en rien du jugement qu'exige
l'exercice réel de sa charge.
2 - La
dégénérescence cérébrale et la
dégénérescence politique
Ce premier constat nous aidera à suivre
le sillon creusé par le soc d'une raison
politique d'un calibre supérieur à celui
des mourants, tellement nous nous dirons
que si la cécité cyclopéenne des Etats
européens actuels est partagée par toute
la classe dirigeante d'une civilisation
autrefois glorieuse, il nous faudra
descendre dans les abysses inexplorés du
genre simiohumain d'hier d'aujourd'hui
et de demain afin de tenter d'en
découvrir les racines.
Du coup, le gouffre qui nous semblait
immense et impossible à combler entre
l'instinct politique des bêtes en
liberté et les aménagements cérébraux
ultérieurs dont nos sociétés civilisées
se sont progressivement dotées, ce
gouffre même rendra prospective notre
intelligence trans-zoologique encore en
germe; car cet abîme nous incitera à
raccorder la surface des choses à une
spéléologie du pithécanthrope. Pourquoi,
nous demanderons-nous, la raison
politique la plus rudimentaire du
simianthrope originel, celui dont la
guerre se réduisait à un combat pour sa
survie, peut-elle se trouver entièrement
anéantie par les conquêtes ultérieures
de sa raison?
Naturellement, nous dirons-nous, si M.
François Bayrou ne sait plus ni ce que
signifie, dans les profondeurs du
psychisme simiohumain actuel, la
croyance béate aux prodiges religieux
pourtant les plus sots d'autrefois, ni
quelles plantes le bathyscaphe de la
pensée moderne ira chercher au fond des
mers, il nous deviendra plus aisé de
comprendre pourquoi un chef d'Etat
ficelé des quatre membres au ciel des
millénaires antérieurs ne saurait
disposer du recul nouveau dont l'homme
politique a besoin. Mais encore nous
faudra-t-il apprendre à démonter pièce
par pièce l'échafaudage cérébral dont
notre espèce s'est armée siècle après
siècle; sinon, inutile de seulement
tenter de nous expliquer clairement par
quel prodige une civilisation fondée
depuis la Renaissance sur les sciences
exactes, donc sur la distanciation
spécifique qu'appelle l'esprit de
logique, peut produire des boîtes
osseuses inaccessibles à l'éclairage
politique le plus élémentaire; et si
nous n'acquérions pas une connaissance
détaillée de l'arrière-monde aveugle à
lui-même qui commande encore la cécité
cérébrale du singe devenu semi-réflexif
d'aujourd'hui, jamais nous n'observerons
au microscope le statut mental et la
spécificité psychique qui
n'appartiennent qu'aux hommes d'Etat de
haut vol.
Car l'animal en bonne santé chasse de
son territoire l'intrus qui prétendrait
s'y implanter à demeure. Quelle est donc
la maladie qui entraîne l'atrophie, puis
l'extinction radicale de ce savoir inné
chez les bêtes au sein d'une
civilisation cérébralisée en apparence
par des idéalités spéculaires? L'examen
de ces idoles autoglorificatrices
exigera une spectrographie des
sacralisations verbales pseudo
promotionnelles entièrement inédite; et
il nous appartiendra de percer les
secrets de fabrication du pithécanthrope
totémisé par son langage. Car la
sorcellerie incantatoire, fulminatoire
et pestifératoire des primitifs a changé
de flèches et de miroirs.
3 -
Aux sources de la sorcellerie
démocratique
Voici la balance dont les plateaux
recevront l'un la cervelle du singe
demeuré muet, l'autre celle d'une
humanité rendue paralogique du haut des
cieux, voici le fil d'Ariane qui nous
conduira à l'examen critique des
sciences théoriques - celles qui nous
donnent l'illusion fascinatoire que nous
soumettrions la nature à notre parole,
mais qui nous conduiront maintenant à
l'inspection sacrilège des souterrains
zoologiques qui téléguident encore les
civilisations oniriques de notre temps.
Apprenons seulement, pour l'instant, que
Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) assurera
nos premiers pas et que nous avancerons
à grandes enjambées dans la connaissance
de la topographie du cerveau de la
démocratie et de son mythe de la
liberté; car nous apprendrons que le
sorcier assis sur le rivage est un
géographe et un opérateur à distance. Sa
conviction est entière: il se trouve,
pense-t-il, aux commandes de la baleine
qu'il suit des yeux et qui croise au
large. L'action censée abolir les
distances est la clé de l'esprit
magique.
A la suite de ce précurseur de
l'anthropologique critique que fut
Lucien Lévy-Bruhl, le monde moderne
qualifie la mentalité des primitifs de
projective. Mais la psychanalyse a fait
de si grands progrès dans la
spectrographie de l'inconscient
simiohumain qui pilote le vocabulaire
encore si proche de l'animal dont
témoigne la raison scientifique
occidentale qu'un Erich Fromm
(1900-1980) - le "pieux" en allemand -
observait déjà quelques traits
saisissants de l'esprit viscéralement
projectif qui téléguide toutes les
religions du monde - mais non encore la
magie qui sous-tendait la physique
pré-einsteinienne.
Voici les étapes intellectuelles que
nous aurons à parcourir avant de nous
colleter à nouveaux frais avec la
question du génie spectrographique qui
caractérise les plus grands hommes
d'Etat, c'est-à-dire leurs capacités
naturelles de transcender la raison
demeurée semi-animale de leurs
congénères. Car si tout homme politique
d'envergure est un anthropologue-né,
comme il est suggéré plus haut, c'est
parce que ce type de civilisateurs sait
d'instinct sur quelle assise le cerveau
semi animal des Etats et des nations
s'est construit. L' arrière-monde des
sauvages qu'il contemple en libérateur
du joug de la magie lui a permis de
descendre plusieurs siècles avant les
anthropologues actuels dans les
entrailles des sorciers et des
exorcistes dont toutes les civilisations
simiohumaines font encore leur
principale nourriture cérébrale.
Car, se dit l'homme d'Etat prospectif,
si la croyance en l'existence extérieure
à la conscience de tous les dieux ou
d'un seul est nécessairement une
représentation des divers personnages
cosmiques enfantés par la volonté des
visionnaires de la politique et si ces
sorciers de plus en plus avisés ont fini
par installer un souverain de génie dans
le néant; et s'ils ont fait d'un sorcier
suprême du cosmos leur maître sur la
terre, c'est que cet acteur unique sera
donc un politologue de toute première
force, puisqu'il se rendra capable de
prendre sur ses épaules le fardeau le
plus lourd, celui de guider et
d'administrer l'univers dans toute son
étendue. De plus, cet empereur solitaire
de la vie et de la mort de ses sujets
sera également un législateur de génie,
un moraliste de premier rang et un
protecteur adroit, donc un dirigeant
polyvalent dans l'ordre du fascinatoire.
Du coup,
il se sur-idéalisera de main de maître
par "l'intercession" d'un animal déjà
devenu relativement réflexif. Il me
faudra donc, se dit l'apprenti des Etats
destinés à devenir pensants, il me
faudra approfondir mes analyses
rudimentaires des entrailles de la
sorcellerie et de la magie, ce qui me
fera accéder à une psychanalyse
transcendantale des ressorts qui
commandent la raison projective de
toutes les "créatures" soumises à un
maître imaginaire de l'univers; puis il
me faudra décrypter l'inconscient
politique des prosternations qui
sous-tendront également et
nécessairement les constructions
théoriques de la physique mathématique
des ancêtres. Alors seulement je
connaîtrai l'assiette cérébrale de la
science politique naïve d'autrefois, qui
s'étendait jusqu'à expliquer la
dromonanie de la matière cosmique."
4 - Les sorciers
d'aujourd'hui
C'est pourquoi, se dit notre
civilisateur des Etats d'aujourd'hui, la
première physique mathématique que
l'Occident s'est construite reposait sur
le langage juridique, donc politique
hérité des Romains : à partir de cette
mimétique primitive, les usages et
coutumes constants, mais aveugles et
muets de la matière inanimée se
calquaient docilement sur une mise en
ordre du monde elle-même imitatrice et
vénératrice du règne alors rigide et
ritualisé qu'exerçaient les lois sur les
cités en cours de civilisation. Alors
les redites mystérieuses de l'inerte se
sont mises à parler par la voix du droit
censé les habiter, à la manière,
précisément, dont le sorcier de Lucien
Lévy-Bruhl se croyait l'acteur dont la
voix mettait la baleine en mouvement au
large. Mais nous apprendrons également
que le cosmos est une baleine guidée par
la relativité générale d'Einstein, et
non à l'écoute de l'espace et du temps à
trois dimensions au nom desquelles les
hommes d'autrefois se prenaient pour des
sorciers de la matière en mouvement. Le
terrain se trouve donc suffisamment
déminé pour que nous approfondissions
jusqu'au vertige la notion encore en
voie d'élaboration, de "raison
projective" de Lévy-Bruhl, puisque le
genre simiohumain actuel auquel nous
appartenons encore est demeuré tout
entier une immense tribu de sorciers
inconsciemment agenouillés devant la
statue de leur langage régulateur, donc
candidement projecteur de personnages
cérébraux censés régir les constances
des comportement du cosmos.
Nous observerons donc comment les
premiers dieux sont nés de la voix et du
langage des chefs de tribu donc des
hommes politiques rendus instantanément
agissants dans l'étendue, puis censés
exister concrètement par les soins
empressés de soutiens matériels
multiples et de nombreuses jambes de
force - ciboires, encensoirs, parfums,
autels, bougies. De même les citoyens
actuels "objectivent" les diverses
nations auxquelles ils "appartiennent" à
projeter le concept omniprésent de
patrie sur des uniformes, des
décorations, des robes noires, des
galons, des drapeaux, qui n'y peuvent
mais, les pauvres. Car Dieu et la France
ne sont vivants que dans nos têtes.
Sachons qu'il est illusoire de tenter de
substantifier des acteurs omnipotents de
l'esprit - ils sont immatériels par
nature. Les supports physiques à l'aide
desquels nous nous efforçons de les
secourir, ils s'en moquent comme d'une
guigne. Se loger dans la baleine du
sorcier, nous disent-ils, c'est
fabriquer des corps à l'aide de vos
voix.
Et voilà que nous commençons de rendre
intelligible qu'un agrégé de Lettres
puisse demeurer aveugle en politique;
car il se croit assis sur le tas d'or
d'un savoir qu'il croit rendre
"objectif" à l'école des signifiants
physiques censés les habiter et qu'il
projette sur eux et en eux par magie;
mais il ignore que la chosification des
signes et des signaux ne renvoie jamais
qu'à la fausse monnaie que frappent les
sorciers autoréfléchis dans le miroir de
leur parole, celle que forgent les
gigantesques ateliers de la conscience
pseudo démocratique de l'humanité
actuelle. Le mythe de la Liberté
agissante à distance est l'ultime
héritier de la baleine ensorcelée de
Lévy Brühl.
Du coup, le concept de justice devient
le moyen abstrait du char de l'histoire,
du coup, l'accès à l'animal ignore la
médiation de la politique et la
scolarisation du langage fétichise les
savoirs.
5 - La politique
de la dignité humaine
Parvenus à ce point de notre initiation
au regard que l'homme d'Etat
civilisateur porte sur l'animal
spécularisé, donc totémisé - regard dont
bénéficiaient déjà les grands esprits
désensorcelés du passé - nous nous
demanderons de quelle émancipation du
joug et des recettes de l'esprit magique
et de quelle élévation intellectuelle et
morale une lucidité désillusionnée en
apparence armera l'homme d'Etat
libérateur.
Pour faciliter notre cheminement sur ce
sentier, observons le lien étroit qui
rattache la chosification magique des
valeurs, d'une part, aux principes qui
régissent la vassalisation politique de
l'Europe, d'autre part, et comment le
langage chosifiant des sorciers de la
démocratie véhicule sous nos yeux la
servitude à laquelle nos aînés se
trouvaient encore plus systématiquement
asservis que nous-mêmes. Car c'est au
nom de la défense universelle des droits
de l'homme et pour le salut de notre
espèce censée menacée par l'arme
nucléaire iranienne que l'Amérique a
convaincu l'Europe asservie de frapper
d'un embargo le pétrole de la Perse.
Mais outre que les Etats-Unis n'en sont
pas acheteurs, ce qui ne coûte rien à
l'affichage de leur blason démocratique,
il ne s'agit nullement de conjurer un
prétendu danger atomique, mais seulement
de perpétuer l'hégémonie militaire et
politique d'Israël au Moyen Orient; et
comme Israël est devenu le maître du
Congrès et des élections présidentielles
du Nouveau Monde, la sorcellerie
projective à laquelle la parole réputée
démocratique de Washington s'exerce
depuis 1945 nous aide à observer le
véritable enjeu, c'est-à-dire les
objectifs politiques concrets d'un
empire. Le discours messianisé et le
message idéaliste de la civilisation
mondiale sont construits sur le même
modèle évangélisateur que le mythe du
salut des chrétiens, qui cachait
l'expansion politique et guerrière de
l'Eglise sous le masque de la
"rédemption" des pécheurs - donc sous le
drapeau de leur "rachat" au diable dans
les griffes duquel ils étaient censés
être tombés.
Ce sera donc à la lumière de la
connaissance anthropologique du cerveau
ensorcelé de l'humanité tout entière et
de l'histoire sotériologique que nous
radiographierons l'homme d'Etat de
génie; car ce qu'il observe en
psychobiologiste de la servitude mentale
dont les semi évadés de la zoologie se
trouvent frappés de naissance, ce qu'il
aperçoit en outre et bien au-delà de ce
premier paysage, c'est que l'extension
impérieuse du mythe démocratique à la
pestifération et à la damnation de
l'Iran n'est elle-même que l'avant-scène
appelée à camoufler les ressorts de
l'intrigue centrale, celle de la
conquête du "Grand Israël".
Chacun sait que l'arme atomique
iranienne est mythologique par nature et
par définition, puisque inutilisable
face à un adversaire qui en dispose
également. Mais les huit détenteurs
actuels d'une foudre inutile sont de
mèche pour feindre de disposer
effectivement de cette arme de sorciers;
et cette magie politique fonctionne bel
et bien sur tous les esprits. De plus,
le langage des ensorceleurs qui la
présentent sous un jour apocalyptique en
Iran se révèle d'un usage politique bien
plus facile qu'en Cisjordanie. Car, face
à Téhéran, Israël brandit le souvenir du
massacre ou du génocide de la "shoah",
tandis qu'à Jérusalem et en Cisjordanie,
Jahvé se présente en conquérant pliant
sous le faix de ses armes: impossible de
cacher son glaive au regard du monde
entier. L'escamotage magique de
l'histoire réelle sous le masque
ensorcelé de la sotériologie
démocratique se trouve tellement pris en
défaut sur le terrain qu'il faut
recourir à la face évangélique,
rédemptrice et messianique du mythe de
la Liberté, celle dont les idéaux
verbaux de la démocratie sont devenus
les idoles parlantes. On voit que la
subtantification politique, donc
physique, du discours sacré des modernes
révèle le fondement psycho cérébral
d'une espèce dont Lévy Brühl n'avait pas
compris que la baleine du sorcier en est
l'archétype.
6 - L'industrie
des ténèbres
Et maintenant, pourquoi nous jeter tout
subitement un cours de théologie
élémentaire à la figure? Parce que,
comme il est dit plus haut, la
diabolisation du monde a changé
d'affûtiaux et de registre, la damnation
démocratique a fait débarquer sur la
terre une cargaison de mille sortilèges
nouveaux - le sceptre de la Liberté
lance à son tour les foudres de
l'excommunication majeure des
mal-pensants. Une fois de plus,
exercez-vous à une analyse
d'entomologistes des alliances du droit
avec le sacré.
Un grand homme d'Etat perdrait le titre
de civilisateur s'il ne se montrait un
émancipateur. Que vaudrait ce libérateur
s'il ne signait un pacte avec le destin
de l'intelligence trans-théologique qui
nous attend? Apprenons à reconnaitre les
traits d'un timonier de la France du
savoir et de la raison, d'un guide et
d'un pédagogue de la connaissance des
origines zoologiques des autels.
Vous savez, comme il est dit plus haut,
que M. François Bayrou se dit laïc et
dévot, mais qu'il ferme résolument les
yeux sur les secrets psychobiologiques
des sacrifices cultuels. Pourquoi un
chef d'Etat pensant détournerait-il son
attention des assassinats rémunérés dont
se nourrit la piété, pourquoi
ignorerait-il les fondements politiques
des offrandes rituelles que réclame le
ciel d'un quémandeur? Le tribut dont un
boucher du salut a tarifé le montant,
telle est la clé secrète du marché du
trépas; et ce boucher cache les cordons
de la bourse des dupés de la mort et de
l'éternité.
C'est que l'homme est un guerrier-né;
mais il est libérateur, pour nous, de
savoir qu'à ses yeux, il n'est pas
d'ennemi qu'il ne pense terrasser à
mains nues, il est émancipateur, pour
nous, de découvrir que si nous
nourrissons l'ambition de mettre la mort
hors de combat, nous ne disposerons
jamais que d'un banquier de nos songes.
Qu'en est-il du pourvoyeur d'une
immortalité que nos ancêtres avaient
mise à l'abri d'un crack du ciel? Pour
tuer la mort à notre plus grand
avantage, nous diront les théologiens,
conquérez votre éternité à la sueur de
votre front; et pour vous procurer le
bien le plus précieux de tous, acquittez
à l'idole le prix de la victime la plus
chère - Isaac, Iphigénie, Jésus-Christ,
Socrate, Muhammad. Rien n'est trop
coûteux à la bourse de l'usurier de
l'immortalité.
Mais pourquoi les mortels se livrent-ils
à un négoce de prébendes avec le vendeur
de leur survie dans les nues? Pourquoi
marchandent-ils à la corbeille la
résurrection dispendieuse de leur
charpente? Le titanesque engrangeur et
profiteur de nos squelettes serait-il un
acheteur de nos ossements? C'est que
notre espèce s'est mis en tête d'acheter
une cité fleurie dans l'au-delà.
Observez les clientèles du ciel : elles
refusent tout net de se domicilier dans
un palais aux murs lézardés et dont
elles ne connaîtraient ni l'architecte,
ni l'administrateur, ni le percepteur.
Le loyer de l'éternité se calcule au ras
des guichets. Et pour que le bail de
l'immortalité se trouve garanti par la
signature des acheteurs de bonne foi,
assurons-nous devant notaire de la
solidité des créneaux de la forteresse,
exigeons les gages les plus sûrs de la
validité des clauses du contrat, ne
lésinons pas sur le montant des crédits
du funèbre - sinon le risque sera grand
de nous trouver expulsés de notre saint
sépulcre. Alors, nous serons précipités
à jamais non seulement dans le noir,
mais dans les rôtissoires les plus
brûlantes. Si nous entendons bénéficier
d'un pacte qui nous mettra à l'abri des
tortures, les arrhes à verser entre les
pattes du vengeur divin sera d'un
montant impossible à chiffrer - il y a
longtemps que les milliers de bœufs, de
chèvres et de moutons autrefois
sacrifiés en bonne et due forme ne
suffisent plus aux mâchoires édentées
d'un ciel privé des crocs de l'ogre du
Déluge. Le christianisme est retourné à
la férocité masquée d'un sacrifice
enrubanné de cantiques, celui d'un seul
congénère, mais hors de prix et tout
entouré des dentelles et des sonnettes
du salut.
7 - L'homme
d'Etat et l'avenir de l'Europe de la
pensée
"Quelle chance, se dit le civilisateur
de l'Etat et l'émancipateur de nos
têtes, quelle chance que l'avenir
politique de l'Europe de la pensée
dépende, une fois encore, de notre
capacité de reprendre la direction
cérébrale d'une civilisation que nous
avions forgée sur l'enclume de la pensée
rationnelle. Au XVIIIe siècle, la France
des conquêtes, donc des audaces de
l'intelligence avait pris plusieurs
longueurs d'avance sur le gabarit de
l'humanité moyenne de ce temps-là. Pour
la première fois depuis le miracle grec,
les combats de la lucidité passaient à
nouveau par le larcin du feu du ciel.
Certes, la Renaissance avait régénéré
l'espérance prométhéenne: le sacré,
pensait-on, allait desserrer son étau
sur l'encéphale des évadés partiels du
règne animal, Adam allait prendre
possession d'une boîte osseuse animée
d'un nouvel élan.
Las, on avait bel et bien retrouvé
intactes quelques pièces du musée des
Lettres et de la pensée antiques; mais
les humanistes avaient loupé le
rendez-vous de leur cervelle avec
l'interprétation des codes ensanglantés
qui mettent en branle les charpentes
osseuses des idoles. Et maintenant, par
quel paradoxe le naufrage même des têtes
prospectives redonne-t-il au Vieux Monde
l'espoir de percer la digue qui sépare
les tempêtes de la mer des plates-bandes
de la terre ferme, tellement la menace
d'un nouvel ensevelissement de
l'humanité dans les ténèbres de
l'ignorance et de la peur conduit à un
approfondissement vertigineux de la
connaissance des divinités dont cette
espèce projette les effigies parallèles
aux siennes dans le vide de l'immensité?
Il y a trois siècles, les combats d'une
théologie coincée entre les périls et
les promesses du trépas n'étaient pas
encore devenues intellectuellement
féconds, parce qu'au cours des ultimes
convulsions d'un mythe sacré, il se
trouve réduit aux soubresauts d'une
longue agonie ; et il s'éteint avec
lenteur dans les rituels desséchés
auxquels se livrent ses derniers
fidèles. Mais l'arrivée massive sur le
territoire de la France de millions de
croyants attachés aux écrits et au culte
d'une autre divinité que celle des
Capétiens provoque fatalement une
suffocation subite des songes pieux dans
les têtes qu'intéressent encore les
Olympes nationaux; et comme il se trouve
qu'un dieu né seulement au VIe siècle de
notre ère se présente nécessairement
moins ridiculement fagoté de
représentations anachroniques de
l'univers de la matière que celles des
chrétiens, qui se sont trouvés ligotés
un millénaire et demi durant à la
physique astronomique de Ptolémée,
l'étude anthropologique des immolations
récompensées que pratiquent les
carnassiers des nues conduit le XXIe
siècle à plonger dans les souterrains
immémoriaux que le mythe et la politique
se partagent; car, depuis la nuit des
temps, ce sont des torrents
d'hémoglobine rémunérés qui coulent des
entrailles de l'histoire.
8 - L'immoralité
de Dieu
Voltaire rendait encore la sainteté des
chrétiens sommitale dans les burettes et
les ciboires de la "tolérance"
religieuse. Une séparation titanesque,
mais trompeuse entre le ciel sanglant
des sacrifices dits "satisfactoires" et
l'histoire, non moins féroce, du
simianthrope sur les arpents de ses
propitiatoires illustrait l'asphyxie
continue d'une foi monarchique étranglée
entre les clochettes de la piété et le
massacre sacré hérité des ancêtres. Mais
la suffocation politique de l'Europe de
droit divin entre ses dévotions
séraphiques et sa fournaise ardente
conduit l'anthropologie religieuse
contemporaine à plonger dans les
entrailles animales de l'histoire que
les hommes et leurs idoles se sont
partagé de tous temps; et cette science
au scalpel emprunte nécessairement les
seuls chemins encore praticables, ceux
d'une civilisation ouverte à
l'approfondissement ressuscitatif du
"Connais-toi".
Alors, l'homme d'Etat civilisateur fait
intrusion, une fois de plus, dans la
connaissance scientifique du seul animal
glorifié par son effigie oscillante
entre ses sucreries et ses égorgements
et qui se fait accompagner dans les nues
par un souverain impérieux du cosmos.
Car, dit-il, les philosophes du XVIIIe
siècle n'avaient nullement compris que
les dieux sont nécessairement des copies
de l'immoralité native de leurs
inventeurs et que les sacrifices de
sauvages que cette espèce pratique
depuis les origines photographient le
fonctionnement immolatoire d'une bête
diablement meurtrière. Le déplacement du
champ de la caméra auquel procède
l'anthropologue du sacré illustre la
prophétie de Nietzsche selon lequel
christianisme périra de son immoralité;
mais la naissance d'un regard de
l'extérieur sur les religions
sacrificielles et sur leurs organes
internes les révèle également des
décalques lénifiants, donc des
édulcorants du tribut sanglant que les
sociétés s'offrent sur les étals
qu'elles sont à elles-mêmes. Voilà qui
met un fil à la patte de Voltaire:
l'anthropologie des meurtres religieux
court vers un nouvel avenir de la
connaissance abyssale de l'humanité,
celle que nourrit la dissection des
dieux simiohumains; et c'est sa propre
effigie, sa propre histoire, sa propre
politique que le pithécanthrope autopsie
à l'aide du bec et des crocs du vautour
de Prométhée.
Qu'en sera-t-il du civilisateur des
neurones d'une Europe à remettre en
avance sur l'encéphale du reste du monde
et qui méritera le rang et le titre de
chef d'Etat émancipateur? C'est
seulement de paraître s'abaisser, disait
Pascal, que la raison libératrice
progresse entre les récifs de
l'histoire: le chrétien des origines en
savait moins que les païens trompés par
la fausse science d'eux-mêmes que les
effigies de leurs dieux leur dispensait.
Déjà le continent du bistouri de la
pensée s'apitoie sur le scalpel émoussé
des ancêtres, déjà, il jette un regard
de commisération sur les rêves d'enfants
des peuples qu'enorgueillissait et que
faisait trembler le sceptre de leurs
ogres divinisés.
9 - Une démocratie acéphale
Reprenons: si M. François Bayrou ignore
de quoi il est question sur la
mappemonde quand il vous donne tantôt à
goûter le gâteau au miel d'une laïcité
décérébrée, tantôt de quoi faire briller
le chandelier doré des idoles que
sécrète l'histoire américaine du monde,
comment représenterait-il une autre
France que celle qui s'éclaire tour à
tour aux bougies du ciel des ancêtres et
aux ripolinages des idéalités de la
démocratie mondiale?
Observez l'humanité réelle que la
théologie vous apprend à regarder droit
dans les yeux, observez le dieu cloué
sur l'offertoire sanglant de sa
créature! Au regard de la sainteté
suante sur une potence, la sainteté
démocratique vous semble bon enfant; ne
vous enseigne-t-elle pas que toutes les
religions ne seraient qu'une friandise
inoffensive? Mais si force effluves
crucificatrices flattent encore les
narines des néophytes de la démocratie
mondiale, apprenez à humer le vrai
parfum des propitiatoires de la
politique sur la scène internationale.
Car, dit
l'homme d'Etat aux fines narines, la
question de la solidité ou de la
fragilité de nos têtes est devenue celle
du pilotage civilisateur ou barbare de
la planète; et si notre souveraineté
cérébrale ne reposait pas sur une avance
de notre intelligence sur la raison des
générations précédentes, nous
n'éviterons pas le naufrage d'une Europe
à la recherche de sa lanterne de
Diogène. Pourquoi notre laïcité
ignore-t-elle aussi bien l'odeur des
entrailles de notre politique que celle
de nos sacrifices de l'autel? Si le chef
de l'Etat que nous élirons se révélait
inapte à redresser le mât de la pensée
critique sur la minuscule "extrémité
d'un continent" qu'évoquait Valéry,
notre sort d'otages de cent religions de
notre rapetissement, mais armées de
douze porte-avions géants -
l'Angleterre, la France et la Russie
réunies n'en alignent que quatre et d'un
plus petit tonnage - notre sort d'otages
nous rappellera que toute religion
privilégie un Etat et que le Zeus de nos
sacrifices est toujours assis sur le
trône de la plus musclée de ses
créatures.
Comment un chef d'Etat qui n'aurait pas
observé les entrailles politiques du
sacré naviguerait-il toutes voiles
dehors, comment une humanité asservie à
mille bases militaires d'un empire
essaimé sur les cinq continents
conquerrait-elle un vrai regard sur une
mer hérissée de récifs?
10 -
Le salaire des sorciers
Et
maintenant, allons visiter les
souterrains de la connaissance de
l'histoire la plus profonde, celle qui
nous ouvrira les portes d'un empire de
l'inconscient dont seule une raison
épurée nous fournira les clés. Car, dans
les temps antiques, on qualifiait
l'univers d'orbis terrarum, ce
qui renvoyait l'homme d'Etat à un cosmos
assorti d'une voûte tridimensionnelle
située à une faible distance de la
terre. Mais les étoiles ont cessé
d'encercler un système solaire noyé dans
l'infini.
Aussi n'est-ce plus la gestuelle
primitive de la bête muette que retrouve
l'homme d'Etat, ce n'est plus le coup de
patte du lion offensé par l'insultant
locataire de ses arpents qui inspire la
liberté des visionnaires et des
prophètes de la politique, ce n'est plus
seulement un chapardeur effronté que ce
souverain chasse de son jardin : à
l'origine des cités, les auspices
traçaient dans le ciel l'enceinte
réservée à la tribu et doublée de
l'effigie de ses dieux. Le civilisateur
des Etats modernes, lui, retrouve l'acte
fondateur de toute politique, celle du
pédagogue et du prêtre à nouveau
confondus; car c'est derechef au titre
de guide des ascensions futures de la
raison qu'il nous exhorte à chasser
l'occupant. Ne nous croyons pas devenus
pensants à batifoler, à folâtrer et à
butiner dans l'oisiveté des vassaux -
sinon nous ne retrouverons pas la fierté
de l'animal qui défend son terrier.
Le chef
d'Etat de génie est devenu un libérateur
et un ascète de l'intelligence. Son
premier coup d'éclat? Le refus de
toucher le salaire des sorciers. Un
émancipateur habité par la vocation des
"appelés" n'est pas achetable. La nation
croit s'être assuré les services d'un
magicien du langage; et elle entend
rémunérer grassement ses mérites. Mais
sa vocation élève le peuple dont il a la
charge à une autre hauteur. Entre ses
mains, l'appareil du pouvoir,
comme on dit, n'est jamais qu'un
instrument ; et son autorité morale se
fonde précisément sur le rejet du rôle
abaissant d'un stipendié de l'appareil
d'Etat. Car le véritable souverain, ce
n'est ni l'Etat, ni la République, ni la
nation, ni le Parlement, ni le suffrage
universel, mais l'esprit de justice, le
véritable souverain, c'est le génie de
la logique qui déclare que le droit sera
le premier défenseur de la civilisation
de la raison et que le chef de l'Etat se
place au premier rang des serviteurs de
l'esprit. On entre en politique comme on
entrait autrefois dans les ordres.
11 -
L'exilé volontaire
Le peuple lui-même ne sera souverain que
s'il rejette les oripeaux de la
servitude. Quand une nation entière se
met à danser autour du veau d'or de
l'étranger, l'homme d'Etat se tourne
vers ses supérieurs hiérarchiques et ses
inspirateurs, les prophètes, et il leur
demande de substituer leur voix à la
sienne. En tout homme d'Etat
civilisateur sommeille un grand exilé
volontaire. Lycurgue avait demandé à la
Pythie de Delphes de prendre la relève
de son œuvre de législateur et de
déclarer à sa place que les nouvelles
lois de Sparte lui ont été dictées par
la volonté des émancipateurs divins de
son temps.
La France est à la
recherche du libérateur qui dira à
l'Europe entière: "Tu n'as plus de dieux
extérieurs à vénérer, tu n'as plus de
sceptre du ciel devant lequel te
prosterner. Sache donc que la voix en
altitude de la conscience du monde n'a
jamais appartenu qu'à toi seul.
Agenouille-toi devant ce souverain, mais
donne-lui tes ordres, commande-lui de
chasser l'occupant, mets à la voile et
vogue pavillon haut - sinon le monde
entier portera un regard de mépris sur
les fers que tu auras attachés aux pieds
de la nation dont la conscience est le
dieu."
Quelle sera la spiritualité du XXIe
siècle? Les religions se voulaient
ascensionnelles, mais elles n'étaient
pas prospectives. Aussi
immobilisaient-elles l'humanité à
l'école d'un sacré voué à la
pétrification. Seule la raison est élan,
souffle, appel des hauteurs.
12 -
Les méditants
Et
maintenant, voyons à quel point
l'infirmité cérébrale des hommes
d'Etat-fantômes d'aujourd'hui est
proprement cérébrale et combien elle
exprime la faiblesse spirituelle qui
paralyse leur raison, voyons à quel
point l'asthénie de leur intelligence
révèle les ultimes secrets de la
vassalité qui les entrave : car leur
appartenance à la magie vocalisée des
démocraties les réduit au rang de
sorciers du mythe de la liberté.
Savez-vous quel fut le premier mot de
vassal de M. Nicolas Sarkozy après son
élection ? "Combien je touche?"
Que
manque-t-il à l'homme sans recul du
Fouquet's, de l'Epad, du yacht de
Bolloré, que manque-t-il au visiteur
infantile de Disney Land, sinon un
regard de civilisateur sur la France,
les Français et le monde? Que
manque-t-il au défenseur des moulins à
prière des sorciers du Tibet, sinon une
fraction, même infime du génie du
premier exterminateur de la magie, le
Bouddha, qui mit les hommes en était de
veille et d'éveil et qui fit, de son
intelligence de généalogiste et
d'anthropologue de l'illusion, un
instrument acéré de l'évasion et de
l'ascension de la raison, que
manque-t-il à l'homme-enfant qui croyait
que les empires sont gentils et qu'il
est payant de caresser la crinière des
grands fauves, sinon le télescope des
visionnaires de l'encéphale simiohumain,
que manque-t-il au mime égaré sur le
pont du navire qu'on appelle l'histoire,
sinon la longue vue de l'éducateur des
nations, que manque-t-il au
gesticulateur qui brise la coque de la
France sur des rochers à fleur d'eau,
sinon l'œil d'aigle des civilisateurs?
L'homme d'Etat de demain rappellera, aux
côtés de Socrate, que si gouverner,
c'est prévoir, alors la prévoyance exige
le regard contemplatif des grands
méditants. La spiritualité du XXIe
siècle se forgera sur l'enclume de
l'histoire en marche .
Le 5 février 2012
Reçu de l'auteur pour
publication
Les textes de Manuel de Diéguez
Les dernières mises à jour
|