EODE - International Elections
Monitoring
Bulgarie :
Elections législatives anticipées
dans un climat de crise
Luc Michel
Lundi 13 mai 2013
Luc MICHEL pour EODE Press Office
avec PCN-SPO – Reuters – AFP - Troud /
2013 05 12 /
http://www.facebook.com/EODE.monitoring
http://www.eode.org/category/eode-international-elections-monitoring/international-elections-survey/
"Ce vote est sur la voie de reproduire
le précédent parlement de l'oligarchie
et de la mafia que nous avons chassé.
Cette fois nous aurons des barricades,
pas des protestations!"
- Angel Slavchev, organisateur des
manifestations anti-partis de l’Hiver.
Après les manifestations massives de cet
hiver, les Bulgares votaient ce dimanche
pour renouveler leur Parlement lors
d'élections législatives anticipées qui,
selon l’AFP, « risquent de conduire à
une impasse et de raviver la crise
sociale ». CRISE
POLITIQUE ET ECONOMIQUE SUR UN
ARRIERE-PLAN DE SCANDALES
Le parti conservateur Gerb de l'ancien
Premier ministre Boïko Borissov, qui
avait démissionné le 20 février sous la
pression de la rue, est donné dans
plusieurs sondages au coude à coude avec
le parti socialiste (PSB, ex-communistes
d’avant 1990), avec un léger avantage à
l'ancien karatéka.
Mais, quel que soit le vainqueur,
commente l’AFP, « il ne devrait pas
obtenir de majorité au Parlement et aura
du mal à former un gouvernement, tant
les possibilités de coalition semblent
restreintes ». La campagne électorale,
loin de répondre aux attentes de la
population, a viré au règlement de
comptes entre socialistes et
conservateurs autour d'un scandale
d'écoutes illégales.
La déception de la population s'est
traduite, dans les sondages, par une
baisse attendue de la participation - un
peu plus de 50% des 6,9 millions
d'électeurs annonçaient voter -, une
proportion importante d'indécis (autour
de 20%) et une remontée de l'extrême
droite (Ataka). "Je
ne voterai pas. Tout est tellement
pourri. Nous avons été déçus par tous
les partis", déclare Evelina Angelova,
25 ans, comptable en congé maternité,
venue avec ses deux jeunes enfants à
Veliko Tarnovo (centre) où se tenait
vendredi soir le dernier meeting de
Boïko Borissov. "Je suis ici uniquement
pour le concert", précise-t-elle.
"Je suis dégoûtée par la campagne
électorale. J'ai toujours voté, cette
fois je m'abstiendrai. Tous se sont
montrés incompétents et corrompus",
confiait ce dimanche à l'AFP Maria
Baïtcheva, 56 ans, ancienne employée au
chômage.
Quel que soit le
vainqueur, il ne devrait pas obtenir de
majorité au Parlement et aura du mal à
former un gouvernement tant les
possibilités de coalition semblent
restreintes. Une impasse ne ferait
qu'aggraver la situation économique du
pays, où la croissance n'a atteint que
0,8% l'an passé et où près d'une
personne sur cinq est sans emploi, selon
des chiffres officieux.
VERS UNE REPRISE DE LA CRISE SOCIALE DE
L'HIVER DERNIER ?
« Certains n'excluent pas non plus une
reprise de la crise sociale de l'hiver
dernier », analyse encore l’AFP. « Des
dizaines de milliers de Bulgares étaient
alors descendus dans les rues des
grandes villes pour protester contre
l'explosion de leur facture
d'électricité, qui avait plus que doublé
en janvier comparé au mois précédent. Un
choc dans un pays où le salaire moyen
est inférieur à 400 euros ».
Le mouvement spontané s'était
transformé, sous l'influence de
multiples groupes de la société civile,
en une vaste mobilisation contre la
misère chronique - la Bulgarie est le
membre le plus pauvre de l'Union
européenne -, le chômage, et la
corruption qui ronge la classe politique
et les institutions du pays. Le
désespoir avait conduit sept personnes à
s'immoler par le feu, un fait sans
précédent dans ce pays balkanique. Six
sont décédées. La
démission du gouvernement avait conduit
à la tenue de ce scrutin anticipé, deux
mois avant la date prévue. Un tour de
passe-passe politicien de plus.
L'avancée des élections avait pour but
en effet d’empêcher les groupes civils
de s'organiser en mouvement politique,
condamnant la population à choisir entre
des partis contre lesquels elle avait
protesté. UNE VASTE
FRAUDE ELECTORALE ORGANISEE
La révélation ce samedi d'une vaste
fraude présumée a encore alourdi le
climat. Le parquet de Sofia a annoncé la
saisie de 350.000 bulletins de vote
suspects dans une imprimerie chargée par
le gouvernement d'imprimer l'ensemble
des bulletins. Le
Gerb est soupçonné par ses adversaires
politiques d'avoir trempé dans
l'affaire. Le parti a démenti et crié au
complot politique. "Je n'arrive pas à
trouver des mots pour exprimer mon
dégoût. Je ne pense pas que quelque
chose d'équivalent se soit produit dans
un pays de l'UE", s'emporte Stefka
Georgieva, 60, économiste à la retraite.
Les socialistes ont immédiatement accusé
le GERB de vouloir "totalement falsifier
les élections". Les conservateurs ont
démenti, criant au complot politique.
Selon le PSB, 350.000 bulletins suspects
avaient même déjà quitté l'imprimerie il
y a deux semaines, une affirmation non
confirmée officiellement.
L'histoire a fait les gros titres de la
presse de ce dimanche, le journal à
grand tirage Troud la qualifiant de
"scandaleuse", le Standart parlant
d'ores et déjà "d'élections sapées".
Des affaires d'achats de vote, pratique
répandue en Bulgarie qui séduit les plus
démunis, avaient déjà terni ces
élections en amont.
Des affaires d'achats de vote, pratique
répandue en Bulgarie qui séduit les plus
démunis, avaient déjà terni ces
élections. Au total, quarante-trois
enquêtes judiciaires ont été ouvertes
dans tout le pays, selon le parquet.
Dimanche, quelques irrégularités ont été
rapportées, comme la découverte dans
deux villes de centaines de bulletins en
trop et des tentatives de pression sur
des électeurs. Des
partis opposés au Gerb ont demandé un
comptage des voix parallèle par
l'institut autrichien SORA. Avec plus de
200 observateurs, l'Organisation pour la
coopération et la sécurité en Europe
(OSCE) a par ailleurs envoyé sa plus
grande mission dans le pays depuis les
premières élections libres de 1990,
après la fin du régime communiste. Mais
aucune ONG indépendante – du type d’EODE
- ne participe au monitoring, situation
classique au sein de l’UE, où le
monitoring électoral est cadenassé pare
l’OSCE et les instituts de l’OTAN.
50% DE VOTANTS !
Quelque 6,8 millions d'électeurs
bulgares étaient appelés dimanche à
élire leurs 240 députés. Les Bulgares
ont comme prévu boudé les urnes :
environ 50% des 6,9 millions d'électeurs
ont voté, selon les sondages, contre
environ 60,2% il y a quatre ans.
Après les manifestations massives de cet
hiver, les Bulgares ont donc voté
dimanche sans se faire trop d'illusions
: la campagne électorale, loin de
répondre à leurs attentes, avait viré au
règlement de comptes entre socialistes
et conservateurs
AUCUNE MAJORITE N’EST SORTIE DES URNES :
VERS UN BLOCAGE DU PARLEMENT ?
Le parti conservateur bulgare GERB de
l'ancien Premier ministre Boïko Borissov
a remporté ce dimanche soir l'élection
législative anticipée mais sans
majorité, ce qui risque de replonger le
pays dans la crise.
Il recueillerait entre 30,4 et 34% des
suffrages, son principal rival, le Parti
socialiste (PSB, ex-communiste) entre
25,3 et 27,1%, selon des sondages de
cinq instituts réalisés à la sortie des
bureaux de vote. C'est la première fois
en Bulgarie qu'un parti est réélu depuis
la fin du régime communiste il y a 23
ans. Mais ce score,
s'il est confirmé, ne donne pas de
majorité parlementaire aux conservateurs
et la formation d'un gouvernement de
coalition s'annonce périlleuse tant les
affrontements de la campagne électorale
ont été rudes.
La commission électorale ne fournira des
résultats partiels que lundi en fin de
matinée. Les deux
autres partis ayant franchi la barre des
4% nécessaires pour entrer au Parlement,
qui comporte 240 sièges, sont le
Mouvement pour les droits et libertés
(MDL, de l’importante minorité musulmane
turque), crédité de 10% à 11,5% des
voix, et le parti nationaliste et
xénophobe Ataka (entre 7,3 et 8,6%).
Ataka a soutenu un temps Boïko Borissov
après la formation d'un gouvernement
minoritaire en 2009, mais son dirigeant,
Volen Siderov, a clairement exclu cette
option dimanche, accusant le GERB
"d'avoir menti". "Il
y a un très grand danger de blocage du
Parlement", a réagi Ognian Mintchev,
directeur de l'institut d'études
régionales et internationales. "Nous ne
saurons que demain avec certitude" qui
"sera le 5e parti ou s'il y en aura un.
Les principaux partis d'opposition - PSB
et MDL - pourraient aussi avoir ensemble
soit moins de 120 sièges ou plus et cela
change tout", a souligné Andrey Raytchev,
de l'institut Gallup.
Les socialistes et le MDL avaient formé
une coalition entre 2005 et 2009, sous
le mandat de Sergueï Stanichev, le
dirigeant du PSB. LA
RUE EN EMBUSCADE …
Si aucun gouvernement n'est formé après
le scrutin, le cabinet intérimaire
dirigé par le diplomate Marin Raykov
restera au pouvoir pour expédier les
affaires courantes jusqu'à
l'organisation de nouvelles élections –
à nouveau ! - à l'automne, un scénario
envisagé par de nombreux politologues à
Sofia. Une centaine
de manifestants, dont certains ont jeté
des pierres et des bouteilles, se sont
réunis dimanche soir devant le Palais de
la culture à Sofia, où se trouve le
centre de presse et où les principaux
responsables politiques étaient
attendus. Ils ont scandé "mafia!" et
"ordures!" ou encore "tous dehors".
Quelques accrochages ont eu lieu avec la
police. "Ce vote est
sur la voie de reproduire le précédent
parlement de l'oligarchie et de la mafia
que nous avons chassé. Cette fois nous
aurons des barricades, pas des
protestations!", a prévenu l'un des
organisateurs des manifestations, Angel
Slavchev. Luc MICHEL
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