Mali
Une guerre
hasardeuse
M.
Saadoune
Dimanche 13 janvier
2013 C'est désormais
la guerre au Mali. Les Français la
voulaient. Ils ont eu, à la faveur d'une
offensive vers le Sud des djihadistes et
d'Ançar Eddine, l'aval du Conseil de
sécurité et une demande officielle
d'aide de Bamako pour pouvoir la faire.
Les islamistes bornés servent, une fois
de plus, de repoussoir et d'arguments
pour que des situations de 19ème siècle
se reproduisent. C'est une guerre de
«réinstallation», a lancé quelqu'un dans
un raccourci significatif.
En réalité, cette guerre à nos portes
fait partie de la séquence non refermée
de la Global War qui trouve une
justification à tout dans l'action des
djihadistes. Le discours français sur le
risque d'un Etat terroriste sur le mode
taliban est éloquent à ce sujet. L'autre
élément à relever est la persistance des
Occidentaux - malgré l'échec patent en
Afghanistan - à croire que la
supériorité technologique assure
automatiquement la victoire militaire.
Depuis vingt ans, cette supériorité
technologique est plus ou moins tenue en
échec. Elle a cependant parfaitement
réussi en Libye, mais avec des dommages
collatéraux gigantesques qui ont abouti
à l'effondrement de l'Etat malien. Et à
cette nouvelle guerre. L'armée française
qui s'est retirée d'Afghanistan a donc,
avec l'aval du Conseil de sécurité et
des Etats-Unis, un nouveau théâtre
d'opérations au Sahel. Cela permet au
passage en ces temps de crise de
réclamer de meilleures allocations
budgétaires.
L'Algérie n'a pas pu empêcher cette
guerre et ce n'est pas faute d'avoir
essayé. Ses efforts pour amener Iyad Ag
Ghaly et Ançar Eddine à penser aux
intérêts des Touaregs et donc à
s'éloigner des groupes djihadistes -dont
la présence a pour effet de légitimer
toutes les interventions étrangères- ne
semblent pas avoir été couronnés de
succès. Iyad Ag Ghaly a fait un constat
juste : à Bamako, on ne voulait pas
discuter, on préparait la guerre. Il lui
a apporté une très mauvaise réponse :
attaquer au Sud avant le déploiement
éventuel d'une force africaine. C'est
une erreur stratégique plus grave que
celle qu'a commise le MNLA en annonçant
prématurément la naissance d'un Etat de
l'Azawad. Ag Ghaly décide-t-il vraiment,
est-il un simple paravent ? Toujours
est-il qu'il est déjà dans la case
nouvelle introduite par la dernière
résolution du Conseil de sécurité, celle
des «Maliens extrémistes du Nord» qui ne
sont pas éligibles au dialogue.
Les buts de guerre des Français restent
flous : on ne sait pas s'il s'agit
uniquement de stopper la descente en
pick-up des djihadistes ou de
«reconquérir» le Nord. Mais c'est une
guerre hasardeuse qui ne peut
qu'accroître la déstabilisation de la
région et y susciter - c'est quasi
automatique- un afflux de vocations
djihadistes. Que peut faire l'Algérie
dont les efforts politiques - absolument
justifiés - pour séparer les problèmes
maliens de ceux posés par les
organisations terroristes ont été
entravés ? Comme dit l'adage, quand les
éléphants passent, il faut attendre que
la poussière retombe. L'urgence absolue
- et on peut penser que les dispositifs
ont été mis en place depuis des mois car
cette guerre annoncée n'est pas une
surprise - est de sécuriser les
frontières. L'autre impératif est de ne
pas se laisser entraîner dans une guerre
décidée par la France. Car, n'en doutons
pas, notre pays va être sollicité au nom
de «l'antiterrorisme» à aller dans une
guerre qu'il a tout fait pour éviter. Et
il faut continuer, sans cesse, à attirer
l'attention sur la nature politique du
conflit au nord du Mali qui est celui de
l'exclusion des Touaregs.
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