Opinion
Le «Bandar
chimique» est-il derrière
les attaques chimiques en Syrie ?
Mahdi
Darius Nazemroaya
Lundi 16 septembre 2013
Aucune des allégations des États-Unis
au sujet de ce qui s'est passé en Syrie
n'a de sens. Nous sommes appelés à
croire à une histoire illogique, alors
qu'il est beaucoup plus probable que ce
soit Israël et l'Arabie saoudite qui ont
permis à l'administration Obama de
menacer la Syrie de guerre.
Le rapport de renseignement sur la
Syrie préparé par l'administration Obama
n'est qu'une reprise de ce qui s'est
passé en Irak. « Beaucoup de choses ne
sont pas dites clairement » dans le
document de quatre pages, selon Richard
Guthrie, l'ancien directeur du projet
sur les guerres chimiques et biologiques
mené par l'Institut international de
recherche sur la paix de Stockholm. Une
des soi-disant pièces à conviction
serait la présumée interception des
communications du gouvernement syrien,
mais aucune transcription n'a été
présentée comme preuve.
Il en va de même pour les discours de
l'administration Obama qui font tout
sauf confirmer de façon irréfutable ce
qui s'est vraiment passé. Rien n'est
confirmé de façon catégorique dans le
rapport de renseignement. Ce document
officiel a toutes les allures d'une
thèse superficielle produite par un
étudiant collégial ou universitaire,
rédigé par quelqu'un qui jongle avec les
mots plutôt que par de véritables
experts en la matière.
Le rapport tourne en rond, se fiant à
des réseaux sociaux qu'on ne nomme pas
et à des racontars en tant que preuves
et données. Sans transparence, il
affirme qu' « il y a des comptes rendus
de la part de personnel médical
international et syrien, des vidéos, des
témoignages, des milliers de rapports
provenant des médias sociaux d'au moins
douze endroits différents dans la région
de Damas, des comptes rendus de
journalistes et des rapports provenant
d'organisations non-gouvernementales ».
On a fort à parier que ces sources
sans nom sont en réalité des insurgés
financés internationalement, les médias
israéliens, les médias saoudiens,
l'Observatoire syrien pour les droits de
la personne (qui a dans ses rangs ceux
qui militent avec les rebelles et qui
considèrent que l'Arabie saoudite est un
modèle de la démocratie) ainsi que
l'organisation non gouvernementale
Médecins sans frontières. Il
s'agit des mêmes sources qui appuient
depuis le début l'insurrection et qui
favorisent un changement de régime et
une intervention militaire en Syrie.
Qui plus est, une des principales
sources de renseignement et
d'interception des communications devant
servir de preuve probante est nulle
autre qu'Israël, pays notoire pour son
recours à la manipulation et la
falsification de preuves.
Le rapport de renseignement des
États-Unis prétend aussi avoir eu
connaissance des plans d'une attaque
d'armes chimiques plusieurs jours avant
que celle-ci ne se produise. Un
spécialiste en matière d'armes
chimiques, Jean Pascal Zanders, chargé
de recherche principal à l'Institut des
études de sécurité de l'Union
européenne, pose la question : pourquoi
le gouvernement étasunien n'a-t-il donc
pas alerté le monde entier du danger
imminent d'une attaque chimique ?
Une conspiration Israélo-saoudienne?
Les forces antigouvernementales
combattant en Syrie et supportées par
les États-Unis ont un lien définitif
avec les armes chimiques. Et pourtant,
Obama et cie ne disent rien.
En dépit des accusations portées par
les forces antigouvernementales à
l'effet que l'armée syrienne aurait
lancé une attaque d'armes chimiques
contre Homs à Noël, en décembre 2012 CNN
rapportait que l'armée étasunienne
entraînait des combattants
antigouvernementaux dans la sécurisation
et la manipulation d'armes chimiques.
Portant le nom de Destructive Wind
Chemical Battalion, les insurgés ont
même menacé d'avoir recours aux gaz
neurotoxiques et ont lancé une vidéo où
ils tuent des lapins et disent que c'est
le sort qui pourrait être réservé à la
Syrie.
Selon le quotidien français Le
Figaro, deux brigades de
combattants antigouvernementaux formées
par la CIA, les Israéliens, les
Saoudiens et les Jordaniens, auraient
traversé en Syrie par les frontières du
Royaume hachémite de Jordanie pour
donner l'assaut, les 17 et 19 août 2013.
Les États-Unis ont sans doute investi
grandement dans l'entraînement des deux
brigades antigouvernementales. Si c'est
le cas, certains pourraient spéculer que
leur défaite aurait été le signal d'une
attaque chimique à Damas, un plan B, en
quelque sorte.
La question se pose : comment ces
combattants ont-ils eu accès à des armes
chimiques ? Plusieurs indices pointent
vers l'Arabie saoudite. Selon le journal
britannique Independent, c'est
le prince Bandar de l'Arabie saoudite
qui aurait le premier « alerté les
alliés occidentaux du recours présumé du
régime syrien au sarin en février 2013
». La Turquie aurait arrêté des
militants syriens sur son territoire
avec du sarin que ces terroristes
devaient utiliser en Syrie même. Le 22
juillet, les insurgés devaient aussi
prendre d'assaut Al-Assal et tuer tout
témoin pour dissimuler leurs actes.
Un rapport signé Yahya Ababneh et
auquel a contribué Dale Gavlak contient
le témoignage de personnes qui disent
que « certains rebelles ont reçu des
armes chimiques via le chef des
renseignements saoudien, le prince
Bandar bin Sultan, et sont responsables
d'avoir mené des attaques aux gaz ».
Le rapport du Mint Press News
contribue grandement à cette
histoire, contredisant de plein fouet
les prétentions du gouvernement
étasunien. Une insurgée y est citée et
des liens sont faits qui impliquent
clairement l'Arabie saoudite. Elle dit
que ceux qui les ont fournis en armes «
ne leur ont pas expliqué à quoi ces
armes servaient ni comment s'en servir »
et qu'eux ne savaient pas « qu'il
s'agissait d'armes chimiques ». «
Lorsque le prince Bandar offre de telles
armes au peuple, il doit d'abord les
offrir à ceux qui savent comment les
manipuler et s'en servir », aurait-elle
dit.
Le rapport met en relief un autre
lien saoudien : « Abdel-Moneim a dit que
son fils ainsi que douze autres rebelles
avaient été tués dans un tunnel devant
stocker des armes fournies par un
militant saoudien, dont le nom serait
Abu Ayesha, qui dirigeait un bataillon
de combattants. Le père a décrit les
armes comme étant d'une « structure
tubulaire » tandis que d'autres
ressemblaient à « d'énormes bombonnes de
gaz ».
Ainsi, il semblerait que les
Saoudiens aient facilité l'attaque
chimique tandis que les Israéliens
auraient camouflé leur intention de
déclencher une guerre généralisée, ou du
moins de faciliter une campagne de
bombardement contre Damas. Israël et
l'Arabie saoudite ont assisté
l'administration Obama à menacer la
Syrie de guerre.
Obama cherche à changer le rapport
de force en Syrie
Le discours moralisateur provenant de
Washington relève du cirque et est
ignoble. L'hypocrisie du gouvernement
étasunien est sans bornes. Celui-ci
condamne l'armée syrienne parce qu'il
aurait recours aux bombes à
fragmentation tandis que les États-Unis
vendent massivement de telles bombes à
l'Arabie saoudite.
Si les inspecteurs de l'ONU sont
entrés en Syrie, c'est d'abord à
l'invitation du gouvernement de Damas.
Le gouvernement syrien avait informé
l'ONU depuis des semaines que les
milices antigouvernementales tentaient
d'avoir recours aux armes chimiques
après qu'elles eurent pris contrôle
d'une usine de chlore à l'est d'Aleppo.
En guise de prévention, l'armée syrienne
a depuis concentré toutes ses armes
chimiques dans des complexes bien
protégés afin que les forces
antigouvernementales ne puissent y avoir
accès. Pourtant, les insurgés ont lancé
une attaque aux armes chimiques contre
les forces du gouvernement syrien à Khan
Al-Assal le 19 mars 2013. Déformant
totalement la vérité, les insurgés et
leurs supporteurs étrangers, y compris
le gouvernement des États-Unis, tentent
de tenir le gouvernement syrien
responsable des attaques chimiques,
allégations qui ont été réfutées en mai
par l'enquêteur de l'ONU, Carla Del
Ponte, après un travail d'enquête
intensif.
Au sujet de l'attaque présumée du
mois d'août, l'administration Obama ment
et se contredit depuis des jours. Ses
porte-parole disent que les traces
d'armes chimiques ne peuvent être
éliminées mais que tout de même le
gouvernement syrien aurait réussi à
détruire des preuves qui ne peuvent être
éradiquées. Aussi prétendent-ils vouloir
une enquête alors qu'ils affirment déjà
avoir toutes les réponses.
Les allégations à l'effet que le
gouvernement syrien aurait eu recours
aux armes chimiques dans la banlieue de
Ghouta défient toute logique. Pourquoi
le gouvernement syrien aurait-il eu,
sans raison, recours à des armes
chimiques dans une région qui est sous
son contrôle et pourquoi se tirerait-il
ainsi dans le pied en offrant aux
États-Unis et à leurs alliés un prétexte
pour intervenir? Et que dire du choix de
la date pour agir ainsi?
L'administration Obama voudrait nous
faire croire que le gouvernement syrien
aurait choisi la journée-même où les
inspecteurs des Nations unies sont
arrivés à Damas.
Même la British Broadcasting
Corporation a avoué que cette
situation était pour le moins étrange.
Le rédacteur en chef pour le
Moyen-Orient Jeremy Brown a lui-même
soulevé qu'il était tout de même curieux
que le gouvernement syrien ait eu
recours à de telles armes au moment de
la visite des inspecteurs de l'ONU, et à
un moment où l'armée mène l'offensive
dans la région de Damas.
Les États-Unis accusent le
gouvernement syrien d'avoir recours aux
armes chimiques, mais les porte-parole
étasuniens ont une longue tradition
d'avoir recours aux mensonges pour
déclencher des guerres contre d'autres
pays. C'est le modus operandi
constant des États-Unis, depuis le
Vietnam jusqu'à la Yougoslavie, de
l'Irak jusqu'à la Libye.
Ce n'est pas la Syrie qui agit à
l'encontre de la communauté
internationale, mais bien les fauteurs
de guerre de Washington, y compris
l'administration Obama.
Washington menace d'attaquer la Syrie
pour tenter de prolonger les combats en
Syrie. Le gouvernement étasunien veut
aussi avoir un rôle plus important à
jouer dans toutes futures négociations
en restaurant le rapport de force entre
le gouvernement syrien et les alliés des
États-Unis, les insurgés
antigouvernementaux, pour faire en sorte
que l'armée syrienne soit ébranlée et
pour ainsi stopper son offensive
victorieuse contre l'insurrection. Que
les États-
Unis veuillent ou non affaiblir Damas
en faveur des insurgés, il est certain
qu'ils veulent tout au moins rétablir un
équilibre tout en portant un important
coup au gouvernement syrien avant la
tenue d'une négociation finale.
La « R2P » - la responsabilité de
protéger - doit maintenant faire place à
une nouvelle « R2P » - la «
responsabilité de prévenir la guerre »
(Traduction: LML)
Le
dossier Syrie
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