L'art de la guerre
Syrie : la course
à l'or noir
Manlio
Dinucci
Mardi 2 avril
2013 Les réserves pétrolières assertées de
la Syrie, d’un montant
de 2,5 milliards de barils, sont plus
importantes que celles de tous les pays
environnants à l’exception de l’Irak :
l’estimation vient de la
U.S. Energy
Information Administration, qui, en
pétrole (surtout celui des autres), s’y
entend. Ceci fait de
la Syrie
un des plus grands producteurs et
exportateurs de pétrole au Moyen-Orient.
Le pays possède aussi de grosses
réserves de gaz naturel, utilisé jusqu’à
présent pour la consommation intérieure,
surtout pour alimenter en gaz les
centrales thermoélectriques. Mais il y a
un problème, signale l’agence
étasunienne : depuis 1964, les licences
pour l’exploration et l’exploitation des
gisements sont réservées aux sociétés
d’Etat syriennes. Ceci procurait à
l’Etat, jusqu’en 2010, une entrée
annuelle de plus de 4 milliards de
dollars provenant de l’exportation de
pétrole surtout en Europe. Mais les
choses changent avec la guerre.
L’ « Armée syrienne libre » s’est
emparée d’importants champs pétrolifères
dans la région de Deir Ezzor. D’autres
sites, dans l’aire de Rumeilan, sont
contrôlés par les Kurdes du Parti
d’union démocratique, hostiles
cependant, aussi, aux « rebelles » avec
lesquels ils se sont affrontés plusieurs
fois. La stratégie Usa/Otan mise sur
les « rebelles », qu’on a aidés à
s’emparer des champs pétrolifères dans
un double objectif : priver l’Etat
syrien des revenus des exportations,
déjà fortement en baisse sous l’effet de
l’embargo de l’Union européenne ; faire
en sorte qu’à l’avenir les plus grands
gisements passent, par l’intermédiaire
des « rebelles », sous le contrôle des
grandes compagnies pétrolières
occidentales. A cet effet, le contrôle
du réseau intérieur des oléoducs et
gazoducs est fondamental. Ce réseau a
été saboté par les « rebelles » à
plusieurs endroits, surtout dans les
alentours de Homs où se trouve une des
deux raffineries du pays, afin
d’interrompre la fourniture de produits
pétrolifères. Mais une autre mise est
plus importante encore,
stratégiquement : le rôle de
la Syrie comme
hub de couloirs énergétiques
alternatifs à ceux qui passent à travers la Turquie et d’autres
parcours, contrôlés par les compagnies
étasuniennes et européennes. La « guerre
des oléoducs » a commencé depuis
longtemps : en 2003, en envahissant
l’Irak, les Etats-Unis ont immédiatement
détruit l’oléoduc Kirkuk-Baniyas qui
transportait en Syrie le brut irakien.
Celui de Ain Zalah à Suweidiva est resté
par contre en fonction. Damas et Bagdad,
défiant les interdictions de Washington,
ont ensuite lancé le projet de deux
oléoducs et d’un gazoduc qui, à travers
la Syrie, relieront les
gisements irakiens à la Méditerranée et donc
aux marchés extérieurs. Plus dangereux
encore pour les intérêts occidentaux est
l’accord stipulé en mai 2011 entre
Damas, Bagdad et Téhéran : il prévoit la
réalisation d’un gazoduc qui, à travers
l’Irak, transportera la gaz naturel
iranien en Syrie et de là aux marchés
extérieurs. Ces projets, et quelques
autres, déjà financés, ont été bloqués
par ce que l’agence étasunienne définit
comme « les conditions de sécurité
incertaines en Syrie ».
Edition de mardi 2 avril 2013 de
il
manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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