L'art de
la guerre
Les précieux dons
de Letta à Obama
Manlio
Dinucci
Enrico
Letta
Mardi 12 octobre 2013
Etre reçu à la maison Blanche équivaut
aujourd’hui, en Occident, à ce que
signifiait autrefois être admis à la
cour. Le grand jour pour Enrico Letta
sera après-demain (jeudi 17 octobre),
quand il sera accueilli par le président
Obama. En apportant de précieux dons en
hommage. C’est ce qu’on comprend du
communiqué de la Maison Blanche.
Avant tout « le Président et le premier
ministre Letta soutiennent tous les deux
le Partenariat transatlantique pour le
commerce et les investissements ». Le
projet d’une OTAN économique, voulu par
les multinationales et grandes banques
étasuniennes, auquel le président
Napolitano, en février dernier à la Maison Blanche,
a exprimé son appui inconditionnel avant
même que l’accord ne soit écrit et que
n’en soient évaluées les conséquences
pour l’économie italienne (surtout pour
les PME et les exploitations agricoles).
Un autre thème de la rencontre sera « la
coopération USA-Italie dans l’OTAN ».
C’est-à-dire la coopération italienne à
la présence de commandements et bases
militaires étasuniennes, auxquels
s’ajoutent les structures OTAN qui sont
toujours sous commandement étasunien.
Letta assurera Obama que le Muos de
Niscemi sera complété, malgré
l’opposition populaire. Il l’assurera
que l’Italie restera dans le programme
du chasseur étasunien F-35, quoi qu’en
dise le parlement. Ce dont témoigne le
fait que, bien que la Chambre (26 mai) et le Sénat (16 juillet) aient
engagé le gouvernement à ne pas acheter
de chasseur F-35 sans que le parlement
se soit exprimé à ce sujet, le 12
juillet a été consigné au site de Cameri
le fuselage du premier F-35 « italien »
et, le 30 juillet, le Pentagone a
commandé à la firme Lockheed Martin les
6 premiers des 90 F-35 que l'Italie
achètera. À un prix qui reste à
définir : dans le budget 2014 du
Pentagone, les 29 premiers chasseurs
coûtent 219 millions de dollars pièce,
qui, développement et essais compris,
grimpent à 291 millions.
Troisième thème de la rencontre :
celui des « défis communs en Afrique du
Nord et au Moyen-Orient ». Letta
assurera Obama que l’Italie, outre
qu’elle restera en Afghanistan comme
« nation cadre » après 2014, s’occupera
en Libye de reconstituer l’armée et les
institutions et de désarmer les milices.
Ce n’est pas par hasard que, trois jours
avant que Letta soit reçu à la Maison Blanche,
son gouvernement a lancé la
« mission militaire humanitaire », dont
l’objectif déclaré est de faire de la Méditerranée
« une mer sûre ». Le but de l’opération,
déclare le ministre de la défense Mario
Mauro, est de « tripler notre présence,
en termes d’hommes et de moyens, dans la
zone sud de la Méditerranée, pour une mission
militaro-humanitaire dont le but est de
contenir la crise due en partie à la
situation de "non Etat" dans lequel se
trouve la Libye ».
Ces mêmes forces aéronavales,
utilisées dans la guerre qui a réduit
la Libye
à un « non Etat », sont maintenant
envoyées « contenir la crise » qui en
est dérivée. On instrumentalise la
tragédie humaine provoquée par la
guerre, dont les derniers drames en
Méditerranée ne sont que le pointe de
l’iceberg. Les sauvetages de naufragés,
sous les objectifs des télécaméras,
servent à accréditer l’idée qu’il faut
potentialiser les forces armées,
impliquées toujours et partout dans des
« missions humanitaires ». Si le
véritable objectif était de sauver des
vies humaines, on n’utiliserait pas des
navires de guerre, très coûteux et non
adaptés à ces opérations,
mais on créerait une task force
civile adaptée. Le but réel de la
mission, qui triplera la présence
militaire italienne dans la zone sud de la Méditerranée, est de
renforcer la stratégie USA/OTAN en
Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Pour
sa mission « humanitaire » Obama fera
les louanges de Letta sous les objectifs
des télécaméras. Celles qui nous
montrent les tragédies de la Méditerranée, par
contre, s’éteindront bientôt.
Et d’autres embarcations
couleront en silence.
Edition de mardi 15 octobre 2013 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20131015/manip2pg/14/manip2pz/347178/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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