Opinion
Pourquoi le verrou
russe ne sautera pas
Louis
Denghien
En août
2008, la Russie avait montré aux
Américains, par Géorgiens interposés,
qu'elle ne tolérerait plus leurs manoeuvres d'encerclement et de
"grignotage".
Aujourd'hui, Moscou doit
faire face à un défi à maints égards
similaire en Syrie.
Vendredi 18 novembre
2011
Recalés à plusieurs reprises devant
le Conseil de sécurité par la Russie et
les 4 nations du BRICS –
Brésil/Inde/Chine/Afrique du Sud – les
Euro-américains vont à présent essayer
de faire condamner la Syrie par
l’Assemblée générale de l’ONU. Mardi 22
novembre, la troïka – ou le trio
infernal atlantiste, c’est selon –
France/Grande-Bretagne/Allemagne
devraient soumettre un texte devant le
Comité des droits de l’homme de
l’Assemblée générale, avec le soutien « des »
pays arabes. Si un tel texte était
adopté par la majorité des membres de
l’A.G., la coalition antisyrienne
« réattaquerait » le Conseil de
sécurité, espérant avoir cette fois de
bonnes chances de faire basculer les
BRICS et surtout la Russie.
Nous verrons. Mais nous ne croyons
pas, sur la foi des déclarations
répétées du chef de la diplomatie russe
Sergueï Lavrov (voir
notamment notre article « Catherine
Ashton remise à niveau par Sergueï
Lavrov », mis en ligne le 18 novembre),
que la Russie se laissera dicter sa
conduite vis-à-vis de la Syrie : le
précédent libyen est là, et il ne
témoigne guère en faveur de l’honnêteté
et de l’humanisme des Occidentaux. Et
les Russes n’ignorent rien des réalités
que les Occidentaux feignent d’ignorer,
nient ou relativisent : la violence,
ancienne et croissante, des groupes
armés, que l’armée syrienne ne peut
laisser commettre leurs exactions sans
réagir, le soutien d’une majorité de
Syriens à leur gouvernement, ne
serait-ce que par refus du chaos ou de
la théocratie à la séoudienne. Et,
« accessoirement », les conséquences
catastrophiques, pour toute la région,
d’une déstabilisation du pays.
La Syrie enjeu d’un « Grand
jeu » géostratégique
Force est de constater d’ailleurs
qu’à la pression sur le gouvernement
syrien – l’Union européenne vient à son
tour de réclamer le « départ »
de Bachar al-Assad – s’est ajoutée une
pression, guère moins forte, sur les
alliés de la Syrie, du moins ceux
siégeant au Conseil de sécurité, au
premier rang desquels la Russie.
Aujourd’hui, le tandem Medvedev-Poutine
est, presqu’au même titre que Bachar,
dans le collimateur des atlantistes.
Ces deux hommes d’Etat ne nous
paraissent pas du genre à se laisser
marcher sur les pieds ou dicter leur
conduite. Voila pour la dimension
humaine du problème. Mais
quid des
rapports de force géostratégiques ?
Est-ce que Moscou pourrait considérer
que le jeu syrien ne vaut pas la
chandelle, autrement dit que soutenir
Bachar apporterait plus d’ennuis, de
marginalisation diplomatique, que
d’avantages ?
Pour nous, là encore, il n’y a pas
photo : sans même parler des intérêts
militaires ou économiques liant Moscou à
Damas, les Russes ne toléreront plus les
tentatives d’encerclement de leur pays
par les Américains et l’OTAN. La
direction russe n’a évidemment pas
oublié les intrigues ou les ingérences
évidentes de la Maison Blanche en
Ukraine, en Géorgie et dans les
républiques musulmanes ex-soviétiques –
où les Américains ont « pondu » des
bases militaires, plus ou moins
durables. Poutine a du reste largement
contré ces manoeuvres, aujourd’hui. Mais
le « pré carré » traditionnel russe
n’est pas seul en cause : les Américains
et leurs alliés ont, on sait dans
quelles conditions, poussé leurs pions
en Irak et en Afghanistan, ils
continuent aujourd’hui de menacer l’Iran
et la Syrie. Bref, c’est plus
que jamais la « guerre des dominos »
entre Moscou et Washington. Alors, oui,
les Russes n’ont absolument pas intérêt
à ce que la Syrie bascule. Il y a
vraiment une nouvelle guerre froide qui
traverse le globe, et qui implique aussi
la Chine, dont tout indique qu’elle sera
un des rivaux majeurs des Etats-Unis
dans les décennies à venir. Et
Pékin, certes étroitement et massivement
lié à l’économie américaine, est
parfaitement au fait des enjeux
géostratégiques au coeur desquels se
retrouve la Syrie.
Au fond, la seule chose qui pourrait
changer cet équilibre serait une
insurrection massive, ou suffisamment
importante d’une partie du peuple syrien
contre son gouvernement, avec une
alternative politique crédible.
Or rien de tout ça n’existe – sauf bien
sûr dans les communiqués du CNS et de
l’OSDH et les délires lyriques des
facebookeux « démocrates »…
Publié le 18 novembre
2011 avec l'aimable autorisation d'Info
Syrie
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