|
Ha'aretz
Le blocage des blocs de colonies
Lara Friedman et Hagit Ofran
Sur les fameux "blocs
de colonies", qui feraient "consensus" en Israël, qu'Olmert et
son gouvernement tiennent pour acquises à Israël dans le cadre
d'un éventuel accord de paix avec les Palestiniens et sur
lesquels la position américaine a été pour le moins équivoque.
Rappelons que Hagit Ofran, responsable de l'Observatoire de la
colonisation de Shalom Arshav (La Paix Maintenant) sera notre
invitée à notre meeting du 10 juin à Paris. Elle sera également
à Nice le 9 juin, le 11 à Tours et le 12 à Strasbourg
(précisions à venir). Bien qu¹elle n'aime pas qu¹on le rappelle,
précisons qu¹elle est aussi la petite-fille du philosophe
Yeshayahou Leibowitz. NdT
Ha'aretz, 17 mai 2008
http://www.haaretz.com/hasen/spages/984192.html
Il y a un mois, le Washington Post rapportait que
l¹administration Bush avait conclu avec Israël un accord secret
permettant la poursuite des constructions dans les zones de
Cisjordanie appelées communément "blocs de colonies". Cet
article s¹attachait essentiellement à cet accord supposé (dont
l¹administration américaine dément formellement l¹existence),
sans comprendre l¹importance du sujet. Accord secret ou pas, la
construction par Israël dans et autour des "blocs de colonies"
s¹est poursuivie sans discontinuer tout au long du mandat de
George W. Bush, jusqu¹à ce jour, ne s¹attirant que des remarques
de pure forme de la part des Américains. Il en a été de même
pour la construction de routes et d¹autres infrastructures
destinées à faciliter l¹expansion de ces blocs et à l¹intégrer à
Israël. De même pour le renforcement d¹un système global de
"sécurité" coupant la Cisjordanie de ces zones et isolant les
Palestiniens pris au piège à l¹intérieur.
Le terme de "bloc de colonies" n¹a rien d¹officiel. Israël n¹a
jamais défini officiellement ces blocs. Ni les Palestiniens ni
la communauté internationale (y compris les Américains) n¹ont
reconnu aux blocs de colonies un quelconque statut particulier
par rapport aux autres colonies. De plus, la construction dans
ces blocs est clairement interdite dans le cadre de la phase 1
de la Feuille de route, qui stipule : "[Le gouvernement
d¹Israël] gèle toute activité de construction (y compris pour
des raisons de croissance naturelle des colonies)."
En conséquence, la véritable question n¹est pas de savoir s¹il y
a ou non un accord secret, mais pourquoi Israël a eu
l¹impression tout du long qu¹il disposait d¹une autorisation
spéciale lui permettant de construire dans ces zones.
L¹une des réponses est à chercher dans une lettre qu¹adressait
Bush à Ariel Sharon, alors premier ministre, le 14 avril 2004.
Dans cette lettre, Bush écrivait : "A la lumière des nouvelles
réalités sur le terrain, y compris
d¹importants centres de population israélienne déjà existants,
il est irréaliste de s¹attendre à ce que l¹issue de
négociations sur un statut définitif implique un retrait complet
sur les lignes d¹armistice de 1949 (ligne Verte) S". Les
défenseurs de la colonisation se sont immédiatement emparés de
cette déclaration en l¹interprétant comme un quasi feu vert de
la part des Américains à la poursuite de l¹expansion dans les
blocs de colonies (1).
Depuis lors, l¹opposition à la colonisation dans ces zones se
heurte inévitablement à l¹argument : "Mais tout le monde, même
le président Bush, sait que ces endroits demeureront de toute
façon entre les mains d¹Israël,
alors pourquoi faire des efforts là-dessus ?"
La réponse est simple : si Israël souhaite sérieusement la paix,
l¹avenir de la Cisjordanie doit être négocié et non prédéterminé
par des actes unilatéraux. Aujourd¹hui, le président Mahmoud
Abbas tente désespérément de convaincre son peuple que c¹est la
voie de la négociation et non celle de la violence qui permettra
de répondre à ses aspirations. La poursuite de l¹expansion des
colonies même dans les "blocs" sape à la fois son autorité
et ses positions en faveur de la paix. En même temps, elle
menace la solution à de deux Etats et va à l¹encontre des
intérêts fondamentaux d¹Israël : la fin de l¹occupation, la paix
et la sécurité pour le peuple
israélien.
Le président Bush a eu probablement raison de faire remarquer
qu¹un accord de paix définitif devra tenir compte de la
situation sur le terrain en Cisjordanie, où 40 années
d¹occupation de politique de colonisation soutenue par les
gouvernements israéliens ont, à dessein, créé une situation
nouvelle et compliquée. De fait, dans le cadre du modèle
d¹accord de paix de 2003 connu sous le nom d¹Accords de Genève,
négocié par des Israéliens et des Palestiniens (dont de
nombreuses personnalités importantes sur leur scène politique
respective), les Palestiniens ont accepté l¹annexion de quelques
colonies par Israël en échange de territoires israéliens de
superficie égale. Cette expérience a montré que, dans le cadre
de négociations de paix sérieuses, il est probable qu¹Israël
obtiendrait une bonne partie de ce qu¹il souhaite en ce qui
concerne les blocs de colonies. Mais il n¹obtiendra pas tout,
dans une large mesure parce que ce "tout" (comme les immenses
blocs qu¹Israël est en train d¹étendre et d¹annexer de facto)
est incompatible avec la création d¹un Etat palestinien viable
et territorialement continu.
Passer de la situation actuelle à un accord négocié exigera de
la bonne volonté mutuelle et un leadership palestinien fort et
crédible. Si Israël continue à construire dans les blocs de
colonies, il se retrouvera sans l¹un
ni l¹autre et il perdra, probablement pour longtemps, le
partenaire palestinien le meilleur et peut-être le dernier qu¹il
aura vu.
La semaine dernière, lors d¹un point de presse concernant la
récente visite de Bush au Moyen-Orient, il a été demandé pour la
énième fois au conseiller pour la sécurité nationale Steve
Hadley de clarifier la position américaine sur les colonies
israéliennes. Sa réponse a été sans équivoque : "Il faut qu¹il
soit mis fin à l¹expansion des colonies, point barre." Aucune
mention de blocs de colonies. Les Américains doivent s¹en tenir
à ce message. Et pour leur bien, les Israéliens feraient bien
d¹écouter.
(1) Voir à ce sujet, entre autres : "Le jargon de la diplomatie
israélo-américaine sur les colonies : décryptage"
http://www.lapaixmaintenant.org/article1041
* Lara Friedman est responsable de la politique et des relations
avec le gouvernement au sein d¹Americans for Peace Now. Hagit
Ofran est responsable de l¹Observatoire de la colonisation de
Shalom Arshav. Trad. : Gérard
pour
|