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CEREDD

Géopolitique de la Jamahiriya libyenne (1)
Luc Michel

Samedi 5 janvier 2013

1 / Ie Partie – IIe Partie – IIIe Partie

CEREDD /
Centre Européen de Recherche et d’Etude sur la Démocratie Directe
Avec PCN-SPO - ELAC & ALAC Committees
Pour la réédition 2013 / 2013 01 04 /

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# Luc MICHEL :
LA LIBYE ENTRE MENACES DE GUERRE ET CHANTAGES IMPERIALISTES

Réédition 2013.
Première édition in LE QUOTIDIEN DU PCN - PCN-NCP’S DAILY NEWS -  EL DIARIO DEL PCN / Editorial du N° 777 –  25 oct. 2003.

1 / Ie Partie – IIe Partie – IIIe Partie

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La Libye de Kadhafi est depuis trois décennies une des cibles prioritaires de l’impérialisme. Le rôle actif qu’a tenu Moammar Kadhafi dans le soutien aux luttes de libération nationale, en Afrique et en Palestine notamment, justifie pleinement cette place peu enviable.

Qualifiée d’ « Etat voyou » par Washington, la Jamahiriya a subi plus de dix années d’un embargo inique, qui a gravement frappé son économie et ses infrastructures.

# Ie Partie / KADHAFI LE MEILLEUR ENNEMI DE WASHINGTON

Le raid terroriste des USA et de l’OTAN de 1986, décidé par Reagan et planifié par Paul Bremer, l’actuel gauleiter yankee de Bagdad, a rappelé que ce statut d’ennemi principal n’avait rien de virtuel. Les centaines de victimes civiles de Tripoli et Bengazi, dont la fille adoptive de Kadhafi âgée de 2 ans, ont durablement marqué la mentalité collective du peuple libyen.
A cela se sont ajoutés des dizaines de tentatives de coups d’état et d’assassinats du leader libyen, planifié par la CIA ou le MI6 britannique. Et qui ont fait de la baraka de Kadhafi une légende au Proche-Orient. Le plus récent, en 1998, était dirigé par Ben Laden et visait à placer des Islamistes radicaux, financés par la CIA et formés par le MI6, au pouvoir. Ce qui vaudra à Ben Laden son premier mandat d’arrêt international lancé par Tripoli auprès d’Interpol. Et immédiatement bloqué par les Américains.

L’HOSTILITE DES « NEO-CONSERVATEURS » AMERICAINS POUR LA LIBYE

L’arrivée au pouvoir des néo-conservateurs américains, qui forment l’ossature du régime de Bush, n’a évidemment rien arrangé. L’un des buts des « néocons », étroitement alliés à la droite et à l'extrême-droite sioniste et israélienne, est de remodeler le Proche-Orient, en abattant ce qu’ils appellent le « nationalisme arabe ». Entendez les régimes nationalistes révolutionnaires arabes, dans leurs variantes ba’athistes irakienne et syrienne, et la Libye de Kadhafi, héritière du Nassérisme.
L’Irak n’est que la première étape du projet néo-conservateur pour le Proche-Orient. Le livre-manifeste du chef de file des « néocons », Bill Kristol, est significativement intitulé « NOTRE CHEMIN COMMENCE A BAGDAD ». Comme le soulignait récemment « AL-AHRAM HEBDO », la guerre coloniale contre l’Irak est donc avant tout « une tentative américano-israélienne pour faire installer une idéologie proche-orientale en substitut à l'idéologie du nationalisme arabe ». « La politique américano-israélienne au Proche-Orient est fondée sur l'hostilité envers le nationalisme arabe, doctrine qui considère que les Arabophones forment une nation unique, et non une collection d'Etats, qui doit s'affranchir de la tutelle étrangère », précisait Edward Saïd, professeur à l'Université de Columbia à New-York, dans « DAR AL HAYAT ». Ce nationalisme arabe, révolutionnaire et anti-sioniste qu’incarne le Ba’ath, dans la version syrienne ou irakienne. Ou encore aux yeux de Washington la Libye de Kadhafi
Que Kadhafi se soit éloigné du pan-arabisme pour s’orienter avec succès vers le pan-africanisme leur importe peu. Ou plutôt la place de la Libye, qui propose une voie alternative aux peuples africains face au néo-libéralisme, ne fait que renforcer leur hostilité.

KADHAFI , LE « SISYPHE » DU PAN-ARABISME

Depuis la Révolution du Fateh du 1er septembre 1969, Kadhafi, en héritier du Nassérisme, a multiplié les projets d’union avec les différents pays arabes, comme il vient de le rappeler avec lassitude : « Nous avons signé la « déclaration de Djerba » qui devait réaliser la fusion entre la Tunisie et la Libye. J’ai signé un accord à Hassi Messaoud avec le président algérien Houari Boumedienne. Il devait permettre à nos deux pays de fusionner si l’Égypte reconnaissait Israël. L’Égypte a reconnu Israël, mais la fusion entre la Libye et l’Algérie ne s’est pas faite comme prévu… Nous avons ensuite proclamé l’Union avec le Maroc à Oujda...
Pourquoi rien de tout cela ne s’est réalisé ? La faute n’incombe pas à la Libye, mais à ses partenaires. Anouar el-Sadate a déchiré le traité d’Union égypto-libyenne. Gaafar Nimeiri a déchiré le traité d’union tripartite entre le Soudan, l’Égypte et la Libye (…) Nous vous avons donné de l’argent, nous vous avons donné des armes, nous avons souffert à cause de vous. Sans résultat. Aujourd’hui, vous êtes tous amis avec les États-Unis, vous avez reconnu Israël. La Libye ne reconnaîtra jamais Israël jusqu’à la fin du monde, si Dieu le veut ! Aujourd’hui, vous nous insultez. Sadate nous a insultés, lui à qui nous avons offert, lors de la guerre d’octobre 1973, cent avions de combat Mirage, des canons, des munitions, des missiles, des bulldozers ainsi que les équipements nécessaires pour franchir le canal de Suez. Le pauvre peuple égyptien ne l’a jamais su. Je ne demande pas que l’on me remercie, je n’ai fait que mon devoir devant l’Histoire. Nous avons donné notre sang également aux Libanais, aux Palestiniens… Nous leur avons donné notre argent. Nous avons entraîné leurs troupes. Et, à cause de tout cela, nous sommes devenus les terroristes tandis que, eux, se réconciliaient avec les Américains, avec les Israéliens. À cause de tout cela, mon pays figure jusqu’à aujourd’hui sur la liste noire des États terroristes…
». À chaque fois, il a été déçu et trahi par ses partenaires.
Dans un discours fleuve prononcé le 6 octobre 2003, il exprimait sa lassitude avec violence et renouvelé son appel aux « Congrès populaires », l’une des structures décisionnelles de la « démocratie directe » libyenne issue des théories du LIVRE VERT de Kadhafi,  « pour approuver le départ définitif de la Libye de la Ligue arabe ».
Sisyphe du pan-Arabisme, Kaddafi  dresse le constat d’échec du rêve d’unité arabe, pour lequel il s’est dépensé sans compter :
« Aujourd’hui, les Arabes se font écraser en Palestine et en Irak. Tout ce que la Libye a enduré dans le passé est dû aux positions que nous avons prises en faveur des Arabes. Malgré tous nos sacrifices, ils se sont alliés avec les États-Unis et avec le sionisme. Il n’y a plus rien à espérer d’eux (…) L’unité arabe était l’objectif du mouvement révolutionnaire que nous avons lancé dès 1959, ici, à Sebha, avec des groupes clandestins d’étudiants et militaires libres et unionistes. C’est pourquoi je vous invite à vous pencher sérieusement sur cet événement historique en raison de l’état dans lequel se trouve actuellement la Nation arabe, le nationalisme arabe, l’unité arabe…
Nous, nous avons fait notre devoir pour la cause arabe et avons souffert depuis que nous étions étudiants. Nous avons manifesté, nous avons fait de la prison, nous avons soutenu l’Algérie, la Palestine, la fusion entre l’Égypte et la Syrie, la révolution irakienne, la bataille de Bizerte en Tunisie, le Yémen du Sud… C’était le temps de la lutte armée pour la libération. Nous ne voyions pas alors notre destin en dehors de l’union panarabe. J’ai dit et redit dans mes discours et mes écrits que la Nation arabe n’aura pas d’avenir tant qu’elle ne réalisera pas son unité. Aujourd’hui, je constate avec beaucoup d’amertume que les Arabes ont échoué.
Quand je militais pour l’unité arabe, avant et après la révolution du 1er septembre 1969, quand je distribuais des tracts, quand je m’exposais au danger, je le faisais sincèrement pour une cause juste. Ce n’était pas pour des raisons sentimentales ou affectives, mais pour des raisons existentielles. Il n’y avait aucune raison de douter de la viabilité d’une Nation arabe si bien dotée en ressources naturelles : du pétrole, du gaz, des métaux, des minerais… Cette nation domine la mer Méditerranée, la mer Rouge et l’océan Indien. Elle s’étend sur deux continents, l’Asie et l’Afrique
 ». 

LE PAN-ARABISME A ETE TRAHIT PAR LE MILITARISME ARABE

 

Kadhafi accuse les régimes militaires arabes de porter la responsabilité de l’échec du pan-arabisme. Contrairement à la Libye qui a constitué un pouvoir populaire avec sa « démocratie directe », les dictatures militaires, isolées et sans soutien des masses, ont échoué à mener à bien le grand dessein historique de la Nation arabe : « Malgré toutes leurs ressources, les Arabes n’ont rien fait à ce jour. Ce ne sont pas les peuples qu’il faut blâmer, mais les militaires qui ont pris le pouvoir en leur nom. Toute l’erreur est là : les révolutions, à commencer par celle de Nasser en Égypte, étaient militaires, même si elles affichaient des slogans populaires et unionistes ! Des groupes se sont infiltrés à l’intérieur de ces régimes révolutionnaires, comme des virus ou des microbes à l’intérieur du corps humain, pour les tuer. Les peuples ont fait confiance à leurs officiers libres et à leurs armées. Résultat : zéro. Les armées arabes ont été vaincues par l’ennemi. Pis, elles ont bâillonné les peuples pour les empêcher de se révolter, de s’unir… L’Algérie a combattu seule la colonisation française pendant une dizaine d’années. Pourquoi n’avons-nous pas vu des milliers d’Arabes combattre à ses côtés ? La Libye a affronté la colonisation italienne pendant vingt ans, les Arabes nous ont regardés sans bouger… Comme ils ont regardé sans bouger les Yéménites, les Palestiniens… La solidarité arabe, ça n’existe pas ! Les dirigeants arabes n’ont ni pitié, ni dignité, ni honneur, ni amour envers les femmes, les enfants, leurs frères et sœurs en Irak, en Palestine, en Somalie, aux Comores, en Libye, et partout ailleurs dans le monde arabe.
Quand les Britanniques ont demandé à Margaret Thatcher pourquoi elle avait aidé les Américains dans leur attaque contre la Libye en 1986, elle a répondu qu’elle l’avait fait par solidarité. Pourquoi les Arabes ne se sont-ils pas conduits avec la Libye comme Thatcher avec les États-Unis ? Les Arabes ont regardé, comme des spectateurs au cinéma, les forces aériennes et navales nous bombarder. Ils n’ont pas levé le petit doigt. 
(…) La Libye, depuis la révolution de 1969, s’est donc battue en faveur de l’union arabe. Et c’est pour cela qu’elle est devenue l’ennemi numéro un des États-Unis, du sionisme, de l’Occident. Nous n’avions aucun problème bilatéral ni avec les Américains, ni avec les Européens, ni même avec les Juifs. Toutes les catastrophes que nous avons subies s’expliquent par notre soutien aux causes arabes. Ils ont bombardé nos maisons, tué nos enfants… Et, pendant ce temps-là, les Arabes ont regardé sans broncher ».  

KADHAFI TEND UNE DERNIERE FOIS LA MAIN AUX DIRIGEANTS ARABES :
L’ECHEC DU PROJET DE « L’UNION ARABE »
 

Nos media occultent toute l’action positive de la Libye. Des dizaines d’articles oiseux sont publiés chaque semaine sur des aspects marginaux, dépassés ou fallacieux de la Libye. Mais jamais rien sur son action internationale. Il en a été de même du dernier projet de Kadhafi, « L’Union Arabe », calquée sur l’Union européenne. Le guide libyen explique comment il a tendu une dernière fois la main aux dirigeants arabes, en vain :
« C’est sur intervention de plusieurs États arabes ainsi que des responsables de la Ligue arabe que j’ai à nouveau renoncé à quitter la Ligue [mars 2002, NDLR]. Si la Libye sort de la Ligue, l’Égypte sera isolée, le Machrek et le Maghreb seront coupés en deux, m’a-t-on dit. C’est alors que je leur ai proposé une dernière bouée de sauvetage. J’ai présenté mon projet d’Union arabe [30 août 2003], une Union qui remplacerait la Ligue arabe et qui serait dotée d’une Constitution, d’un Conseil présidentiel, d’un Conseil des ministres, d’une Banque centrale, d’un Fonds monétaire, d’un marché commun… J’ai proposé, à l’intérieur d’une confédération ou d’une fédération, la création et le renforcement de groupes régionaux : la Syrie et le Liban formeraient une sorte d’entente, qui légaliserait définitivement la présence militaire syrienne ; le Conseil de coopération du Golfe accepterait l’adhésion du Yémen et de l’Irak, l’Union du Maghreb arabe sortirait de sa léthargie ou de son coma… Les médias n’ont jamais parlé de ce projet, évidemment sur ordre des pouvoirs politiques en place. Mais ils ont beaucoup parlé de choses futiles, comme le règlement des affaires de Lockerbie ou du DC-10 d’UTA. Ils se sont attaqués à Kaddafi…
Les Arabes sont, en fait, incapables de réaliser le moindre projet commun. Ils ont perdu leur dignité, leur honneur. Ils sont finis. Leurs régimes sont finis. Nous ne devons plus perdre de temps avec eux. Désormais, nous appartenons à l’Union africaine, à l’Afrique. Pour la mille et deuxième fois, je demande au peuple libyen de quitter la Ligue arabe sans délai… La Ligue arabe ne vaut rien dans la réalité, ses fonctionnaires ne sont plus payés depuis quatre mois, les pays membres ne versent plus leur contribution… Les Arabes attendent qu’on les écrase, qu’on les égorge, qu’on les coupe en morceaux, qu’on les mange cuits ou grillés… Tous attendent, un État après l’autre, une ville après l’autre, après Bagdad, Gaza, Jénine… 
».

KADHAFI SE DETOURNE DU MIRAGE PAN-ARABE 

Lassé de « labourer la mer » (selon l’expression désabusée de Simon Bolivar épuisé par une vie consacrée au mirage de l’unité latino-américaine), le guide de la Révolution libyenne s’est en effet tourné vers l’Afrique. « La Libye a trop enduré des Arabes, pour lesquels elle a versé sang et argent » déclare-t-il. Jadis Kadhafi rêvait de rassembler le monde arabe tout entier. Aujourd'hui il ne veut plus de ce combat incessant, car « la Ligue arabe est en train de rendre l'âme et les Arabes ne seront jamais forts, même s'ils s'unissent ». Il estime que « le temps du nationalisme est à jamais révolu » et dénonce avec justesse les dirigeants arabes « qui se sont ligués avec les Américains et les Israéliens ». C'est désormais dans l'Afrique seule que le leader de la révolution place tous ses espoirs, un continent « source de grande force » pour la Libye. « les Arabes sont devenus la risée de tous. Ils sont finis. Ils n’ont pas réfléchi à leur avenir, ils n’ont pas voulu s’unir… Aujourd’hui, ils voient les autres, autour d’eux, en train de s’unir. Des petits se joignent aux grands, des grands se joignent aux petits, pour former des espaces encore plus grands ».

« Arabes, mais où êtes-vous donc ? Où sont vos dirigeants ? , interroge Kadhafi. Fini le nationalisme arabe, fini la Nation arabe, fini l’âge d’or des Arabes. Ils sont entrés dans l’ère du déclin. L’Inde, malgré ses sept cents communautés, a constitué un État unique. Les Américains ont formé une fédération de cinquante États. Ils n’étaient pas une nation, mais ils le sont devenus. Il en est de même de la Turquie, de l’Iran, de l’Italie… Nous avons dit aux Arabes : « Unissez-vous ! » Mais personne ne nous a répondu (…) Toi l’Égyptien, toi le Soudanais, toi le Libyen, toi le Tunisien, toi l’Algérien, toi le Marocain et toi le Mauritanien, vous êtes des Africains. Vous ne pouvez plus parler de nationalisme arabe, d’unité arabe. Vous faites partie du continent africain. Vous devez parler de l’Union africaine ».

L’EMBARGO : UN TOURNANT DANS LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE LIBYENNE

L’attitude hostile des états arabes qui ont soutenu l’embargo inique contre la Libye contraste avec le soutien que Kadhafi a reçu en Afrique – notamment de Nelson Mandela, qui voit en lui « l’une des légendes révolutionnaires de notre temps » – pour vaincre l’étouffement économique de son pays. Et elle explique aussi le choix africain du leader libyen.

« Poussée par plusieurs chefs d’État sahéliens, commente L’INTELLIGENT (N° 2188, 15 décembre 2002), l’organisation panafricaine a apporté, en effet, son soutien ferme à la levée de l’embargo économique et aérien contre la Libye, imposé par l’ONU et les États-Unis depuis 1992. Ce soutien, considéré comme historique par les Libyens, a marqué un tournant dans les relations entre Tripoli et le reste du continent ». 

LA LIBYE FER DE LANCE DE L’UNITE AFRICAINE

Kadhafi est un partisan résolu de la « Géopolitique des grands espaces », qui vise à la création de vastes espaces politico-économiques auto-centrés : « Aujourd’hui, le monde a changé. C’est le temps de la technologie, le temps des grands ensembles. Les continents s’unissent en Amérique, en Europe et également en Afrique ».
En mars 2003, il précisait sa pensée au FIGARO : « Le dernier sommet de la Ligue arabe à Charm el-Cheikh n'a-t-il pas démontré l'impuissance des vingt-deux membres de cette organisation à s'unir face au péril qui les menace ? Aujourd'hui je pense moins à l'unité arabe qu'à l'unité africaine. D'autant que les deux tiers du monde arabe se trouvent en Afrique. L'époque des coalitions nationales et religieuses est dépassée. Il faut donner la priorité aux liens géographiques et aux critères démographiques ».
« L’Afrique doit s'unir : Il n'y a pas de temps à perdre. Les défis sont devant nous. Nous sommes tous dans la même tranchée. Nos petites nations n'ont pas d'avenir face aux unions qui se forment en Europe, en Amérique et en Asie », affirme Moammar Kadhafi, devenu le nouveau porte flambeau du panafricanisme moderne – mais on oublie trop souvent à ce sujet que Nasser, dont s’inspirait Kadhafi lors du lancement de la Révolution libyenne en 1969, fut aussi un partisan résolu du pan-africanisme-, lors de son plaidoyer en septembre 1999, à Syrte, en Libye pour la création de l'Union africaine (UA). « Le voeu du leader libyen, qui se dit « investi complètement dans la vision d'une Afrique forte, solidaire et digne » est plus que jamais d'actualité, souligne CONTINENTAL. Au moment où l'intervention militaire en Irak consacre non seulement l'hégémonie américaine, la déroute diplomatique européenne et la faillite des Nations urnes (ONU), mais aussi la désunion d'une Afrique propulsée, bien malgré elle, en première ligne du nouveau désordre mondial. Et pourtant, dans ce siècle naissant encore plus que dans le précédent, pour le continent malade, affaibli, marginalisé, l'union est bien plus qu'une nécessité, c'est une question de survie. L'entrée en vigueur officielle du traité de l'UA lors du trente-huitième et dernier sommet de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud), avait créé l'espoir de réaliser enfin le rêve panafricain, caressé par les pères des indépendances au début des années 60. Mais la recrudescence des violences, les querelles de leadership des chefs d'Etat et la multiplication des conflits politico-ethniques malmènent une unité déjà fort mal au point. Même l'actualité internationale, qui aurait pu permettre à l’Afrique de parler d'une seule voix, fait éclater les profondes divergences de pensée et d'intérêts qui incitent chacun à tirer la couverture à soi. Une prise de conscience s'impose pour une nécessaire mobilisation contre l’hégémonisme occidental en général et américain en particulier ».
L’engagement de la Libye en Afrique est impressionnant, comme l’analyse CONTINENTAL : « Dans sa stratégie d'édification d'un espace africain unifié, le colonel Mouammar Kadhafi a multiplié les accords de coopération avec les pays du continent tout en renforçant ses relations commerciales et les crédits et aides financières au développement. Point d'orgue de cette coopération, avec l'Union africaine, la Communauté des Etats sahélosahariens (Comessa), créée en février 1998 à son initiative. Elle associe aujourd'hui l8 pays, dont certains sont enclavés. Dans ce cadre, a été mis en place une Banque africaine de développement et du commerce dotée d'un capital de 250 millions d'euros, alimenté à 75 % par des apports libyens, et un fonds spécial de solidarité. Au total, les investissements de la Jamahiriya en Afrique se montent à plusieurs milliards de dollars et concernent des domaines, tels que l'agriculture, l'industrie, l'eau, l'électricité, l'élevage et le pétrole. Initiés dès les années 70, ils ont triplé depuis 1998 ».

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# IIe Partie / LA VISION GEOPOLITIQUE EURO-AFRICAINE DE KADHAFI

LA LIBYE, « PONT ENTRE L’AFRIQUE ET L’EUROPE »

Kadhafi à une vision claire de son projet africain et de la place que la Libye entend y tenir : celle d’un « pont entre l’Afrique et l’Europe », selon l’expression de la revue africaine CONTINENTAL (N°25 - juin-juillet 2002) : « Relance du panafricanisme avec l'Union africaine, reprise des relations avec l'Europe, appui au développement du continent noir.... Depuis la fin de l'embargo, la Libye, qui a opéré un retour spectaculaire sur la scène internationale, est sur tous les fronts. Son objectif : devenir un pont entre l'Europe et l'Afrique. La Libye co-organisatrice de la troisième conférence Méditerranée-Europe, veut se placer au centre du partenariat Nord-Sud ».

Ce rôle moteur de la Libye est assumé concrètement : « Après huit longues années d'isolement forcé, le Guide de la révolution a gagné son pari d'ouverture en normalisant ses relations avec la communauté internationale, malgré les réticences américaines, non seulement grâce au puissant attrait que représente le marché libyen pour les investisseurs, mais aussi à son nouveau statut africain qui en fait, envers et contre tous, un leader convaincu et très médiatisé des pays en développement. Prenant sous son aile ce continent noir si mal aimé et si peu considéré, il joue la carte du panafricanisme et multiplie les initiatives pour inciter à l'unité de l'Afrique et à son affirmation sur la scène internationale. Tout en s'efforçant de jouer un rôle de médiateur dans plusieurs conflits, il est sur tous les fronts de la coopération politique, économique, culturelle et même sportive. En s’appuyant sur sa position de riverain de la Méditerranée, il tente doucement de transformer la Libye en un pont, un passage obligé, entre l’Europe et l'Afrique ».

 

LA PLACE DE LA MEDITERRANEE

DANS LA VISION GEOPOLITIQUE DE KADHAFI

 

Le projet de KHADAFI s’inscrit aussi dans une politique de rapprochement euro-arabe et euro-africaine autour de la Méditerranée : «… l'Europe préfère traiter avec des ensembles régionaux. Par exemple, son souhait de voir les pays de l'Afrique du Nord se rassembler avait conduit les chefs d'Etat de cette région à former l'UMA, l'Union du Maghreb arabe. Mais les contentieux entre le Maroc et l'Algérie ont conduit à geler cette communauté. Moi, je n'accepte pas ce surplace. Donc, j'ai enjambé ces problèmes pour former la Comessa. C'est un grand ensemble qui va profiter à l'Europe. »

« Nous voulons la paix en Méditerranée... Nous voulons préserver les intérêts arabes et européens, et développer la coopération entre nous », ajoute-t-il.

L’œuvre entreprise par KADHAFI démontre à l'unanimité que s’il est nécessaire d'unifier les forces progressistes arabes et africaines, il faut aussi tendre à l'unité d'action avec l’Union Européenne comme le souligne Sanoussi JACKEM, ministre de l'Intégration africaine et des nigériens de l’extérieur : « Nous voulons regarder vers la Méditerranée et l'Europe. Les populations du Nord ont longtemps été asphyxiées par la fermeture de notre frontière septentrionale, par où passent près de 90% de l’approvisionnement en produits alimentaires et textiles du nord du pays ».

L’enjeu méditerranéen, c’est-à-dire le rapprochement et l’intégration des deux rives de la « Mare nostrum », de leurs économies et de leurs peuples, est capital. Non seulement pour l’équilibre régional, mais aussi pour l’avenir de l’Europe, comme le rappelle le quotidien économique LES ECHOS : « Au niveau européen, les réformes et le développement économique de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient sont également encouragés par le processus de Barcelone. Ce processus, lancé en 1995 et qui a créé le partenariat euro-méditerranéen liant l'Union européenne aux pays de la rive sud de la Méditerranée, prévoit de créer une zone de libre-échange d'ici à 2010, par le biais d'accords spécifiques entre les parties. Si les intentions d'un tel partenariat sont louables (…), la politique européenne et la politique française en particulier manquent de toute évidence de cohérence. Actuellement, tout sépare les deux rives de la Méditerranée : le revenu de la rive sud représente 30 % de celui de la rive nord ; alors que certains pays de la rive nord ont les taux de natalité les plus bas du monde et que la situation ne va pas en s'améliorant - la population de l'Italie devrait baisser de 20 % d'ici à 2050 -, les pays d'Afrique du Nord ont la population la plus jeune du monde : 40 % de la population de la Ligue arabe a moins de 14 ans. En conséquence, alors que d'ici à quelques années la rive nord de la Méditerranée sera confrontée de plus en plus sérieusement aux problèmes liés au vieillissement de sa population (manque de main-d'oeuvre, financement des retraites, stagnation de la consommation), les pays de la rive sud de la Méditerranée doivent impérativement créer des emplois afin d'essayer d'éviter des explosions sociales et politiques. Les pays de la rive sud de la Méditerranée dépendent dans une très large mesure de l'Europe dans leurs relations commerciales. Plus de 60 % des exportations du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie sont destinées aux marchés de l'Union européenne. La plupart des produits exportés de l'autre côté de la Méditerranée sont des textiles et des produits agricoles. Un accroissement des exportations de produits agricoles de l'Afrique du Nord vers l'Europe contribuerait de manière significative au développement de ces pays. Cet élément, et le fait que les tendances démographiques soient inversées des deux côtés de la Méditerranée, devrait encourager la recherche de solutions communes. C'est en réalité le contraire qui se produit (…) en réduisant les objectifs fixés par le partenariat euro-méditerranéen à des déclarations de bonnes intentions ».
Kadhafi est le premier chef d’état arabe et africain a avoir pris conscience de cet enjeu méditerranéen et à avoir proposé, sans être entendu, l’intégration nécessaire entre l’Europe en voie d’unification et le rivage sud de la Méditerranée, avec son prolongement africain. Alors que chez d’autres – Maroc et Tunisie notamment – existe une prise de conscience locale, égoïste, Il est aussi et surtout le seul à avoir une vision globale de cette intégration, en terme d’espaces et de blocs.

KADHAFI « L’EUROPEEN »


Partisan de l’Afrique, Kadhafi est en effet aussi un « Européen ». Il n’a jamais cessé de soutenir l’unité européenne (notamment l’Euro qu’il voit comme un contre-feu au Dollar), en laquelle il pressent la clé d’un nouveau monde multipolaire :

« Tout ce qui permet de rétablir l'équilibre face à la superpuissance américaine est très utile. C'est la meilleure chance de préserver la paix. Actuellement le déséquilibre est tel qu'il serait peu réaliste d'espérer un rapide changement dans le rapport des forces. Mais si l'Europe, sous le leadership du couple franco-allemand, persiste dans ses efforts, elle aura une chance d'arriver un jour à l'organisation d'un monde moins injuste. Cette démarche est une amorce, le début d'une évolution. L'attitude de Paris et de Berlin n'a-t-elle pas encouragé la Russie et la Chine à s'allier aux Français et aux Allemands ? C'est bien le signe que, parallèlement à l'Amérique, un monde multipolaire aspire à se faire reconnaître. Le couple franco-allemand représente la colonne vertébrale de l'Europe (…) C'est l'exemple des Européens qui encouragera le monde musulman à se montrer solidaire, qui poussera l'Afrique à s'unir. L'attitude du président français a suscité un immense enthousiasme dans les opinions arabes. L'Europe ne doit donc pas céder au pessimisme (…) Vous verrez que l'Otan, qui tirait sa légitimité de la guerre froide, finira par disparaître au profit d'une Euroforce. Les pays européens seront de moins en moins disposés à prendre des risques militaires aux côtés des Américains si Washington ne demande plus qu'une seule chose de ses alliés : qu'ils servent les intérêts des Etats-Unis ».

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# IIIe Partie /

L’OFFENSIVE DIPLOMATIQUE DE TRIPOLI CONTRE LA MENACE AMERICAINE

TRIPOLI DANS LA LIGNE DE MIRE DU REGIME DE BUSH I

Mais tout cela ne détourne pas les faucons de Washington. Et tripoli est dans la mire des « néocons ». « L'attaque contre l'Irak rentre dans un projet de campagne quinquennale », écrit le général Wesley Clark, candidat à la Maison-Blanche et commandant suprême allié de l'OTAN en Europe de 1997 à 2000 (conduisant donc aussi les opérations de la guerre du Kosovo du printemps 1999), dans son livre « WINNING MODERN WARS », qui sera publié prochainement (et dont des extraits sont déjà disponibles sur le site électoral de Clark « Un nouveau patriotisme américain »).

Le boucher des Balkans, qui s’y connaît en guerre d’agression, précise ce qui suit : « Au lendemain des attaques du 11 septembre, beaucoup de personnes au sein de l'administration Bush ont semblé se concentrer sur une action imminente contre l'Irak. C'était la vieille idée de la "sponsorisation d'Etat" : malgré qu'il n'y eût aucune preuve d'une sponsorisation irakienne du 11 septembre, c'était l'occasion pour "se lancer". Je pouvais imaginer quels pouvaient être les arguments. Une guerre pour détrôner Saddam Hussein promettait une action concrète et tangible. Je suis revenu au Pentagone en novembre 2001 et l'un des fonctionnaires militaires les plus hauts gradés trouva le temps de bavarder. Oui, admit-il, nous sommes de nouveau sur le point d'aller contre l'Irak. Mais il y avait autre chose. Ceci - continua-t-il - rentre dans un projet de campagne quinquennale, et il y a un total de sept pays impliqués ». La Libye est bien évidemment l’un de ces pays.

LA LIBYE PROCHAINE CIBLE DE WASHINGTON ?

« APRES SADDAM, KADDAFI ? » s’interrogeait L'INTELLIGENT (N°2200) dès le 15 mars 2003, qui ajoutait « Inscrit sur la liste des « Etats voyous » par les faucons de la Maison Blanche, Tripoli pourrait être la prochaine cible de Washington (…) les faucons de la Maison Blanche ne lâchent pas leur pression sur la Libye qu'ils continuent d'inclure sur la liste des « États voyous » et qu'ils accusent de vouloir se doter d'armes de destruction massive. La Libye, on le sait, figure depuis 1979 sur la liste américaine des parrains du terrorisme international, et les deux pays ont fermé leurs ambassades respectives en 1981. La Jamahiriya est frappée par toute une série de sanctions politiques et économiques américaines, notamment un embargo sur les investissements dans les secteurs pétrolier et gazier. Par ailleurs, la Libye est régulièrement citée, à Washington, parmi les pays arabes où l'administration américaine souhaite provoquer un changement de régime (…) la Libye a été, à plusieurs reprises, au cours des douze derniers mois, la cible d'attaques américaines et britanniques ».

James Woosley, ancien patron de la CIA, l'a confirmé dans une interview au magazine AL-WATAN AL-ARABI. Selon lui, le scénario de la guerre en Irak pourrait être reconduit dans d'autres pays de la région, comme la Syrie, le Soudan ou la Libye. « Les dirigeants de ces pays devraient, en tout cas, s'en inquiéter », conclut-il.

A NOUVEAU LE PRETEXTE DES « ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE »

Le prétexte des « armes de destruction massive », qui a si bien servi pour l’Irak, est à nouveau largement utilisé contre la Libye. Comme pour l’Irak, la propagande occidentale s’est déchaînée, alimentée par les caniches britanniques de Washington, les officines néo-conservatrices et le gouvernement sioniste de Sharon.

C’est le secrétaire britannique à la Défense, Geoff Hoon, qui a ouvert les hostilités, en mars 2002, en déclarant devant la commission de défense de la Chambre des communes que son pays était « prêt à utiliser l'arme nucléaire contre des « Etats voyous » comme l'Irak, l'Iran, la Libye ». 

Dans une communication prononcée en mai 2002 à la « Heritage Foundation », un think-tank néoconservateur basé à Washington, John R. Bolton, sous-secrétaire américain chargé du Contrôle des armements et de la Sécurité intérieure, a cité de nouveau la Libye parmi « les Etats qui parrainent le terrorisme international », l'accusant de « produire des armes chimiques et biologiques », et de « chercher à se doter de l'arme nucléaire ».

Sharon a immédiatement repris ces accusations en septembre 2002, dénonçant « les efforts de la Libye en vue de se doter de l'arme nucléaire ». Selon lui, « Tripoli serait le pays arabe le plus avancé dans ce domaine » et « constituerait, de ce fait, la menace la plus sérieuse pour la sécurité d'Israël ». « La Libye pourrait bien être le premier pays arabe à se doter de l'arme nucléaire », a-t-il affirmé à la télévision israélienne, précisant que « la Corée du Nord, l'Irak et peut-être bien le Pakistan aident le colonel Moammar Kadhafi à mettre au point ces armes, peut-être avec des fonds saoudiens ». « La Libye devient peut-être un pays plus dangereux qu'on ne le croyait », a-t-il conclu, assurant que « l'Etat hébreu réunissait des informations sur ce sujet et qu'il se préparait à faire face à cette menace ».

« Quel est donc le but de la campagne médiatique sur les armes de destruction massive libyennes ? Le colonel Kadhafi serait-il, dans l'agenda secret du Pentagone, la prochaine cible de Washington après Saddam Hussein ? On peut sérieusement le craindre », s’interroge L'INTELLIGENT.

LA LIBYE N’A RIEN A SE REPROCHER

Tripoli a toujours nié ces affirmations, qui sont du reste très difficiles à vérifier. Cela n'a pas empêché les médias américains de les reprendre en choeur, semant ainsi le trouble dans les esprits. On sait ce que valent les accusations de Washington en matière d’ « armes de destruction massive ». Et le cas irakien est là pour le rappeler aux plus sceptiques.

L'INTELLIGENT apporte à ce sujet le démenti du bon sens : « La Libye n'est ni l'Irak ni l'Iran. Elle n'a jamais eu les moyens logistiques et humains de se lancer dans un programme d'armement aussi exigeant. Comment aurait-elle pu, en si peu de temps et en dépit de l'embargo onusien qui lui a été imposé entre 1992 et 1999, se lancer dans une aventure scientifique qui dépasse, et de loin, ses capacités ? »

Interrogé à ce sujet, en septembre 2002, par le journal sioniste en ligne PROCHE-ORIENT.INFO, Yiftah Shapir, ancien officier de l'armée de l'air israélienne, « expert en prolifération d'armement de destruction massive au Moyen-Orient » (selon les sionistes)  et chercheur au « Centre Jaffee pour les études stratégiques de l'Université de Tel-Aviv », que l'on ne peut soupçonner de sympathies pro-libyennes, a émis des doutes sur les capacités libyennes dans ce domaine « et réfute, par ailleurs, les déclarations de Sharon sur la Libye qui dénonçait récemment le fait que Kadhafi veuille se doter de l'arme nucléaire » : « il y a longtemps que je n'ai trouvé la moindre mention de programme nucléaire en Libye (…) La Libye possède des missiles, c'est certain, mais elle est très en retard dans le domaine du nucléaire, très loin derrière l'Iran et l'Irak (…) John Bolton, le sous-secrétaire pour le contrôle des armements et pour la sécurité internationale, est le premier à avoir évoqué cette menace nucléaire libyenne aux États-Unis, en mai dernier. Ensuite, il y a eu un article du journal allemand "Die Welt", dont les sources étaient américaines. C'est tout ce qui existe sur la question. Je pense qu'il y a une motivation politique derrière ces déclarations, car cela n'a aucun sens d'affirmer que la Libye est plus avancée et plus capable dans le domaine nucléaire que l'Iran ou l'Irak ! ».

LA LIBYE EST AUSSI SUR LE CHEMIN DE WASHINGTON EN AFRIQUE

 

Une erreur, partagée par certaines élites libyennes, est de croire que le désengagement pan-arabe de Kadhafi et sa réorientation africaine éloigneraient de Tripoli le danger américain. Car la Libye est aussi sur le chemin des faucons « néo-conservateurs » en Afrique, continent qui est après le Proche-Orient l’un des terrains d’action privilégiés et déclarés du « Nouvel Ordre Mondial » revu par le régime de Bush.

« Le continent en ligne de mire » titrait récemment la revue africaine CONTINENTAL (n° 29, juin-juillet 2003) qui ajoutait : « Du pétrole stratégique à la lutte contre le terrorisme, l'Oncle Sam joue à fond la carte des intérêts particuliers et des relations bilatérales pour semer le désordre et empêcher à tout prix la cohésion du continent. qui ne fait pas son affaire. La stratégie de « diviser pour régner » est aussi efficace en Afrique qu’en Europe ».  Et la volonté unitaire du guide Libyen est dans cette optique un obstacle majeur.

CONTINENTAL rappelait quelques vérités souvent occultées à propos de la nouvelle politique américaine en Afrique : « l’Afrique a tout intérêt à se serrer les coudes, si elle ne veut pas être engloutie dans l’impérialisme américain. Après l’Irak, les nouvelles priorités de Washington dans sa lutte contre le terrorisme concernent directement sa sécurité, son intégrité géographique et sa souveraineté nationale. Certains pays ont le douteux privilège de figurer sur la liste noire de l’ « Axe du mal » établie par les stratèges du Pentagone. Soudan, Somalie, Libéria, Sierra Leone et Libye sont autant d'Etats proclamés "voyous" par l"'Axe du bien" américain, et susceptibles d'être victimes du concept de "guerre préventive" qui permet à l'Oncle Sam de s'ériger en un Deus ex machina, chargé de gérer les affaires du monde, envers et contre tous ».

« Ce qui se passe en Irak est un avertissement suffisant, que dans le futur nous aussi pourrions avoir d'autres soldats qui nous tombent dessus, les armes à la main pour nous contraindre. Si les Nations unies n'ont plus d'importance... Pourquoi devrons-nous, les petits pays d'Afrique qui préparent l'Union africaine, penser que cela n'a pas d'importance et que nous ne serons pas punis si nous sortons de fa ligne », prévient de son côté le président sud-africain Thabo Mbeki.

Dans sa guerre contre Al-Qaida, l'Afrique est aussi dans la ligne de mire de Washington. Le général américain Jim Jones, commandant suprême des forces alliées en Europe au sein de l'OTAN et chef des forces américaines en Europe et en Afrique, a récemment déclaré que « l'Afrique est une menace potentielle pour l'OTAN et pour nos intérêts ». Aussi les Etats-Unis envisagent-ils « d'accroître leur présence militaire au sud de la Méditerranée où de nombreux pays peuvent être déstabilisés dans un futur proche et où de vastes zones sans Etat sont devenues les nouvelles routes des narcotrafiquants et des terroristes ». 

LA DIRECTION LIBYENNE EST TRES CONSCIENTE DU DANGER

La direction libyenne est très consciente du danger. En mars 2003, dans une interview au FIGARO (Paris), Kadhafi répondait à la question « quel est le but stratégique des Etats-Unis ? George W. Bush veut-il redessiner la carte du Proche-Orient ? Après l'Irak, croyez-vous qu'il s'en prendra aussi à l'Iran, troisième pilier de l’ « axe du mal » avec l'Irak et la Corée du Nord ? Qu'il changera le régime saoudien, l'allié soupçonné d'avoir joué double jeu ? Et la Libye est-elle à l'abri ? » ce qui suit : « Lorsque Bush en aura fini avec l'Irak, nous serons très vite fixés. On ne tardera pas à découvrir si l'Iran, l'Arabie Saoudite, la Libye seront également des cibles. Du coup, la politique américaine perdra toute ambiguïté. Ce sera celle d'un nouveau colonialisme. Rétrospectivement, on s'apercevra que l'Irak ne représentait qu'un problème parmi d'autres. Aujourd'hui, George W. Bush essaie de convaincre le Conseil de sécurité de l'ONU que toute une série de raisons justifie le recours à la force contre Bagdad. Mais si, après avoir occupé l'Irak, il s'attaque à l'Iran, tous les motifs prétendument légitimes avancés par Washington tomberont d'eux-mêmes. Plus personne ne croira George W. Bush. On lui dira : « Hier, vous nous parliez de l'Irak seulement. Mais aujourd'hui, vous vous en prenez à l'Iran. Et demain, allez-vous chercher à imposer votre volonté au monde entier, pays après pays ? » A ce moment-là, les choses seront claires et on pourra faire face. Ce nouveau colonialisme entraînera forcément une réaction. Ce sera le début d'un autre cycle d'affrontements ».

L’OFFENSIVE DIPLOMATIQUE DE TRIPOLI

Face aux menaces de guerre, mais aussi aux coups portés par une décennie d’embargo au développement de la Libye, Tripoli a choisi une voie difficile, celle de la diplomatie et des échanges commerciaux. LE FIGARO décrit ainsi l’offensive diplomatique de Kadhafi et les écueils qu’elle doit éviter : « Le jeune révolutionnaire est devenu un vieux sage (…) Il souligne aussi avoir pris conscience du péril intégriste bien avant Washington. Dès 1986 (…) Mais, à Washington, les plus radicaux des conseillers de George W. Bush hésitent à tirer un trait sur le passé. Pour eux, la Libye reste un Etat « voyou ». Kadhafi a donc choisi la prudence. Dans sa tunique d'empereur romain, le regard fier, il a toujours belle allure. Aujourd'hui pourtant, le guerrier parle en diplomate ».

L’offensive libyenne a deux axes.

D’une part renforcer le rôle moteur de la Libye dans le processus d’unification africain, auquel Kadhafi, héritier du pan-africanisme de Nkrumah, a donné l’impulsion décisive au sommet de Syrte en 1999.

D’autre part liquider les dernières séquelles de l’embargo afin d’ouvrir la Libye aux investissements et aux techniciens étrangers, Européens notamment. Car la Libye se veut et se voit comme un pont entre l’Union européenne et L’Afrique en voie d’unité. Et beaucoup de Libyens engagés dans le processus de réforme économique en cours enragent de devoir traiter avec des sociétés anglo-saxonnes plutôt qu’avec des partenaires européens, dont on déplore à Tripoli la timidité.

Luc MICHEL 

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# Luc MICHEL : GEOPOLITIQUE DE LA JAMAHIRIYA LIBYENNE.

LA LIBYE ENTRE MENACES DE GUERRE ET CHANTAGES IMPERIALISTES

Réédition 2013.
Première édition in LE QUOTIDIEN DU PCN - PCN-NCP’S DAILY NEWS -  EL DIARIO DEL PCN / Editorial du N° 777 –  25 oct. 2003.

* Introduction : 

* 1/ Ie Partie – IIe Partie – IIIe Partie :

* 2/ IVe Partie – Conclusions 2003 – Bibliographie :

 

Copyright Luc MICHEL-Editions MACHIAVEL 2003, all rights reserved. 

 

 

   

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Source : Luc Michel

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