Syrie
Armes chimiques,
les vérités cachées
sur les arsenaux et sur la Convention
Manlio
Dinucci
Jeudi 12 septembre 2013
Le martèlement politico-médiatique sur
les armes chimiques de la Syrie, qui selon les
« preuves » secrètes de
la Cia auraient été
utilisées par les forces
gouvernementales, génère l’impression
diffuse que
la Syrie soit désormais
la seule à posséder de telles armes et
qu’elle menace avec elles le reste du
monde. Puissance des armes de
destruction de masse, capables de
focaliser l’attention de l’opinion
publique sur un point singulier, en
faisant disparaître tout le reste.
Ce fut l’Allemagne qui utilisa la
première les armes chimiques en
1915-17 : chlore liquide et phosgène,
puis gaz vésicatoire et asphyxiant
Mustard (ou ypérite). En riposte, la Grande-Bretagne et
la France
produisirent elles aussi ce gaz létal.
Le gaz nervin Tabun, qui provoque la
mort par asphyxie, fut découvert en 1936
par des chercheurs de la société
allemande I.G. Farben (celle-là même qui
produisit le Zyklon B, utilisé dans les
chambres à gaz). En 1936 l’Italie
utilisa en Ethiopie des armes chimiques,
déjà employées en Libye en 1930. En
Allemagne, on produisit des agents
chimiques encore plus létaux, le Sarin
et le Soman. Ceux-ci ne furent pas
utilisés par Hitler, probablement par
qu’au début de la guerre il craignait
une rétorsion des Etats-Unis et de
la Grande-Bretagne, qui
avaient de gros arsenaux chimiques, et
dans la phase finale, parce qu’il ne lui
restait plus assez d’avions pour
l’attaque.
Pendant la guerre froide la
course aux armes chimiques accéléra avec
la découverte du gaz nervin le plus
toxique, le VX, dont la production
commença en 1961 aux USA. Furent ainsi
produites les premières armes chimiques
binaires : projectiles, bombes et têtes
de missiles qui contiennent deux
composants chimiques séparés, et donc
relativement inoffensifs, lesquels en se
mélangeant pendant la trajectoire se
combinent en une substance toxique. Usa
et URSS accumulèrent les arsenaux
chimiques les plus grands et plus
létaux. Mais le « club chimique »
s’élargit rapidement à d’autres pays.
La guerre froide finie, est
entrée en vigueur en 1997
la Convention sur les
armes chimiques, qui en interdit l’usage
et institue la destruction des arsenaux
existants. Mais seize années plus tard,
autant les Etats-Unis que
la Russie
n’ont encore détruit complètement leurs
arsenaux, car ils n’ont pas observé les
cadences instituées. Selon les données
officielles, les USA conservent environ
5 500 tonnes d’armes chimiques. La Russie en a beaucoup plus, environ 21 500,
héritées des arsenaux soviétiques. Une
évaluation simplement quantitative est
cependant trompeuse : Etats-Unis, Russie
et d’autres pays technologiquement
avancés gardent la capacité de
construire des armes chimiques binaires
sophistiquées et unissent toujours les
manœuvres de guerre nucléaire avec
celles de guerre chimique. Mais même si
l’on ne s’en tenait qu’à la dimension
quantitative, les Etats-Unis, qui
conduisent la campagne contre les armes
chimiques en Syrie, en possèdent environ
6 fois plus : selon une estimation de l’intelligence
française, probablement gonflée (l’estimation,
pas l’intelligence française, Ndt)
la Syrie
aurait environ 1 000 tonnes d’agents
précurseurs chimiques (substances
pouvant produire des armes chimiques).
Pourquoi la Syrie n’a-t-elle pas signé la Convention sur les armes
chimiques ? La réponse, en termes
essentiels, est : parce que les armes
nucléaires israéliennes sont pointées
sur elle. Et pas que ça. Israël a aussi
construit depuis les années 1960 un
arsenal sophistiqué d’armes chimiques.
Mais, tout comme son arsenal nucléaire,
il reste secret car Israël a signé mais
pas ratifié
la Convention sur les
armes chimiques.
Selon un rapport de
Foreign Policy, fondé sur un
document de la Cia, des recherches poussées
sur les armes chimiques furent menées au
Centre israélien de recherche biologique
et ces armes furent produites et
stockées dans le désert du Néguev, à
Dimona, où on produit aussi des armes
nucléaires. Même le
Jérusalem Post le rapporte. Et même
si Israël n’avait pas conservé cet
arsenal, écrit la revue spécialisée
Jane’s, il possède la capacité de
« développer en quelques mois un
programme d’armes chimiques
offensives ». On comprend ainsi pourquoi
l’Egypte aussi n’ait pas signé la Convention sur les armes
chimiques.
Etats-Unis et Israël n’ont jamais
violé officiellement l’interdiction de
l’utilisation d’armes chimiques, puisque
l’agent chimique Orange à la dioxine,
massivement utilisé par les USA au
Vietnam, et les bombes chimiques au
phosphore blanc utilisées par les USA en
Irak, Yougoslavie, Afghanistan et Libye,
et par Israël à Gaza, ne sont pas
considérées comme des armes chimiques.
Une consolation pour les familles
qui ont vu leurs enfants naître
malformés par l’agent Orange ou mourir
brûlés par le phosphore blanc.
Edition de jeudi 12 septembre de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130912/manip2pg/02/manip2pz/345687/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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