Gaza
Comment tirer le
meilleur d'un article de l'AFP
Louis Denghien
Combattant(e)s kurdes à Ras al-Aîn, dans
le nord-est de la Syrie : les Kurdes de
Syrie,
toutes tendances confondues, sont
désormais en guerre ouverte contre les
insurgés islamistes,
mais il faut aller chercher ce « détail
» en queue d’article de l‘AFP…
Samedi 24 novembre
2012 Depuis quelques jours l'AFP,
véritable agence de presse de la
rébellion islamiste, a trouvé un nouveau
« gimmick » éditorial : l’armée syrienne
«
bousculée par une rébellion de plus en
plus audacieuse, a réduit ses ambitions
territoriales, pour se concentrer sur
une ligne partant du sud, passant par
Damas et le centre de la Syrie et
joignant le pays alaouite et la côte,
dans le nord-ouest » du pays.
Des
villes et des quartiers (et même des
bases militaires) disparaissent
À chaque fois le plumitif
de l’AFP
s’appuie sur «
des
analystes« . Quels analystes ? BHL,
Laurent Fabius ? Pierre Piccinin, Hala
Kodmani ? On notera que dans le même
article (du samedi matin 24 novembre) l’AFP
annonce – s’appuyant cette fois sur son
partenaire de l’OSDH – des bombardements
et des combats non seulement à Damas et
à Alep, mais «
sur les
provinces de Deraa (sud), d’Ideb (nord
ouest) et Deir Ezzor (est) ». Et
dans les éditions précédentes, les noms
de Homs (centre-ouest), de Boukamal
(sud-est) et de la province d’al-Hassaké
(nord-est) revenaient souvent.
On ne sait pas dans
ces conditions si l’armée syrienne a «
réduit ses
ambitions territoriales« , mais ce
qui est sûr c’est qu’elle n’a pas réduit
ses interventions et frappes, partout où
elle le juge nécessaire.
Mais il n’est pas étonnant
que l’agence offre ce genre d’analyse à
ses lecteurs, dans la mesure où elle
prend apparemment pour argent comptant
toutes les vantardises militaires des
bandes armées, dont elle minore le plus
souvent la dimension islamiste dure et
tait les crimes. À la limite, pour se
faire une petite idée des succès de
l’armée et donc des défaites de
l’insurrection, il faudrait noter à
chaque fois, sur deux ou trois semaines
ou un mois, les noms qui apparaissent
puis disparaissent ensuite
inexplicablement des articles de l’AFP.
En ce moment c’est la
base 46 (ouest d’Alep) qui est «
tendance », alors que celle de Wadi Deif,
avec la ville voisine de Maarat al-Numan,
dont les noms revenaient quotidiennement
voici à peine un mois, ne sont désormais
pratiquement plus cités. Un peu
comme à Alep, où il est devenu
impossible de trouver dans les articles
les noms de Salaheddine et Seif al-Dawla,
ou à Homs, où Bab Amr semble appartenir
à l’histoire ancienne de la guerre.
Dans le même ordre d’idées,
l’AFP
est devenu assez discrète aussi sur les
rituelles manifestation du vendredi de
l’opposition radicale, qui semble
quelque peu « médiatiquement démodées »
: on a beau être un journaliste partisan
et paresseux, on ne peut pas
indéfiniment faire mousser le rien ou le
pas grand chose !
Pour
l’essentiel allez en bas de page...
Bachar et
Ali Larijani à Damas le 23 novembre : si
l’oposition syrienne peut toujours
compte sur le Golfe,
la Turquie, la France et les
Anglo-saxons, la Syrie a toujours avec
elle la Russie, l’Iran, la Chine,
l’Inde,plusieurs pays latio-américains
et même des nations arabes…
Autre chose encore qu’on ne lit plus
trop : l’ »isolement
» du régime syrien, pourtant un autre
grand gimmick de la couverture française
de la crise syrienne. À ce propos l‘AFP
est bien obligée d’annoncer que la
Russie et l’Iran ont simultanément
condamné l’éventuelle installation de
missiles Patriot américains ou allemands
par les Turcs sur leur frontière avec la
Syrie. Sergueï Lavrov a fait
publiquement remarquer à Ankara, et à
d’autres capitales, que «
plus on accumule d’armes, plus elles
risquent d’être utilisées« . Et le
porte-parole du ministère iranien des
Affaires étrangères a eu la même
réaction au possible déploiement de ces
missiles anti-syriens : «
Non seulement cela n’aide pas à régler
la situation en Syrie, mais de plus cela
ne fera qu’aggraver et rendre plus
compliquée la situation ».
Par ailleurs, vendredi,
alors qu’il effectuait une visite à
Damas, le président du Parlement
iranien, Ali Larijani, a mi en garde
solidairement l’opposition syrienne, le
Qatar et l’Arabie séoudite contre toute
action « aventuriste
» en Syrie.
Ces mises en garde, pour
être attendues, ne sont pas sans effet
sur l’ »ennemi ». En tout cas la mise en
garde russe : le secrétaire général de
l’OTAN, M. Anders Fog Rasmussen en
personne, a décroché son téléphone pour
assurer Lavrov que cet éventuel
déploiement n’était « en
aucune façon une manière de promouvoir
une zone d’exclusion aérienne ou des
opérations offensives« .
Notre première
réaction serait de dire « Ben voyons !
». Mais la deuxième est de constater que
l’OTAN ne peut dans cette région
envisager de bouger sans devoir
téléphoner à Moscou, et c’est
géopolitiquement rassurant « quelque
part ».
Continuons notre lecture de
la prose AFP sur la
Syrie de ce samedi matin. C’est en bas
d’un long article qu’on arrive à ce
qu’on peut considérer comme
l’information « de terrain » essentielle
: « Dans le nord-est, les
principaux mouvements kurdes vont former
une force militaire unie pour faire face
à des centaines d’insurgés islamistes«
. Cet accord s’est fait sous l’égide du
Parti de l’Union démocratique (PYD,
principale formation des Kurdes syriens
et associé au PKK implanté en Irak).
Bref, l’AFP annonce
les mauvaises nouvelles – ou les
nouvelles gênantes de son point de vue –
en queue d’article. Où elle annonce
incidemment aussi qu’un évêque syrien a
lancé « un appel au
secours au Pape » (certainement pas
contre Bachar) et que des journalistes
ont été tués cette semaine par l’armée
(lesquels ?) ET des rebelles : c’est
effectivement le cas, le jeudi 22
novembre, de Bassel Tawfiq Youssef, qui
travaillait à la télévision publique
syrienne et qu a été assassiné par les
amis de l’AFP à Tadamone, dans le sud de
Damas.
Vous
l’avez compris : dans les articles de l’AFP
sur la Syrie, il faut commencer par
la fin !
Publié le 24 novembre
2012 avec l'aimable autorisation d'Info
Syrie
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|