2 - Les
calculs de la fatalité
C'est pourquoi le réveil subit des masses
arabes présente à une anthropologie critique encore embryonnaire
une occasion unique et inespérée de détecter au compteur Geiger
les premières radiations de la démocratie musulmane, et cela
dans une optique à la fois universelle et expérimentale, parce
que ce sera sur le vif et au jour le jour que l'histoire du XXIe
siècle illustrera les apories dont les évadés du règne animal
souffrent à titre congénital; car, depuis des millénaires, les
descendants du primate à fourrure que vous savez demeurent
écartelés entre un pouvoir d'Etat dangereusement centralisé et
la dilution non moins périlleuse d'une autorité guettée par la
médiocrité notabiliaire et provinciale, tellement l'étendue
locale ou planétaire du regard divise les classes dirigeantes en
deux castes aux compétences incompatibles entre elles.
Mais pour que la banalité du politique au
quotidien puisse s'éclairer et se rendre panoramique, il faut
revenir un instant au paysage initial; car, depuis Périclès, la
difficulté n'est plus de choisir entre le pouvoir de tous et
celui de quelques-uns, comme le croyait Montesquieu, mais
d'observer à la loupe les embarras mortels qui s'inscrivent
nécessairement dans la psychobiologie des démocraties,
lesquelles reposent toutes sur un partage irréalisable par
définition entre un sceptre centripète et un sceptre centrifuge.
Le premier échec du régime populaire fut
celui d'Athènes, où des citoyens fraîchement couronnés de la
tiare d'une cité souveraine décidèrent que la déesse née du
cerveau de Zeus courrait à la conquête de la Sicile.
L'argumentation rationnelle du guide qui avait terrassé
l'aristocratie terrienne et maritime et remis le destin des
savants et des ignorants confondus entre les mains d'une
majorité inculte ne put rien changer aux lois de l'arithmétique.
Depuis lors, les démocraties ne savent ni comment initier les
foules aux arcanes de la politique étrangère des nations, ni
comment convaincre les riches de se ruiner afin d'assurer le
bien-être et le repos des masses.
Mais, dans le
même temps, la partition sans remède des jugements politiques
imposée par l'inégalité cérébrale entre les spécimens de notre
espèce s'est révélée si indissolublement liée au capital
psychogénétique diversifié des individus que vingt siècles de la
théologie chrétienne ont permis d'illustrer l'universalité de ce
mécanisme ; car une prétendue science des prérogatives et des
apanages de plusieurs divinités inégalement cérébralisées, puis
d'une seule censée omnisciente, a reproduit le modèle
démocratique de la dichotomie viscérale du politique au sein
d'un corps ecclésial hiérarchisé. D'un côté, une classe de
gestionnaires ignorants a administré la foi des innocents, de
l'autre, les théoriciens d'un délire théologique hautement
intellectualisé a paru scruter les secrets politiques d'un
créateur omnipotent du cosmos, et cette scission entre deux
castes inégalement armées a présenté le spectacle d'une
collaboration apparente entre un chef suprême des mystères de
l'univers et une pastorale administrative de la foi.
3 - Du
parallélisme de la démocratie et des Eglises
Comment déposer les jugements politiques du
genre humain sur les plateaux d'une balance si l'on sait que,
par nature, l'ignorance est toujours arithmétiquement
majoritaire dans les démocraties, de sorte que ce sera
fatalement l'erreur qu'on verra remporter le trophée de la
vérité populaire? Le tribunal du suffrage universel est une
étrange magistrature: sa majesté, le calcul, y trône en monarque
absolu. Les verdicts prononcés ne résultent nullement du
jugement de ceux qui auront raisonné, mais de ceux qui se seront
montrés les plus forts, donc les plus nombreux. Il vous suffira
donc de vous trouver en minorité pour savoir que vous avez tort.
Or, ce principe n'est pas seulement
religieux, il exprime l'âme même de toute théologie, parce qu'on
n'imagine pas un Dieu tellement désarmé, le pauvre, qu'il ne
parviendrait pas à contrôler sa majorité et se trouverait sans
cesse à la merci des minorités opiniâtres qui prétendraient
avoir raison toutes seules. C'est pourquoi les décisions des
conciles ne se contentait pas de se fonder sur l'universalité
des élites de la foi, elles excommuniaient de surcroît les
entêtés. Nestorius a été mis à mort pour avoir divisé, disait-on
la personnalité du Christ au concile de Nicée en 325. Mais en
450, le concile de Chalcédoine réaffirmait la double
personnalité du Christ, la divine et l'humaine, parce qu'il
n'était Dieu qu'à faire des miracles, ce qui renvoyait toute
l'Eglise dans l'arianisme qu'elle avait réfuté cent vingt cinq
ans plus tôt. Il en est de même des démocraties, qui sont
unifiées, disent-elles, parce que la majorité et la vérité sont
proclamées inséparables, alors qu'en fait, les ariens de la
démocratie soutiennent obstinément le contraire.
4 - Les embarras philosophiques de la
démocratie
On voit qu'il n'y
a pas d'anthropologie des démocraties sans spectrographie de
leur inconscient religieux, donc sans radiographie du non-dit
théologique qui préside à l'auto-sacralisation des identités
collectives. L'absurdité originelle d'un système d'écrasement de
la vérité sous le poids des majorités de l'ignorance et de la
sottise ne se révèle contournable qu'à la condition de parier
que la minorité pensante sera en mesure de réfuter les majorités
égarées par leur masse même. C'est ce pari originel que Périclès
a perdu; et depuis lors, toute histoire intelligente des
démocraties réclame un examen rétrospectif des chances dont
dispose ce type de gouvernement de substituer l'autorité du
savoir réfléchi à celle de l'erreur immotivée. Mais, il se
trouve, de surcroît, que les minorités de la connaissance
rationnelle que sécrète chaque époque ne bénéficient pas
davantage d'une science véritable des questions qui leur sont
posées que les majorités illettrées, comme l'histoire des
religions ne cesse de le démontrer, puisque les élites
théologiques ne sont pas moins faussement sûres d'elles-mêmes
que les masses ignorantes.
Comment écouter les directives du ciel de
tel endroit et de telle époque à l'école des dogmes et de la
doctrine que profère une Eglise? Comment décider de l'avenir du
nucléaire par un referendum, par exemple, si le peuple ignore
les secrets de l'atome et si les connaisseurs font un corps
sacerdotalisé par ses intérêts industriels et commerciaux?
L'issue du vote dépendra de l'orientation psychologique de celui
qui posera la question au peuple souverain et qui dirigera
globalement le suffrage du corps électoral: si Jésus est tantôt
Dieu, tantôt un homme inspiré, disaient les nestoriens et les
ariens, le voilà scissipare;mais s'il est toujours Dieu en
promenade sur la terre, il l'était déjà quand il braillait dans
son berceau, sinon à quel âge aurait-il changé de nature? C'est
sur ce modèle que la République est tantôt proclamée
indivisible, ce qui rend impossible la délégitimation de la
Terreur, tantôt scindée entre le ciel de ses idéalités et ses
labeurs, ce qui exclut que la Liberté soit jamais une divinité
cohérente et qui inspirerait à coup sûr les jugements des
majorités. Mais alors, la République ne sera jamais infaillible.
Comment fonder la démocratie sur un suffrage universel
disqualifié d'avance et privé de toute crédibilité?
L'universalité du vrai basculera d'un côté ou de l'autre au
hasard et à une voix près.
5 -
Comment mettre en scène le peuple souverain ?
Depuis 1789, le
théâtre de la politique mondiale est progressivement devenu
aussi chaotique qu'une théologie. Qui peut croire que la pièce
aurait été rendue plus cohérente que du temps où, sur toute la
terre habitée, la crédulité du genre humain prêtait foi aux
messages doctrinaux du ciel de l'endroit? On observera que la
loi du plus fort n'a jamais cessé de régner sans partage et que
la fiabilité empruntée de ce souverain a seulement pris, de nos
jours des formes différentes de celles des époques où le Dieu de
l'empire militairement le plus puissant et le plus peuplé du
moment régnait sans partage sur des Etats durablement ou
momentanément affaiblis - ce qui les mettait tous en minorité,
donc dans leur tort par définition. Il faut donc nous résoudre à
construire la balance internationale dont les plateaux pèseront
les théologies de la grâce démocratique à l'école de leur
stratégie et leur stratégie à l'école de leur théologie, et cela
d'autant plus que le vrai et le faux déposent maintenant les
verdicts unanimes de la foi et ceux, non moins unanimes, de la
force sur les plateaux de la zone d'influence respective des
nations majoritaires et minoritaires.
C'est pourquoi
l'Europe actuelle honore autant de cultes de la liberté
démocratique que de peuples et de nations fièrement auto-
proclamés souverains, alors que les uns le sont par leur maître
américain, les autres par eux-mêmes, mais seulement à demi et
que les uns et les autres se rendent tous reconnaissables à la
transparence ou à l'épaisseur de leur masque. De plus, toute
nation est dépendante de sa géographie, de son climat, de sa
religion, de la richesse de ses dirigeants, du nombre de ses
habitants, de l'étendue de son territoire, des inclinations de
l'ethnie à laquelle elle appartient, de son tour d'esprit, de
ses mœurs, de sa langue, de son passé insignifiant ou glorieux.
Il faudra donc que notre balance de la servitude et de la
"Liberté" nous fasse découvrir les traits communs à tous les
peuples et à toutes les nations dites démocratiques. Comment
l'apprendre, sinon par l'observation des copies que les
monothéismes en fournissent depuis vingt siècles? Car les trois
religions dites révélées sont réputées démocratiques dans l'œuf,
puisque par nature et par définition leur foi est censée
accorder la liberté la plus essentielle aux yeux du "peuple de
Dieu", celle de vaincre le péché et la mort. Aussi Calvin a-t-il
fondé la bonté divine sur les lois de la République de Genève et
la République de Genève sur les lois de la bonté divine, ce que
Descartes appelait un cercle, puisque, disait-il, l'existence de
Dieu est réputée démontrée par ses Saintes Ecritures et ses
Saintes Ecritures par l'existence de leur rédacteur. Dans quelle
mesure les lois de la démocratie prouvent-elles leur "existence"
et vice-versa?
6 - La
démocratie et le surréel
A partir du
concile de Chalcédoine, rappelé plus haut, jusqu'à celui de
Vatican II en 1962, un Saint Siège méfiant, donc fin politique,
a constamment affecté de se mettre à l'écoute des commissions
épiscopales réputées à la fois souveraines et inspirées par le
ciel, mais dont la Curie présélectionnait les membres les plus
obéissants, afin de s'assurer que leur jugement se laisserait
étroitement téléguider par l'Etat pontifical, c'est-à-dire par
le pouvoir exécutif de Dieu sur la terre. Or, l'immense majorité
des fidèles de la foi démocratique ignore que le mode de
gouvernement branché sur l'absolu que l'Eglise avait imaginé
s'est trouvé si bien naturalisé par les Républiques qu'on le
retrouve intégralement au cœur de toutes les administrations
censées représenter le "peuple souverain".
Avez-vous jamais vu un ministre prendre des décisions écrites
autrement qu'en porte-parole de la vox populi de
convention dont les commissions ad hoc sont réputées les
messagères? C'est qu'il s'agit de transcender la platitude de
pouvoir bureaucratique. Aussi les porte-lettres du ciel de la
Liberté qu'on appelle les Commissions sont-ils proclamés libres
et responsables tant par nature que par définition. S'ils
n'étaient pas tenus pour les représentants qualifiés de
l'autorité, infaillible par nature, des peuples sacralisés en
sous-main par la transcendance du mythe démocratique , elles
n'obéiraient pas au modèle des phalanges épiscopales chargées de
recevoir l'afflatus divinus du Créateur dans les
conciles, alors qu'elles ont mission, elles aussi, de dicter
leurs lois au ciel nouveau, celui de la démocratie. Pour
prononcer les jugements sans appel d'un peuple français présent
seulement en effigie dans l'Etat, il faut une fiction appelée à
véhiculer les messages d'en-haut à destination de la terre.
7 - Le
sacre démocratique
Mais voici une
nouvelle difficulté de la mise en scène de la "vérité": comment
ferons-nous monter effectivement le souverain nominal de la
nation, celui qu'on appelle également le peuple-roi sur les
planches du théâtre où le suffrage universel se rend surréel?
Les commissions sont les consistoires de la Liberté. Elles sont
réputées porteuses du pouvoir décisionnaire qu'exerce le ciel de
la démocratie. Mais voici que le malheureux Pontife d'occasion
qu'on avait hissé au rang de chef de l'Etat en titre quitte
subrepticement la scène semi-céleste et fait le clown dans les
coulisses de l'histoire.
On sait que M.
Nicolas Sarkozy a quitté la toge papale et les insignes de la
noblesse transcendantale de la France pour emprunter le langage
du petit clergé et des boutiquiers de la démocratie; mais les
paroissiens de la nation ne sont pas disposés à se rabaisser
eux-mêmes et à se placer sous le sceptre des patenôtres
dévalorisées des démagogues. Ils entendent élever la sacralité
de leur effigie et de leurs dévotions démocratiques à celle du
vrai souverain de la Liberté qu'ils voudraient incarner à leurs
propres yeux. Il ne faut pas retirer à un peuple ses attributs
aristocratiques; il ne faut pas ternir son écusson. Périclès
lui-même a péri sous la bannière de la démagogie qu'il avait cru
pouvoir brandir sur une agora amputée de son Olympe de blasonnés
du ciel, alors que les successeurs de Pierre, eux, disposent
encore de l'avantage princier de se cacher sous les ors de la
monarchie vaticane. Les démocraties ne seraient-elles que des
dynasties autrement habillées et privées des moyens de se
dissimuler derrière leur propre trône, comme Montesquieu l'a
fort bien compris: la vertu, écrit-il, est la tiare qui couronne
la démocratie, parce que le peuple est un roi chargé à la fois
de faire respecter les lois qui le couronnent et de plier
l'échine sous le poids de leur sacre.
8 - Une
aporie existentielle
En 1962, une question pressante de théologie et de politique
associées était devenue tellement cruciale que l'équilibre, tout
de façade, qui régnait depuis tant de siècles entre la caste des
clercs de la doctrine vêtus de noir et réputés lire le latin
d'un côté, et le "peuple chrétien" des innocents aux mains
pleines de l'autre, cet équilibre, dis-je, était menacé
d'effondrements. Comment perpétuer l'autorité et le
prestige de la hiérarchie des dignités et des rangs - celles
des gardiens de l'orthodoxie - alors que le monde entier se
trouvait livré aux offensives du profane? Le risque de
dessication de l'Eglise devenait aussi grand qu'au Moyen Age,
parce qu'une religion banalisée par les travaux et les jours
d'un psittacisme sacré vaporisait la doctrine et menaçait de
conduire l'édifice tout entier à la ruine.
J'ai déjà dit que
ces périls opposés se sont reproduits au sein des dévotions de
type républicain. Prenez l'exemple de l'hérésie politique qui
menace les monarchies constitutionnelles: le pouvoir royal s'y
fossilise à l'école d'une bureaucratie démocratique qui n'est
jamais que la sophistique administrative des Etats modernes. Le
vain apparat de la cour d'Angleterre ne fascine plus le petit
peuple, tandis que le parlement et la chambre des Lords
deviennent de plus en plus étrangers aux intérêts supérieurs de
l'Etat et de la nation.
En France, la
démocratie inaugurale, celle qui s'est construite sur le modèle
monarchique et que Périclès a illustrée, ce modèle, dis-je, est
ressuscité avec "l'empire libéral" de 1856. Mais le coup d'Etat
de 1852 n'avait mis en selle qu'un souverain nostalgique de
l'épopée napoléonienne. On l'a vu entreprendre des expéditions
militaires hasardeuses et qui n'incarnaient pas la nation,
tandis que les Balzac, les Zola, les Anatole France peignaient
la société civile des couleurs de la misère et des affaires de
leur temps. Il aura fallu attendre 1958 pour que la République
semi monarchique des origines se redonnât un chef populaire et
charismatique - mais ce retour au parallélisme à la fois
athénien et olympien entre une sacralité congénitale à tout
pouvoir politique simiohumain et la démocratie de masse a
conduit à l'explosion de 1968, tellement l'alliance
multimillénaire entre le divin - incarné par une statue du
commandeur - et le petit rationalisme laïc était devenu une
caricature de démocratie.
Puis, M. Giscard
d'Estaing a retrouvé la tradition du déséquilibre républicain,
celui des économistes qui se prennent pour des chefs d'Etat.
Jamais le Général de Gaulle n'aurait accepté la mise en scène
d'une humiliation assortie d'un ridicule politique mémorable,
celle de marcher à petits pas, accompagné de tous ses Ministres,
à la rencontre théâtrale d'un Président des Etats-Unis débarqué
pour l'occasion et à titre d'emblème commémoratif sur les plages
de Normandie en 1974.
Quant à François Mitterrand, il a cru remplir une dernière fois
l'outre à vin de l'utopie des évangélistes et des eschatologues
de l'Histoire et de la politique, tandis que Jacques Chirac, le
saint-cyrien bien sanglé, redonnait partiellement à l'Etat la
vocation militaro-apostolique inscrite dans les principes
messianiques de la révolution de 1789. Enfin, en 2007, le nouvel
empire libéral s'est donné un roitelet tellement étranger à
l'universalisme para-religieux du mythe politique du salut et de
la délivrance qu'on appelle la démocratie qu'il a réussi à
changer le royaume semi théologique dit des "droits de l'homme"
en un spectacle de rieurs et de facétieux. Une fois de plus, un
équilibre inaccessible entre les intérêts planétaires de l'Etat
"rédempteur" et ceux du peuple au jour le jour s'est trouvé
rompu au prix d'une chute du sceptre central de la foi dans un
vaudeville angoissé.
9 - Le
laboratoire de la condition simiohumaine qu'on appelle
l'Histoire
Le débarquement
torrentiel de la planète arabe dans le royaume des cieux qu'on
appelle la démocratie mondiale introduira une discipline
scientifique entièrement nouvelle dans la politologie, celle
d'une anthropologie critique dont la problématique et la
méthodologie calibreront les apories universelles dont souffre
l'animal onirique. Cet observatoire devra rendre un siècle
entier observable du dehors, alors que la définition de la
notion d'extériorité fait toute la difficulté. Il s'agira de
préciser les contradictions d'origine psychobiologique qui
rendent bancale une espèce racontable à l'école de l'écriture.
L'humanité se mettra-t-elle un jour en mesure de se gouverner
sans se doter des roues de secours qu'on appelle des théologies?
La représentation se déroulera dans un laboratoire installé à
mi-chemin des leviers du ciel et de ceux de la terre. Son champ
de vision devra embrasser une histoire nouvelle de la
démocratie, celle qu'illustrera la rencontre entre le monde
arabe et l'Occident de Marrakech au Caire, de Tunis à Tripoli,
d'Alger à la Mecque.
Adam avait tout essayé, mais en vain. Il lui restait à tenter de
sortir du carcan de la raison candide du XVIIIe siècle. En ces
temps reculés, l'Europe croyait encore rendre un jour
gouvernable une espèce née ennemie de sa propre nature et
oscillante entre la domesticité et l'anarchie: "L'homme comme
être physique est, ainsi que les autres corps, gouverné par des
lois invariables. Comme être intelligent, il viole sans cesse
les lois que Dieu a établies et change celles qu'il établit
lui-même. Il faut qu'il se conduise ; et cependant il est un
être borné ; il est sujet à l'ignorance et à l'erreur, comme
toutes les intelligences finies ; les faibles connaissances
qu'il a, il les perd encore : comme créature sensible, il
devient sujet à mille passions." Montesquieu, L'Esprit
des lois, La Pléiade, p. 234) La semaine prochaine, nous
verrons comment la démocratie mondiale a erré et s'est cherchée
de 1945 à nos jours et dans quel état il lui appartient de
trouver sa place aux côtés du monde arabe à venir.