Les Défis de l'Europe
La République et
les enjeux intellectuels de l'histoire
Sixième lettre ouverte au Président de
la République
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 1er décembre
2012
Comment vous raconter Guantanamo?
1 - L'homme, un
animal mythologique
Vous voyez, M. le Président, combien les
retrouvailles de la civilisation
démocratique avec la torture judiciaire
- celle que la loi pénale américaine a
portée sur les fonts baptismaux de la
religion de la Liberté - combien,
dis-je, cette légitimation s'articule
avec la théologie du salut démocratique,
vous voyez, M. le Président, à quel
point l'histoire universelle demeurera
privée d'une politologie en mesure de
radiographier les meurtres sacrés
auxquels se livre notre espèce aussi
longtemps que la rue saint Guillaume et
l'ENA ignoreront les fondements de
l'anthropologie critique que réclame
notre siècle - car cette ignorance
obéira au même modèle que celle d'une
Sorbonne qu'offensaient les premiers
philologues des textes sacrés. Mais
savez-vous que l'homme est un animal
viscéralement greffé sur des mondes
imaginaires? Savez-vous que la guerre
entre les mythologies religieuses et les
Etats rationnels est fort ancien? Au
XVIIIe siècle déjà, la science médicale
et la monarchie de droit divin sont
intervenues de conserve contre la secte
des dévots qui mimaient le sacrifice de
la Croix à la sainte école des tortures
endurées par Jésus-Christ? Souvenez-vous
des moniales convulsionnaires qui se
faisaient percer les mains avec des
clous qu'on leur enfonçait dévotement à
coups de marteau dans les paumes - et à
leur demande - afin de copier le
sacrifice le plus exemplaire et le plus
efficace de tous les temps, bien que la
performance édifiante fût néanmoins
demeurée fâcheusement hésitante.
Certes,
disait l'Eglise, Jésus-Christ avait
offert sa vie à l'idole avec le plus
grand courage. Mais ne fallait-il pas
lui reprocher quelques tergiversations
pitoyables et même quelques
rechignements honteux? Certes encore, ce
prototype avait cru élever sa
crucifixion au rang d'un rachat ultime
et définitif de l'humanité tout entière.
Mais avait-il consenti à son supplice
avec tout l'enthousiasme filial qu'on en
attendait? L'immolation que son
délivreur de père lui réclamait avec une
fermeté redoutable en devenait suspecte.
Y avait-il du moins mis la même
passivité que les convulsionnaires de
bonne volonté du siècle de Voltaire? Et
pourtant, quelle réparation expéditive
et quel complément profitable que le
paiement pour solde de tout compte de la
facture réparatrice d'un péché originel
dont la divinité demandait aussi
impérativement que subitement qu'on
l'acquittât sur l'heure! Car,
disait-elle maintenant, la faute d'Adam
n'est décidément effaçable qu'à un prix
exorbitant et inaccessible à votre
pauvre escarcelle, tellement ma rancune
demeure invincible. Faute de l'expiation
suprême de la torture à mort de mon fils
innocent, il vous sera impossible de
jamais remplir convenablement mon
gousset.
Je suis désolé, M. le Président, de ce
que l'histoire de la France laïque
demeurera aveugle, muette et sourde si
les documents anthropologiques qu'on
appelle des théologies ne débarquaient
pas dans la science politique de la
République, je suis désolé, M. le
Président, si notre siècle a le devoir
de meubler la tête des chefs d'Etat
d'une connaissance rationnelle des
mythes sacrés. Mais savez-vous que
l'abolition de la torture sous Louis XVI
en 1780 s'inscrivait dans les visées
philosophiques et théologiques à long
terme du siècle de la raison? Les
encyclopédistes avaient découvert -
mille ans après Averroès - que la
torture judiciaire obéissait à la
logique interne d'une religion fondée
sur un supplice sacrificiel et rendu
payant précisément à ce titre.
2 - Guantanamo et
la sainteté démocratique
Mais,
dans ces conditions, comment se fait-il,
M. le Président, que la torture
légalisée à Guantanamo par des
protestants bon teint obéisse à la même
alliance, dans l'inconscient religieux
du sacré, avec la souffrance corporelle
qu'au cœur de la crucifixion tenue pour
salvatrice au sein du masochisme monacal
catholique? Quels sont les soubassements
psychanalytiques qui branchent les
démocraties barbares sur une Eglise
romaine impérieusement hiérarchisée et
rendue immolative à l'école du mythe
sauvage d'une torture pénitentielle?
C'est ici, M. le Président, qu'il vous
faudra vous initier à une radiographie
anthropologique du paiement d'une
redevance politique immense pour le
rachat des "péchés du monde"; car
l'Amérique calviniste s'est contentée
d'enfouir l'autel à la fois répressif et
réparateur des chrétiens dans les
souterrains du messianisme dont la
démocratie eschatologique s'inspire
depuis les origines et dont elle
véhicule désormais la sotériologie à
l'échelle de la planète.
Voici le
chemin que les idéalités apostoliques de
1789 ont suivi depuis deux siècles,
voici comment elles se sont
métamorphosées en hosties verbales au
profit d'un crime progressivement chargé
de substantifier le mythe de la Liberté,
voici comment des offrandes
conceptualisées, donc sonorisées à
l'écoute d'un discours abstrait, sont
apparues sur l'autel des idéalités que
la Révolution française avait tenté de
concrétiser au banc d'essai de
l'histoire du sang et de la mort; car la
parole qualifiée de délivrante n'échappe
pas à l'origine viscéralement politique
de la négociation et du trafic de
l'humanité avec un "surnaturel" réputé
libérateur - simplement, la torture des
prisonniers de Guantanamo et leur refus
entêté de l'aveu salvifique qu'on
s'obstine à leur demander ne sont plus
régis par une "théologie expérimentale"
réputée se vérifier in vivo,
alors qu'en droit romain, la résistance
de l'accusé à la confession sous la
torture et son refus opiniâtre de
reconnaître sa culpabilité pénale
démontraient son innocence aux yeux de
la loi, comme plus tard dans l'ordalie
des chrétiens. Pourquoi cela, sinon
parce que l'impie n'aurait pas la
vaillance, pensait-on, de refuser le
bénéfice de la souffrance - un coupable
ne saurait défier le dictionnaire des
Immortels à son avantage. Aussi l'accusé
demandait-il bien souvent qu'on vérifiât
son innocence à l'épreuve irréfutable de
la torture.
3 - L'inconscient
théologique de la démocratie mondiale
Mais comment se fait-il que les
bourreaux protestants de Guantanamo ne
croient plus à la preuve physique de
l'innocence du torturé en raison de sa
résistance exemplaire à la souffrance
corporelle? Comment se fait-il que les
tortionnaires édifiants se montrent
seulement persuadés que les fidèles
d'Allah seraient des fanatiques
programmés et des candidats bien réglés
à subir le martyre, ce qui les
métamorphoserait à coup sûr en fusées
propulsées vers le paradis? C'est que le
rejet calviniste de la torture est
demeuré superficiel. Genève a beau
s'opposer à la théologie immémoriale du
sacrifice qui sous-tend toute la
théologie chrétienne - puisqu'une
potence y est tenue pour un bourreau
rédempteur - le rejet calviniste de la
torture, dis-je, ne prive nullement le
protestantisme mondial de la poutre de
soutènement universelle, qui s'attache
au principe même de l'immolation d'une
victime tenue pour rémunératrice. Le
calvinisme n'a pas réussi à terrasser le
mythe païen du sacrifice payant: le
réformateur de la République idéale des
bords du Léman refuse seulement
d'immoler de sa main et tous les jours
le Christ sur l'autel, mais il le reçoit
exécuté d'avance et une fois pour
toutes, ce qui suffit à opérer le rachat
du pécheur.
Mais
voyez comme la démocratie mondiale
censée déconfessionnalisée depuis 1789
porte dans ses flancs les charges
sacramentelles du salut dont elle se
veut secrètement l'héritière. Ses
hosties à elle s'appellent le pain bénit
des idéalités en marche sur toute la
terre et l'inconscient théologique qui
l'inspire lui susurre à l'oreille qu'il
lui appartient de prendre à son tour en
charge l'incarnation d'un
évangile de la Liberté à substantifier.
Si celle-ci n'était pas tenue pour
salvatrice et providentielle dans les
arcanes psychiques du patriotisme
américain, si le pain du salut national
n'était pas une Iphigénie messianisée
par les "pères fondateurs", si la
Constitution américaine n'était pas un
autel de la Justice et de la Vérité, les
Etats-Unis n'auraient ni référents
transcendantaux sur lesquels la foi
démocratique est appelée à prendre
appui, ni surnaturel solipsiste à
défendre en circuit fermé - et la lutte
contre " l'hérésie terroriste " ne
serait qu'un combat d'estropiés. On ne
saurait amputer le temporel de son ciel
vocalisé - celui d'une démocratie de
héros de la Liberté. A Guantanamo, la
torture repose sur une politique du
sacrifice vertueux, mais
artificiellement amputée de l'affichage
officiel de son volet "divin".
Le
paiement sacrificiel - donc
d'inspiration religieuse - d'un tribut
politique tenu pour légitime précisément
parce que sanglant, le principe, dis-je,
de l'acquittement cruel d'une rançon en
échange du salut démocratique, cette
idée, dis-je, d'un rachat substantifié
et coûteux demeure dominante dans le
non-dit théologique de la géopolitique
contemporaine, et cela au point que les
idéalités, séraphiques à l'origine, de
la Révolution française sont devenues
les garantes ensauvagées de
l'incarnation des droits de l'homme par
la torture. Les attaches vérifiables de
la nation américaine avec la musculature
de ses dieux conceptualisés donnent à la
religion de la Liberté son ossature et
son Eole grammatical. Le peuple le plus
grandiose de la terre reçoit l'élan
messianique de sa démocratie des
squelettes de Guantanamo. Mais comment
se fait-il que, dans le même temps, le
fiat lux de la torture soit
proclamé barbare, pourquoi les
tortionnaires d'une religion fondée sur
la sanctification des "droits de
l'homme" se sentent-ils contraints de
manier le scalpel hors du territoire
national - donc en terre damnée et
pestiférée par les bistouris de la
sainteté?
4 - Le vent de la
torture
M. le
Président, ce point de droit public sera
décisif aux yeux des futurs chirurgiens
du concept de civilisation, parce
que la science contemporaine des Etats
supposés convertis au rationalisme
démocratique n'éclaire en rien
l'ambiguïté parareligieuse de la torture
laïcisée à Guantanamo. Vous remarquerez
donc que cette machine du salut est
construite sur la même dichotomie
cérébrale que le christianisme tout
entier: le sacrifice de la Croix est à
la fois honni au titre d'un déicide et
tenu pour l'instrument parfait et blanc
comme neige du salut de l'humanité.
Aussi, comme je l'ai rappelé plus haut,
de nombreux théologiens catholiques
ont-ils traité le prophète de Nazareth
de poltron efféminé. Pourquoi n'ont-ils
pas craint de lui faire honte de ses
tremblements? Pourquoi, écrit John Colet
à Erasme, le sauveur désigné n'a-t-il
pas donné sa vie avec les "bondissements
de joie de saint André"?
La crucifixion, qu'est-ce que c'est
d'autre, après tout, dit l'ami de
l'humaniste de Rotterdam, le prêcheur à
la cathédrale Saint Paul de Londres,
qu'une prébende minimale si l'on songe
au poids incalculable du salut éternel
de la créature que le géniteur du cosmos
a déposé tout sanglant et pantelant sur
l'autre plateau de la balance? Ce calcul
des démocraties est demeuré la clé de la
politique mondiale dite du "moindre
mal". Le monde entier en a hérité des
théologiens romains. Mme Madeleine
Albright, Secrétaire d'Etat américaine
de 1997 à 2001 jugeait que la mort par
la famine à la suite de la carence des
soins médicaux de cinq cent mille
enfants en Irak était le prix nullement
exagéré et somme toute sage et
raisonnable à débourser pour
l'élimination hautement salvatrice du
tyran Saddam Hussein.
5 - La
responsabilité civilisatrice de la
France
M. le
Président d'une République
civilisatrice, engagerez-vous la France
laïque et la politique européenne dans
le cyclotron géant de la légitimation
mondiale de la torture? Comme vous le
savez, le premier Etat qui ait imaginé
de mettre une nation au banc d'essai de
la torture par la famine s'appelle les
Etats-Unis d'Amérique: un demi-siècle
durant, cette démocratie dite exemplaire
a exercé son hégémonie par la mise de
l'île de Cuba à l'épreuve de la faim. Et
aujourd'hui, ce Guantanamo inaugural
étendra-t-il sa miniature de mise à mort
à un peuple de soixante quinze millions
d'habitants, la Perse des Cyrus, des
Darius et des Artaxerxès? Et qui s'est
voulu le chef de file à ce grossissement
des massacres vertueusement profitables
de la démocratie, sinon l'Europe et la
France à resacraliser de M. Nicolas
Sarkozy?
Vous
voyez, M. le Président, que Guantanamo
se présente en paradigme de la religion
de la charité universelle, celle qui se
fonde sur les tortures sans fin de
l'enfer. Mais, dans le même temps, les
particules élémentaires que ce cyclotron
soumet à une accélération vertigineuse
sous la terre illustrent et symbolisent
à ravir la ruée de la planète vers un
gigantesque camp de concentration. C'est
pourquoi, M. le Président, le destin
s'est amusé à vous placer à la croisée
des chemins de l'histoire du monde. Quel
carrefour des âmes que la France de la
raison! Car si vous vous rendez complice
du Guantanamo qu'on appelle la
démocratie, quelle place occuperez-vous
dans l'histoire du cœur et de la pensée
du genre humain, celle d'un ouvrier des
idéalités aveuglées de notre temps, qui
sont devenues les instruments de la
barbarie des modernes ou bien celle d'un
chef en avance sur l'encéphale de son
époque et qui aura donné à l'histoire
des sotériologies verbales du
simianthrope une tournure cérébrale que
la postérité saluera?
6 - La France,
sentinelle mondiale de la civilisation
Par
bonheur, M. le Président , la politique
au jour le jour elle-même a commencé de
poser les jalons du verdict qui attend
votre action sur les cervelles. Quel en
est le témoin? Un certain Benjamin
Netanyahou, qui joue au crucifié sur le
théâtre du monde, un certain Benjamin
Netanyahou, qui feint de croire que
l'Iran serait un Caïn aussi matamoresque
qu'universel, un certain Benjamin
Netanyahou, qui se présente en sauveur
d'une mappemonde que la foudre de la
Perse menacerait d'anéantissement, un
certain Benjamin Netanyahou, qui feint
de croire que les cinq continents de
notre astéroïde ne sauraient survivre
sous l'œil du cyclope atomique de
Téhéran. Mais l'Angleterre a fait
savoir, par la voix du Foreign Office,
donc le plus officiellement du monde,
qu'il s'agit de simagrées ridicules et
que ces gesticulations saugrenues
conduiraient à une violation du droit
international si ce gigantesque
attrape-nigauds se changeait en une
guerre préventive.
Mais alors, M. le Président de la boîte
osseuse de la France, que pensez-vous
d'une civilisation contrainte par ses
progrès cérébraux de renoncer à la
gesticulation guerrière de ses neurones?
Cuba serait-elle la préfiguratrice du
nouvel enfer cérébral qui attend
l'humanité? Un Président de la
République dite des droits de l'homme
peut-il se dérober au devoir politique
devenu le plus impérieux parmi les
barbares, celui de faire le choix de la
réflexion sur la conque sommitale de
l'humanité?
Si la
sauvagerie humaine est devenue un glaive
à double tranchant, celui de la famine
attachée au licol de la sainteté
démocratique, d'un côté, et celui de la
pulvérisation atomique de l'autre, il
reste à la France de l'universel de
prendre la tête de la croisade dont la
Grèce antique avait fait bénéficier le
monde de son temps, celle de "civiliser
son farouche vainqueur". Mais la
Grèce agonisante dans l'empire romain
n'avait pas d'alliés dans le temporel,
tandis que la France voit émerger un
destin nouveau de l'éthique mondiale dès
lors que la vocation nouvelles'ouvre à
son os frontal d'accompagner le
débarquement de la Chine, de la Russie,
de l'Inde, de l'Afrique et de l'Amérique
du Sud sur la scène d'une civilisation
nouvelle de la raison.
Vous voyez, M. le Président, à quel
point les repères cérébraux de la
politique et de l'histoire se placent au
premier rang de la science
anthropologique des Etats modernes.
Cessez de défigurer la France à l'école
de l'Amérique messianique, cessez de
placer la mise à la torture de la Perse
sur la route d'un genre humain censé en
marche vers la piété démocratique, alors
que celle-ci s'achète au moindre prix et
que Mme Albright en vantait les
dévotions sur le chemin de croix de
l'Irak.
7 - L'avenir de
la raison politique
M. le Président, trente ans d'expérience
politique vous interdisent de feindre,
aux côtés de M. Benjamin Netanyahou, que
l'Iran conduirait la planète à la
pulvérisation atomique, alors qu'il
s'agit seulement, comme vous le savez
fort bien, de conserver à Israël son
hégémonie dans la région. Mais vous ne
vous engouffrerez dans la brèche de la
raison politique de demain que si vous
osez dire à la France et au monde qu'il
n'est plus aucun général, dans quelque
armée que ce soit, qui ne sache que
l'arme nucléaire n'est pas une arme
militaire, mais une foudre construite
sur le modèle de la terreur mythologique
imaginée par l'excommunication majeure
du Moyen Age. Vous devez oser dire au
monde entier que si plusieurs papes
expédiaient les croyants d'en face aux
enfers sur le modèle de Grégoire VII au
XIe siècle, ils se couvriraient de
ridicule les uns les autres, parce que
la crédulité et la sottise de l'humanité
ont des limites, bien qu'Albert Einstein
ait soutenu le contraire. Or, ce terme
est celui qui enseigne que la guerre
n'est pas un suicide à deux ou à
plusieurs et qu'on ne verra jamais les
Troyens et les Achéens se combattre
s'ils n'ont plus de champ de bataille où
faire courir leur Achille et leur
Hector, leur Ajax et leur Ulysse. M. le
Président, il vous appartient de
replacer la France à la tête de la
raison politique du monde - et pour
cela, aidez les descendants de Voltaire
à faire sortir l'humanité du préau de
l'école.
8 - La seconde
Renaissance
Alors
seulement vous remarquerez, en
anthropologue chevronné de la politique,
que le glissement subreptice et continu
des Etats démocratiques vers la
légitimation de la torture se trouve
d'ores et déjà naïvement pré-sanctifiée
par l' appellation lénifiante de Patriot
Act, lequel fonde en douce toute la
barbarie des modernes sur la validation
vertueuse et aux moindres frais d'une
potence citoyenne au sein de la
démocratie du salut politique.
Rédigerez-vous le diagnostic qui
déclarera rachitique la théologie de la
torture que l'Amérique a lovée au cœur
de la démocratie universelle?
Mais
vous voyez également, M. le Président,
que si vous ne mettiez pas entre les
mains de la France le sceptre de la
révolution mondiale du "Connais-toi"
qu'attend le XXIe siècle, vous voyez
également, M. le Président , que si vous
ne faites pas débarquer les guerriers de
la raison anthropologique de demain dans
l'arène des affaires étrangères du pays,
vous voyez également, M. le Président,
que si vous ne descendez pas les yeux
grands ouverts dans le gouffre où
l'humanisme mondial se montre à bout de
souffle, la seconde Renaissance
ressemblera à la première, qui n'a pas
trouvé d' Etats pensants pour
compagnons. Et pourtant, de millénaire
en millénaire, "l'ignorance est la
source de tous les maux". Du futur
équipement des croisés de la France, M.
le Président, "l'ascèse" et "l'exercice"
vous rappellent que le sacrifice
sanglant demeure la clé commune à la
religion et à la politique de l'humanité
actuelle, mais que, cette fois-ci, la
victime à égorger sur l'autel de
l'éthique n'est autre qu'un dieu cruel,
l'Eole des modernes, cette vieille idole
qui, depuis les origines, fait souffler
le vent de la torture sur l'histoire du
monde.
La France n'a plus de divisions, de
canons, de colons. Mais si la
civilisation mondiale se déplace vers
l'Asie parallèlement à la chute de la
démocratie américaine dans la torture,
alors la trajectoire politique de la
France n'est-elle pas de suivre le
déplacement du centre de gravité de
l'histoire de la planète ? .
Le 1er décembre 2012
Reçu de l'auteur
pour publication
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