Syrie
Quand Israël se
sert des rebelles syriens
pour accroître son emprise sur le Golan
Louis Denghien
À défaut
de pouvoir renverser Bachar, les
rebelles auront fourni à Netanyahu
un prétexte pour consolider l’annexion
par Israël du Golan syrien.
Au point où elles en sont arrivés, les
bandes déjà payées par Doha et Ryad
devraient carrément réclamer des armes
et des shekels à Tel-Aviv !
Lundi 7 janvier
2013 Le discours de Bachar
al-Assad a un peu éclipsé la nouvelle,
mais elle n’est pas sans importance ni
signification pour la Syrie et la région
: dimanche Benjamin Netanyahu a annoncé
la construction d’une « clôture
de sécurité » sur la ligne de
démarcation entre Israël et la Syrie,
sur les hauteurs du Golan syrien occupé
depuis 1967 et annexé depuis 1981 par
l’État hébreu. Cette clôture, sur le
modèle de celle séparant déjà Israël des
territoires palestiniens autonomes,
court déjà à vrai dire sur une dizaine
de kilomètres, mais le Premier ministre
israélien a annoncé la réalisation d’un
segment complémentaire d’une soixante de
kilomètres, d’ici 2013.
Raison
officielle et raison réelle
Netanyahu a justifié devant
ses ministres ce « chantier » par la
menace terroriste venue de Syrie : «
Nous
savons que de l’autre côté de notre
frontière avec la Syrie, l’armée
syrienne a reculé et que des agents du
djihad mondial ont pris sa place
(…) Par
conséquent nous devons protéger cette
frontière des incursions du terrorisme,
comme nous sommes en train de le faire
le long de la frontière avec le Sinaï«
.
Passons très vite sur le
fait qu’avec cet ambitieux programme de
« travaux publics », Israël va devenir
le seul État au monde dont les
frontières seront visibles par
satellite, comme l’est la muraille de
Chine : belle et signifiante traduction
de l’isolement et l’enfermement d’un
pays-ghetto, cadenassé de partout. Mais
le Premier ministre noircit – à dessein
– le tableau militaire : l’armée
syrienne est toujours présente à la
frontière du Golan, des incidents ayant
plusieurs fois éclaté dans le secteur de
la ville morte de Quneitra, dans le
secteur démilitarisé sous contrôle de
l’ONU, et plusieurs obus syrien étant
tombés, en novembre dernier, dans la
partie israélienne du plateau,
détruisant ou endommageant un véhicule
aux dires mêmes de Tsahal, et
déclenchant des tirs de riposte de
celle-ci. Bref, l’armée syrienne n’a pas
reculé sur la frontière du Golan, même
s’il est vrai que des bandes rebelles
tentent régulièrement de « transiter »
par la zone démilitarisée (5 kilomètres
dans sa plus grande largeur) qui fait
tampon entre le Golan annexée et le
territoire syrien.
Manifestation de syriens et de
Palestiniens sur la frontière du Golan,
en juin 2011.
L’irrédentisme syrien sur le plateau
n’est guère porté par les bandes
rebelles,
pour qui l’ennemi ne s’appelle pas
Netanyahu mais Bachar al-Assad
En fait, le Premier ministre « faucon »
d’Israël, dont l’intransigeance a
suscité l’agacement – plus ou moins
discret – d’Obama, se sert du prétexte
des djihadistes pour pérenniser
l’emprise de son pays sur un territoire
géographiquement et économiquement
(l’eau) stratégique, dont l’annexion n’a
jamais été reconnue, non seulement par
la Syrie mais par les Nations-Unies.
De l’utilité marginale
de la « révolution syrienne » qui permet
à l’État hébreu de consolider, de la
plus concrète des façons, son emprise
sur un territoire syrien.
On en revient là encore à
la complicité objective avec Israël des
mouvements islamiste radicaux
d’obédience wahhabite ou djihadistes
al-Qaïda qui, au-delà de leurs
divergences de fond, de stratégies et
d’obédiences, ne travaillent qu’à la
destruction d’une nation arabe en
première ligne, géographiquement et
historiquement, du conflit
israélo-arabe, et allié à un des
adversaires les plus déterminés du
sionisme, l’Iran : les barbus qui ont
Allah et le califat plein la bouche ne
tuent dans les faits que des Arabes et
surtout des musulmans, et ignorent
délibérément ce qui se passe au sud du
Liban et à l’ouest de la Syrie,
réservant toute leur meurtrière
détermination à la Syrie : dans les
innombrables communiqués et diatribes
sorties des rangs de la rébellion depuis
des mois, on chercherait en vain le nom
de Netanyahu, Bachar étant, dans leur
logique folle, devenu l’ennemi public
n°1 du monde musulman.
Une attitude qui renvoie à celle – pas
folle du tout celle-là – de leurs
protecteurs et bienfaiteurs du Golfe,
qui n’ont jamais eu, depuis des années,
une attitude très offensive (litote)
envers l’ »entité sioniste«
, réservant tout leur or et leur
influence à la lutte contre l’Iran, puis
la Syrie.
Cette dérive d’un certain
islam politique sunnite est tristement
mais parfaitement illustrée par
l’attitude du Hamas, longtemps aidé et
hébergé par les Syriens, et que les
dollars du Qatar ont conduit depuis à
envoyer des combattants faire le coup de
feu contre l’armée syrienne. Ce n’est
pourtant pas cette dernière qui vient de
pilonner la bande de Gaza et qui
l’asphyxie en permanence. À ce sujet, on
peut sans doute se réjouir du succès de
la toute récente la manifestation du
Fatah, autorisée pour la première fois à
Gaza, qui peut éventuellement faire
contrepoids à la dérive qatari du Hamas
de Mechaal.
Si hypocrites soient-ils,
les propos de Benjamin Netanyahu
renvoient malgré tout à une crainte
réelle des dirigeants israéliens : le
ciel se couvre pour l’État hébreu, qui
n’a jamais eu beaucoup d’amis dans la
région mais qui aujourd’hui voit un
certain nombre de voyants rouges
s’allumer. Moins en Syrie – où la
rébellion n’est pas de taille à
renverser le régime – qu’en Égypte où la
paix conclue par Sadate est moins portée
que jamais par l’opinion – pro ou anti-Morsi,
et où des bandes salafistes se sont
effectivement implantées dans le désert
du Sinaï. Rien n’étant par ailleurs
réglé en Palestine où le Hamas – mais
aussi le Djihad islamique non inféodé à
Doha – ont accru leurs capacités
offensives. Tandis qu’au Liban, le
Hezbollah est plus présent que jamais.
Mais ceci est une autre histoire, qui ne
doit pas nous faire oublier l’essentiel
: Israël, dont
certains responsables ont avoué
cyniquement qu’ils préféraient avoir en
Syrie des djihadistes anarchiques plutôt
que l’État fort de Bachar – pour
justifier leur politique annexionniste
et sécuritaire et affaiblir l’Iran –
profite de la destruction de son voisin,
au Golan en particulier, et dans la
région en général. Voilà au moins un «
apport » de la révolution syrienne sous
perfusion occidentale et wahhabite !
Comme le
rappelle incidemment le
Figaro,
le Golan aussi est devenu une colonie de
peuplement israélienne.
Au mépris des résolutions de l’ONU.
Et avec l’aide objective sinon
volontaire d’islamistes lobotomisés par
le Golfe…
Publié le 7 janvier
2013 avec l'aimable autorisation d'Info
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