L'art de la guerre
L'arme du silence
médiatique
Manlio Dinucci
Photo: RIA
Novosti - © AFP/ Ian Timberlake
Mardi 30 octobre
2012
On dit que le silence est d’or. Il
l’est, sans aucun doute, mais pas
seulement dans le sens du proverbe. Il
est surtout précieux comme instrument de
manipulation de l’opinion publique : si
dans les journaux, dans les
télé-journaux et dans les
talk show on ne parle pas d’un acte
de guerre, il n’existe pas dans l’esprit
de ceux qui sont convaincus que n’existe
que ce dont parlent les
media. Par exemple, combien de gens
savent qu’il y a une semaine la capitale
du Soudan, Khartoum, a été bombardée ?
L’attaque a été
effectuée par des chasseurs
bombardiers, qui ont frappé de nuit une
usine de munitions. Celle qui, d’après
Tel Aviv, fournirait les Palestiniens de
Gaza. Israël est le seul à posséder dans
la région des avions capables de frapper
à 1900Kms de distance, d’échapper aux
radars et de provoquer le
blackout des télécommunications,
capables de lancer des missiles et des
bombes à guidage de précision depuis des
dizaines de Kms de l’objectif. Des
photos satellitaires montrent, dans un
rayon de
700 mètres de
l’épicentre, six énormes cratères
ouverts par de très puissantes têtes explosives, qui ont provoqué
des morts et des blessés.
Le gouvernement israélien garde
le silence officiel, en se bornant à
affirmer que le Soudan est « un
dangereux état terroriste, soutenu par
l’Iran ». Par contre les analystes
stratèges parlent, donnant pour sûre la
matrice de l’attaque, soulignant que ce
pourrait être un essai de celle des
sites nucléaires iraniens. La requête
soudanaise que l’Onu condamne l’attaque
israélienne et la déclaration du
Parlement arabe, qui accuse Israël de
violation de la souveraineté soudanaise
et du droit international, ont été
ignorées par les grands
media.
Le bombardement israélien de
Khartoum a ainsi disparu sous la chape
du silence médiatique. Comme le massacre
de Bani Walid, la ville libyenne
attaquée par les milices
« gouvernementales » de Misrata. Des
vidéos et photos, diffusées via
Internet, montrent d’impressionnantes
images du massacre de civils, enfant
compris. Dans un témoignage vidéo
dramatique depuis l’hôpital de Bani
Walid assiégé, le Dr. Meleshe Shandoly
parle des symptômes que présentent les
blessés, typiques des effets du
phosphore blanc et des gaz asphyxiants.
On a appris immédiatement après que le
médecin a été égorgé. Il y a cependant
d’autres témoignages, comme celui de
l’avocat Afaf Yusef, que de nombreuses
personnes sont mortes sans être touchées
par des projectiles ou des explosions.
Corps intacts, comme momifiés,
semblables à ceux de Fallujah, la ville
irakienne attaquée en 2004 par les
forces étasuniennes avec des projectiles
au phosphore blanc et des armes
nouvelles à l’uranium. D’autres témoins
parlent d’un bateau transportant des
armes et des munitions, arrivé à Misrata
peu avant l’attaque contre Bani Walid.
D’autres encore parlent de bombardements
aériens, d’assassinats et de viols, de
maisons démolies au bulldozer. Mais
leurs voix aussi ont été étouffées sous
la chape du silence médiatique. Tout
comme l’information que les Etats-Unis,
pendant l’assaut contre Bani Walid, ont
bloqué au Conseil de sécurité de l’Onu
la proposition russe de résoudre le
conflit par des moyens pacifiques.
Informations qui n’arrivent pas,
et arriveront de moins en moins, dans
nos maisons. Le réseau satellitaire
mondiale Intelsat, dont le quartier
général est à Washington, vient de
bloquer les transmissions iraniennes en
Europe, et le réseau satellitaire
européen Eutelsat a fait de même. A
l’époque de l’ « information globale »,
on ne doit écouter que
la Voix
de son Maître.[1]
Edition de mardi 30 octobre 2012 de il
manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20121030/manip2pg/14/manip2pz/330915/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[1]
Référence ironique à la maison
de disques britannique
His master’s Voice, fameuse
en Italie surtout dans les
années Trente. NdA.
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