Opinion
Mali : Nouveau
caprice français... et machiavélisme
permanent
Linda
Ajami
Mercredi 23 janvier
2013
Subitement, et
sans aucun avis, la France a lancé son
offensive militaire au Mali, baptisée
Serval, contre les combattants
extrémistes du désert africain. La
France ayant placé des pays arabes sous
le mandat et colonisé des pays africains
dans les débuts du XXe siècle, est la
même France qui agresse le Mali, en
2013.Sous prétexte de combattre «le
terrorisme», Paris mène sa guerre contre
le continent noir, transformant son
ancienne colonie en un Afghanistan
africain. L’offensive contre Mali
illustre donc la nostalgie de la France
à son passé colonialiste. L’intervention
militaire, parrainée par les Etats-Unis
et l’occident, vise à rétablir le
pouvoir et la mainmise sur les
ressources naturelles, du pays reconnu
comme étant le Soudan de la France.
Il est indéniable que l’aventure
française sera semée d’embûches, puisque
notamment, les groupes extrémistes et
l’organisation Al-Qaeda, installés dans
la région, menacent de frapper les
intérêts stratégiques de Paris et de
l’Europe dans le monde entier.
«La France recherche donc son ère
glorieuse dans le continent africain,
mais chutera dans le nouveau bourbier,
entrainée par Washington, après avoir
raté ses interventions militaires, en
l’occurrence dans l’opération «amère»
des commandos en Somalie».Par ces
propos, l’analyste Faysal Jalloul décrit
le nouveau caprice de la France. Il
estime que les soldats français n’ont
pas encore oublié la défaite sanglante
en Afghanistan. Un point de vue, que
partagent le professeur des sciences
politiques de l’Université libanaise,
Ghassan Ezzi, et le directeur du Centre
d'études Euro-Arabes de Beyrouth, Mahdi
Chehadé, lesquels affirment que Paris
s’égarera dans les sables mouvants du
désert.
Les enjeux
économiques
Dr. Ezzi énumère les objectifs déclarés
de l’intervention militaire française au
Mali, dont, combattre les groupes
extrémistes armés et cesser leur
extension, maintenir la présence de
l’Etat et la préparation au déploiement
de forces africaines.
Alors
que les objectifs non déclarés, sont
selon Dr. Ezzi, l’hégémonie sur le site
économique stratégique du Mali; ce pays
étant voisin du Niger, où la compagnie «Ariva»
est en charge de l’extraction de
l’Uranium, et de Mauritanie, où la
compagnie «Total» est installée. Le Mali
est de même limitrophe de la
Côte-D’ivoire, un des principaux pays
sur le plan financier et économique, au
sein des anciennes colonies, sans
oublier bien sûr de citer l’Algérie, la
voisine la plus importante.
L’écrivain Faysal Jalloul, confirme cet
avis, signalant que la France veut
mettre la main sur les ressources
minières et minérales. Selon ses propos,
cette région était considérée, tout au
long de l’histoire, comme étant le
Soudan de la France et le quadrilatère
francophone sur le plan culturel et
économique.
Mr. Mahdi Chehadé, souligne pour sa
part, les ambitions de l’Elysée, tenant
à récupérer la position de la France sur
la carte africaine, ainsi que la
mainmise sur les matières premières de
la région, en face de l’extension de la
Chine. De ce fait, la France tente
d’intimider les pays africains, pour
qu’ils ne tentent pas de s’en
affranchir.
Dans une lecture rapide des récents
évènements, M. Jalloul soulève que
l’occupation du village stratégique
«Kona» par les combattants de «Ansar
el-Dine», menaçant d’ouvrir la voie vers
la ville «Mobty» et par la suite vers le
sud de Mali, a poussé les forces
françaises à intervenir sur le terrain.
«Mais les Français ont adopté une
attitude hypocrite, en se dissimulant
derrière la couverture internationale et
la demande officielle du gouvernement
malien», a-t-il ajouté.
M. Chehadé considère en outre que les
affrontements de Mali se sont
transformés en une guerre ayant un
aspect régional voire international. Il
rappelle dans ce contexte que les
tensions sur la côte d’Afrique ont
débuté en mars dernier, à l’issue du
renversement du gouvernement légitime et
la défaite de l’armée loyaliste devant
les groupes des Touaregs et des
«djihadistes».
Clonage de
l’expérience libyenne
Dr. Ezzi compare la guerre contre le
Mali à son homologue libyenne. Selon ses
propos, les Français veulent calquer
cette expérience, sous le slogan de la
lutte contre l’extrémisme et le
terrorisme, au moment où leurs objectifs
réels sont de contrôler la production du
gaz, du pétrole et de l’uranium.
Il attire l’attention sur le fait selon
lequel les groupes armés de Mali sont
une extension de ceux, fondamentalistes,
de la Lybie. «La mort du président déchu
Mouammar Kadhafi a contribué au
déplacement de ces groupes vers le Mali,
dans le but d’y établir un émirat
islamique, armés par les arsenaux de
l’ancien régime de Libye», a-t-il
expliqué.
L’offensive qui revêt la forme d’une
guerre contre les extrémistes, est menée
par trois mille soldats français, en
provenance des bases militaires
françaises du Sénégal, de la
Côte-d’Ivoire, De Burkina-Faso et du
Niger. Ces soldats combattent un nombre
similaire de combattants d’Al-Qaeda, des
Touaregs et de «djihadistes».
D’après M. Chehadé, la guérilla en cours
à l’heure actuelle est en faveur des
«extrémistes» capables de se mouvoir
facilement, contrairement au soldat
français.
M. Jalloul prévoit l’échec de la France
dans la guerre, donnant l’exemple de
l’agression israélienne contre le Liban
en 2006. Il affirme que les combats ne
peuvent être remportés à partir de l’air
et nécessitent des affrontements
terrestres, que la France ne peut faire.
«Les Français s’empressent de trancher
la situation sur le terrain, par le
recours à la force internationale, en
redoutant le combat direct avec les
groupes armés», a-t-il précisé.
Et d’ajouter : «Mali est un grand pays
de l’ouest de l’Afrique, dont la
superficie égalise deux fois et demi
celle de la France, avec un désert
couvrant la partie nord du pays. De ce
fait, il serait difficile de prévoir les
résultats de cette bataille».
Les analystes considèrent que
l’intervention militaire de la France au
Mali, exacerbera les tensions et
pourrait contaminer les pays du
voisinage, ainsi que le territoire
français.
M. Ezzi estime que l’implication de la
France dans le conflit malien, lui fera
payer un prix fort, puisque les parties
extrémistes sont prêtes à affronter
l’agression française, sur la scène
malienne et à l’étranger.
M. Jalloul indique dans ce contexte que
durant les dernières heures, le
ministère français de l’Intérieur a levé
le niveau d'alerte dans toutes les
villes françaises, pour se préparer à
toute urgence.
Bien que l’extrémisme soulève la crainte
de l’occident, notamment de la France,
le président français François Hollande,
selon M. Ezzi, ne jouira guère de
l’appui accordé à son prédécesseur
Sarkozy, dans son aventure libyenne.
«L’Allemagne a émis des réserves,
l’Italie adopte une position neutre et
la Grande-Bretagne a envoyé deux avions
de chasse, dont un est tombé en panne.
Les Etats-Unis fournissent des aides
logistiques et de renseignements, sans
grande importance. Un fait qui a incité
Hollande à visiter les Emirats Arabes
Unis pour y demander l’appui, à la
lumière de la coordination militaire
entre les deux pays».
M. Jalloul s’interroge d’autre part sur
la politique de double poids, double
mesure, suivie par la France à l’égard
de la Syrie et de Mali.
«Si Paris était vraiment soucieuse de
confronter le terrorisme, pourquoi
l’a-t-elle admis en Syrie? Quelles sont
les justifications de son intervention
pour y renverser le régime ?»
Cependant, les trois analystes
interrogés, confirment la difficulté de
la victoire de la France dans un temps
déterminé, notant qu’un tel genre de
guerre dans le désert est interminable.
Ils estiment que la situation du Mali
serait similaire à celle de Somalie.
Selon eux, la solution réside dans le
dialogue par le biais de la
reconnaissance de l’indépendance des
Touaregs, en vue de prévenir le chaos.
Source : Alahednews, traduit
par : moqawama.org
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