Syrie
Tirs de sommation
M.
Saadoune
Lakhdar
Brahimi
Mardi 21 août 2012
En acceptant la
mission d'essayer de trouver une
solution à une crise syrienne dont les
fils qui échappent désormais largement
aux Syriens, le diplomate algérien,
Lakhdar Brahimi, a pris un grand risque.
Sa qualité «d'Arabe» ne constitue pas
vraiment un «plus» par rapport aux
atouts dont disposait Kofi Annan et qui
se sont avérés vains. Lakhdar Brahimi
vient de subir une attaque virulente et
totalement injustifiée de la part du
Conseil national syrien (CNS), installé
en Turquie et politiquement sous orbite
des pays du Golfe et des Occidentaux.
C'est tout simplement un tir de
sommation alors même que le diplomate
algérien n'a même pas commencé sa
mission.
L'absence d'autonomie du CNS ne dispense
pas de prendre au sérieux ses
admonestations car il est devenu, de
facto, le«messager» des exigences des
monarchies du Golfe et des Occidentaux.
En l'occurrence, le message transmis par
Doha, Ryadh et les capitales
occidentales est clair et net : Lakhdar
Brahimi doit exiger le départ de Bachar
Al-Assad comme un «préalable» pour
accomplir sa mission. En demandant à
Lakhdar Brahimi de «s'excuser» pour ne
pas avoir dit que Bachar Al-Assad «doit
partir», le CNS lui dicte les exigences
des capitales occidentales et arabes
impliquées dans le conflit syrien. C'est
un tir qui risque d'être suivi par
d'autres. Officiellement, tout le monde,
Occidentaux, Arabes, Russes, Chinois et…
Damas, soutient la mission de Lakhdar
Brahimi. Mais nul n'ignore que c'était
aussi «officiellement» le cas pour Kofi
Annan. Et que si ce dernier a «échoué»,
c'est uniquement parce qu'il a
sérieusement pris sa mission de
«médiateur» au sens le plus juste du
mot.
L'attaque préventive du CNS est destinée
à lui signifier, au «nom du peuple
syrien», qu'il ne doit pas prendre au
sérieux le terme de «médiateur». Lakhdar
Brahimi est un diplomate retors mais il
est déjà aux prises avec des médias en
guerre qui tronquent des bouts de
phrases et les sortent de leur contexte.
Il a rétorqué vertement sur Al-Jazira
aux gens du CNS en indiquant qu'il avait
vu leur représentant et qu'ils n'avaient
pas formulé d'exigences particulières.
Il a mis en exergue le fait que la
situation était trop grave et trop
sérieuse pour qu'elle soit traitée par
le biais des médias. Et surtout face à
Al-Jazira qui s'est faite le
porte-parole des exigences de «garanties
» du CNS, il a été très sec avant de
couper la ligne devant la journaliste :
«Cette affaire est très importante, trop
importante pour que j'en parle sur Al-Jazira
ou sur d'autres médias. Choukrane
jazilane et maa essalama».
Le diplomate algérien a désormais un
avant-goût de ce qui l'attend. Le CNS a
formulé, de manière délibérément
agressive, ce que les Occidentaux et les
émirs du Golfe attendent de lui. Il sait
pertinemment, et cela n'a rien d'un
mystère, que le départ de Bachar Al-Assad
«fait partie» de la solution politique.
Mais exiger ce départ comme un
«préalable» à la négociation rend
justement impossible la solution
politique et ligote littéralement
l'action du médiateur. C'est, à
l'évidence, le but recherché par
l'attaque téléguidée menée par le CNS.
Lakhdar Brahimi est dans la même
situation que Kofi Annan : on lui
demande d'être un alibi pas un
médiateur. Kofi Annan ne l'a pas
accepté. Il reviendra à Lakhdar Brahimi
de décider quelle partition il va jouer.
C'est son image qui est en jeu. Et un
peu celle de l'Algérie.
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