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La France ouvre sa
première base militaire permanente
dans le Golfe persique
Kumaran Ira
Le Rafale M02 - Photo: Acam.asso
Mercredi 17 juin 2009
L'inauguration d'une base militaire française à Abou Dabi,
capitale des Emirats arabes unis (EAU) le 26 mai dernier
démontre que le capitalisme français est désireux d'assurer ses
intérêts dans le Golfe persique et a l'ambition de jouer un rôle
sur la scène mondiale.
Nommée Camp de la paix,
la première base militaire permanente de la France dans les EAU,
qui sont historiquement plus proches de la Grande-Bretagne et
des Etats-Unis, n'est qu'à 150 miles de la côte iranienne. Elle
est proche aussi du stratégique détroit d'Ormuz par où passent
40 pour cent de l'approvisionnement en pétrole du monde. Elle
représente un pied-à-terre pour l'impérialisme français dans une
région militairement dominée surtout par les Etats-Unis.
Cette base comprend une
base aérienne, une base navale, un camp d'entraînement et elle
accueillera jusqu'à 500 soldats français. La base aérienne sera
équipée d'avions de combat Mirage et Rafale de l'armée de l'air
française à al-Dhafra; La base navale comprend 300 mètres de
quai à Mina Zayed et entretient actuellement les navires
déployés dans l'Océan indien. La base terrestre, située dans
l'Emirat de Camp Zayed, dans le désert comprend des équipements
d'entraînement au combat urbain.
Dans son
discours-programme après l'inauguration de la base, le président
Nicolas Sarkozy a dit, « L’implantation militaire française
permanente d’Abou Dabi illustre les responsabilités que la
France, puissance globale, entend assumer aux côtés de ses
partenaires privilégiés, dans une région absolument névralgique
pour le monde entier. » Il a ajouté, « La France s’engage dans
la réalisation de cette implantation militaire, fondatrice d’une
ère nouvelle pour ses relations de partenariat non seulement
avec les Emirats arabes unis mais avec l’ensemble de ses
partenaires au Moyen-Orient. »
Les EAU et la France ont
décidé ensemble d'établir cette base à Abou Dabi lors de la
visite de Sarkozy dans la région du Golfe en janvier 2008. La
création de la base fait partie d'un accord de défense signé en
1995 entre les deux pays.
La base Camp de la paix,
première base outre-mer de la France 50 ans après la fin de la
période coloniale, représente un changement significatif de la
politique étrangère française. Jusqu'à présent, la France avait
concentré ses bases militaires dans ses anciennes colonies
d'Afrique. Sur les plus de 12 000 soldats français déployés dans
le monde, plus de la moitié le sont en Afrique, avec le
contingent le plus important (2800 soldats) à Djibouti dans la
Corne de l'Afrique. La France a 3000 soldats déployés en
Afghanistan.
L'établissement de la
base du Golfe souligne l'intérêt de la France pour ces régions
afin de garantir son approvisionnement en énergie et des marchés
potentiels pour les grandes entreprises françaises, notamment de
technologie énergétique et militaire.
Ces dernières années, la
France a étendu ses relations commerciales avec les EAU. Elle
est un des principaux fournisseurs militaires des EAU depuis la
première guerre du Golfe. Selon des sources de l'Elysée,
aujourd'hui « 50 pour cent de leur équipement militaire est
d'origine française. » Dans un entretien avec WAM, l'agence de
presse officielle des EAU, Sarkozy a dit, « Les Emirats arabes
unis sont aujourd'hui notre premier partenaire dans le Golfe et
le Moyen-Orient. Bien sûr, [c'est] notre premier partenaire
économique dans la région. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les
exportations françaises vers les EAU ont triplé durant les dix
dernières années. Les EAU reçoivent aujourd'hui la moitié des
investissements de la France dans le Golfe. »
La visite de Sarkozy
avait aussi pour but de gagner un contrat de plusieurs milliards
d'euros pour les entreprises françaises de services Total et GDF
et l'entreprise de nucléaire Areva qui cherchent à obtenir un
contrat pour construire des centrales nucléaires civiles dans
les EAU. La France est confrontée à la concurrence de la
compagnie américaine General Electric et de Korea Electric Power
pour avoir des parts dans le projet des EAU de construction d'un
réacteur nucléaire.
Le 25 mai, le
Financial Times citait un directeur de l'Institute for Near
East and Gulf Military Analysis, Riad Kahwaji, « Vu du
côté d'Abou Dabi, ils ont le total engagement d'une autre
puissance occidentale pour la sécurité de cette région et, de
plus, il n'existe plus de monopole d'un seul côté pour la
sécurité de cette région, et il est certain qu'ils vont chercher
à obtenir une plus grande contribution de la France en termes de
transfert de technologie et de programmes économiques et
industriels ensemble. »
Hormis les intérêts que
cela représente sans aucun doute pour les entreprises en
question, des intérêts stratégiques puissants contraignent la
bourgeoisie française à renforcer son influence militaire dans
la région.
L'année dernière, Paris
avait publié un livre blanc sur les plans militaires de la
France pour les 15 années à venir et une réorientation globale
de ses déploiements militaires. D'après ce document la France se
concentrera sur « un axe géographique prioritaire allant de
l'Atlantique à la Méditerranée, le Golfe arabo-persique et
l'Océan indien. Cet axe correspond aux régions où les risques
liés aux intérêts stratégiques de la France et de l'Europe sont
les plus élevés. »
En particulier, cette
démarche de Sarkozy est liée à la redistribution de l'influence
stratégique dans le Golfe, au moment où on voit des attentes
plus grandes de négociations entre les Etats-Unis et l'Iran et
la possibilité d'une amélioration des relations entre ces deux
pays.
Avant sa visite dans les
EAU, Sarkozy avait accordé une longue interview à WAM le 24 mai.
Au sujet du programme nucléaire iranien, il avait dit, « La
crise iranienne est franchement un des problèmes qui menacent la
sécurité mondiale. Ma position était claire, et je dis encore
avec insistance qu'il n'est pas acceptable que l'Iran dispose de
l'arme nucléaire. » [retraduit de l'anglais]
Néanmoins il a bien
accueilli la suggestion du gouvernement Obama qu'il pourrait y
avoir des négociations avec l'Iran. Il a dit, « Je suis
convaincu que cette approche est la meilleure et est peut-être
l'unique possibilité de régler cette question à l'amiable. »
Depuis l'élection d'Obama, les représentants iraniens sont en
faveur de négociations avec le nouveau gouvernement américain.
Durant sa campagne électorale, Obama avait proposé de parler
avec le gouvernement iranien.
Dans son discours
d'inauguration à la base, Sarkozy n'a pas explicitement
mentionné l'influence de l'Iran dans le golfe Persique mais il a
dit la France resterait aux côtés des EAU. « Cette implantation
militaire... est le témoignage concret et fort de notre
souhait » a-t-il dit, « de nous tenir, quoi qu'il advient, aux
côtés des Emirats arabes unis. » En même temps, il a ajouté,
« Cette présence militaire permanente de la France ne vise
personne. »
En réponse à la présence
militaire permanente de la France dans le Golfe, les
représentants iraniens ont dit que la décision des EAU
d'autoriser à la France d'installer une présence militaire à
Abou Dhabi n'améliorera pas la situation de la sécurité dans la
région. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères
iranien Hassan Qashqavi a commenté, « La décision des EAU est
illogique et ne peut être considérée comme une démarche qui va
améliorer la sécurité dans la région. » Il a ajouté, « Autoriser
des étrangers à accroître leur présence militaire dans la région
va miner la sécurité et la stabilité et conduire à une course
aux armements. »
Quant à la presse
bourgeoise française, elle calcule que Sarkozy sera en mesure de
promouvoir les intérêts français dans les EAU en jouant sur les
inquiétudes de la classe dirigeante des EAU de perdre de
l'influence à Washington au moment où les Etats-Unis négocient
avec l'Iran.
Le quotidien français
Le Figaro a écrit le 25 mai, « Le petit État du Golfe
redoute la perspective d'avoir un jour pour voisin un Iran
chiite nucléaire. Abou Dhabi recherche donc de nouveaux
protecteurs. » Et de citer un représentant anonyme impliqué dans
les négociations concernant cette base et qui a dit, « Mieux
vaut deux alliés qu'un seul… Surtout à une époque où les
Américains réévaluent leurs choix stratégiques dans le monde. »
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Publié le 17 juin 2009 avec l'aimable autorisation du WSWS
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