EODE THINK TANK - Géopolitique
Seleka et crise en
Centrafrique:
Le dessous des cartes
Luc Michel
Lundi 15 avril 2013
Qui se cache derrière la Seleka et le
nouveau président « élu » de Centrafique ?
Luc MICHEL pour EODE Press Office
avec AFP – Cameroon Voice – APA - France
24 - RFI / 2013 04 15 /
http://www.facebook.com/EODE.monitoring
http://www.eode.org/category/eode-international-elections-monitoring/international-elections-survey/
Michel Djotodia, chef de la coalition
rebelle qui a pris le pouvoir en
Centrafrique le mois dernier en
renversant le président François Bozizé,
a reçu ce samedi « le vernis
institutionnel qui lui manquait » en
étant « élu président de la République »
lors de la première session du Conseil
national de transition (CNT), formé par
toutes les composantes politiques du
pays.
M. Djotodia, qui s'était autoproclamé
président après la prise de Bangui le 24
mars par les rebelles du Séléka, était
l'unique candidat. Il a été élu sous les
applaudissements par acclamation, sans
vote. I / LA SELEKA
« LEGITIMEE » Selon
une source diplomatique occidentale,
l'élection était en effet un passage
obligé pour "donner un peu de
légitimité" à Michel Djotodia avec "un
habillage institutionnel" alors que ses
hommes contrôlent le pays et la
capitale.
LE MYSTERIEUX MICHEL DJOTODIA
Formé en URSS, M. Djotodia a d'abord été
fonctionnaire au Plan, puis consul de
Centrafrique, avant d'échouer deux fois
aux législatives. Il passe à la
rébellion en 2005, connait l'exil puis
rentre dans son pays où il fonde le
Séléka ("alliance", en langue nationale
sango) en juin 2012. Moins d'un an plus
tard, ce maître en stratégie et
communication est le nouveau président
centrafricain.
Elu pour 18 mois, cet homme réservé,
voire mystérieux né en 1949 sans qu'on
sache à quelle date exactement, aura la
charge de « conduire ce pays à
l'histoire mouvementée vers des
élections libres et démocratiques et une
nouvelle constitution après les dix ans
du régime Bozizé ».
"Je mesure à sa juste valeur la porté et
l'importance de la charge que vous venez
de me confier. Je ne ne ménagerai aucun
effort pour assurer de manière concertée
la transition qui vient de commencer",
a-t-il déclaré dans son premier discours
en tant que chef de l'Etat, se posant en
rassembleur et soulignant qu'il
s'agissait d'une "transition".
"J'en appelle au bon sens et au
patriotisme de tout un chacun afin que
nous puissions relever les défis
importants qui s'imposent à tous",
a-t-il poursuivi.
Il a énuméré "la reconstruction de
l'unité nationale, la sécurité sur toute
l'étendue du territoire national, la
recherche de la paix sociale le
redémarrage de notre économie" comme les
tâches fixées au nouveau pouvoir.
LA PROFONDE CRISE CENTRAFICAINE
L'offensive rebelle lancée en décembre,
accompagnée de pillages, de viols et de
meurtres qui n'ont pas cessé, a déjà
détruit une partie du tissu économique
du pays qui figurait déjà parmi les plus
pauvres de la planète.
La sécurisation de cette ancienne
colonie française avec des hommes en
armes partout paraît une gageure dans un
pays de 5 millions d'habitants où
l'administration en partie détruite n'a
jamais vraiment réussi à étendre son
pouvoir. Il faudra
aussi éviter tout dérapage sur le plan
religieux. De nombreux chrétiens
craignent désormais une domination de
l'islam alors que les rebelles parvenus
au pouvoir sont majoritairement issus du
nord musulman. M. Djotodia est
d'ailleurs le premier musulman à devenir
président de ce pays à majorité
chrétienne. Par le
passé, le nouveau dirigeant s'était
engagé à respecter les accords signés en
janvier à Libreville entre les
composantes politiques de la
Centrafrique et qui lui interdisent de
révoquer le Premier ministre Nicolas
Tiangaye, issu de l'opposition au
président Bozizé. LE
« CNT » CENTRAFICAIN ET LA
LEGITIMISATION DE LA REBELLION
La mise en place du CNT – le nom
rappelle et c’est voulu l’opération
occidentale en Libye - était l'une des
recommandations du sommet des chefs
d'Etat d'Afrique centrale réunis à
N'Djamena le 3 avril qui cherchaient à
normaliser la situation après la
victoire militaire de la rébellion.
Ce Conseil est composé à la fois de
membres du Séléka, de l'ancienne
opposition au président déchu, de
partisans de l'ancien régime, ainsi que
d'anciens rebelles et personnalités de
la société civile.
Vendredi soir, la radio avait annoncé
que le CNT était passé de 97 à 105
membres, apparemment pour satisfaire des
demandes de la société civile et de
certains partis politiques. Ce chiffre
de 105 correspond au nombre de députés
dans l'ancienne assemblée nationale,
alors que le CNT est appelé non
seulement à légiférer mais aussi à jouer
un rôle d'assemblée constituante.
Les personnalités de la société civile
composent l'essentiel du CNT qui compte
également de nombreux anciens ministres
et députés. En
répétant être attaché aux accords de
Libreville et en acceptant les
recommandations de N'Djamena, le
président Djotodia, « désormais plus
légitime » écrit sans rire l’AFP,
devrait pouvoir convaincre de réintégrer
son pays dans le concert international
après qu'il eut été suspendu par l'Union
africaine et eut vu les aides
extérieures gelées.
II / QUI SE CACHE DERRIERE LA SELEKA ?
MAIS QUI SONT OFFICIELLEMENT LES
REBELLES DE LA SELEKA, NOUVEAUX MAITRES
DE BANGUI ? Les
rebelles de la Séléka - qui signifie
« Alliance » en langue Sango, parlée en
Centrafrique - ont pris, fin Mars 2013,
le contrôle de Bangui, la capitale de
République centrafricaine. Qui sont-ils
? Pourquoi ont-ils pris les armes contre
le pouvoir de François Bozizé ?
Éléments de réponse apporté par le
service Afrique de France 24 : « La
Séléka est une coalition de petits
mouvements qui s’opposent à François
Bozizé », le président renversé. « Quand
il a pris le pouvoir par la force en
2003, des mouvements rebelles hostiles
au pouvoir sont nés, notamment l’Union
des forces démocratiques pour le
rassemblement (UDFR), puis trois ans
plus tard, le mouvement rebelle
Convention des patriotes pour la justice
et la paix (CPJP). Ils ont mené
régulièrement des actions armées dans
plusieurs régions du pays. En 2011,
après la réelection de Bozizé à la tête
de la Centrafrique, ces deux principaux
groupes rebelles signent un accord de
paix avec le gouvernement. Mais
plusieurs factions dissidentes, issues
des rangs de l’UDFR, du CPJP ainsi que
de plusieurs autres petits groupes, se
réunissent pour créer la Séléka, le 10
décembre dernier. Ils considèrent que
les accords de paix conclus en 2011
n’ont pas été respectés par le clan
Bozizé. » La Séléka
est dirigée par Michel Djotodia, « un
ancien diplomate et fondateur de
l’UFDR ». « Les porte-parole Djouma
Narkoyo et Éric Massi sont également
deux personnalités primordiales du
mouvement. Éric Massi est le fils d’un
ministre de François Bozizé qui a été
tué après avoir fait défection ».
Entre décembre et janvier dernier, la
rébellion est parvenue à contrôler les
trois quarts du territoire
centrafricain. « On peut se poser des
questions sur l’importance du matériel
dont ils disposent », réagit sur RFI
Roland Marchal, chercheur au CNRS et
spécialiste de la Centrafrique, pointant
également du doigt « la bonne
organisation militaire du groupe ».
L’expert « suspecte le concours d’autres
mouvements armés étrangers, notamment
venus du Darfour et du Tchad ».
« La Séléka a pris les armes en décembre
dernier et a alors entamé une
"reconquête" du pays. De nouveaux
accords de paix sont signés à
Libreville, le 11 janvier 2013. Un
gouvernement d’union nationale est
formé, incluant plusieurs personnalités
de la Séléka. Mais les rebelles ont de
nouveau repris les armes, mercredi 20
mars ». « Les clauses essentielles de
l'accord n'ont pas été respectées »,
estime Roland Marchal. Selon le
chercheur, « le président centrafricain
François Bozizé n’a pas mis en œuvre le
partage des pouvoirs, ni la clause
prévoyant l’intégration des insurgés
dans l’armée ». Les promesses faites
concernant la pacification n’ont pas non
plus été tenues. « Sur ce point, les
responsabilités sont beaucoup plus
partagées », commente Roland Marchal.
ICI AUSSI DE « BONS ISLAMISTES »
UTILES ? Mais
derrière ces forces centraficaines de la
Seleka se cachent d’autres
protagonistes.
« Rassemblement hétéroclite de
différentes factions rebelles » selon
l’APA,
Dans la galaxie
Seleka, on trouve aussi l'Union des
Forces Démocratiques pour le
Rassemblement (UFDR) de Michel Djetodia
qui guerroie contre Bozizé depuis 2006
dans le Nord Est. Djotodia, qui a été
consul au Soudan et est musulman – son
prénom de doit pas faire illusion -, « y
a conservé de solides amitiés utiles à
la Séléka aujourd'hui ».
On retrouve aussi dans cette galaxie
« le fameux général Koumtamadji qui a
été aux côtés de Kadhafi pendant ses
derniers mois »,
a « rejoint en décembre, selon
plusieurs sources, cette alliance.
Koumtamadji, proche de Patassé, a pris
les armes contre Bozizé depuis 2007 et
s'est rapproché de lui grâce à la
médiation libyenne pendant un temps ».
Le général Koumtamadji alias Abdoulaye
Miskine est dans cette alliance sous la
bannière de son mouvement le Front
Démocratique du Peuple Centrafricain
(FDPC).
Comme les Touaregs du MNLA,
instrumentalisés pour créer la crise
malienne qui a permis l’intervention de
l’OTAN avec la bénédiction de l’AFRICOM
américain, eux aussi anciens protégés de
la Jamahiriya libyenne, le FDPC a été
récupéré par les Occidentaux et en
particulier les Français de l’OTAN.
C’était cela ou mourir et la politique a
horreur du vide … Le
général Mahamat Moussa Dhaffane,
« ancien Président de la Croix rouge
centrafricaine, guerroie aussi dans
l'alliance sous la bannière de son
mouvement ; la Convention patriotique
pour la sauvegarde du Kodro (CSPK),
Kodro signifiant la patrie en langue
centrafricaine. Ce mouvement est de
création récente : juin 2012 ».
« Le passé d'ancien étudiant en
Arabie Saoudite du général Dhaffane est
aujourd'hui exploité par le gouvernement
de Bangui qui l'accuse de vouloir
propager le wahhabisme », écrivait déjà
Radio Cameroun avant la prise de Bangui.
« Mais la Seleka est-elle composée
uniquement des Centrafricains ?,
interrogeait encore Radio Cameroun, Rien
n'est moins sûr ». Car il y a des
miliciens tchadiens, de tendance
islamiste, dans les rangs de la Seleka.
« Selon des sources sécuritaires
tchadiennes, amplement reprises par le
gouvernement centrafricain de Bozizé, de
nombreux rebelles tchadiens issus des
groupes du général Mahamat Nouri, du
Colonel Ahmat Yacoub Kougou, de Timane
Erdimi, d'Abdelwahid Aboud Mackaye, du
Colonel Adouma Hassaballah guerroient
dans les rangs centrafricains.
Différentes sources centrafricaines
jointes par APA confirment la présence
des Tchadiens dans les rangs rebelles ».
Enfin, il y a « la présence des
Soudanais dans la rébellion
centrafricaine », celle des milices
islamistes Djandjawid, venues du Darfour
voisin. En janvier
2013, alors que s’amorçait l’offensive
de la Seleka, Maurice Saramalé, de
l’Observatoire Centrafricain des Droits
de l’Homme (Ocdh), exprimait déjà
ses doutes sur la présence
islamiste au sein de la Seleka :
« Depuis le 10 décembre dernier, une
horde hétéroclite de mercenaires de tout
poil, majoritairement pour ne pas dire
exclusivement composée d’étrangers
enturbannés, disciples de la charia, a
attaqué la République Centrafricaine
pour y instaurer un régime islamique (…)
Ils se sont malheureusement laissés
convaincre par les chants de sirène de
ces adversaires du progrès du pays,
devenant ainsi de simples instruments de
cette volonté de marchandisation de la
société centrafricaine. Cette soif du
pouvoir est hélas une obsession de
certains leaders centrafricains, depuis
des années, que de tout faire pour
mettre un terme de façon brutale à
l’expérience démocratique du pays.
C’est à la foi inadmissible et
incroyable, ce qui se passe sous nos
yeux. En quelques jours, un État
souverain, dirigé par un président de la
République élu au suffrage universel,
qui a donc, il faut le rappeler, la
légitimité des urnes, devient ainsi la
cible d’une bande de hors la loi qui
bénéficient de la bienveillance et la
complicité de certains pays dits de
grande démocratie. »
DERRIERE LA SELEKA : LA FRANCAFRIQUE.
ET DERRIERE ELLE LES GENERAUX DE L’OTAN
ET DE L’AFRICOM …
Une « marchandisation » qui concerne au
premier chef les ressources
géostratégiques du pays : pétrole et
uranium, le « moteur et le catalyseur de
cette guerre d’agression contre la
République Centrafricaine » selon
Maurice Saramalé. On
se rappellera alors trois choses :
* La première que le régime de Bozizé à
commencé par être lâché par Paris. « La
France ne défend que ses ressortissants
et ses propres intérêts », lui avait
rétorqué François Hollande fin décembre.
« La coalition rebelle Séléka menaçait
alors déjà son pouvoir, et Bozizé
tentait de convaincre le gouvernement
français d’intervenir pour le sauver.
Or, à Paris, on a visiblement analysé
que cela ne correspondait pas à son
intérêt stratégique. »
* La seconde est le projet américain,
celui des néocons de Bush réactivé par
Obama, dit du « Grand Moyen Orient ». Au
sens de plus en plus large et où
l’Afrique est devenue l’arrière cour de
ce « Grand Moyen Orient » remodelé et de
sa cible géostratégique, le contrôle de
l’Eurasie, clé d’un « XXIe siècle
américain ». Dans ce projet la tactique
est simple, toujours la même : allier
dans un état faible ou fragmenté un
pouvoir militaire et des forces
islamistes, tous deux gagnés à
l’économie libérale (la première
caractéristique des Frères musulmans,
par exemple, est leur hostilité absolue
au Socialisme). * La
troisième est que la France formera la
future armée centrafricaine, selon un
accord avec la Séléka.
On comprend mieux alors le nom du
pouvoir « de transition » installé au
pouvoir en Centrafrique – et que Paris
aurait pu balayer sans problème -, ce
CNT inspiré du CNT libyen de Benghazi …
Luc MICHEL
http://www.facebook.com/notes/eode-think-tank/-eode-think-tank-geopolitique-seleka-et-crise-en-centrafrique-le-dessous-des-car/493002870754827
http://www.eode.org/eode-think-tank-geopolitique-seleka-et-crise-en-centrafrique-le-dessous-des-cartes/
Lire aussi :
Luc MICHEL,
GEOPOLITIQUE / L’INTERVENTION
FRANCO-BELGE DECRYPTEE : TIRER LES
MARRONS DU FEU MALIEN POUR WASHINGTON
http://www.elac-committees.org/2013/01/15/pcn-spo-geopolitique-l%e2%80%99intervention-franco-belge-decryptee-tirer-les-marrons-du-feu-malien-pour-washington/
Luc MICHEL SUR
RADIO CAMEROUN : MALI, SAHEL, LIBYE,
PROCHE-ORIENT … LA STRATEGIE DU CHAOS EN
ACTION !
Un vaste tour d’horizon géopolitique sur
30 ans de Guerres américaines en Eurasie
et en Afrique !
Parmi les sujets abordés par : Mali,
Sahel, Cameroun, Nigeria, Somalie,
Guinée-Bissau, Congo, Algérie, Libye,
Syrie, Irak, Afghanistan, Proche-Orient,
Iran, Chine, Russie, Groupe de Shanghai
et OTSC, USA et OTAN, AQMI, djihadisme,
Al-Qaida, Kadhafi, Panafricanisme, «
Grand échiquier », « Grand Moyen-Orient
», « Théorie du Chaos », « Somalisation
» …
AUDIO / Première partie :
https://vimeo.com/58326402
AUDIO /
Seconde partie :
https://vimeo.com/58326404
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