CEREDD
Géopolitique de la Jamahiriya libyenne
(1)
Luc Michel
Samedi 5 janvier
2013 1 / Ie
Partie – IIe Partie – IIIe Partie
CEREDD /
Centre Européen de Recherche et d’Etude
sur la Démocratie Directe
Avec PCN-SPO - ELAC & ALAC Committees
Pour la réédition 2013 / 2013 01 04 /
______________________________
# Luc MICHEL :
LA LIBYE ENTRE MENACES DE GUERRE ET
CHANTAGES IMPERIALISTES
Réédition 2013.
Première édition in LE QUOTIDIEN DU PCN
- PCN-NCP’S DAILY NEWS -
EL DIARIO DEL PCN / Editorial du
N° 777 –
25 oct. 2003.
1 / Ie Partie –
IIe Partie – IIIe Partie
______________________________
La Libye de Kadhafi
est depuis trois décennies une des
cibles prioritaires de l’impérialisme.
Le rôle actif qu’a tenu Moammar Kadhafi
dans le soutien aux luttes de libération
nationale, en Afrique et en Palestine
notamment, justifie pleinement cette
place peu enviable.
Qualifiée d’ « Etat
voyou » par Washington, la
Jamahiriya a subi plus de dix années
d’un embargo inique, qui a gravement
frappé son économie et ses
infrastructures.
# Ie Partie /
KADHAFI LE MEILLEUR ENNEMI DE WASHINGTON
Le raid terroriste
des USA et de l’OTAN de 1986, décidé par
Reagan et planifié par Paul Bremer,
l’actuel gauleiter yankee de
Bagdad, a rappelé que ce statut d’ennemi
principal n’avait rien de virtuel. Les
centaines de victimes civiles de Tripoli
et Bengazi, dont la fille adoptive de
Kadhafi âgée de 2 ans, ont durablement
marqué la mentalité collective du peuple
libyen.
A cela se sont ajoutés des dizaines de
tentatives de coups d’état et
d’assassinats du leader libyen, planifié
par la CIA ou le MI6 britannique. Et qui
ont fait de la baraka de Kadhafi
une légende au Proche-Orient. Le plus
récent, en 1998, était dirigé par Ben
Laden et visait à placer des Islamistes
radicaux, financés par la CIA et formés
par le MI6, au pouvoir. Ce qui vaudra à
Ben Laden son premier mandat d’arrêt
international lancé par Tripoli auprès
d’Interpol. Et immédiatement bloqué
par les Américains.
L’HOSTILITE DES « NEO-CONSERVATEURS »
AMERICAINS POUR LA LIBYE
L’arrivée au
pouvoir des néo-conservateurs
américains, qui forment l’ossature du
régime de Bush, n’a évidemment rien
arrangé. L’un des buts des « néocons »,
étroitement alliés à la droite et à
l'extrême-droite sioniste et
israélienne, est de remodeler le
Proche-Orient, en abattant ce qu’ils
appellent le « nationalisme arabe ».
Entendez les régimes nationalistes
révolutionnaires arabes, dans leurs
variantes ba’athistes irakienne et
syrienne, et la Libye de Kadhafi,
héritière du Nassérisme.
L’Irak n’est que la première étape du
projet néo-conservateur pour le
Proche-Orient. Le livre-manifeste du
chef de file des « néocons », Bill
Kristol, est significativement intitulé
« NOTRE CHEMIN COMMENCE A BAGDAD ».
Comme le soulignait récemment « AL-AHRAM
HEBDO », la guerre coloniale contre
l’Irak est donc avant tout « une
tentative américano-israélienne pour
faire installer une idéologie
proche-orientale en substitut à
l'idéologie du nationalisme arabe ». «
La politique américano-israélienne au
Proche-Orient est fondée sur l'hostilité
envers le nationalisme arabe, doctrine
qui considère que les Arabophones
forment une nation unique, et non une
collection d'Etats, qui doit
s'affranchir de la tutelle étrangère »,
précisait Edward Saïd, professeur à
l'Université de Columbia à New-York,
dans « DAR AL HAYAT ». Ce nationalisme
arabe, révolutionnaire et anti-sioniste
qu’incarne le Ba’ath, dans la version
syrienne ou irakienne. Ou encore aux
yeux de Washington la Libye de Kadhafi
Que Kadhafi se soit éloigné du
pan-arabisme pour s’orienter avec succès
vers le pan-africanisme leur
importe peu. Ou plutôt la place de la
Libye, qui propose une voie alternative
aux peuples africains face au
néo-libéralisme, ne fait que renforcer
leur hostilité.
KADHAFI , LE « SISYPHE » DU PAN-ARABISME
Depuis la
Révolution du Fateh du 1er
septembre 1969, Kadhafi, en
héritier du Nassérisme, a multiplié
les projets d’union avec les différents
pays arabes, comme il vient de le
rappeler avec lassitude : « Nous
avons signé la « déclaration de Djerba »
qui devait réaliser la fusion entre la
Tunisie et la Libye. J’ai signé un
accord à Hassi Messaoud avec le
président algérien Houari Boumedienne.
Il devait permettre à nos deux pays de
fusionner si l’Égypte reconnaissait
Israël. L’Égypte a reconnu Israël, mais
la fusion entre la Libye et l’Algérie ne
s’est pas faite comme prévu… Nous avons
ensuite proclamé l’Union avec le Maroc à
Oujda...
Pourquoi rien de tout cela ne s’est
réalisé ? La faute n’incombe pas à la
Libye, mais à ses partenaires. Anouar
el-Sadate a déchiré le traité d’Union
égypto-libyenne. Gaafar Nimeiri a
déchiré le traité d’union tripartite
entre le Soudan, l’Égypte et la Libye
(…) Nous vous avons donné de l’argent,
nous vous avons donné des armes, nous
avons souffert à cause de vous. Sans
résultat. Aujourd’hui, vous êtes tous
amis avec les États-Unis, vous avez
reconnu Israël. La Libye ne reconnaîtra
jamais Israël jusqu’à la fin du monde,
si Dieu le veut ! Aujourd’hui, vous nous
insultez. Sadate nous a insultés, lui à
qui nous avons offert, lors de la guerre
d’octobre 1973, cent avions de combat
Mirage, des canons, des munitions, des
missiles, des bulldozers ainsi que les
équipements nécessaires pour franchir le
canal de Suez. Le pauvre peuple égyptien
ne l’a jamais su. Je ne demande pas que
l’on me remercie, je n’ai fait que mon
devoir devant l’Histoire. Nous avons
donné notre sang également aux Libanais,
aux Palestiniens… Nous leur avons donné
notre argent. Nous avons entraîné leurs
troupes. Et, à cause de tout cela, nous
sommes devenus les terroristes tandis
que, eux, se réconciliaient avec les
Américains, avec les Israéliens. À cause
de tout cela, mon pays figure jusqu’à
aujourd’hui sur la liste noire des États
terroristes…». À chaque fois, il
a été déçu et trahi par ses partenaires.
Dans un discours fleuve prononcé le
6 octobre 2003, il exprimait sa
lassitude avec violence et renouvelé son
appel aux « Congrès populaires », l’une
des structures décisionnelles de la « démocratie
directe » libyenne issue des
théories du LIVRE VERT de Kadhafi,
« pour approuver le départ
définitif de la Libye de la Ligue arabe
».
Sisyphe du pan-Arabisme, Kaddafi
dresse le constat d’échec du rêve
d’unité arabe, pour lequel il s’est
dépensé sans compter :
« Aujourd’hui, les Arabes se font
écraser en Palestine et en Irak. Tout ce
que la Libye a enduré dans le passé est
dû aux positions que nous avons prises
en faveur des Arabes. Malgré tous nos
sacrifices, ils se sont alliés avec les
États-Unis et avec le sionisme. Il n’y a
plus rien à espérer d’eux (…) L’unité
arabe était l’objectif du mouvement
révolutionnaire que nous avons lancé dès
1959, ici, à Sebha, avec des groupes
clandestins d’étudiants et militaires
libres et unionistes. C’est pourquoi je
vous invite à vous pencher sérieusement
sur cet événement historique en raison
de l’état dans lequel se trouve
actuellement la Nation arabe, le
nationalisme arabe, l’unité arabe…
Nous, nous avons fait notre devoir pour
la cause arabe et avons souffert depuis
que nous étions étudiants. Nous avons
manifesté, nous avons fait de la prison,
nous avons soutenu l’Algérie, la
Palestine, la fusion entre l’Égypte et
la Syrie, la révolution irakienne, la
bataille de Bizerte en Tunisie, le Yémen
du Sud… C’était le temps de la lutte
armée pour la libération. Nous ne
voyions pas alors notre destin en dehors
de l’union panarabe. J’ai dit et redit
dans mes discours et mes écrits que la
Nation arabe n’aura pas d’avenir tant
qu’elle ne réalisera pas son unité.
Aujourd’hui, je constate avec beaucoup
d’amertume que les Arabes ont échoué.
Quand je militais pour l’unité arabe,
avant et après la révolution du 1er
septembre 1969, quand je distribuais des
tracts, quand je m’exposais au danger,
je le faisais sincèrement pour une cause
juste. Ce n’était pas pour des raisons
sentimentales ou affectives, mais pour
des raisons existentielles. Il n’y avait
aucune raison de douter de la viabilité
d’une Nation arabe si bien dotée en
ressources naturelles : du pétrole, du
gaz, des métaux, des minerais… Cette
nation domine la mer Méditerranée, la
mer Rouge et l’océan Indien. Elle
s’étend sur deux continents, l’Asie et
l’Afrique ».
LE PAN-ARABISME A
ETE TRAHIT PAR LE MILITARISME ARABE
Kadhafi accuse les
régimes militaires arabes de porter la
responsabilité de l’échec du
pan-arabisme. Contrairement à la Libye
qui a constitué un pouvoir populaire
avec sa « démocratie directe », les
dictatures militaires, isolées et sans
soutien des masses, ont échoué à mener à
bien le grand dessein historique de la
Nation arabe : « Malgré toutes leurs
ressources, les Arabes n’ont rien fait à
ce jour. Ce ne sont pas les peuples
qu’il faut blâmer, mais les militaires
qui ont pris le pouvoir en leur nom.
Toute l’erreur est là : les révolutions,
à commencer par celle de Nasser en
Égypte, étaient militaires, même si
elles affichaient des slogans populaires
et unionistes ! Des groupes se sont
infiltrés à l’intérieur de ces régimes
révolutionnaires, comme des virus ou des
microbes à l’intérieur du corps humain,
pour les tuer. Les peuples ont fait
confiance à leurs officiers libres et à
leurs armées. Résultat : zéro. Les
armées arabes ont été vaincues par
l’ennemi. Pis, elles ont bâillonné les
peuples pour les empêcher de se
révolter, de s’unir… L’Algérie a
combattu seule la colonisation française
pendant une dizaine d’années. Pourquoi
n’avons-nous pas vu des milliers
d’Arabes combattre à ses côtés ? La
Libye a affronté la colonisation
italienne pendant vingt ans, les Arabes
nous ont regardés sans bouger… Comme ils
ont regardé sans bouger les Yéménites,
les Palestiniens… La solidarité arabe,
ça n’existe pas ! Les dirigeants arabes
n’ont ni pitié, ni dignité, ni honneur,
ni amour envers les femmes, les enfants,
leurs frères et sœurs en Irak, en
Palestine, en Somalie, aux Comores, en
Libye, et partout ailleurs dans le monde
arabe.
Quand les Britanniques ont demandé à
Margaret Thatcher pourquoi elle avait
aidé les Américains dans leur attaque
contre la Libye en 1986, elle a répondu
qu’elle l’avait fait par solidarité.
Pourquoi les Arabes ne se sont-ils pas
conduits avec la Libye comme Thatcher
avec les États-Unis ? Les Arabes ont
regardé, comme des spectateurs au
cinéma, les forces aériennes et navales
nous bombarder. Ils n’ont pas levé le
petit doigt. (…) La Libye, depuis
la révolution de 1969, s’est donc battue
en faveur de l’union arabe. Et c’est
pour cela qu’elle est devenue l’ennemi
numéro un des États-Unis, du sionisme,
de l’Occident. Nous n’avions aucun
problème bilatéral ni avec les
Américains, ni avec les Européens, ni
même avec les Juifs. Toutes les
catastrophes que nous avons subies
s’expliquent par notre soutien aux
causes arabes. Ils ont bombardé nos
maisons, tué nos enfants… Et, pendant ce
temps-là, les Arabes ont regardé sans
broncher ».
KADHAFI TEND UNE
DERNIERE FOIS LA MAIN AUX DIRIGEANTS
ARABES :
L’ECHEC DU PROJET DE « L’UNION ARABE »
Nos media occultent
toute l’action positive de la Libye. Des
dizaines d’articles oiseux sont publiés
chaque semaine sur des aspects
marginaux, dépassés ou fallacieux de la
Libye. Mais jamais rien sur son action
internationale. Il en a été de même du
dernier projet de Kadhafi, « L’Union
Arabe », calquée sur l’Union
européenne. Le guide libyen explique
comment il a tendu une dernière fois la
main aux dirigeants arabes, en vain :
« C’est sur intervention de plusieurs
États arabes ainsi que des responsables
de la Ligue arabe que j’ai à nouveau
renoncé à quitter la Ligue [mars 2002,
NDLR]. Si la Libye sort de la Ligue,
l’Égypte sera isolée, le Machrek et le
Maghreb seront coupés en deux, m’a-t-on
dit. C’est alors que je leur ai proposé
une dernière bouée de sauvetage. J’ai
présenté mon projet d’Union arabe [30
août 2003], une Union qui remplacerait
la Ligue arabe et qui serait dotée d’une
Constitution, d’un Conseil présidentiel,
d’un Conseil des ministres, d’une Banque
centrale, d’un Fonds monétaire, d’un
marché commun… J’ai proposé, à
l’intérieur d’une confédération ou d’une
fédération, la création et le
renforcement de groupes régionaux : la
Syrie et le Liban formeraient une sorte
d’entente, qui légaliserait
définitivement la présence militaire
syrienne ; le Conseil de coopération du
Golfe accepterait l’adhésion du Yémen et
de l’Irak, l’Union du Maghreb arabe
sortirait de sa léthargie ou de son
coma… Les médias n’ont jamais parlé de
ce projet, évidemment sur ordre des
pouvoirs politiques en place. Mais ils
ont beaucoup parlé de choses futiles,
comme le règlement des affaires de
Lockerbie ou du DC-10 d’UTA. Ils se sont
attaqués à Kaddafi…
Les Arabes sont, en fait, incapables de
réaliser le moindre projet commun. Ils
ont perdu leur dignité, leur honneur.
Ils sont finis. Leurs régimes sont
finis. Nous ne devons plus perdre de
temps avec eux. Désormais, nous
appartenons à l’Union africaine, à
l’Afrique. Pour la mille et deuxième
fois, je demande au peuple libyen de
quitter la Ligue arabe sans délai… La
Ligue arabe ne vaut rien dans la
réalité, ses fonctionnaires ne sont plus
payés depuis quatre mois, les pays
membres ne versent plus leur
contribution… Les Arabes attendent qu’on
les écrase, qu’on les égorge, qu’on les
coupe en morceaux, qu’on les mange cuits
ou grillés… Tous attendent, un État
après l’autre, une ville après l’autre,
après Bagdad, Gaza, Jénine… ».
KADHAFI SE DETOURNE DU MIRAGE PAN-ARABE
Lassé de « labourer
la mer » (selon l’expression désabusée
de Simon Bolivar épuisé par une
vie consacrée au mirage de l’unité
latino-américaine), le guide de la
Révolution libyenne s’est en effet
tourné vers l’Afrique. « La Libye a
trop enduré des Arabes, pour lesquels
elle a versé sang et argent »
déclare-t-il. Jadis Kadhafi rêvait de
rassembler le monde arabe tout entier.
Aujourd'hui il ne veut plus de ce combat
incessant, car « la Ligue arabe est
en train de rendre l'âme et les Arabes
ne seront jamais forts, même s'ils
s'unissent ». Il estime que « le
temps du nationalisme est à jamais
révolu » et dénonce avec justesse
les dirigeants arabes « qui se sont
ligués avec les Américains et les
Israéliens ». C'est désormais dans
l'Afrique seule que le leader de la
révolution place tous ses espoirs, un
continent « source de grande force »
pour la Libye. « les Arabes sont
devenus la risée de tous. Ils sont
finis. Ils n’ont pas réfléchi à leur
avenir, ils n’ont pas voulu s’unir…
Aujourd’hui, ils voient les autres,
autour d’eux, en train de s’unir. Des
petits se joignent aux grands, des
grands se joignent aux petits, pour
former des espaces encore plus grands ».
« Arabes, mais
où êtes-vous donc ? Où sont vos
dirigeants ? , interroge Kadhafi.
Fini le nationalisme arabe, fini la
Nation arabe, fini l’âge d’or des
Arabes. Ils sont entrés dans l’ère du
déclin. L’Inde, malgré ses sept cents
communautés, a constitué un État unique.
Les Américains ont formé une fédération
de cinquante États. Ils n’étaient pas
une nation, mais ils le sont devenus. Il
en est de même de la Turquie, de l’Iran,
de l’Italie… Nous avons dit aux Arabes :
« Unissez-vous ! » Mais personne ne nous
a répondu (…) Toi l’Égyptien, toi le
Soudanais, toi le Libyen, toi le
Tunisien, toi l’Algérien, toi le
Marocain et toi le Mauritanien, vous
êtes des Africains. Vous ne pouvez plus
parler de nationalisme arabe, d’unité
arabe. Vous faites partie du continent
africain. Vous devez parler de l’Union
africaine ».
L’EMBARGO : UN TOURNANT DANS
LES ORIENTATIONS DE LA
POLITIQUE LIBYENNE
L’attitude hostile
des états arabes qui ont soutenu
l’embargo inique contre la Libye
contraste avec le soutien que Kadhafi a
reçu en Afrique – notamment de Nelson
Mandela, qui voit en lui « l’une des
légendes révolutionnaires de notre
temps » – pour vaincre l’étouffement
économique de son pays. Et elle
explique aussi le choix africain du
leader libyen.
« Poussée par
plusieurs chefs d’État sahéliens,
commente L’INTELLIGENT (N° 2188, 15
décembre 2002), l’organisation
panafricaine a apporté, en effet, son
soutien ferme à la levée de l’embargo
économique et aérien contre la Libye,
imposé par l’ONU et les États-Unis
depuis 1992. Ce soutien, considéré comme
historique par les Libyens, a marqué un
tournant dans les relations entre
Tripoli et le reste du continent ».
LA LIBYE FER DE LANCE DE L’UNITE
AFRICAINE
Kadhafi est un
partisan résolu de la « Géopolitique
des grands espaces », qui vise à la
création de vastes espaces
politico-économiques auto-centrés :
« Aujourd’hui, le monde a changé.
C’est le temps de la technologie, le
temps des grands ensembles. Les
continents s’unissent en Amérique, en
Europe et également en Afrique ».
En mars 2003, il précisait sa pensée au
FIGARO : « Le dernier sommet de la
Ligue arabe à Charm el-Cheikh n'a-t-il
pas démontré l'impuissance des
vingt-deux membres de cette organisation
à s'unir face au péril qui les menace ?
Aujourd'hui je pense moins à l'unité
arabe qu'à l'unité africaine. D'autant
que les deux tiers du monde arabe se
trouvent en Afrique. L'époque des
coalitions nationales et religieuses est
dépassée. Il faut donner la priorité aux
liens géographiques et aux critères
démographiques ».
« L’Afrique doit s'unir : Il n'y a
pas de temps à perdre. Les défis sont
devant nous. Nous sommes tous dans la
même tranchée. Nos petites nations n'ont
pas d'avenir face aux unions qui se
forment en Europe, en Amérique et en
Asie », affirme Moammar Kadhafi,
devenu le nouveau porte flambeau du
panafricanisme moderne – mais on oublie
trop souvent à ce sujet que Nasser, dont
s’inspirait Kadhafi lors du lancement de
la Révolution libyenne en 1969, fut
aussi un partisan résolu du
pan-africanisme-, lors de son plaidoyer
en septembre 1999, à Syrte, en Libye
pour la création de l'Union africaine
(UA). « Le voeu du leader libyen, qui
se dit « investi complètement dans la
vision d'une Afrique forte, solidaire et
digne » est plus que jamais d'actualité,
souligne CONTINENTAL. Au moment où
l'intervention militaire en Irak
consacre non seulement l'hégémonie
américaine, la déroute diplomatique
européenne et la faillite des Nations
urnes (ONU), mais aussi la désunion
d'une Afrique propulsée, bien malgré
elle, en première ligne du nouveau
désordre mondial. Et pourtant, dans ce
siècle naissant encore plus que dans le
précédent, pour le continent malade,
affaibli, marginalisé, l'union est bien
plus qu'une nécessité, c'est une
question de survie. L'entrée en vigueur
officielle du traité de l'UA lors du
trente-huitième et dernier sommet de
l'Organisation de l'unité africaine
(OUA) en juillet 2002 à Durban (Afrique
du Sud), avait créé l'espoir de réaliser
enfin le rêve panafricain, caressé par
les pères des indépendances au début des
années 60. Mais la recrudescence des
violences, les querelles de leadership
des chefs d'Etat et la multiplication
des conflits politico-ethniques
malmènent une unité déjà fort mal au
point. Même l'actualité internationale,
qui aurait pu permettre à l’Afrique de
parler d'une seule voix, fait éclater
les profondes divergences de pensée et
d'intérêts qui incitent chacun à tirer
la couverture à soi. Une prise de
conscience s'impose pour une nécessaire
mobilisation contre l’hégémonisme
occidental en général et américain en
particulier ».
L’engagement de la Libye en Afrique
est impressionnant, comme l’analyse
CONTINENTAL : « Dans sa stratégie
d'édification d'un espace africain
unifié, le colonel Mouammar Kadhafi a
multiplié les accords de coopération
avec les pays du continent tout en
renforçant ses relations commerciales et
les crédits et aides financières au
développement. Point d'orgue de cette
coopération, avec l'Union africaine, la
Communauté des Etats sahélosahariens (Comessa),
créée en février 1998 à son initiative.
Elle associe aujourd'hui l8 pays, dont
certains sont enclavés. Dans ce cadre, a
été mis en place une Banque africaine de
développement et du commerce dotée d'un
capital de 250 millions d'euros,
alimenté à 75 % par des apports libyens,
et un fonds spécial de solidarité. Au
total, les investissements de la
Jamahiriya en Afrique se montent à
plusieurs milliards de dollars et
concernent des domaines, tels que
l'agriculture, l'industrie, l'eau,
l'électricité, l'élevage et le pétrole.
Initiés dès les années 70, ils ont
triplé depuis 1998 ».
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# IIe Partie /
LA VISION GEOPOLITIQUE
EURO-AFRICAINE DE KADHAFI
LA LIBYE,
« PONT ENTRE L’AFRIQUE ET L’EUROPE »
Kadhafi à une vision claire de son
projet africain et de la place que la
Libye entend y tenir : celle d’un
« pont entre l’Afrique et l’Europe »,
selon l’expression de la revue africaine
CONTINENTAL (N°25 - juin-juillet 2002) :
« Relance du panafricanisme avec
l'Union africaine, reprise des relations
avec l'Europe, appui au développement du
continent noir.... Depuis la fin de
l'embargo, la Libye, qui a opéré un
retour spectaculaire sur la scène
internationale, est sur tous les fronts.
Son objectif : devenir un pont entre
l'Europe et l'Afrique. La Libye
co-organisatrice de la troisième
conférence Méditerranée-Europe, veut se
placer au centre du partenariat
Nord-Sud ».
Ce rôle moteur de
la Libye est assumé concrètement :
« Après huit longues années d'isolement
forcé, le Guide de la révolution a gagné
son pari d'ouverture en normalisant ses
relations avec la communauté
internationale, malgré les réticences
américaines, non seulement grâce au
puissant attrait que représente le
marché libyen pour les investisseurs,
mais aussi à son nouveau statut africain
qui en fait, envers et contre tous, un
leader convaincu et très médiatisé des
pays en développement. Prenant sous son
aile ce continent noir si mal aimé et si
peu considéré, il joue la carte du
panafricanisme et multiplie les
initiatives pour inciter à l'unité de
l'Afrique et à son affirmation sur la
scène internationale. Tout en
s'efforçant de jouer un rôle de
médiateur dans plusieurs conflits, il
est sur tous les fronts de la
coopération politique, économique,
culturelle et même sportive. En
s’appuyant sur sa position de riverain
de la Méditerranée, il tente doucement
de transformer la Libye en un pont, un
passage obligé, entre l’Europe et
l'Afrique ».
LA
PLACE DE LA MEDITERRANEE
DANS LA VISION GEOPOLITIQUE DE KADHAFI
Le projet de KHADAFI s’inscrit aussi
dans
une
politique de rapprochement euro-arabe et
euro-africaine autour de la Méditerranée
: «… l'Europe préfère traiter avec
des ensembles régionaux. Par exemple,
son souhait de voir les pays de
l'Afrique du Nord se rassembler avait
conduit les chefs d'Etat de cette région
à former l'UMA, l'Union du Maghreb
arabe. Mais les contentieux entre le
Maroc et l'Algérie ont conduit à geler
cette communauté. Moi, je n'accepte pas
ce surplace. Donc, j'ai enjambé ces
problèmes pour former la Comessa. C'est
un grand ensemble qui va profiter à
l'Europe. »
« Nous voulons la paix en
Méditerranée... Nous voulons préserver
les intérêts arabes et européens, et
développer la coopération entre nous
», ajoute-t-il.
L’œuvre entreprise par KADHAFI démontre
à l'unanimité que s’il est nécessaire
d'unifier les forces progressistes
arabes et africaines, il faut aussi
tendre à l'unité d'action avec l’Union
Européenne comme le souligne Sanoussi
JACKEM, ministre de l'Intégration
africaine et des nigériens de
l’extérieur : « Nous voulons regarder
vers la Méditerranée et l'Europe. Les
populations du Nord ont longtemps été
asphyxiées par la fermeture de notre
frontière septentrionale, par où passent
près de 90% de l’approvisionnement en
produits alimentaires et textiles du
nord du pays ».
L’enjeu
méditerranéen, c’est-à-dire le
rapprochement et l’intégration des deux
rives de la « Mare nostrum », de leurs
économies et de leurs peuples, est
capital. Non seulement pour l’équilibre
régional, mais aussi pour l’avenir de
l’Europe, comme le rappelle le quotidien
économique LES ECHOS : « Au niveau
européen, les réformes et le
développement économique de l'Afrique du
Nord et du Moyen-Orient sont également
encouragés par le processus de
Barcelone. Ce processus, lancé en 1995
et qui a créé le partenariat
euro-méditerranéen liant l'Union
européenne aux pays de la rive sud de la
Méditerranée, prévoit de créer une zone
de libre-échange d'ici à 2010, par le
biais d'accords spécifiques entre les
parties. Si les intentions d'un tel
partenariat sont louables (…), la
politique européenne et la politique
française en particulier manquent de
toute évidence de cohérence.
Actuellement, tout sépare les deux rives
de la Méditerranée : le revenu de la
rive sud représente 30 % de celui de la
rive nord ; alors que certains pays de
la rive nord ont les taux de natalité
les plus bas du monde et que la
situation ne va pas en s'améliorant - la
population de l'Italie devrait baisser
de 20 % d'ici à 2050 -, les pays
d'Afrique du Nord ont la population la
plus jeune du monde : 40 % de la
population de la Ligue arabe a moins de
14 ans. En conséquence, alors que d'ici
à quelques années la rive nord de la
Méditerranée sera confrontée de plus en
plus sérieusement aux problèmes liés au
vieillissement de sa population (manque
de main-d'oeuvre, financement des
retraites, stagnation de la
consommation), les pays de la rive sud
de la Méditerranée doivent
impérativement créer des emplois afin
d'essayer d'éviter des explosions
sociales et politiques. Les pays de la
rive sud de la Méditerranée dépendent
dans une très large mesure de l'Europe
dans leurs relations commerciales. Plus
de 60 % des exportations du Maroc, de
l'Algérie et de la Tunisie sont
destinées aux marchés de l'Union
européenne. La plupart des produits
exportés de l'autre côté de la
Méditerranée sont des textiles et des
produits agricoles. Un accroissement des
exportations de produits agricoles de
l'Afrique du Nord vers l'Europe
contribuerait de manière significative
au développement de ces pays. Cet
élément, et le fait que les tendances
démographiques soient inversées des deux
côtés de la Méditerranée, devrait
encourager la recherche de solutions
communes. C'est en réalité le contraire
qui se produit (…) en réduisant les
objectifs fixés par le partenariat
euro-méditerranéen à des déclarations de
bonnes intentions ».
Kadhafi est le premier chef d’état arabe
et africain a avoir pris conscience de
cet enjeu méditerranéen et à avoir
proposé, sans être entendu,
l’intégration nécessaire entre l’Europe
en voie d’unification et le rivage sud
de la Méditerranée, avec son
prolongement africain. Alors que chez
d’autres – Maroc et Tunisie notamment –
existe une prise de conscience locale,
égoïste, Il est aussi et surtout le seul
à avoir une vision globale de
cette intégration, en terme d’espaces et
de blocs.
KADHAFI « L’EUROPEEN »
Partisan de l’Afrique, Kadhafi est en
effet aussi un « Européen ». Il n’a
jamais cessé de soutenir l’unité
européenne (notamment l’Euro qu’il voit
comme un contre-feu au Dollar), en
laquelle il pressent la clé d’un nouveau
monde multipolaire :
« Tout ce qui
permet de rétablir l'équilibre face à la
superpuissance américaine est très
utile. C'est la meilleure chance de
préserver la paix. Actuellement le
déséquilibre est tel qu'il serait peu
réaliste d'espérer un rapide changement
dans le rapport des forces. Mais si
l'Europe, sous le leadership du couple
franco-allemand, persiste dans ses
efforts, elle aura une chance d'arriver
un jour à l'organisation d'un monde
moins injuste. Cette démarche est une
amorce, le début d'une évolution.
L'attitude de Paris et de Berlin
n'a-t-elle pas encouragé la Russie et la
Chine à s'allier aux Français et aux
Allemands ? C'est bien le signe que,
parallèlement à l'Amérique, un monde
multipolaire aspire à se faire
reconnaître. Le couple franco-allemand
représente la colonne vertébrale de
l'Europe (…) C'est l'exemple des
Européens qui encouragera le monde
musulman à se montrer solidaire, qui
poussera l'Afrique à s'unir. L'attitude
du président français a suscité un
immense enthousiasme dans les opinions
arabes. L'Europe ne doit donc pas céder
au pessimisme (…) Vous verrez que
l'Otan, qui tirait sa légitimité de la
guerre froide, finira par disparaître au
profit d'une Euroforce. Les pays
européens seront de moins en moins
disposés à prendre des risques
militaires aux côtés des Américains si
Washington ne demande plus qu'une seule
chose de ses alliés : qu'ils servent les
intérêts des Etats-Unis ».
______________________________
# IIIe Partie /
L’OFFENSIVE DIPLOMATIQUE DE TRIPOLI
CONTRE LA MENACE AMERICAINE
TRIPOLI DANS LA LIGNE DE MIRE DU REGIME
DE BUSH I
Mais tout cela ne
détourne pas les faucons de Washington.
Et tripoli est dans la mire des « néocons ».
« L'attaque contre l'Irak rentre dans
un projet de campagne quinquennale »,
écrit le général Wesley Clark, candidat
à la Maison-Blanche et commandant
suprême allié de l'OTAN en Europe de
1997 à 2000 (conduisant donc aussi les
opérations de la guerre du Kosovo du
printemps 1999), dans son livre
« WINNING MODERN WARS », qui sera
publié prochainement (et dont des
extraits sont déjà disponibles sur le
site électoral de Clark « Un nouveau
patriotisme américain »).
Le boucher des
Balkans, qui s’y connaît en guerre
d’agression, précise ce qui suit :
« Au lendemain des attaques du 11
septembre, beaucoup de personnes au sein
de l'administration Bush ont semblé se
concentrer sur une action imminente
contre l'Irak. C'était la vieille idée
de la "sponsorisation d'Etat" : malgré
qu'il n'y eût aucune preuve d'une
sponsorisation irakienne du 11
septembre, c'était l'occasion pour "se
lancer". Je pouvais imaginer quels
pouvaient être les arguments. Une guerre
pour détrôner Saddam Hussein promettait
une action concrète et tangible. Je suis
revenu au Pentagone en novembre 2001 et
l'un des fonctionnaires militaires les
plus hauts gradés trouva le temps de
bavarder. Oui, admit-il, nous sommes de
nouveau sur le point d'aller contre
l'Irak. Mais il y avait autre chose.
Ceci - continua-t-il - rentre dans un
projet de campagne quinquennale, et il y
a un total de sept pays impliqués ».
La Libye est bien évidemment l’un de
ces pays.
LA LIBYE PROCHAINE CIBLE DE WASHINGTON ?
« APRES SADDAM,
KADDAFI ? » s’interrogeait
L'INTELLIGENT (N°2200) dès le 15 mars
2003, qui ajoutait « Inscrit sur la
liste des « Etats voyous » par les
faucons de la Maison Blanche, Tripoli
pourrait être la prochaine cible de
Washington (…) les faucons de la Maison
Blanche ne lâchent pas leur pression sur
la Libye qu'ils continuent d'inclure sur
la liste des « États voyous » et qu'ils
accusent de vouloir se doter d'armes de
destruction massive. La Libye, on le
sait, figure depuis 1979 sur la liste
américaine des parrains du terrorisme
international, et les deux pays ont
fermé leurs ambassades respectives en
1981. La Jamahiriya est frappée par
toute une série de sanctions politiques
et économiques américaines, notamment un
embargo sur les investissements dans les
secteurs pétrolier et gazier. Par
ailleurs, la Libye est régulièrement
citée, à Washington, parmi les pays
arabes où l'administration américaine
souhaite provoquer un changement de
régime (…) la Libye a été, à plusieurs
reprises, au cours des douze derniers
mois, la cible d'attaques américaines et
britanniques ».
James Woosley,
ancien patron de la CIA, l'a confirmé
dans une interview au magazine AL-WATAN
AL-ARABI. Selon lui, le scénario de la
guerre en Irak pourrait être reconduit
dans d'autres pays de la région, comme
la Syrie, le Soudan ou la Libye.
« Les dirigeants de ces pays devraient,
en tout cas, s'en inquiéter »,
conclut-il.
A NOUVEAU LE PRETEXTE DES « ARMES DE
DESTRUCTION MASSIVE »
Le prétexte des
« armes de destruction massive », qui a
si bien servi pour l’Irak, est à nouveau
largement utilisé contre la Libye. Comme
pour l’Irak, la propagande occidentale
s’est déchaînée, alimentée par les
caniches britanniques de Washington, les
officines néo-conservatrices et le
gouvernement sioniste de Sharon.
C’est le secrétaire
britannique à la Défense, Geoff Hoon,
qui a ouvert les hostilités, en mars
2002, en déclarant devant la commission
de défense de la Chambre des communes
que son pays était « prêt à utiliser
l'arme nucléaire contre des « Etats
voyous » comme l'Irak, l'Iran, la
Libye ».
Dans une
communication prononcée en mai 2002 à la
« Heritage Foundation », un think-tank
néoconservateur basé à Washington, John
R. Bolton, sous-secrétaire américain
chargé du Contrôle des armements et de
la Sécurité intérieure, a cité de
nouveau la Libye parmi « les Etats
qui parrainent le terrorisme
international », l'accusant de
« produire des armes chimiques et
biologiques », et de « chercher à
se doter de l'arme nucléaire ».
Sharon a
immédiatement repris ces accusations en
septembre 2002, dénonçant « les
efforts de la Libye en vue de se doter
de l'arme nucléaire ». Selon lui,
« Tripoli serait le pays arabe le plus
avancé dans ce domaine » et
« constituerait, de ce fait, la menace
la plus sérieuse pour la sécurité
d'Israël ». « La Libye pourrait bien
être le premier pays arabe à se doter de
l'arme nucléaire », a-t-il affirmé à
la télévision israélienne, précisant que
« la Corée du Nord, l'Irak et
peut-être bien le Pakistan aident le
colonel Moammar Kadhafi à mettre au
point ces armes, peut-être avec des
fonds saoudiens ». « La Libye
devient peut-être un pays plus dangereux
qu'on ne le croyait », a-t-il
conclu, assurant que « l'Etat hébreu
réunissait des informations sur ce sujet
et qu'il se préparait à faire face à
cette menace ».
« Quel est donc
le but de la campagne médiatique sur les
armes de destruction massive libyennes ?
Le colonel Kadhafi serait-il, dans
l'agenda secret du Pentagone, la
prochaine cible de Washington après
Saddam Hussein ? On peut sérieusement le
craindre », s’interroge
L'INTELLIGENT.
LA LIBYE N’A RIEN A SE REPROCHER
Tripoli a toujours
nié ces affirmations, qui sont du reste
très difficiles à vérifier. Cela n'a pas
empêché les médias américains de les
reprendre en choeur, semant ainsi le
trouble dans les esprits. On sait ce que
valent les accusations de Washington en
matière d’ « armes de destruction
massive ». Et le cas irakien est là pour
le rappeler aux plus sceptiques.
L'INTELLIGENT
apporte à ce sujet le démenti du bon
sens : « La Libye n'est ni l'Irak ni
l'Iran. Elle n'a jamais eu les moyens
logistiques et humains de se lancer dans
un programme d'armement aussi exigeant.
Comment aurait-elle pu, en si peu de
temps et en dépit de l'embargo onusien
qui lui a été imposé entre 1992 et 1999,
se lancer dans une aventure scientifique
qui dépasse, et de loin, ses capacités
? »
Interrogé à ce
sujet, en septembre 2002, par le journal
sioniste en ligne PROCHE-ORIENT.INFO,
Yiftah Shapir, ancien officier de
l'armée de l'air israélienne,
« expert en prolifération d'armement de
destruction massive au Moyen-Orient »
(selon les sionistes)
et chercheur au « Centre Jaffee
pour les études stratégiques de
l'Université de Tel-Aviv », que l'on ne
peut soupçonner de sympathies
pro-libyennes, a émis des doutes sur les
capacités libyennes dans ce domaine « et
réfute, par ailleurs, les déclarations
de Sharon sur la Libye qui dénonçait
récemment le fait que Kadhafi veuille se
doter de l'arme nucléaire » :
« il y a longtemps que je n'ai trouvé la
moindre mention de programme nucléaire
en Libye (…) La Libye possède des
missiles, c'est certain, mais elle est
très en retard dans le domaine du
nucléaire, très loin derrière l'Iran et
l'Irak (…) John Bolton, le
sous-secrétaire pour le contrôle des
armements et pour la sécurité
internationale, est le premier à avoir
évoqué cette menace nucléaire libyenne
aux États-Unis, en mai dernier. Ensuite,
il y a eu un article du journal allemand
"Die Welt", dont les sources étaient
américaines. C'est tout ce qui existe
sur la question. Je pense qu'il y a une
motivation politique derrière ces
déclarations, car cela n'a aucun sens
d'affirmer que la Libye est plus avancée
et plus capable dans le domaine
nucléaire que l'Iran ou l'Irak ! ».
LA LIBYE EST AUSSI SUR LE CHEMIN DE
WASHINGTON EN AFRIQUE
Une erreur, partagée par certaines
élites libyennes, est de croire que le
désengagement pan-arabe de Kadhafi et sa
réorientation africaine éloigneraient de
Tripoli le danger américain.
Car
la Libye est aussi sur le chemin des
faucons « néo-conservateurs » en Afrique,
continent qui est après le Proche-Orient
l’un des terrains d’action privilégiés
et déclarés du « Nouvel Ordre Mondial »
revu par le régime de Bush.
« Le
continent en ligne de mire »
titrait récemment la revue africaine
CONTINENTAL (n° 29, juin-juillet 2003)
qui ajoutait : « Du pétrole
stratégique à la lutte contre le
terrorisme, l'Oncle Sam joue à fond la
carte des intérêts particuliers et des
relations bilatérales pour semer le
désordre et empêcher à tout prix la
cohésion du continent. qui ne fait pas
son affaire. La stratégie de « diviser
pour régner » est aussi efficace en
Afrique qu’en Europe ».
Et la volonté unitaire du guide
Libyen est dans cette optique un
obstacle majeur.
CONTINENTAL
rappelait quelques vérités souvent
occultées à propos de la nouvelle
politique américaine en Afrique :
« l’Afrique a tout intérêt à se serrer
les coudes, si elle ne veut pas être
engloutie dans l’impérialisme américain.
Après l’Irak, les nouvelles priorités de
Washington dans sa lutte contre le
terrorisme concernent directement sa
sécurité, son intégrité géographique et
sa souveraineté nationale. Certains pays
ont le douteux privilège de figurer sur
la liste noire de l’ « Axe du mal »
établie par les stratèges du Pentagone.
Soudan, Somalie, Libéria, Sierra Leone
et Libye sont autant d'Etats proclamés
"voyous" par l"'Axe du bien" américain,
et susceptibles d'être victimes du
concept de "guerre préventive" qui
permet à l'Oncle Sam de s'ériger en un
Deus ex machina, chargé de gérer les
affaires du monde, envers et contre
tous ».
« Ce qui se
passe en Irak est un avertissement
suffisant, que dans le futur nous aussi
pourrions avoir d'autres soldats qui
nous tombent dessus, les armes à la main
pour nous contraindre. Si les Nations
unies n'ont plus d'importance...
Pourquoi devrons-nous, les petits pays
d'Afrique qui préparent l'Union
africaine, penser que cela n'a pas
d'importance et que nous ne serons pas
punis si nous sortons de fa ligne »,
prévient de son côté le président
sud-africain Thabo Mbeki.
Dans sa guerre
contre Al-Qaida, l'Afrique est aussi
dans la ligne de mire de Washington.
Le général américain Jim Jones,
commandant suprême des forces alliées en
Europe au sein de l'OTAN et chef des
forces américaines en Europe et en
Afrique, a récemment déclaré que
« l'Afrique est une menace potentielle
pour l'OTAN et pour nos intérêts ».
Aussi les Etats-Unis envisagent-ils
« d'accroître leur présence militaire au
sud de la Méditerranée où de nombreux
pays peuvent être déstabilisés dans un
futur proche et où de vastes zones sans
Etat sont devenues les nouvelles routes
des narcotrafiquants et des
terroristes ».
LA DIRECTION LIBYENNE EST TRES
CONSCIENTE DU DANGER
La direction
libyenne est très consciente du danger.
En mars 2003, dans une interview au
FIGARO (Paris), Kadhafi répondait à la
question « quel est le but stratégique
des Etats-Unis ? George W. Bush veut-il
redessiner la carte du Proche-Orient ?
Après l'Irak, croyez-vous qu'il s'en
prendra aussi à l'Iran, troisième pilier
de l’ « axe du mal » avec l'Irak et la
Corée du Nord ? Qu'il changera le régime
saoudien, l'allié soupçonné d'avoir joué
double jeu ? Et la Libye est-elle à
l'abri ? » ce qui suit : « Lorsque
Bush en aura fini avec l'Irak, nous
serons très vite fixés. On ne tardera
pas à découvrir si l'Iran, l'Arabie
Saoudite, la Libye seront également des
cibles. Du coup, la politique américaine
perdra toute ambiguïté. Ce sera celle
d'un nouveau colonialisme.
Rétrospectivement, on s'apercevra que
l'Irak ne représentait qu'un problème
parmi d'autres. Aujourd'hui, George W.
Bush essaie de convaincre le Conseil de
sécurité de l'ONU que toute une série de
raisons justifie le recours à la force
contre Bagdad. Mais si, après avoir
occupé l'Irak, il s'attaque à l'Iran,
tous les motifs prétendument légitimes
avancés par Washington tomberont
d'eux-mêmes. Plus personne ne croira
George W. Bush. On lui dira :
« Hier, vous nous parliez de l'Irak
seulement. Mais aujourd'hui, vous vous
en prenez à l'Iran. Et demain,
allez-vous chercher à imposer votre
volonté au monde entier, pays après
pays ? » A ce moment-là, les choses
seront claires et on pourra faire face.
Ce nouveau colonialisme entraînera
forcément une réaction. Ce sera le début
d'un autre cycle d'affrontements ».
L’OFFENSIVE DIPLOMATIQUE DE TRIPOLI
Face aux menaces de
guerre, mais aussi aux coups portés par
une décennie d’embargo au développement
de la Libye, Tripoli a choisi une
voie difficile, celle de la diplomatie
et des échanges commerciaux. LE
FIGARO décrit ainsi l’offensive
diplomatique de Kadhafi et les écueils
qu’elle doit éviter : « Le jeune
révolutionnaire est devenu un vieux sage
(…) Il souligne aussi avoir pris
conscience du péril intégriste bien
avant Washington. Dès 1986 (…) Mais, à
Washington, les plus radicaux des
conseillers de George W. Bush hésitent à
tirer un trait sur le passé. Pour eux,
la Libye reste un Etat « voyou ».
Kadhafi a donc choisi la prudence. Dans
sa tunique d'empereur romain, le regard
fier, il a toujours belle allure.
Aujourd'hui pourtant, le guerrier parle
en diplomate ».
L’offensive
libyenne a deux axes.
D’une part
renforcer le rôle moteur de la Libye
dans le processus d’unification
africain, auquel Kadhafi, héritier du
pan-africanisme de Nkrumah, a donné
l’impulsion décisive au sommet de Syrte
en 1999.
D’autre part
liquider les dernières séquelles de
l’embargo afin d’ouvrir la Libye aux
investissements et aux techniciens
étrangers, Européens notamment. Car la
Libye se veut et se voit comme un pont
entre l’Union européenne et L’Afrique en
voie d’unité. Et beaucoup de Libyens
engagés dans le processus de réforme
économique en cours enragent de devoir
traiter avec des sociétés anglo-saxonnes
plutôt qu’avec des partenaires européens,
dont on déplore à Tripoli la timidité.
Luc
MICHEL
____________________________
# Luc MICHEL :
GEOPOLITIQUE DE LA JAMAHIRIYA LIBYENNE.
LA LIBYE ENTRE MENACES DE GUERRE ET
CHANTAGES IMPERIALISTES
Réédition 2013.
Première édition in LE QUOTIDIEN DU PCN
- PCN-NCP’S DAILY NEWS -
EL DIARIO DEL PCN / Editorial du
N° 777 –
25 oct. 2003.
* Introduction :
* 1/ Ie Partie –
IIe Partie – IIIe Partie :
* 2/ IVe Partie
– Conclusions 2003 – Bibliographie :
Copyright Luc MICHEL-Editions MACHIAVEL
2003, all rights reserved.
Le sommaire de Luc Michel
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